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Table des matières



Accord en CMP

Sortie de l'état d'urgence sanitaire (Nouvelle lecture)

Discussion générale

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites et auprès de la ministre du travail, chargé de la protection de la santé des salariés contre l'épidémie de covid-19

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Maryse Carrère

M. Julien Bargeton

Mme Éliane Assassi

M. Dany Wattebled

M. Yves Détraigne

Mme Jacky Deromedi

Question préalable

Annexes

Ordre du jour du mardi 7 juillet 2020




SÉANCE

du jeudi 2 juillet 2020

2e séance de la session extraordinaire 2019-2020

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

Secrétaires : Mme Catherine Deroche, Mme Annie Guillemot.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi permettant d'offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de covid-19 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Sortie de l'état d'urgence sanitaire (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire.

Discussion générale

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites et auprès de la ministre du travail, chargé de la protection de la santé des salariés contre l'épidémie de covid-19 .  - Nous aurions préféré qu'au 10 juillet, l'épidémie soit définitivement derrière nous ; et nous aurions préféré organiser le rétablissement immédiat et total des règles de droit commun. Malheureusement, la situation reste préoccupante à Mayotte et en Guyane. C'est pourquoi, nous avons prorogé l'état d'urgence dans ces deux territoires.

En métropole, le virus est encore là. Nous avons recensé cinq cents nouvelles contaminations au 30 juin et trois cents foyers épidémiques.

La CMP n'est pas parvenue à un accord et le Gouvernement le regrette. Un travail de grande qualité avait été mené dans les deux chambres, notamment à l'article 2 sur la conservation des données à des fins de surveillance épidémiologique, qui a fait l'objet d'un vote conforme.

Le principal désaccord porte sur le retour de l'épidémie au niveau local et les moyens pour l'éviter.

La ligne du Gouvernement a toujours été claire : éviter tout risque de reprise de l'épidémie et être capable d'agir rapidement, sans avoir à déclencher une nouvelle fois l'état d'urgence. Ce projet de loi est la seule alternative entre deux écueils, sortie sèche et prorogation de l'état d'urgence sanitaire.

Lors des débats parlementaires sur la loi du 23 mars, il a été convenu de réviser l'ensemble du dispositif de gestion des crises sanitaires. Un débat global pour redéfinir le cadre de l'état d'urgence sanitaire interviendra avant le 1er avril 2021 comme le Sénat l'a souhaité.

Le risque de deuxième vague existe. Les exemples étrangers ne manquent pas. Allemagne et Royaume-Uni durcissent localement les conditions.

L'état d'urgence sanitaire a été mis en oeuvre parce que nous n'avions pas le choix. Le Gouvernement souhaite disposer d'outils pour éviter la propagation du virus sans avoir à rétablir l'état d'urgence sanitaire.

Le désaccord persiste toutefois, même si le texte de l'Assemblée nationale en nouvelle lecture tient compte de certains apports du Sénat.

Le Gouvernement vous invite à adopter ce texte garant des libertés fondamentales et protecteur de notre santé.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur .  - Nous avons beaucoup participé à l'élaboration de la loi du 23 mars et avons été force de proposition en vue de l'adoption de la loi du 11 mai. Le Sénat a répondu présent à chacune des étapes de la lutte contre le covid-19, plus grand fléau sanitaire que la France ait connu depuis près d'un siècle.

Nous avions voulu, forts de notre expérience, poursuivre sur la même voie pendant la discussion de ce texte dont le titre indique qu'il porte sur la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Mais nous nous sommes heurtés à une difficulté indépassable : ce texte reconduit purement et simplement des pouvoirs conférés à l'exécutif dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Nous nous sommes demandé ce que vous vouliez. Si vous souhaitiez proroger l'état d'urgence sanitaire, il fallait le dire. Sinon, il suffisait de vous présenter devant le Parlement avec un texte qui ne contenait pas de mesures relevant de l'état d'urgence sanitaire.

Notre raisonnement vous a sans doute paru trop simple. Mais dans sa robustesse, j'allais dire sa rusticité, il nous a paru devoir s'imposer. Aussi, nous avons adopté des dispositions strictement calibrées en fonction des besoins exprimés par le Gouvernement en première lecture. Et si la situation devait se dégrader, le Gouvernement pourrait réactiver l'état d'urgence sanitaire par décret, y compris sur une partie du territoire national, et en le prorogeant à l'expiration d'un délai d'un mois.

Nous sommes d'accord avec les finalités que vous énoncez, mais en désaccord avec le texte que vous proposez. Pour beaucoup de nos concitoyens, l'état d'urgence sanitaire est devenu synonyme de confinement. Le Gouvernement a sans doute voulu les préserver en tentant de conserver les moyens de l'état d'urgence sanitaire mais sans le dire. Au fond, vous souhaitez la fin de l'état d'urgence sanitaire sans vous priver de l'état d'urgence sanitaire.

Pardonnez ma rusticité qui est celle d'un élu du bocage normand, qui s'y connaît en produits dérivés du lait... (Sourires)

Il nous a semblé que nos concitoyens avaient davantage besoin de vérité et de responsabilité que d'infantilisation.

Nous vous avons mis au pied du mur et nous ne vous avons pas convaincus. Tant pis. Aussi, nous nous acheminons vers un rejet du texte qui ne remet pas en question les moyens que nous vous avons donnés pour lutter contre l'épidémie.

Nous vous demandions d'assumer de la clarté vis-à-vis de nos concitoyens ; vous ne l'avez pas fait.

Je n'ai ni colère ni acrimonie. Le Sénat est bienveillant et génériquement constructif. Il s'efforce toujours de trouver des solutions. Mais il a sa personnalité et ses exigences. On ne lui fait pas faire ce qu'il ne veut pas faire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SOCR)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Alfred de Musset a écrit une pièce célèbre : ll faut qu'une porte soit ouverte ou fermée.

Ou bien vous maintenez l'état d'urgence sanitaire ou bien vous l'interrompez. Et voilà que vous proposez quelque chose d'hybride. D'un côté vous arrêtez l'état d'urgence sanitaire au 10 juillet, et de l'autre vous conférez au Premier ministre l'ensemble des dispositions qui constituent l'état d'urgence sanitaire. Ce n'est pas clair.

D'autant que les prérogatives que vous confiez au Premier ministre n'ont rien d'accessoire : interdictions de circuler, fermeture provisoire des établissements recevant du public - ce qui touche au droit de réunion -, restriction au régime du droit commun en matière sanitaire.

Pourquoi agir ainsi, alors qu'il est possible à tout moment de réunir le Parlement ? Le président de la commission des lois a confirmé que nous étions prêts à venir au mois de septembre, s'il le fallait.

Nos collègues de l'Assemblée nationale ont supprimé l'un des apports essentiels du Sénat appuyé sur les recommandations du Conseil d'État. Le désormais célèbre article L.3131-1 du code de la santé publique confère au ministre de la Santé les pouvoirs nécessaires en cas de risque majeur. Le Conseil d'État indique que cet article n'est pas suffisamment précis et nous y avons travaillé. Mais rien n'impose cette situation hybride injustifiée, qui consiste à donner au Premier ministre les pouvoirs qu'on lui retire en supprimant l'état d'urgence sanitaire.

Parmi les points positifs, il y a l'article 2, que notre commission a voté, puisque les données ne seront conservées qu'à des fins scientifiques.

Les situations très difficiles de Mayotte et de la Guyane sont prises en compte, ce que nous saluons. Le dialogue avec l'outre-mer a été particulièrement fructueux, car il a permis d'enrayer la crise sanitaire grâce aux tests sans obérer le tourisme.

Enfin, le groupe socialiste et républicain a déposé un amendement pour rendre publics les avis du Conseil scientifique.

Nous aurions souhaité que le droit de manifester soit rétabli dans sa plénitude dès la promulgation de ce projet de loi ; ce ne sera pas le cas.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste soutiendra la question préalable.

Monsieur le ministre, beaucoup d'ordonnances n'ont pas été ratifiées. On a suggéré dernièrement qu'elles pourraient être examinées par la procédure du vote en commission. Il faudrait y réfléchir, car nous ne saurions accepter que les droits du Parlement soient bafoués au point qu'on ne nous présente aucun texte de ratification de ces ordonnances. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains)

Mme Maryse Carrère .  - Il ne fait aucun doute que la motion tendant à opposer au projet de loi la question préalable sera adoptée, privant notre assemblée de la possibilité d'examiner ce texte.

En première lecture, le groupe RDSE avait globalement adhéré aux apports du Sénat. Le virus circule toujours et il fallait donner au Gouvernement les moyens ponctuels, voire localisés de réglementer.

Après l'échec de la commission mixte paritaire, nous revenons au texte initial qui n'est ni plus ni moins qu'un vrai faux état d'urgence.

La prolongation pendant quatre mois des prérogatives du Premier ministre en matière de déplacements et de règles sur les établissements accueillant du public ne nous choque pas outre mesure. II n'en est pas de même des restrictions concernant les rassemblements sur la voie publique, qui touchent au coeur de nos libertés fondamentales. Il s'agit là d'une banalisation de l'exception.

En cas de seconde vague un simple décret permettrait de déclarer l'état d'urgence. J'entends l'objectif de célérité, mais ces mesures risquent d'ôter toute valeur au véritable état d'urgence sanitaire. Elles affaiblissent également le Parlement qui n'est même plus consulté sur un sujet d'une extrême sensibilité. Si l'on ajoute le recours à de nombreuses ordonnances, on pourrait croire qu'il ne fait pas bon débattre.

Un mot sur l'article 2 : doit-on avaliser l'extension de la durée de collecte des données alors même que nous n'avons à ce jour tiré aucun bilan ni aucune analyse des fichiers mis en place ni de l'application StopCovid ?

Nos compatriotes de Mayotte et de Guyane sont fortement mis à l'épreuve. La question de la reprise des liaisons aériennes se pose. Les solutions de notre collègue Stéphane Artano nous semblaient réalistes et réalisables, garantissant à la fois la protection des populations faiblement touchées et la circulation des personnes.

Malheureusement, la question préalable nous empêchera de revenir sur ces points.

Même si nous partageons l'avis du Sénat sur le fond, nous voterons contre la question préalable conformément à la doctrine du RDSE de toujours débattre pour confronter les positions.

Cette mésentente est d'autant plus dommage que le Sénat avait fourni des outils au Gouvernement sans remettre en cause nos libertés.

M. Julien Bargeton .  - Nous aurions dû avoir un texte de la commission dans la continuité du dialogue constructif engagé entre les deux chambres.

Je ne déplore pas sur le fond le choix de la commission des lois. Ce texte intègre un certain nombre d'équilibres et d'apports du Sénat. Mais je regrette, au regard de l'attitude constructive du Sénat, que nous n'ayons pas dépassé des points de divergence comme le niveau de gestion de l'apparition de clusters localisés.

Le Sénat avait approuvé, en première lecture, l'économie générale du texte et le principe d'un régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Cette troisième voie était nécessaire entre sortie sèche et prorogation de l'état d'urgence sanitaire.

Autres apports du Sénat : l'encadrement des conditions de réglementation des rassemblements sur la voie publique, ou encore les dispositions sur la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

Les convergences étaient nombreuses, notamment à l'article 2 relatif à la recherche et à la surveillance épidémiologique, ou encore sur le maintien du Conseil scientifique jusqu'au terme de la période transitoire. Sans faux-semblant, l'Assemblée a pris acte de notre dialogue constructif.

Il est vrai que la rapporteure de l'Assemblée nationale n'a pas suivi le Sénat sur la circulation des personnes et des véhicules, à l'article premier. Mais il fallait garantir les conditions d'une maîtrise rapide et adaptée de l'épidémie au niveau territorial.

Bien sûr il faudra revenir sur l'article L.3131-1 du code de la santé publique. Nous attendons le 1er avril 2021 pour procéder à une révision générale de l'arsenal de gestion des crises sanitaires.

Nous pourrons ainsi tenir compte des enseignements tirés par des travaux qui ne sont pas achevés.

Je veux conclure avec la figure de Janus. Non parce que ce projet de loi a deux faces mais parce que cette figure incarne la transition entre le passé et l'avenir. Nous devons aller de l'avant en tirant les leçons du passé. Telle est la ligne de crête que nous voulons suivre.

Le groupe LaREM s'opposera à la motion tendant à opposer la question préalable.

Mme Éliane Assassi .  - Si le principe même de la navette parlementaire a un sens, il faut surtout laisser du temps au débat et peser les arguments des uns et des autres.

Or hier en fin d'après-midi, le compte rendu de la séance consacrée à la nouvelle lecture de ce texte à l'Assemblée nationale du 30 juin n'était toujours pas en ligne. Pourquoi une telle précipitation alors que la fin de l'état d'urgence sanitaire n'est que dans dix jours ?

Notre groupe a voté sans hésitation contre ce texte en première lecture car il maintenait des dérogations exorbitantes au droit commun.

Nous avions dénoncé le projet du Gouvernement de donner au Premier ministre le droit de restreindre les libertés sans consulter le Parlement.

À l'annonce de ce projet de loi, la majorité sénatoriale avait élevé le ton ; elle s'est arrêtée au milieu du gué, maintenant la possibilité de réglementer les libertés publiques. Or une réglementation tatillonne peut entraîner une grande restriction des droits.

L'Assemblée nationale n'a que peu cédé en commission mixte paritaire, circonscrivant géographiquement des restrictions très sévères aux libertés.

Pourquoi ne pas avoir rejeté ce texte d'emblée ? L'article L.3131-1 du code de santé publique donne des pouvoirs très larges au ministre de la Santé dans les circonstances exceptionnelles.

Ce texte témoigne d'une volonté de contrôler la contestation sociale, notamment avec l'absence de réponse aux demandes légitimes du personnel soignant. Ces urgences-là, vous ne les abordez pas.

Quand allez-vous renoncer à votre réforme injuste du chômage ? Il y a urgence.

Le groupe CRCE aurait voté contre ce texte ; mais il votera cette question préalable malgré ses divergences avec la majorité de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

M. Dany Wattebled .  - L'épidémie est maîtrisée mais pas finie : le virus circule encore dans et hors de nos frontières et dix millions de personnes sont ou ont été confinées.

La crise n'est pas derrière nous, mais nous devons sortir de l'état d'urgence sanitaire et recouvrer progressivement nos libertés. C'est l'objet de ce texte qui ménage une transition jusqu'à la fin octobre.

Le temps imparti pour son examen est insuffisant pour un texte aussi important ; malgré tout, le Sénat a su clarifier le texte en première lecture.

Le principal point de désaccord a porté sur l'article L. 3131-1 du code de la santé publique que le Sénat a voulu préciser.

Nous avons été sensibles aux restrictions très importantes aux libertés de manifester, de circuler, aux fermetures d'établissements recevant du public.

La gestion de l'épidémie après la fin de l'état d'urgence doit respecter un équilibre entre liberté et sécurité des citoyens. Les Français sont responsables et conscients des risques. Ils appliquent les gestes barrières. En l'absence de traitement et de vaccin, la prudence doit rester de rigueur.

Les mesures de gestion de l'épidémie doivent être adaptées aux territoires, avec une vigilance particulière sur la répartition des attributions entre les collectivités territoriales et l'État, particulièrement dans les outremers.

À situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles. Mais quand la situation sanitaire revient à la normale, il faut aussi un retour progressif aux libertés.

M. Yves Détraigne .  - Plusieurs membres de notre groupe étaient pour le moins sceptiques lors de l'examen en première lecture au Sénat, sur l'opportunité de ce texte en pleine période de déconfinement, sur la nécessité réelle, juridique, d'adopter les dispositions proposées par le Gouvernement. Ils ont évoqué une prorogation de l'état d'urgence sanitaire ne disant pas son nom.

Plusieurs de nos collègues ont insisté sur le fait que la sortie de l'état d'urgence ne privait pas le Gouvernement de moyens juridiques suffisants pour gérer la sortie de crise.

Le code de la santé publique contenait déjà de nombreuses dispositions de droit commun permettant à l'exécutif d'agir efficacement dans le cadre d'une épidémie, améliorées par le Sénat, à travers l'article premier bis A qui réécrivait l'article L. 3131-1 dudit code.

La commission des lois avait aussi remodelé l'article premier, en limitant strictement ces prérogatives aux nécessités de la gestion sanitaire dans le cadre du déconfinement, sachant que le Gouvernement pouvait toujours rétablir l'état d'urgence sanitaire en cas de reprise de l'épidémie.

Ce point d'équilibre raisonnable avait convaincu une majorité de notre groupe. Hélas, le Sénat n'a pas été entendu en CMP, l'Assemblée nationale ayant quasi intégralement rétabli le texte qu'elle avait adopté en première lecture. Il est logique que nous ne souhaitions pas poursuivre ce dialogue de sourds.

Je signalerai, à la demande de Gérard Poadja, deux précisions apportées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, aux articles 3 et 4 : les prérogatives du Haut-Commissaire s'exercent désormais, « dans le strict respect de la répartition des compétences entre l'État et la Collectivité de Nouvelle-Calédonie, et de la Polynésie ». Cela répond à une crainte d'étatisation de la compétence sanitaire dans ces deux territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Jacky Deromedi .  - Nous nous retrouvons pour la nouvelle lecture de ce texte sur lequel la CMP, jeudi dernier, n'a pu trouver d'accord.

C'est malheureux : tout comme l'entrée dans l'état d'exception représente un moment délicat de la vie institutionnelle et parlementaire, dans lequel l'unité la plus large est souhaitable, la sortie de cet état aurait dû se faire dans des circonstances comparables.

Or une réelle recherche de compromis eût pu avoir lieu, grâce aux efforts de notre président-rapporteur, Philippe Bas, qui incarne depuis le début de cette crise sanitaire le pragmatisme sénatorial. Les divergences de fond qui demeuraient se sont cristallisées sur la question des pouvoirs à maintenir dans les mains du Gouvernement.

Notre assemblée estimait que le retour à la normale devait s'accompagner d'une diminution des pouvoirs coercitifs confiés à l'exécutif. Cela ne nous désarme pas face au virus, puisqu'il était toujours possible de rétablir l'état d'urgence sanitaire sur tout ou partie du territoire, si nécessaire, en appelant les choses par leur nom, plutôt que de se livrer à des contorsions sémantiques et juridiques qui sèment le trouble chez nos concitoyens : rétablir l'état d'urgence sanitaire n'est pas une perspective réjouissante mais, tout comme les Allemands ou les Portugais, les Français sont suffisamment responsables pour accepter que soient prises les mesures qui s'imposent.

Cette position n'a pas changé après l'échec de la CMP. Le texte de l'Assemblée nationale témoigne de divergences persistantes : parmi d'autres retours en arrière, l'article premier rétablit la possibilité d'interdire la circulation dans certaines parties du territoire. C'est incompatible avec les proclamations de retour à la normale.

De même, la différence de traitement entre métropolitains et ultramarins, avec le maintien jusqu'au 30 octobre de l'état d'urgence sanitaire à Mayotte et en Guyane, prévu à l'article premier bis, et l'application de mesures de quarantaine, est difficilement justifiable.

Enfin, les députés ont supprimé l'article premier bis A qui rénovait l'article 3131-1 du code de la santé publique dont les défaillances étaient pourtant reconnues par le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale. Celui-ci a renvoyé ce nécessaire chantier à plus tard.

Un accord en CMP aurait été possible. Un esprit plus facétieux que le mien aurait pu soupçonner la majorité de l'Assemblée nationale de faire siens les mots du cardinal de Retz : « on ne sort de l'ambiguïté qu'à ses dépens »...

Le président Bruno Retailleau l'a souligné : « nous sommes parvenus à la limite de nos capacités de souplesse et nous ne pourrons accepter des dispositifs plus contraignants ».

Le groupe Les Républicains ne peut donc être favorable au texte des députés : il votera la motion du rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Bas, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire (n° 578, 2019-2020).

M. André Reichardt, vice-président de la commission des lois.  - La commission des lois prend acte des approches inconciliables des deux chambres sur l'article premier du projet de loi. Or le Sénat ne s'est pas opposé par principe au projet de loi ; il s'est montré constructif en première lecture.

La différence entre le régime transitoire instauré le 10 juillet et l'état d'urgence sanitaire reste trop ténue.

Il y a quatre mois, nous avons doté le Gouvernement d'un régime d'exception : c'est celui-ci qui devra être mobilisé en cas de résurgence de l'épidémie.

De plus, la suppression de l'article premier bis A laisse des prérogatives trop larges et indéfinies au ministre de la Santé pour lutter contre l'épidémie, sans garantie pour nos concitoyens.

La fragilité juridique de ce régime a justifié, il y a quatre mois, l'instauration d'un régime d'exception ad hoc afin de sécuriser l'action des pouvoirs publics et d'encadrer les atteintes aux libertés.

Il serait paradoxal qu'il constitue la principale base juridique du Gouvernement pour gérer l'épidémie dans les prochains mois. D'où cette question préalable.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement s'oppose à la motion, puisqu'il souhaite discuter avec les sénateurs, mais ayant entendu vos propos je suis sans illusions sur le résultat du vote. Je vous donne acte de la qualité des échanges au cours de la navette et du travail qui a été effectué.

M. Dany Wattebled.  - Même si nous comprenons les motifs de celle-ci, le groupe Les Indépendants n'est pas, par principe, favorable aux questions préalables. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.

La motion n°1 est adoptée.

En conséquence, le projet de loi n'est pas adopté.

Prochaine séance, mardi 7 juillet 2020, à 9 h 30.

La séance est levée à 11 h 25.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mardi 7 juillet 2020

Séance publique

À 9 h 30

1. Questions orales

À 14 h 30 et le soir

2. Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (procédure accélérée) (texte de la commission, n°553, 2019-2020)