Projet de loi de finances pour 2021 (Articles de la première partie - Suite)

Mme le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l'Assemblée nationale.

Discussion des articles (Suite)

Article 32

Mme le président.  - Amendement n°I-1258, présenté par le Gouvernement.

 

I. - Dans l'état A, les évaluations de recettes sont modifiées comme suit :

 

1. Recettes fiscales

 

1. Impôt sur le revenu

 

 

Ligne

1101

Impôt sur le revenu

minorer de

4 818 186 708 €

 

3. Impôt sur les sociétés

 

 

Ligne

1301

Impôt sur les sociétés

minorer de

6 158 196 196 €

 

4. Autres impôts directs et taxes assimilées

 

 

Ligne

1499

Recettes diverses

minorer de

2 711 000 €

 

5. Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

 

,

Ligne

1501

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

minorer de

2 906 240 302 €

 

6. Taxe sur la valeur ajoutée

 

 

Ligne

1601

Taxe sur la valeur ajoutée

minorer de

2 729 717 613 €

 

7. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

 

 

Ligne

1721

Timbre unique

minorer de

21 000 000 €

Ligne

1726

Produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certifications d'immatriculation des véhicules

minorer de

90 000 000 €

Ligne

1753

Autres taxes intérieures

minorer de

2 000 000 €

Ligne

1785

Produits des jeux exploités par la Française des jeux (hors paris sportifs)

minorer de

100 000 000 €

Ligne

1788

Prélèvement sur les paris sportifs

minorer de

40 000 000 €

Ligne

1799

Autres taxes

minorer de

80 000 000 €

 

2. Recettes non fiscales

 

2. Produits du domaine de l'État

 

 

Ligne

2204

Redevances d'usage des fréquences radioélectriques

majorer de

155 096 000 €

 

6. Divers

 

 

Ligne

2604

Divers produits de la rémunération de la garantie de l'État

majorer de

205 000 000 €

 

3. Prélèvements sur les recettes de l'État

 

1. Prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales

 

 

Ligne

3106

Prélèvement sur les recettes de l'État au profit du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

majorer de

5 000 000 000 €

Ligne

3107

Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale

majorer de

1 000 000 000 €

Ligne

3122

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle

majorer de

12 000 000 €

Ligne

3123

Dotation pour transferts de compensations d'exonérations de fiscalité directe locale

majorer de

37 510 000 €

Ligne

3135

Prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d'assujettissement des entreprises au versement transport

majorer de

37 558 348 €

Ligne

3141

Soutien exceptionnel de l'État au profit des collectivités du bloc communal confrontées à des pertes de recettes fiscales et domaniales du fait de la crise sanitaire

majorer de

250 000 000 €

Ligne

3148

Prélèvement sur les recettes de l'État exceptionnel de compensation des fonds départementaux de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des communes ayant une population inférieure à 5 000 habitants (nouveau)

majorer de

50 000 000 €

Ligne

3149

Prélèvement exceptionnel sur les recettes de l'État au titre de la compensation des communes, des EPCI et des départements de la perte de recettes de CVAE en 2021 (nouveau)

majorer de

977 000 000 €

Ligne

3150

Prélèvement exceptionnel de compensation des pertes des revenus forestiers du bloc communal en 2020 (nouveau)

majorer de

82 000 000 €

Ligne

3151

Prélèvement exceptionnel sur les recettes de l'État de compensation du fonds national de péréquation des DMTO pour les départements ayant subi une catastrophe naturelle en 2020 (nouveau)

majorer de

35 000 000 €

 

II. - L'alinéa 2 est ainsi rédigé : 

(En millions d'euros*)

RESSOURCES

CHARGES

SOLDE

Budget général

 

 

 

Recettes fiscales brutes/dépenses brutes

380 199

507 927

A déduire : Remboursements et dégrèvements

129 341

129 341

Recettes fiscales nettes/dépenses nettes

250 858

378 586

Recettes non fiscales

25 308

Recettes totales nettes/dépenses nettes

276 166

378 586

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales

et de l'Union européenne

77 654

Montants nets pour le budget général

198 512

378 586

-180 074

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

5 674

5 674

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

204 186

384 260

 

Budgets annexes

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens

2 222

2 272

-50

Publications officielles et information administrative

159

152

+7

Totaux pour les budgets annexes

2 381

2 425

-43

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

Contrôle et exploitation aériens

28

28

Publications officielles et information administrative

0

0

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

2 409

2 452

 

Comptes spéciaux

 

 

 

-

Comptes d'affectation spéciale

76 411

76 040

+370

Comptes de concours financiers

128 269

128 959

-691

Comptes de commerce (solde)

-19

Comptes d'opérations monétaires (solde)

+51

Solde pour les comptes spéciaux

 

 

-289

Solde général

 

 

-180 406

  

III. - L'alinéa 5 est ainsi rédigé : 

 

 

Besoin de financement

 

Amortissement de la dette à moyen et long termes

123,1

          Dont remboursement du nominal à valeur faciale

122,3

          Dont suppléments d'indexation versés à l'échéance (titres indexés)

0,8

Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau

1,3

Amortissement des autres dettes reprises

0,0

Déficit à financer

180,4

Autres besoins de trésorerie

0,1

       Total

304,9

Ressources de financement

 

Émissions de dette à moyen et long termes nettes des rachats

260,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

0,0

Variation nette de l'encours des titres d'État à court terme

41,4

Variation des dépôts des correspondants

0,0

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État

0,0

Autres ressources de trésorerie

3,5

       Total

304,9

IV. - L'alinéa 12 est ainsi rédigé :

3° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année et en valeur nominale,

de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an est fixé à

137,7 milliards d'euros.

 

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Au terme de l'examen de la première partie, tirons les conséquences des amendements adoptés par le Sénat mais aussi de la révision du scénario macroéconomique.

Après l'examen du PLF par l'Assemblée nationale, le déficit budgétaire s'établissait à 153,1 milliards d'euros. Les amendements du Sénat et la révision du scénario macroéconomique le dégradent de 27,3 milliards d'euros pour atteindre 180,4 milliards d'euros. Cela résulte d'une baisse des recettes fiscales nettes de plus de 20 milliards d'euros, dont 12,2 du scénario macroéconomique, d'une augmentation des recettes non fiscales de 400 millions, d'une augmentation des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales à hauteur de 7,5 milliards d'euros. La révision du scénario macroéconomique explique une dégradation du solde budgétaire de 12,2 milliards d'euros et les 224 amendements du Sénat aboutissent à une dégradation du déficit de l'État de 15,4 milliards d'euros.

La révision du scénario macroéconomique se traduit par une révision du solde de 12,2 milliards d'euros. Les recettes d'IR se réduisent de 1,6 milliard et les recettes d'IS de 5,9 milliards. Enfin, les recettes de TVA sont dégradées de 3,5 milliards.

En second lieu, 244 amendements ont été adoptés, qui amènent à augmenter le déficit de 15,4 milliards. Le hausse temporaire du taux forfaitaire d'abattement pour frais professionnels diminue les recettes d'IR de 3,3 milliards d'euros, l'affectation de deux nouvelles fractions de TICPE au titre des collectivités territoriales ayant adopté un PCAE, un PCAET ou un Sraddet représente un milliard d'euros, le versement anticipé du FCTVA augmente le déficit de plus de 5 milliards.

La compensation au profit des communes, des EPCI et des départements représente un milliard d'euros.

La hausse du besoin de financement total résultant de l'augmentation du déficit sera financée par une augmentation des encours de titre de l'État à court terme.

Je demanderai une seconde délibération de l'article liminaire.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Comme chaque année, le Gouvernement a déposé un amendement tirant les conséquences sur le solde budgétaire des votes du Sénat. Cette année, il devra aussi amender l'article liminaire.

La révision du scénario macroéconomique déjà prise en compte par cet amendement sera confirmée tout à l'heure par l'amendement portant sur l'article liminaire.

Le Gouvernement devrait tenir compte pour la seconde partie de l'évolution des scénarios macroéconomiques et des annonces du Président de la République hier soir.

Le déficit public s'élèverait à 180,4 milliards d'euros contre 153,1 milliards d'euros à l'issue du vote de l'Assemblée nationale, soit - 27,3 milliards. La moitié de cette somme est due à la révision du scénario macroéconomique et aux nouveaux amendements du Sénat. La révision de ce scénario réduit les recettes fiscales nettes de 11,8 milliards d'euros, mais ne porte pas sur les dépenses.

On pourrait discuter certains chiffrages ou absences de chiffres, notamment sur l'amendement n°I-58 de la commission des finances sur la contribution des assureurs qui n'est pas prise en compte, ou l'amendement n°I-1252 de la commission instaurant une taxe sur la vente à distance.

Nous estimons à 2,3 milliards le coût des amendements nosI-085 et I-1241 qui augmentent le taux forfaitaire d'abattement des frais professionnels, dont le Gouvernement estime lui le coût à 3,3 milliards. La commission des finances n'a pas souhaité rejeter cet amendement ou déposer de sous-amendement comme elle le fit l'an passé. Elle propose un avis de sagesse, sachant que l'amendement sur l'article liminaire n'a pas encore été déposé.

L'amendement n°I-1258 est adopté.

L'article 32 et l'annexe A modifiés sont adoptés.

ARTICLE LIMINAIRE (Seconde délibération)

Mme le président.  - Monsieur le ministre, vous avez demandé une seconde délibération de l'article liminaire.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Oui.

La seconde délibération est de droit.

Mme le président.  - Monsieur le président de la commission des finances, confirmez-vous que vous ne demandez pas de suspension de séance ?

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Oui.

Mme le président.  - Amendement n°A-1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

(en points de produit intérieur brut)

Exécution 2019

Prévision d'exécution pour 2020

Prévision 2021

Solde structurel (1)

-2,2

-0,6

-3,4

Solde conjoncturel (2)

0,2

-7,2

-4,5

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

-1,0

-3,5

-0,2

Solde effectif

(1 + 2 + 3)

-3,0

-11,3

-8,1

 

M. Olivier Dussopt, ministre délégué.  - Comme je vous l'ai indiqué à l'ouverture de nos débats, le Gouvernement a saisi le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) de la prévision de croissance pour 2021. Il a rendu son avis ce lundi. Nous pouvons donc actualiser l'article liminaire pour 2021. L'écart de cette nouvelle prévision s'explique par la baisse des prélèvements obligatoires et par une hausse des dépenses conjoncturelles d'assurance chômage ; par la baisse de prévision du PIB et par la prise en compte des amendements votés. Un effet d'arrondi explique en outre que le déficit public présenté est de 8,1 % du PIB et non de 8,2 %.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - L'amendement du Gouvernement tire les conséquences du scénario macroéconomique qui table désormais sur une croissance de 6 % au lieu de 8 %. Il en résulte une baisse du déficit de 1,4 point qui s'établira à 8,1 points de PIB contre 6,7 points en PLFI.

La prise en compte des amendements du Sénat compte pour 20 %. Les 80 % restants relèvent de l'évolution de la situation macro-économique. Nous assumons ce choix de mesures de soutien à l'économie et à la collectivité territoriale.

Ces mesures sont temporaires et ne pèseront pas sur le solde structurel.

Le Haut Conseil considère que sa saisine ne s'est pas accompagnée d'informations sur l'inflation et l'emploi. Il s'en est plaint mais le Gouvernement n'y était pas tenu, en vertu de l'article 16 de la LOLF. Cela ne change en rien notre analyse sur le caractère raisonnable du scénario gouvernemental.

Nous souhaiterions que les annonces du Président de la République d'hier soir fassent l'objet d'amendements de crédits au Sénat en seconde partie, d'autant plus que des chiffrages précis ont été donnés par le ministre de l'économie et des finances dans la presse. Nous l'attendons toujours dans cet hémicycle... Vous pourrez ensuite ajuster les dispositifs en cours de navette. Sagesse.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Le GEST n'avait pas voté la première mouture de l'article liminaire. Cet article nous enferme dans une vision libérale et austéritaire, en décalage avec les besoins historiques et écologiques liés à la crise à laquelle nous sommes confrontés. Cette logique doit être profondément revue car elle nous entrave dans nos réponses climatiques et sociales.

La lecture de la LOLF est étriquée. Il est difficile d'avoir des prévisions fiables, mais il a été choisi de saisir tardivement et étroitement le Haut Conseil.

Le Conseil de défense s'est réuni et a délibéré de manière opaque : de nouvelles mesures ont été annoncées, à hauteur de 1,6 milliard d'euros par le ministre de l'Économie. Rien de tout cela n'est pris en compte dans votre amendement. Le GEST votera contre.

L'amendement n°A-1 est adopté.

L'article liminaire, ainsi modifié, est adopté.

Explications de vote sur la première partie

M. Antoine Lefèvre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue la qualité de nos débats. Ce texte porte la marque du Sénat et je m'en réjouis. Dans ce contexte de crise inédit, nous avons introduit de nombreuses mesures en faveur des collectivités territoriales, des entreprises et des ménages.

Nous sommes favorables à la réduction des impôts de production - anomalie française qui plombe nos entreprises ; nous avions proposé la suppression de la C3S et soutenions la baisse de la CVAE et de la CFE.

Mais cette réforme ne devra pas se faire au détriment des collectivités territoriales, qui ont besoin de ressources pérennes, ni de leur autonomie financière.

La suppression de l'article 22 bis était une évidence. Les pertes de recettes de CVAE en 2021 seront compensées pour les départements et le bloc communal. Nous avons cherché, au maximum, à préserver leurs ressources locales, durement impactées par la crise sanitaire.

De nombreuses mesures seront favorables aux entreprises comme le mécanisme instauré par la commission afin qu'un suramortissement les aide à acheter des avions et des poids lourds moins polluants.

La contribution exceptionnelle sur les assurances ou la taxe sur les très grandes entreprises de commerce en ligne ont fait débat, mais il s'agit de faire contribuer les entreprises moins touchées par la crise pour aider les autres, sinistrées, notamment les petits commerces. Le Sénat y a été très attentif.

Enfin, nous avons prévu des mesures pour les ménages comme la suppression du plafond de l'exonération des heures supplémentaires des personnels soignants.

Tous les ménages, notamment les classes moyennes, subissent un matraquage fiscal sous prétexte d'écologie, uniquement conçue comme punitive, en dehors de tout réalisme : nous avons ainsi lissé sur cinq ans, au lieu de trois, la hausse du malus auto.

Les initiatives de Christine Lavarde, que je salue, permettront de débloquer l'épargne accumulée lors du confinement.

Nous pouvons être fiers de notre travail sur la première partie que nous avons amendée. Nous contribuerons ainsi à une relance solide, plus complète, plus massive, au service du redressement de notre pays.

Le groupe Les Républicains votera donc cette première partie et examinera la seconde avec autant de vigilance et de détermination. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Pour la Représentation nationale, il n'y a rien de plus facile que de voter une dépense, et rien de plus difficile que de voter une recette. Le mot de Frédéric Bastiat n'a rien perdu de sa justesse : lorsqu'on vote une dépense, on croit faire des gagnants ; lorsqu'on vote une recette, on pense faire des perdants. Ce raisonnement, s'il vaut peut-être au cas par cas, ne tient ni à l'échelle d'une nation, ni sur le temps long.

Alors que notre dette a crû de 20 points, nous devons adopter un nouveau modèle. Le défi est immense.

Cette première partie nous a permis de confronter différentes visions. Le groupe INDEP s'est attaché à défendre les mesures qui renforceront demain la compétitivité de la France et l'attractivité de nos territoires, pour nos PME et ETI, qui en verront rapidement les bénéfices. Nous souhaitons la réindustrialisation de notre économie et la relocalisation des productions dans un contexte de nécessaire transition écologique.

Les amendements de la commission des finances ont renforcé les gages que le Gouvernement avait donnés : les collectivités territoriales verront leurs pertes de recettes compensées. Elles n'auront plus à choisir entre équilibre de leurs finances et compétitivité de leur territoire.

Nous devons investir et produire en France. Notre stratégie doit être, à cet effet, d'alléger la pression fiscale sur les entreprises. C'est le sens de notre proposition sur la TVA sociale qui permet de renforcer notre compétitivité et d'améliorer notre balance commerciale.

Peu de propositions ont surgi pour rééquilibrer sérieusement nos finances publiques Le groupe INDEP a soutenu des amendements qui augmentent les impôts, en particulier la création d'une contribution exceptionnelle sur les assurances et la vente en ligne.

Bien sûr, l'impôt n'est pas une baguette magique qui, d'un coup, pourrait changer la réalité. Mais les Français attendent des entreprises qui ont tiré profit de la crise, aux dépens des autres et au gré des circonstances, qu'elles fassent un effort de solidarité. Je doute que l'Assemblée nationale conserve ces contributions exceptionnelles

Le Sénat a apporté d'importantes améliorations à ce texte : le groupe INDEP votera cette première partie et aborde la seconde dans le même esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Nous sommes au coeur de la crise. À l'issue de ce long débat, les difficultés ne sont pas éteintes. Nous avons eu des points d'accord sur le logement, la participation des assurances ou de la vente en ligne, sur les finances des collectivités territoriales.

Mais sur des points fondamentaux, nulle trace de refondation dans ce PLF : les baisses d'impôt pour les entreprises ne sont toujours pas conditionnées ni ciblées.

Ce matin encore, Bruno Le Maire appelait à rembourser la dette covid en vingt ans, grâce à des réformes structurelles comme celle des retraites.

Les Françaises et Français doivent savoir que le souhait du Gouvernement est donc de faire payer cette crise par les salariés et les collectivités territoriales par une réduction des services publics.

Nous avons été attentifs à mettre à contribution les plus riches, mais tel n'était pas le souhait du Gouvernement ni de la majorité sénatoriale.

Le Gouvernement a aussi refusé de prendre en compte la crise environnementale majeure qui est devant nous. Nous constatons et regrettons un certain mépris opposé aux propositions de la convention citoyenne sur le climat que nous avons portées.

Il y a eu aussi des moments difficiles. Nous avons proposé de supprimer l'exonération de TIPP pour les croisières... pas possible ! Mais exonérer l'imposition des bateaux des ONG qui repêchent des migrants en Méditerranée, cela n'était pas non plus possible ! Nous ressentons un certain malaise.

Le Gouvernement certes veut aider l'économie et certains dispositifs sont là pour cela, mais ignore les pauvres, renonce à toute justice fiscale, refuse de conditionner les aides aux entreprises. Le GEST ne votera pas cette première partie. L'écologie reste notre boussole. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Julien Bargeton .  - Nos débats furent comme toujours intéressants, courtois, sereins et pondérés avec les passages obligés que nous connaissons. Ils ont abouti à dégrader le déficit d'environ 15 milliards d'euros.

Notre groupe pourrait en conséquence s'interroger sur son vote... pourtant nous allons voter la première partie de la loi de finances. Un ensemble de mesures aboutit à cette dégradation mais l'équilibre du texte sorti de l'Assemblée nationale n'est pas bouleversé.

Le Sénat n'est pas revenu sur la baisse des impôts de production. Les dépenses sociales, notamment en faveur des jeunes, la trajectoire de suppression de la taxe d'habitation ne sont pas modifiées, pas davantage que les suppressions de niches fiscales, etc. L'architecture du texte n'a donc pas été bouleversée par le Sénat. Il ne s'agit pas d'un contre-budget mais de mesures sectorielles, parfois utiles.

Enfin, des amendements de notre groupe - sur l'outre-mer, la block chain, les SPL à caractère culturel et autres - ont été adoptés.

Il ne faut pas augmenter les impôts, mais nous ajouterons 15 milliards de dettes dans la première partie, avec le concours de parlementaires qui souvent font part de leurs inquiétudes sur ses modalités de remboursement. Soit, mais nous devons être à la hauteur des évènements et des attentes des Français.

Le débat sur les impôts viendra après la crise. Keynes le disait : en période de crise, il ne faut ni réduire la dépense publique, ni augmenter les impôts.

Nous voterons cette première partie en espérant des points d'accord avec l'Assemblée nationale, à la hauteur des enjeux, et sans remettre en cause les apports de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. Jean-Claude Requier .  - L'examen de cette première partie aura fait figure de marathon, avec son endurance, ses efforts supplémentaires parfois, son régime de croisière aussi. Le protocole sanitaire n'est pas sans effet sur nos conditions de travail. La majorité sénatoriale a, à nouveau, proposé l'augmentation du quotient familial. Notre groupe a, à nouveau, déposé l'amendement dit Caillaux instaurant un impôt universel, cette fois-ci déductible de l'assiette de la CSG et de la CRDS.

Nos débats sur la TVA et la liberté de la France en la matière ont été éclairants : la directive de 2006 interdit des taux trop bas, mais il est regrettable que la France n'ait pas la liberté de fixer ses propres taux, à l'image des collectivités territoriales sur leurs propres territoires, à la recherche de leur autonomie financière.

Cependant, l'Union européenne cristallise parfois une opposition imméritée. La baisse des impôts de production est centrale pour le Gouvernement afin d'améliorer notre compétitivité. Le Sénat a adopté cette réforme en limitant ses conséquences pour les collectivités territoriales. La mise à contribution des assurances est une juste mesure de solidarité.

La fiscalité énergétique est toujours un dossier important. Le Sénat a rejeté l'article 13 qui posait question à l'égard de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Je me réjouis de l'adoption de certains de nos amendements, comme celui sur l'incorporation des biocarburants ou celui sur le lissage de la taxe sur l'essence des avions de loisir, cher à Nathalie Delattre.

Je salue aussi la suppression de l'article 22 bis sur l'évolution de la TVA en 2020, dont l'impact est négatif sur la fraction reversée aux collectivités territoriales. Le sujet de la TVA doit être discuté avec ces collectivités.

L'avancement du versement du FCTVA en 2021, proposé par Christian Bilhac, permettra aux communes et aux EPCI de faire face aux dépenses l'an prochain et limitera la baisse de l'investissement public.

Le groupe RDSE, sauf quatre abstentionnistes, votera pour la première partie.

M. Pascal Savoldelli .  - Depuis le début de la crise, on entend la petite musique de l'exception. Tout est inédit et le politique est invité à prendre ses responsabilités.

Ce n'est pas faux. Inédits en effet sont l'accroissement du nombre de bénéficiaires du RSA, l'augmentation de la précarité, la détresse des étudiants auxquels on refuse le RSA - et pas question de créer une allocation d'autonomie !

Cette insécurité sociale nous semble inhumaine et très dangereuse.

Inédit aussi l'avis en demi-teinte du Haut Conseil des finances publiques, qui réinvente le « en même temps ».

D'autres éléments sont nettement moins inédits, voire tout à fait habituels. Ainsi, l'article 2 sur l'impôt sur le revenu n'a pas évolué depuis 2017 : les plus fortunés sont toujours bien protégés, tout comme les grandes entreprises. On connait la rengaine... Mais pas de confusion entre entreprises et capital : ne tombons pas dans le piège !

Nous avons voté un budget de moindre mal pour les collectivités territoriales, qui subiront les conséquences financières de la crise sanitaire - le Gouvernement l'a reconnu à demi-mot. Elles ne doivent pas constituer une variable d'ajustement ; elles sont le cadre de vie des petites entreprises notamment. Et dans un département aussi peuplé que le mien, le Val-de-Marne, le tissu économique est constitué de TPE à 98,5 %.

Ne faisons pas d'économies sur la vie locale. Une situation inédite a fait l'objet de réponses habituelles, malgré les propositions que nous avons essayé de faire valoir, humblement.

Nous aurions aimé être soutenus sur la garantie du maintien du fonds postal, sur la TICPE et la DGF, où nous avons relayé la détresse des élus locaux...

Pour autant, ce texte est un échec politique, avec la complaisance et une certaine complicité de la majorité sénatoriale. Nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous avons commencé l'examen de ce PLF dans le contexte d'une crise exceptionnelle, inédite depuis l'après-guerre - qui a contraint le Gouvernement à mettre à jour ses prévisions budgétaires : solde de - 8,1 % en 2021, croissance de 6,6 % au lieu de 8 %.

Déjà, plusieurs LFR successives ont adopté des mesures de soutien.

Le Gouvernement a proposé la diminution de 10 milliards d'euros des impôts de production. Le groupe UC y est favorable, malgré des inquiétudes sur le montant et la pérennité de la compensation de la perte de CVAE aux collectivités territoriales. La commission des finances l'a cependant améliorée.

Nous examinerons demain les crédits du plan de relance. Dans la première partie, nous nous réjouissons de l'adoption de dispositifs d'incitation fiscale en faveur des indépendants et des auto-entrepreneurs - souvent oubliés des plans de relance - tels ceux portés par les amendements de Sylvie Vermeillet, Bernard Delcros, ou le mien.

Nous nous félicitons de l'adoption de l'amendement d'Olivier Henno en faveur des investissements du petit commerce physique, comme du vote d'une participation des assurances et des acteurs de la vente en ligne.

Je salue également le vote de l'amendement de Bernard Delcros et Sylvie Vermeillet compensant les pertes des régies municipales.

L'avancement d'une année du versement du FCTVA, objet d'un amendement de notre groupe, va aussi dans le bon sens. Je salue la suppression de l'article 13 unifiant la taxe communale sur la consommation finale d'électricité : l'autonomie fiscale est préservée.

Les mesures votées en faveur du pouvoir d'achat des familles avec la hausse du plafond du quotient familial et celle bénéficiant au logement social, à l'initiative de Valérie Létard et d'Hervé Marseille, complètent la liste des satisfactions.

Sans pour autant donner quitus au Gouvernement, le groupe UC, dans sa très grande majorité, votera cette première partie, amendée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En dépit de la pandémie et d'un choc économique et social inédit depuis 1945, ce PLF ressemble étrangement au précédent. C'est une occasion manquée pour soutenir notre jeunesse et changer notre modèle de développement. Rarement nous avions vu une telle convergence de vues entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale !

Certes, nous nous réjouissions de la contribution imposée aux assureurs et à la vente en ligne mais, pour le reste, vous vous êtes opposés à tous nos amendements destinés à assurer une meilleure redistribution des richesses.

La crise nécessiterait pourtant qu'on se réinvente. Les économistes sont nombreux à appeler à agir sur la demande ; Jean Pisani-Ferry regrettait ainsi l'insuffisance des aides pour les victimes de la crise et le manque de soutien au pouvoir d'achat des plus modestes et aux entreprises surendettées.

Nous avons cependant obtenu quelques modestes victoires - sur la billetterie de l'e-sport, les voyages en train.

Il est vrai que certains de ces amendements avaient le bonheur d'être également portés par la majorité sénatoriale. Je n'en dirais pas autant de nos amendements pour un changement de notre modèle de développement et une relance durable.

Vous auriez aussi pu aller plus loin pour appliquer les conclusions de la Convention citoyenne sur le climat. Cela en dit long sur votre conservatisme environnemental.

Nous nous réjouissons en revanche de la suppression de l'article 22 bis.

Au total, ce volet recettes ne nous convient pas. C'est une erreur que de ne pas augmenter les impôts des plus riches ; cela accroît les déficits.

Nous souhaitions cependant débattre de la seconde partie, où nous ferons de nouvelles propositions. Le groupe SER s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

La première partie du projet de loi de finances pour 2021 est mise aux voix par scrutin public de droit.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°35 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 273
Pour l'adoption 243
Contre   30

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance demain, jeudi 26 novembre 2020, à 10 h 30.

La séance est levée à 19 h 30.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication