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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mission d'information (Nominations)

Conférence des présidents

Questions d'actualité

Liberté de prescription des médecins

M. Alain Houpert

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé

Industrie pharmaceutique française

M. Jean-Pierre Moga

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Intermittents du spectacle

M. André Gattolin

M. Franck Riester, ministre de la culture

Lignes aériennes d'aménagement du territoire

Mme Josiane Costes

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports

Gratuité des masques

Mme Laurence Cohen

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Réouverture des écoles

M. Joël Bigot

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Brigades sanitaires

M. Michel Amiel

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé

Protection du personnel judiciaire

M. Antoine Lefèvre

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Déconfinement et temps de travail

Mme Martine Filleul

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Soutien à l'apprentissage

Mme Annick Billon

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Annexes

Ordre du jour du mardi 19 mai 2020

Nomination des membres d'une mission d'information

Conférence des présidents




SÉANCE

du mercredi 13 mai 2020

81e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, Mme Françoise Gatel.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Mission d'information (Nominations)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la nomination des 23 membres de la mission d'information sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane.

En application de l'article 21, alinéa 3 de notre Règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Conférence des présidents

M. le président.  - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents réunie ce jour vous ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l'absence d'observations d'ici la fin de la présente séance.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement sous le format adapté que nous avons défini.

Je rappelle à chacune et à chacun le respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars.

L'hémicycle fait l'objet d'un nettoyage et d'une désinfection avant et après chaque séance. Il en est de même pour les micros après chaque intervention. J'invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. La sortie de la salle des séances devra exclusivement s'effectuer par les portes situées au pourtour de l'hémicycle.

Liberté de prescription des médecins

M. Alain Houpert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis le début de l'épidémie, les sénateurs ont eu la sagesse de ne pas entraver sans motif votre action. Mais cette sagesse n'oblige pas au silence.

Vous avez fait des soignants des héros nationaux. Vous avez justifié vos décisions par des avis scientifiques. Mais ne soyons pas dupes : la parole des médecins a été muselée par la doctrine administrative. Les médecins ont été transformés en agents d'État, et la médecine libérale en médecine officielle.

Le 25 mars dernier, vous avez signé un décret qui a tué la liberté de prescrire : vous avez imposé des protocoles de soins, et vous en avez méprisé d'autres. Pour cela, vous avez invoqué l'absence d'essai clinique convaincant, face à des médecins de renom...

Un « essai clinique convaincant », Discovery, a été lancé le 22 mars dernier. Il aura permis de découvrir... un fiasco. Sur 3 200 patients européens attendus, il s'en est péniblement recruté 800 en France et un seul au Luxembourg : c'est en effet très convaincant !

Pendant ce temps, vous avez incité les médecins à prescrire du Rivotril injectable dans les Ehpad, pour dissimuler la pénurie d'autres produits. Tout médecin sait ce que cela signifie.

Monsieur le Premier Ministre, vous avez contraint les médecins à violer leur serment d'Hippocrate. Par respect pour les 27 000 victimes de l'épidémie, quand allez-vous rendre aux soignants leur liberté de prescrire et redonner sa dignité à la médecine, en abrogeant le décret du 25 mars ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - Depuis le début de cette crise, l'État a toujours été aux côtés des professionnels de santé, et en particulier des médecins, à l'hôpital ou en ville. Chacun sait ce que nous leur devons. C'est en travaillant ensemble, sans opposer public et privé, hôpitaux ou cabinets de ville, médecins et infirmiers, que nous avons pu avancer vers une solution.

Plus de 800 essais cliniques sont en cours pour des dizaines de traitements. Les dernières publications validées ne plaident pas en faveur d'un traitement à la chloroquine en pratique courante, en mono ou bithérapie. Les études - notamment françaises - se poursuivent.

La médecine moderne est basée sur les preuves, au contraire de la médecine empirique qui repose sur les intuitions. Restons sur ces fondements, gages de progrès scientifique. (M. François Patriat applaudit.)

M. Alain Houpert.  - Le pire n'est pas de ne pas savoir, c'est de ne pas vouloir savoir. Monsieur le Premier ministre prône l'humilité ; je vous demande de l'humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Marie Bockel et Mme Annick Billon applaudissent également.)

Industrie pharmaceutique française

M. Jean-Pierre Moga .  - (M. Jean-Marie Bockel applaudit.) La crise du coronavirus a aggravé la pénurie de médicaments en France. Et cette situation risque de se dégrader encore à l'avenir.

Dans le Lot-et-Garonne, l'entreprise UPSA a été en première ligne durant la crise, accroissant la production de Dafalgan et d'Efferalgan, assurant la continuité de l'accès au paracétamol. Les mesures sanitaires se sont multipliées et les coûts de production ont augmenté. Or le prix du paracétamol devrait baisser à partir du 1er juin. UPSA continuera-t-elle à produire en France ou va-t-elle se délocaliser, après tant d'autres ?

Hélas, il n'y a pas de vision industrielle dans notre pays. La crise du Covid-19 a révélé à quel point nous étions devenus dépendants de l'étranger. Il y a dix ans, il manquait 40 médicaments en France, aujourd'hui 400 sont en rupture, 2 000 en tension. Quelque 80 % des principes actifs sont produits aux USA, en Inde ou en Chine. En cas de crise, c'est la pénurie.

Le secteur pharmaceutique mérite une approche stratégique.

Madame la Ministre, envisagez-vous une annulation de la baisse du prix du paracétamol ou au moins son report à 2021 ? Quelles solutions envisagez-vous pour relocaliser la production pharmaceutique, en France ou en Europe, dans une optique de politique industrielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Merci de mettre en lumière la contribution de l'industrie pharmaceutique française, fortement mobilisée ces dernières semaines pour soutenir nos soignants.

Je me réjouis d'appartenir à un gouvernement qui a une vision stratégique en matière industrielle, notamment dans la santé.

Le Gouvernement a fait de la reconquête industrielle un des éléments centraux de sa politique économique ; il a créé des emplois industriels en 2017, en 2018, en 2019. Il a instauré un contrat stratégique de filière ambitieux et mis en place un conseil des industries de santé afin de définir un programme clair, accès des innovations thérapeutiques au marché, vision industrielle sur les médicaments, etc.

C'est ainsi que nous avons reporté une première fois la baisse du prix du paracétamol. Il y a un enjeu d'accès des plus précaires à la santé.

Il y a aussi un enjeu industriel, car entre 2008 et 2017, l'industrie pharmaceutique française a vu sa part dans la production mondiale divisée par deux. Fort heureusement, la vision industrielle développée ces dernières années sera accentuée ces prochains mois.

Intermittents du spectacle

M. André Gattolin .  - La culture est un des secteurs les plus touchés par la crise. La vitalité des territoires en souffre. Le Président de la République a annoncé une année blanche pour les intermittents, et un accroissement de leurs interventions au sein de l'Éducation nationale.

La politique menée concernant ce régime est transversale à tous les secteurs culturels, à tous les territoires. Cependant les mécanismes de l'intermittence demeurent complexes. Il faut procéder de manière circonstanciée et prudente.

La prolongation de la date d'échéance des droits des intermittents jusqu'au 31 août 2021 est une avancée. Quid de ceux qui n'atteindront pas les 507 heures nécessaires en 2020 à cause des très nombreuses annulations de spectacles ?

Ne faudrait-il pas augmenter le volume d'heures d'éducation artistique et culturelle dans les établissements scolaires aujourd'hui plafonné à 70 ? En effet, même si elles sont intégrées dans les heures des intermittents, elles restent assujetties au régime général, ce qui réduit les indemnités perçues.

M. Franck Riester, ministre de la culture .  - Les acteurs du spectacle vivant et du cinéma souffrent beaucoup. D'où les mesures d'urgence prises par le Président de la République : prolongation des droits de trois mois, chômage partiel et fonds de soutien pour des aides sociales à destination de ceux qui ne peuvent entrer dans le système de l'intermittence.

Il faut aussi protéger les intermittents dans le temps long : d'où la prolongation des droits jusqu'à la fin août 2021. Les modalités précises seront définies par le ministère du Travail dans les jours qui viennent.

Quant aux interventions en milieu scolaire, elles peuvent être facilitées, depuis la réouverture, par la modification des temps scolaires. Le Président de la République souhaite ainsi renforcer l'éducation artistique et culturelle jusqu'en juin, et au-delà, pendant l'été. Nous ferons prochainement des annonces à ce sujet, avec un déplafonnement des heures d'intervention des intermittents dans les écoles. (MM. André Gattolin, Alain Richard et François Patriat applaudissent.)

Lignes aériennes d'aménagement du territoire

Mme Josiane Costes .  - Alors que la Commission européenne a autorisé une aide de l'État de 7 milliards d'euros à Air France, Bruno Le Maire a évoqué un plan de soutien à l'aéronautique conditionné par des mesures écologiques, et passant par la suppression de lignes intérieures car « quand on peut faire le trajet en train en moins de 2 h 30, l'avion ne se justifie pas ».

Mon rapport de l'automne 2019, intitulé « Contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires », soulignait pourtant que l'activité économique touristique de certains territoires fragiles était subordonnée à l'existence de ces liaisons aériennes.

C'est bien pourquoi ces lignes dites d'aménagement du territoire bénéficient d'un soutien de l'État et des collectivités territoriales.

Or les nouvelles normes sanitaires imposées aux compagnies aériennes auront pour conséquence directe un moindre remplissage des avions, aggravant le déficit d'exploitation, et une hausse du prix du billet, déjà très élevé. Les aides financières, pour des collectivités fragilisées par la crise sanitaire, sont déjà extrêmement lourdes.

Pour les départements excentrés et difficilement accessibles en train, la relance économique est liée à une reprise rapide de ces liaisons aériennes.

Monsieur le ministre, quelles sont les mesures envisagées pour éviter la fragilisation des lignes d'aménagement du territoire qui desservent Aurillac, Brive, Le Puy, Rodez, Castres ou Tarbes, toutes villes préfectures situées à plus de trois heures en train de Paris, voire six heures ? (MM. André Gattolin et François Patriat applaudissent.)

M. Jean-Claude Requier.  - Tout à fait.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports .  - Le trafic sur les lignes aériennes d'aménagement du territoire (LAT) est totalement interrompu depuis le 23 mars, par exemple entre Aurillac et Paris. Toutefois, des « LAT urgentes et temporaires » ont été créées pour assurer la continuité territoriale avec nos territoires d'outre-mer.

Les LAT ne pourront pas redémarrer avant le 2 juin - selon l'évolution de la situation sanitaire. Nous avons toutefois pris des mesures fortes de soutien aux territoires et aux opérateurs : suspension des pénalités pour les vols dont l'annulation n'est pas imputable aux transporteurs et versement des deux premiers acomptes de la part de l'État, soit 80 % de la subvention annuelle, ce qui correspond globalement au paiement des coûts fixes.

Le décret publié hier prévoit pour la période qui s'ouvre des mesures strictes de protection sanitaire : port du masque obligatoire, attestation de non-symptômes, contrôle de température possible à l'embarquement comme le fait le groupe Air France à Roissy. Des normes internationales en cours d'élaboration permettront au transport aérien d'assurer un haut niveau de protection sanitaire dans cette première phase du déconfinement.

Gratuité des masques

Mme Laurence Cohen .  - Après 55 jours de confinement, des millions de Français rejoignent leur travail. Ce sont les premiers de corvées, ouvriers, caissières, éboueurs. Alors que les masques gratuits font cruellement défaut depuis le début de la crise, chacun doit maintenant payer pour se fournir en grande surface.

Pourquoi ne pas assurer la prise en charge à 100 % par la sécurité sociale, comme l'ont demandé les députés communistes et les membres du Parti communiste, qui ont signé la pétition de Fabien Roussel ? Cette mesure couperait court à toute spéculation !

Mme Éliane Assassi.  - Très bien !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - En France, un masque sur deux est distribué gratuitement par l'État : cent millions de masques aux soignants et malades et vingt millions de masques lavables et réutilisables vingt fois à destination des écoles, agents publics et publics les plus précaires, soit au total l'équivalent de cinq cents millions de masques à usage unique par semaine.

La semaine dernière, nous avons encore travaillé sur les moyens d'acheminer de nouveaux stocks, débloquant des barrages douaniers, trouvant des avions, afin que les collectivités puissent distribuer des masques à leurs administrés.

Nous accompagnons les entreprises depuis huit semaines pour qu'elles se préparent au déconfinement. Nous veillons à ce que les prix restent raisonnables grâce aux contrôles de la DGCCRF et au plafonnement des prix.

Mme Éliane Assassi.  - Bref, tout va bien ?

Mme Laurence Cohen.  - J'aurais préféré une réponse du ministre de la Santé.

Nous ne vivons pas dans le même monde car, dans le mien, les masques manquent.

Pourquoi ne pas faire mieux encore qu'un masque sur deux distribué gratuitement ? Il serait très facile, dans ce moment exceptionnel, de décider la gratuité : son coût ne représenterait que 4 % des allègements de charges patronales - du reste épinglés par la Cour des comptes.

La santé publique est une mission régalienne, ne l'oublions pas. Il suffirait d'une volonté politique, mais vous ne l'avez pas. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

Réouverture des écoles

M. Joël Bigot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, des milliers d'écoliers retournent à l'école ; l'inquiétude est grande chez les parents, les enseignants, les élus, et le conseil scientifique estime la rentrée prématurée.

Les protocoles sanitaires sont difficilement applicables. Si bien que certains maires ont décidé de ne pas rouvrir les écoles, comme dans quelques communes de Seine-et-Marne, et ce n'est pas par posture politicienne, croyez-le bien.

Ils sont les mieux à même de juger ; or certaines académies les ont menacés de conséquences fâcheuses, une remise en cause de l'accueil des enfants de soignants par exemple. C'est une manière de leur forcer la main.

Allez-vous maintenir une offre spécifique pour les soignants en zone rouge, et travailler de manière apaisée avec les territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Vous assumez, donc, de renvoyer l'ouverture en septembre, avec les conséquences sociales, sanitaires, sociétales que cela implique ?

Le Gouvernement veut que les enfants retrouvent l'école de la République, d'autant plus fondamentale en période de crise. J'assume les protocoles sanitaires stricts.

Il y a une forte coopération entre les maires et l'Éducation nationale, si bien que 90 % des communes rouvrent leur école. Je ne dis pas que la chose est facile - cela se saurait ! Mais il nous appartient de montrer que nous savons, ensemble, nous retrousser les manches. C'est ce que font les maires, grâce à qui 1,5 million d'enfants retrouvent l'école. Oui, nous continuerons à accueillir les enfants de soignants en zone rouge. S'il y a eu des écarts, je les rectifierai. Mais la volonté politique et la volonté sociale sont là. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Brigades sanitaires

M. Michel Amiel .  - Depuis le 11 mai, quelques milliers de personnes, principalement des agents de l'assurance maladie, sont investies de la mission d'enquêter autour d'un cas positif signalé par le médecin traitant, en première ligne, afin d'identifier les chaînes de transmission.

Quelles garanties pouvez-vous apporter en matière de secret professionnel pour les professions non médicales - les médecins sont très sensibles à ce sujet - ainsi que sur la conservation dans le temps des informations transmises et leur utilisation potentielle à des fins non strictement liées aux soins ou épidémiologiques ?

En déposant, en décembre dernier, une proposition de loi ayant trait à la sécurité sanitaire, je ne pensais pas que le sujet deviendrait aussi rapidement d'actualité. Je ne pensais pas non plus qu'il prendrait une tournure si politique encore que l'on doive s'attendre à des réactions vives dès lors que l'on touche aux libertés individuelles.

Ne serait-il pas utile d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, afin de sortir d'un régime d'urgence pour entrer dans un régime de droit commun ?

Ne serait-il pas opportun de classer le Covid-19 dans le tableau des maladies à déclaration obligatoire, permettant ainsi à l'ARS de déclencher l'enquête autour du cas déclaré ?

Que pensez-vous, enfin, de la prise de position du Conseil Constitutionnel sur le fonctionnement des brigades sanitaires ainsi que sur la sécurité de nos territoires ultramarins qui comptaient sur le dispositif de mise en quarantaine pour protéger la population locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé .  - J'ai travaillé votre proposition de loi ici avec vous ; nous poursuivons le travail de sorte qu'elle soit acheminée à l'Assemblée nationale et aille jusqu'au bout.

L'article 11 de la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire, discuté et amendé la semaine dernière, instaure un dispositif transitoire qui s'inscrit pleinement dans le respect de la déontologie médicale et des libertés individuelles, par un encadrement strict de la CNIL. Il s'agit de prévenir et de protéger pour éviter d'avoir à en revenir à des mesures de confinement strictes.

Les brigades sanitaires agiront à trois niveaux : le médical, l'assurance maladie, qui dispose de collaborateurs pour remonter les cas contacts, et l'ARS, avec des salariés dédiés aux clusters, pour lesquels il y aura un nombre plus important de personnes à contacter.

La seule information recueillie sera l'existence d'un contact, pas sa nature. Des personnels non-soignants de l'assurance maladie recueillent déjà des données de santé. Ils ne feront qu'élargir leur mission. Aucune donnée médicale sensible n'a vocation à être partagée. Les données collectées seront conservées trois mois.

Protection du personnel judiciaire

M. Antoine Lefèvre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Madame la garde des Sceaux, si l'heure du déconfinement a sonné pour une grande partie de la population active, l'activité du personnel judiciaire ou pénitentiaire ne s'était jamais véritablement arrêtée, en vertu de la nécessaire continuité de la justice.

Tout autant que le personnel soignant, les éboueurs ou encore les caissières, chaleureusement applaudis tous les soirs, les avocats ont eux aussi accompli leur mission, à savoir, défendre le justiciable, dans le cadre de comparutions immédiates et souvent malgré le manque de masques ou de matériel sanitaire dans les lieux de rétention.

Et pourtant, près de 40 % des avocats seraient susceptibles de quitter leur profession dans les prochaines semaines, en raison des graves problèmes de trésorerie causés par leur suspension d'activité.

Les magistrats ont été un maillon important de cette continuité judiciaire. Or dans une note du 5 mai, vous avez entièrement laissé aux chefs de juridictions territoriales la responsabilité de décider des mesures de sécurité à respecter, sans pour autant les doter des moyens matériels suffisants.

Je souhaite enfin évoquer la situation des prisons, en soulignant l'engagement et le professionnalisme de toute l'administration pénitentiaire et notamment des surveillants qui ont dû exercer leur mission dans un contexte sanitaire d'autant plus contraignant.

La libération au cours des deux derniers mois de plus de 10 000 détenus, parfois remis en liberté conditionnelle sans avoir pu bénéficier d'une audience dans les délais liés au Covid, met en cause la bonne exécution des peines.

Madame la ministre, avez-vous des solutions solides de soutien à destination des avocats ?

Allez-vous enfin imposer le port du masque au personnel judiciaire et aux justiciables, sur tout le territoire ? Allez-vous tester systématiquement les agents de la pénitentiaire ?

Et enfin, était-il raisonnable de procéder à la libération d'un tel volume d'incarcérés sans garanties solides de réinsertion ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - L'ouverture des tribunaux aux justiciables était impossible mais ils ont continué à fonctionner.

Pour la reprise, nous avons doté les juridictions de masques et précisé par circulaire que leur port était recommandé, voire obligatoire lorsque la distanciation physique ne pouvait pas être respectée. Nous avons porté une très grande attention aux magistrats, ainsi qu'aux greffiers.

Pendant le confinement, j'ai pu, dans le cadre d'un dialogue très fréquent avec la profession, insérer les avocats dans les dispositifs généraux de chômage partiel - pour les salariés - et du fonds de solidarité. J'ai aussi pu doter une aide particulière du ministère de la Justice, sous la forme de 50 millions d'euros versés à titre d'avance sur l'aide juridictionnelle.

Nous avons suivi les recommandations du Conseil d'État sur le port du masque et leur avons donné accès à nos propres fournisseurs.

Dans les établissements pénitentiaires, depuis le 28 mars, tous les surveillants en contact avec les détenus ont un masque. Nous allons aussi en doter les détenus pour les parloirs et les rendez-vous avec les conseillers d'insertion et de probation.

M. Antoine Lefèvre.  - La situation n'est pas aussi idyllique que vous le dites. Les masques, c'est bien ; les tests, c'est essentiel.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - C'est prévu.

Déconfinement et temps de travail

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Alors que les Français tentent péniblement de reprendre progressivement un rythme de vie « ordinaire », les craintes pour notre économie hantent les esprits.

Une vieille marotte libérale a refait surface dans les débats ces derniers jours : la remise en cause des 35 heures, responsables selon certains de tous les maux dont souffrirait notre compétitivité. Le Gouvernement n'a pas vraiment fermé la porte à cette éventualité.

Pourtant, tout au long de cette période, des Français ont travaillé plus, souvent au péril de leur vie. Nous ne pouvons demander aux caissiers, aux éboueurs, aux soignants, aux routiers, à toutes celles et ceux qui ont été les premiers de tranchée, de payer doublement l'effort de guerre en leur enjoignant d'allonger leur temps de travail. Si on leur propose un monde d'après plus injuste et plus rude que celui d'avant, quelle drôle de manière de leur témoigner notre reconnaissance !

De nombreux citoyens se retrouvent au chômage partiel ou ont perdu leur emploi. La question obsédante n'est pas de travailler plus individuellement, mais celle de travailler tous.

Le Gouvernement a-t-il pour projet de remettre en cause les 35 heures ou bien d'encourager le retour à l'emploi de tous les Français par la concertation et le dialogue social ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - L'enjeu est de réussir le déconfinement en limitant la crise économique et sociale. Il faut reprendre l'activité économique dans des conditions sanitaires qui protègent tous les salariés et faire en sorte que les 12 millions de salariés qui ont bénéficié du chômage partiel puissent reprendre durablement leur travail.

Il y a des entreprises en sous-activité, d'autres, minoritaires - production de masques, d'équipements sanitaires ou agriculture - en surchauffe. C'est pour eux que nous avons pris une ordonnance d'augmentation temporaire et limitée du temps de travail. Cependant, aucun décret d'application n'a été publié car les secteurs concernés ont exploité les dispositifs existants pour remplir ces conditions, utilisant notamment les accords d'entreprises.

Nous restons concentrés sur la réussite du déconfinement et pour faire en sorte que tout le monde retrouve du travail.

M. François Patriat.  - Très bien !

Soutien à l'apprentissage

Mme Annick Billon .  - Madame la ministre du Travail, l'apprentissage est en danger. Faute d'actions fortes en faveur de l'apprentissage, de nombreux métiers manqueront de main-d'oeuvre qualifiée dans les prochaines années.

Un premier constat, établi pendant le confinement, fait état d'une baisse potentielle de 30 % des candidats à l'apprentissage. Portes ouvertes annulées, rencontres physiques impossibles, des élèves s'orientent vers les filières générales quand ils n'y sont pas contraints en raison de la défection des maîtres de stage. En effet, des entreprises fragilisées par l'arrêt brutal de leur activité renoncent aujourd'hui à recruter des apprentis. Avec la baisse du nombre d'apprentis, des centres de formation vont être confrontés à des problèmes de financement puisque celui-ci dépend du nombre d'apprentis, à fermer des classes, des spécialités et des niveaux d'étude, à réduire le nombre de formateurs. À terme, cela se traduira par un déficit de compétences pour des métiers déjà en tension.

Première question portée par mon collègue Olivier Henno : quels outils comptez-vous mettre en place pour accompagner les entreprises qui font le choix de recruter et de maintenir des apprentis ?

Seconde question, pouvez-vous envisager, dès la rentrée prochaine et pour une durée limitée, d'élargir le statut de scolaire alternant aux candidats à l'apprentissage qui ne parviendraient pas à trouver une entreprise ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - L'apprentissage est une priorité et une conviction profonde ; il y a trois mois, nous célébrions une hausse historique de 16 % du nombre d'apprentis en France.

À court terme, nous avons prévu la préparation du diplôme en contrôle continu pour que les jeunes concernés ne perdent pas leur année, la mise en place de la formation à distance dans 90 % des Centres de formation d'apprentis (CFA). Ainsi, les apprentis actuels ne perdront pas leur contrat de travail. Nous avons maintenu le coût du contrat pour les CFA.

Il faut un grand élan national pour la rentrée prochaine : l'apprentissage sera aussi une priorité du plan de relance. Nous en parlons avec les partenaires sociaux, les branches professionnelles et tous les acteurs de l'apprentissage. Nous examinerons leurs propositions avec le Premier ministre et tous les ministres concernés, notamment les ministres de l'Éducation nationale et de l'Agriculture et ferons nos propres propositions.

Ne perdons pas l'élan que nous avons pris. Les régions ont accompagné le mouvement pendant cette période, les investissements doivent continuer : c'est l'enjeu de la reprise, pour les petites entreprises, pour la jeunesse. Nous réussirons tous ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Annick Billon.  - Ma question portait davantage sur la rentrée... La Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (Capeb), les CFA, tous les acteurs, dont les régions, ont fait des propositions. En septembre, il sera trop tard. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe SOCR)

M. le président.  - Prochaine séance de questions d'actualité, mercredi 20 mai, à 15 heures.

Nous tiendrons le mardi 19 mai, à 14 h 30 et le soir, une séance pour le débat sur les perspectives de la saison estivale, notamment pour les activités touristiques et culturelles au regard de l'épidémie.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance, mardi 19 mai 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 15 h 50.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mardi 19 mai 2020

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente M. Philippe Dallier, vice-président

Débat sur les perspectives de la saison estivale, notamment pour les activités touristiques et culturelles, au regard de la situation liée à l'épidémie (demande du groupe Les Républicains)

Débat portant sur les modalités de réouverture des établissements d'enseignement ainsi que sur les conditions d'organisation des concours et examens et de préparation de la prochaine rentrée scolaire

Proposition de loi relative aux Français établis hors de France, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°365, 2019-2020) (demande du groupe Les Républicains)

Nomination des membres d'une mission d'information

Les 23 membres de la mission d'information sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane sont : M. Guillaume Arnell, Mme Maryse Carrère, M. Olivier Cigolotti, Mme Catherine Conconne, MM. Michel Dagbert, Philippe Dallier, Mathieu Darnaud, Mme Chantal Deseyne, M. Jean-Luc Fichet, Mme Joëlle Garriaud?Maylam, MM. Fabien Gay, Joël Guerriau, Mmes Victoire Jasmin, Muriel Jourda, MM. Antoine Karam, Jacques Le Nay, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Vivette Lopez, MM. Pascal Martin, Georges Patient, Mme Claudine Thomas et M. Jean-Pierre Vial.

Conférence des présidents

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 19 mai 2020

À 14 h 30 et le soir

- Débat sur les perspectives de la saison estivale, notamment pour les activités touristiques et culturelles, au regard de la situation liée à l'épidémie (demande du groupe Les Républicains)

- Débat portant sur les modalités de réouverture des établissements d'enseignement ainsi que sur les conditions d'organisation des concours et examens et de préparation de la prochaine rentrée scolaire (demande de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication)

- Proposition de loi relative aux Français établis hors de France, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°365, 2019-2020) (demande du groupe Les Républicains)

Mercredi 20 mai 2020

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 26 mai 2020

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19 (procédure accélérée) (A.N., n°2907)

Mercredi 27 mai 2020

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 15 à 20 h 15

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

- Débat sur le thème : « La crise du Covid-19 : révélateur de la dimension cruciale du numérique dans notre société : quels enseignements et quelles actions ? »

- Débat sur le thème : « La crise du Covid-19 : relocalisation des productions stratégiques pour assurer notre souveraineté. Lesquelles, où, comment ? »

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19 (procédure accélérée)

Jeudi 28 mai 2020

De 9 heures à 13 heures

(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)

- Proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français, présentée par Mme Josiane Costes et plusieurs de ses collègues (n°311, 2019-2020)

- Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, visant à encourager le développement de l'assurance récolte, présentée par MM. Yvon Collin, Henri Cabanel, Mme Nathalie Delattre et plusieurs de leurs collègues (n°708, 2018-2019)

De 14 h 30 à 18 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)

- Proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires, présentée par MM. Patrick Kanner, Claude Raynal, Vincent Éblé, Mme Laurence Rossignol et M. Jacques Bigot et plusieurs de leurs collègues (n°339, 2019 2020)

- Débat sur le thème : « Les conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire »

Éventuellement, à l'issue de l'ordre du jour de l'après-midi et le soir

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19 (procédure accélérée)

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 2 juin 2020

À 14 h 30 et le soir

- Proposition de loi tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d'une menace ou d'une crise sanitaire majeure, présentée par MM. Jean-François Husson, Vincent Segouin, Mme Catherine Dumas et plusieurs de leurs collègues (n°402, 2019-2020) (demande du groupe Les Républicains)

- Proposition de loi portant création d'un fonds d'urgence pour les Français de l'étranger victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs, présentée par M. Ronan Le Gleut et plusieurs de ses collègues (n°312, 2019-2020) (demande du groupe Les Républicains)

Mercredi 3 juin 2020

À 15 heures

- Questions d'actualité au Gouvernement

De 16 h 15 à 20 h 15

(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)

Cet ordre du jour sera réglé ultérieurement.

Jeudi 4 juin 2020

De 9 heures à 13 heures

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)

- Proposition de loi relative au statut des travailleurs des plateformes numériques, présentée par M. Pascal Savoldelli et plusieurs de ses collègues (n°717, 2018-2019)

- Proposition de loi visant à garantir l'efficacité des aides personnelles au logement, présentée par Mme Cécile Cukierman et plusieurs de ses collègues (n°372, 2019-2020)

De 14 h 30 à 18 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à répondre à la demande des patients par la création de Points d'accueil pour soins immédiats (n°164, 2019-2020)

- Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux (n°290, 2019-2020)