Projet de loi de finances pour 2021 (Seconde partie - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l'Assemblée nationale.

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances .  - Je vais être bref : il ne s'agit pas du budget le plus difficile cette année.

La partie « Livre, culture, médias, industries culturelles, cinéma, musique » n'évolue guère dans le budget mais bénéficie de crédits considérables dans le plan de relance : 60 millions en crédits de paiement pour la mission budgétaire, près de 500 dans le plan de relance.

Les responsables du Centre national du cinéma (CNC), du Centre national de la musique (CNM) et de la Bibliothèque nationale de France (BNF) sont plutôt satisfaits du soutien qui leur est apporté. Ils savent toutefois que c'est une aide one shot - ils auraient préféré une hausse des crédits budgétaires - et sont conscients que 2021 va démarrer dans des conditions difficiles en termes de fréquentation. Quand le public retrouvera-t-il le chemin des cinémas et des théâtres ?

Les 175 millions d'euros sont bienvenus pour le pauvre CNM : à peine créé, il doit affronter la crise sanitaire ! Les responsables du CNC sont inquiets mais actifs, dynamiques, portés par le soutien au cinéma et à l'industrie cinématographique. Tous s'engageant pour maintenir les tournages en France et pour éviter les faillites.

Sur cette partie du budget, madame la ministre, le rapporteur spécial peut donc vous dire : le job est fait.

La deuxième partie concerne l'audiovisuel public. Vous n'y êtes pour rien, mais en ce domaine, c'est plutôt : chronique d'un désastre annoncé ou, à tout le moins, d'une réforme avortée. Une annonce en 2018, des échanges avec le Gouvernement, une révision prévue du périmètre du service public, recentré sur ses vraies missions. Mais tout cela n'a jamais vu le jour et ne le verra pas hélas avant 2022.

Le budget évolue peu. On avait demandé 70 millions d'euros d'efforts au secteur ; ce sera finalement 60 millions d'euros, pris en crédits mais rendus dans le plan de relance.

Des efforts sont réalisés, certes, mais l'abandon de la réforme nous prive d'une réflexion sur le périmètre et les missions du secteur public.

La commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission étrangère .  - J'évoquerai l'audiovisuel extérieur. La crise sanitaire a eu des effets positifs : France Médias Monde (FMM) a, grâce à la baisse de ses dépenses et au report de certains projets, accéléré la reconstitution de ces capitaux en 2020, mais les inquiétudes demeurent à moyen terme en raison du recul de ses ressources propres. TV5Monde a perdu des recettes publicitaires et des recettes de distribution sur la vente de programmes.

Dans ce contexte, les dotations prévues par le PLF - certes conformes à la trajectoire financière définie en 2018 - ne sont pas une bonne nouvelle. Ces opérateurs sont fragilisés par l'augmentation mécanique des coûts et la concurrence internationale. BBC World a reçu une dotation de 373 millions d'euros en 2020, la Deutsche Welle de 362 millions d'euros ; c'est 100 millions d'euros de plus que nos opérateurs.

France Médias Monde a donc dû revoir ses ambitions, renoncer à diffuser France 24 dans la TNT outre-mer, résilier des contrats de distribution et se résigner à un plan de départs volontaires de 30 personnes. La couverture satellitaire de TV5Monde est en baisse en Europe orientale et en Asie centrale. Malgré tout, les efforts se poursuivent et les performances sont méritoires.

Par exemple, France 24 en espagnol est passé de six à douze heures d'émission par jour à budget constant, ce qui lui permet d'ancrer sa présence en Amérique latine. Je rends hommage à ces opérateurs qui ont des moyens modestes mais un grand rayonnement.

FMM pourra-t-il bénéficier du plan de relance pour financer le projet franco-allemand ENTR ? Sous cette réserve, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable.

M. André Guiol, en remplacement de M. Jean-Noël Guérini, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères .  - L'audiovisuel extérieur porte le rayonnement de nos valeurs et de notre langue à l'étranger. Après l'assassinat de Samuel Paty, FMM a bouleversé ses programmes pour mettre en exergue les valeurs d'éducation aux médias et à l'information. Les opérateurs développent la diffusion en langues étrangères, africaines, arabe. La francophonie est aussi un axe politique fort.

Nos opérateurs s'engagent aussi contre la désinformation, ce qui les expose à de nombreuses cyber-attaques - stabilisées, si l'on peut dire, à seulement 300 000 tentatives par mois... - et à des menaces sur le terrain. Les correspondants sont des cibles privilégiées. Ces dernières années, quatre journalistes de RFI ont été tués ; les agressions sont nombreuses ; le journaliste algérien Khaled Drareni, correspondant de TV5Monde, est emprisonné depuis mars 2020.

Ces groupes poursuivent néanmoins leurs missions. Je pense notamment au projet de plateforme franco-allemand ENTR, avec la Deutsche Welle. France Médias Monde pourra-t-il affecter la dotation exceptionnelle du plan de relance à ce projet ? Pouvez-vous nous donner des garanties ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'année 2020 devait être celle de la grande loi audiovisuelle comprenant une réforme de la gouvernance - pour résoudre les désordres nés de l'absence de pilotage - et du financement, avec la modernisation de la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Hélas, la situation me rappelle la formule du génial Edgar Faure : « Voilà que s'avance l'immobilisme et nous ne savons comment l'arrêter ». (On apprécie sur l'ensemble des travées.)

Le Gouvernement a renoncé, par choix et non par contrainte née de la crise sanitaire, à la réforme. Nous n'avons plus qu'à attendre 2022. L'an prochain, l'audiovisuel public enregistrera une baisse de crédits de 70 millions d'euros et la tarification de la CAP est inchangée. Cela ne permettra pas aux groupes français de s'imposer face à la concurrence des plateformes étrangères, notamment américaines.

Le Gouvernement détourne le regard. Pourtant, la dépendance des sociétés de l'audiovisuel public au développement de leurs ressources propres représente une réelle faiblesse. Il est temps de réfléchir aux ressources de l'audiovisuel public, notamment la publicité, et au modèle économique.

Nous saluons cependant l'enveloppe de 70 millions d'euros dans le plan de relance et l'intention du Gouvernement de négocier avec l'audiovisuel public des contrats d'objectifs et de moyens (COM) pour 2021-2022, avec des objectifs communs.

Peut mieux faire ! Sans entrain, la commission de la culture a donné un avis favorable au compte spécial « Avances à l'audiovisuel public ». (Applaudissements à droite et au banc de la commission)

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - En trois minutes, cet exercice s'apparente plus à une brève qu'à un article de fond.

La presse n'a pas été oubliée par la solidarité nationale : les acteurs en sont conscients. Mais l'avenir de la distribution est incertain. En 2020, Presstalis a cessé son activité. Nous ne sommes pas encore capables de chiffrer le coût global du soutien public massif apporté à l'entreprise ces dernières années, mais il est assurément gigantesque. Faute de réformes, le résultat de cet engagement a été médiocre. Je m'interroge sur l'avenir de la nouvelle société. Y a-t-il de la place pour deux, France Messagerie et les Nouvelles Messageries de la presse parisienne (NMPP), ou plus, car d'autres pourraient entrer sur le marché ces prochaines années ?

Il est absolument nécessaire de faire appliquer les droits voisins des éditeurs et des agences de presse. C'est la condition pour maintenir ce pan de notre souveraineté. Cela ne résoudra pas la crise profonde, démultipliée par la pandémie, que traverse la presse. Mais veillons à ce que la volonté des législateurs français et européen ne soit pas étouffée au détour d'un accord trop vite expédié.

Dernier point, le soutien - trop rare - à la presse en ligne. Heureusement, le PLF affiche cette année une nouvelle dotation pérenne de 4 millions d'euros. C'est une bonne façon de préparer l'avenir, qui sera à la fois papier et numérique.

La commission des affaires culturelles a émis un avis favorable aux crédits de la presse. (Applaudissements au centre)

M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Début 2020, seul un scénariste particulièrement inventif pouvait imaginer ce qui nous attendait, ce qui attendait les salles de cinéma. Nous avons été privés du plaisir d'aller voir en famille ou avec des amis un bon film au cinéma.

La France a présidé à la naissance du grand écran, à La Ciotat chez les frères Lumière, et à Vincennes avec la fondation de Pathé - la même année !

Encore maintenant, notre pays compte le nombre de spectateurs le plus élevé en Europe, la part de production nationale la plus importante et un réseau de salles parmi les meilleurs du monde.

Du fait de la crise deux fonds ont été créés, l'un pour garantir les tournages, l'autre pour les salles - je regrette cependant que les salles municipales n'y aient accès qu'au cas par cas, sans justification.

Des mesures de relance ont également été prises pour 265 millions d'euros sur deux ans. La réponse au premier confinement a été à la hauteur ; le deuxième n'a pas encore donné lieu à un accompagnement, pourtant nécessaire.

La directive SMA doit intégrer le cinéma, peut-être en imaginant une nouvelle chronologie des médias. Nous avons aussi besoin d'un projet de loi pour lutter contre le piratage qui coûte chaque année 1,2 milliard d'euros.

Sous ces réserves, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable. (Applaudissements à gauche)

M. Julien Bargeton, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - La commission de la culture a émis un avis favorable sur les crédits du livre. La BNF ayant peu de ressources propres - 6 millions d'euros -, elle a été moins touchée par la crise. Elle gère les projets de la rénovation du quadrilatère Richelieu, du site de Tolbiac et de la construction d'un nouveau site de stockage.

Le secteur du livre, en revanche, a été terriblement affecté. Il a certes bénéficié d'aides, le système de commande et réservation a fonctionné, mais sans jamais atteindre 100 % du chiffre d'affaires - il faudra faire les comptes sur la réalité des ventes en ligne, qui concernent plutôt 50 000 références que 150 000 comme en librairie, avec un phénomène de « best-sellerisation ».

Le baptême du feu du CNM a été rude. Les équipes ont bien travaillé : le conseil d'administration est en place, les finances ont été allouées et la fusion des fonds a été réalisée. Cependant, l'arrêt de la Cour européenne de justice européen sur les droits irrépartissables inquiète. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. David Assouline .  - Tous les programmes du ministère de la culture sont en augmentation, sauf les crédits des avances à l'audiovisuel public, que nous n'approuverons pas.

Les éloges ne manquent pas pour le service public mais les moyens se réduisent... Ainsi, France Télévisions et Radio France voient leurs moyens baisser. Comment faire face à la concurrence des géants du net qui sont aussi puissants que des nations riches ?

Avez-vous, en même temps que la réforme, abandonné vos ambitions pour l'audiovisuel public ?

Vous mégotez quelques euros pour la redevance, elle est en baisse par rapport au coût de la vie. Regardez autour de nous : 180 euros de plus au Danemark qu'en France, 78 euros de plus en Allemagne, 38 euros en Grande-Bretagne ! Chez nous, un euro en plus ou en moins, c'est 30 millions d'euros en plus ou en moins de ressources. Les taux d'audience de Radio France et de France Télévisions sont pourtant remarquables !

Les réductions budgétaires ne sont pas nouvelles, mais vous osez les prolonger dans le contexte actuel. Avec une telle trajectoire, le niveau d'investissement dans les productions ne pourra que reculer. Avec des amis comme vous, l'audiovisuel public n'a pas besoin d'ennemis !

En 2019, le cinéma affichait d'excellents chiffres : 213,3 millions d'entrées en 2019, le plus haut niveau depuis cinquante-trois ans. Tel n'est hélas pas le cas en 2020. Il faut toutefois saluer la réactivité du CNC et l'engagement du Président de la République.

Je déposerai un amendement pour que ne soient pas oubliées les radios associatives et locales, un autre sur l'aide aux documentaires. Pour maintenir l'excellence de notre modèle, il faut défendre le système de financement de la création que l'on nous envie, et pour cela, transposer rapidement les directives SMA et droits d'auteur.

Enfin, la presse souffre. Je souhaite que les droits voisins, dont bénéficieront aussi les agences de presse, soient rapidement effectifs. Pourquoi cependant soutenir la presse si c'est pour la censurer avec l'article 24 du projet de loi sur la sécurité globale, ou l'article 25 du projet de loi contre les séparatismes ?

C'est une atteinte à la loi de 1881. Victor Hugo disait en 1848 : « Le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ces deux principes s'appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre ».

Non à une mise en cage, même dorée ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Les Français ont été cette année limités dans leurs déplacements. Cela a mis en lumière leur attachement à la culture : livres, films, séries, informations. Pendant le confinement, les taux d'audience des programmes d'informations étaient très élevés. Les modes de consommation - librairies, bibliothèques, disquaires, théâtres, cinémas - ont cependant disparu de notre quotidien. Il faut les aider à sortir de la crise, mais pour certains métiers, la crise était déjà là bien avant le confinement.

C'est notamment le cas du modèle économique de la presse écrite qui voit fuir ses lecteurs et ses recettes publiques. Les réseaux sociaux sont désormais la première source d'information pour près de la moitié des moins de 35 ans. La publicité, qui finançait jusqu'à présent les médias et l'information, se dirige désormais vers les Facebook, les Google. Enfin, les fake news et les manipulations éloignent le citoyen de la réalité des faits. Il faut aider la presse à prendre le virage du numérique.

Les libraires ont particulièrement souffert : malgré le click and collect, les plateformes numériques sont les grands gagnants du confinement.

Le secteur du cinéma - salles et tournages - a également été très affecté. Les moyens pour lui venir en aide sont là : c'est essentiel pour le rayonnement de notre pays.

La réforme de l'audiovisuel public est le grand absent de ce PLF.

Il faut réfléchir aux missions avant de créer une grande structure qui pourrait coûter encore plus cher. (Mme la ministre opine du chef.) Nous en avons de multiples exemples dans nos collectivités. Faisons preuve d'imagination et bousculons les schémas établis.

Mme Monique de Marco .  - (M. Guy Benarroche applaudit.) L'année 2020 a été très dure pour les médias et industries culturelles, essentiels à la démocratie, à la citoyenneté et à l'expression du pluralisme. L'augmentation de 4,8 % du budget est à saluer mais insuffisante.

Le CNM, doté de moyens supplémentaires, sera en mesure de soutenir le secteur de la musique, très affecté par la fermeture des salles de concert. Attention cependant à ne pas oublier les musiques actuelles et électroniques, près de 18 % du chiffre d'affaires du secteur, qui peinent à entrer dans les critères des aides.

Nous saluons l'augmentation des crédits du programme 180 et les aides renforcées à la presse en ligne, pour mieux défendre le pluralisme, notamment en outre-mer où la presse est à l'agonie. Nous déplorons que les grands groupes, adeptes de l'évasion fiscale, soient soutenus sans contrepartie.

La culture est devenue numérique et la Hadopi est plus que jamais obsolète. Les radios locales et associatives sont les grandes oubliées du plan de relance : nous avons déposé un amendement y affectant une partie des crédits d'Hadopi.

L'audiovisuel public est affaibli. Comment réussir à prendre le tournant du numérique avec une diminution du budget ? Comment accroître l'audience des jeunes tout en programmant l'arrêt de France 4 ? Comment proposer une offre diversifiée et de proximité via France 3 ou France Bleu alors que France Télévision et Radio France vont devoir diminuer leurs effectifs de 20 % d'ici 2023 ?

Nous regrettons aussi les fermetures de plusieurs antennes de FIP, à Bordeaux, Nantes et Strasbourg, où elles jouaient pourtant un rôle majeur dans la vie culturelle de proximité.

Je salue les employés de France Télévision, Radio France et Arte qui parviennent à conforter leur audience avec toujours moins de moyens.

Le GEST déplore l'arrêt de la diffusion de France Ô. Les populations ultramarines - 3,26 % de la population française - ne sont représentées qu'à hauteur de 0,6 % dans les médias.

Le GEST votera les crédits de la mission mais pas ceux du compte spécial. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Julien Bargeton .  - Le PLF s'inscrit dans la continuité des lois de finances rectificatives, notamment la troisième qui a ouvert 170 millions d'euros de crédits pour les marchands de journaux, France messagerie, les médias audiovisuels locaux et 214 millions d'euros pour le livre, la musique et le cinéma.

Le PLF 2021 prévoit encore 400 millions d'euros pour le plan de relance, alors que les crédits budgétaires continuent à progresser.

Notre presse a subi deux crises : celle du Covid et celle de la distribution, avec la faillite de Presstalis. Le plan de relance prévoit 70 millions d'euros pour la presse et 480 millions d'euros sur trois ans pour la filière, afin de consolider et de préparer l'avenir, notamment pour moderniser les imprimeries de la presse régionale, pour le fonds de transition écologique et pour la presse numérique. Cette crise a révélé des fragilités préexistantes.

Ainsi, le plan de relance amorce une transition indispensable.

Le livre, le numérique et le cinéma, très affectés par la crise, vont disposer de crédits budgétaires en hausse et de 380 millions d'euros au titre de la relance. Les tournages, par exemple, seront soutenus à hauteur de 50 millions d'euros, tout comme les salles de cinéma. Cela a été salué par tous les acteurs.

Sur l'audiovisuel public, ce budget n'est pas en reste. La trajectoire d'économie se poursuit, mais amoindrie : 70 millions d'euros en moins au lieu de 80 millions d'euros.

La question de la réforme de l'audiovisuel public et surtout de son mode de financement reste posée. Salto sera une plateforme à la française pour rassembler les oeuvres de création, qui bénéficiera d'un soutien dans le plan de relance.

Sur cette mission, comme sur la mission « Culture », la hausse des crédits budgétaires est combinée avec une relance massive.

La culture n'est pas un supplément d'âme mais un secteur créateur de richesses et d'emplois, plus que l'industrie automobile. C'est le modèle de l'exception culturelle française (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

Mme Nathalie Delattre .  - La crise sanitaire a plongé dans le noir nos cinémas, nos librairies et notre industrie culturelle. En juillet, les pertes étaient déjà estimées à 22,3 millions d'euros, alors que le nouveau confinement n'avait pas encore eu lieu.

Certes, il existait avant la pandémie des difficultés structurelles, mais faut-il poursuivre les rationalisations engagées dans l'audiovisuel public ?

Les industries culturelles ont besoin d'un effort financier exceptionnel. L'accès des intermittents au chômage partiel a été un élément de réponse. Cela suffira-t-il avec les nouvelles jauges appliquées à la réouverture des salles de cinéma ?

Les crédits de la mission sont en hausse de 8,4 % en autorisations d'engagement et de 3,36 % en crédits de paiement. Mais il y a aussi une baisse de 68,5 millions d'euros en concours financier à l'audiovisuel public, en même temps qu'une aide massive du plan de relance pour un même montant. Si l'effort de rationalisation dans l'audiovisuel public semble devoir se poursuivre, les moyens prévus dans le mini-contrat d'objectifs et de moyens de 2020 à 2020 ne sont pas à la hauteur.

Les télévisions locales rencontrent de lourdes difficultés financières ; or elles valorisent les territoires. Elles ont perdu des recettes publicitaires : il faut agir vite.

Que dire de nos libraires, acteur importants des centres-villes et centres-bourgs ? La division par trois des frais de port est bienvenue mais il faut une réflexion plus large sur le virage numérique. Les auteurs recevront 5 millions via le Centre national du livre.

Le groupe RDSE votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Jérémy Bacchi .  - En septembre, le ministère de la culture estimait que les pertes du secteur culturel pourraient atteindre 23 milliards. Depuis, un nouveau confinement est intervenu. Le revenu minimal de 900 euros par mois entre novembre et février est-il calibré pour les intermittents ? L'année blanche instaurée ce printemps va-t-elle être prolongée pour prendre en compte les nombreuses annulations des prestations prévues au cours du second semestre ?

Il semble que le soutien financier ait été calibré pour le premier confinement mais ne pourra pas prendre en charge le second.

Plusieurs actions nous laissent circonspects : le maintien de la subvention au CNL interroge, avec un automne cataclysmique. Rappelons que le bref regain estival des ventes a essentiellement concerné les auteurs installés. Le soutien aux vidéastes hors cinéma est regrettable, d'autant qu'ils représentent la démocratisation de l'accès à la culture et participent à la lutte contre la désinformation.

L'augmentation des aides à la presse est salutaire mais insuffisante : elle ne compense pas les baisses précédentes, ni les pertes liées à la crise ; des titres pourraient disparaître. Notre modèle ne facilite pas le pluralisme, alors que la tendance est à la concentration.

Sur l'audiovisuel public, nous sommes invités à nous réjouir de la baisse limitée des crédits. Mais avec une baisse des crédits à hauteur de 200 millions d'euros d'ici 2022, on ne voit pas comment les opérateurs pourraient respecter leurs engagements, notamment en matière de production.

On ne peut saluer le rôle de l'audiovisuel public pendant la crise et, en même temps, lui couper les vivres.

Certains pans du budget, comme le cinéma, bénéficient d'un réel intérêt du Gouvernement mais d'autres, comme l'audiovisuel public et la presse, sont négligés.

Avec regret, le groupe CRCE ne votera pas ces crédits. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) C'est avec émotion que nous venons d'apprendre la mort du Président Valéry Giscard d'Estaing. Le groupe UC s'associe à la peine de sa famille et rend hommage à l'ancien Président de la République.

La presse a souffert de la crise sanitaire : moins 20 % en diffusion, moins 80 % de recettes publiques, combiné à l'émergence du numérique et à la faillite de Presstalis.

Avec notre commission, nous saluons le maintien de l'effort de soutien au secteur, de même que la reconnaissance de la presse en ligne et la création du fonds de lutte contre la précarité dans la profession de journaliste.

La situation du livre est sous le feu des projecteurs. Selon nous, les librairies auraient dû rester ouvertes, elles qui n'ont jamais été à l'origine d'un cluster.

Le plan de relance apporte un soutien mesuré : 30 millions d'euros pour le livre, qui a heureusement bénéficié d'un effet rebond après le premier confinement. Espérons qu'il en aille de même pour les fêtes de fin d'année. La situation de la BNF est à surveiller, car l'ambition de ses projets pourrait menacer son équilibre financier. Le recours au mécénat ne doit pas se substituer au soutien de l'État.

La situation des salles de cinéma est tout autre, avec un manque à gagner de 1 milliard d'euros sur les entrées.

Une aide exceptionnelle de 100 millions d'euros a été votée en PLFR3. Mais le plan de relance est sous-dimensionné, avec 37 millions d'euros, d'autant que le cinéma souffrira longtemps de la psychose sanitaire. Les cinémas sont pourtant cruciaux dans l'animation culturelle du territoire.

Le CNM a reçu 50 millions en LFR3 et va recevoir 200 millions, soit treize fois sa dotation, pour soutenir les spectacles, les concerts et la musique enregistrée. Ce soutien compensera notamment les pertes de billetterie. Cependant, une institution si jeune sera-t-elle en mesure d'accomplir une telle mission ? Enfin, ce soutien sera sans doute insuffisant.

Le groupe UC votera néanmoins les crédits de la mission et du CCF. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Céline Boulay-Espéronnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La pandémie marque un tournant pour le monde de la culture. Elle entraîne le report sine die de la réforme de l'audiovisuel public, alors que 2020 devait en être le point d'orgue de sa gouvernance et de son financement. Les opérateurs sont volontaires et méritent d'être soutenus par un nouveau cadre législatif et réglementaire prenant en compte l'essor du numérique et la concurrence des plateformes. Nous nous réjouissons à cet égard de la directive SMA qui instaure un nouveau partenariat équilibré avec les plateformes de vidéo à la demande, avec une contribution à la création pour les plateformes à hauteur de 20 à 25 % du chiffre d'affaires.

En 2021, les moyens de l'audiovisuel public reculent à nouveau, conformément à la trajectoire budgétaire 2018-2022 se traduisant par une baisse du budget de 190 millions d'euros.

Cet effort n'est pas adapté au contexte de la crise. France Télévision devrait connaître en 2020 un déficit d'exploitation de 9,5 millions d'euros. En tant que membre de son conseil d'administration, je puis attester du rôle essentiel de France Médias Monde.

Les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens permettront aux opérateurs de l'audiovisuel de partager cinq objectifs : la mise en avant de la singularité de l'offre publique, la mutualisation des achats, la concentration des moyens sur l'offre au public et sur la variété des programmes, la stabilité financière et la défense de la laïcité. Sur ce point, l'audiovisuel extérieur est en première ligne.

La crise a fait subir un coup d'arrêt au cinéma. Le plan de relance lui attribue 165 millions d'euros pour compenser le recul des taxes affectées au CNC et de permettre la relance du secteur. Il faut saluer l'engagement du CNC en faveur d'un rebond rapide du secteur, avec trois axes clé : rattraper le retard de production, encourager la sortie des films en période de reprise et assurer la viabilité des salles de cinéma.

Le CNM, pour sa part, s'est trouvé en première ligne pour sauver la filière musicale. Je souscris à l'augmentation de ses crédits.

Enfin, je salue l'engagement des acteurs qui ont oeuvré sans relâche pour l'exception culturelle française.

Le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission et du compte spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) 2020 aurait dû être l'année de la réforme de l'audiovisuel public, promise par le Président de la République. La crise a été le prétexte à son abandon. La commission de la culture plaide de longue date pour une réforme systémique du secteur.

La commission de la culture n'a pas ménagé ses efforts pour transposer cet été les directives SMA et droits d'auteur et faciliter le recours aux ordonnances.

Notre colloque organisé en 2018 sur le virage numérique a mis en exergue notre retard sur les audiovisuels publics européens et la nécessité d'une réforme de la gouvernance, du modèle économique, de la règlementation et de la régulation.

Il faut également mieux lutter contre le piratage qui prive la création de près de 1 milliard d'euros par an. Il y avait une fenêtre en janvier pour mener à bien la réforme et rapprocher la Hadopi du CSA ; il est regrettable de ne pas l'avoir saisie.

La manière dont nos entreprises audiovisuelles ont fait preuve d'adaptabilité et de résilience face à la crise ne doit pas cacher leur fragilité structurelle et budgétaire, ainsi que la chute des recettes publicitaires.

Quelle stratégie et quelle réforme voulons-nous pour l'audiovisuel public ? Une réflexion est nécessaire sur son rôle, ses objectifs, son financement, sa gouvernance. Quel audiovisuel public voulons-nous face à la concurrence internationale ?

Pendant le confinement, France 4 a fait la preuve de son intérêt éducatif. Jean-Michel Blanquer l'a lui-même reconnu. La chaîne doit être maintenue face à Disney et YouTube.

Notre audiovisuel extérieur, en première ligne avec l'assassinat de Samuel Paty, doit être davantage soutenu. France Médias Monde est pourtant contraint à des arbitrages douloureux entre nouveaux projets nécessaires et préservation des zones de diffusion.

La chaîne franco-allemande Arte, de plus en plus européenne et innovante, voit ses ressources publiques diminuer.

Malgré nos réserves et nos regrets, le groupe UC votera les crédits de la mission et du compte spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Claudine Lepage .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue la formidable capacité d'adaptation et de résilience de notre audiovisuel extérieur, tant France Médias Monde que TV5Monde dont les personnels ont, par leur dévouement et leur professionnalisme, fait honneur à l'audiovisuel public.

TV5Monde a contribué à la lutte contre le Covid et les fake news en relayant les messages de l'OMS et de l'Unicef.

Toutes les chaînes ont vu leur audience augmenter pendant la crise. Pourtant, elles ne reçoivent chacune que 500 000 euros sur les 70 millions d'euros du plan de relance consacrés à l'audiovisuel public.

Nous regrettons que la dotation attribuée à France Médias Monde dans le PLF pour 2021 soit en recul de 500 000 euros et que celle de TV5Monde soit stable alors même que la France occupe la présidence tournante de la chaîne

Le développement de France 24 en Espagne est un succès qu'il faut saluer, comme le partenariat Franco-allemand avec Deutsche Welle.

Je m'inquiète du recul des ressources publicitaires de notre audiovisuel extérieur : il faudra le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Pour le secteur des médias, presse, livre et industries culturelles, l'année 2020 aura été dévastatrice. En juillet, les pertes du chiffre d'affaires étaient évaluées à 22,3 milliards d'euros. Depuis, les plans d'aides sectoriels se sont enchaînés, rendant l'analyse plus complexe. La presse, notamment, en a bénéficié, à l'exception regrettable de la presse professionnelle de la connaissance et du savoir. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Le soutien à la musique et au spectacle musical est bienvenu. En revanche, la baisse des aides à la création des organismes de gestion collectifs est regrettable. Un arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne de septembre 2020 divise par deux les aides répartissables, soit une perte de 25 millions d'euros par an.

Le cinéma est un secteur sinistré et, pour le soutenir, j'ai déposé plusieurs amendements instituant des crédits d'impôt ou élargissant l'assiette de ceux existants. Les mesures prises en faveur de la trésorerie des exploitants de cinéma vont dans le bon sens, mais elles privent le CNC de 20 millions d'euros. Madame la ministre, il faut mobiliser Bercy !

Le livre me tient particulièrement à coeur. Je le dis comme je le pense : il ne fallait pas fermer les librairies, c'était une erreur majeure.

Le CNL leur a consacré 25 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 6 millions d'aides pour le numérique. Les auteurs et les artistes ont bénéficié du fonds de solidarité ; c'est heureux.

Concernant le livre et la lecture, le budget 2021 progresse mais cette augmentation correspond en grande partie au soutien consenti à la Bibliothèque nationale de France pour la réhabilitation du site Richelieu et le financement de ses missions.

L'État a renforcé son effort en faveur des bibliothèques en soutenant les collectivités territoriales. Je m'en réjouis.

Ces mesures suffiront-elles pour sauver le livre ? Les grands événements ont été annulés. Quelle tristesse de voir les remises des grands prix littéraires proclamées par voie numérique, même si je félicite les lauréats !

Je veux toutefois être optimiste : continuons à défendre ces enjeux essentiels pour notre pays que sont la vitalité culturelle, la diversité de la création, le rayonnement des idées et la diffusion des oeuvres de l'esprit.

Je sais pouvoir compter sur votre engagement personnel, Madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Brigitte Lherbier .  - . (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous vivons depuis mars dans la peur et l'incertitude. Nous avons ressenti un immense besoin d'informations fiables sur la situation sanitaire, économique et sociale.

Nous avons également pris conscience de l'importance de la culture. Hélas, les secteurs culturels sont parmi les plus fragilisés par la crise : fermeture des librairies et des médiathèques, report et annulations des manifestations. Les auteurs n'ont plus la possibilité de défendre leurs ouvrages, le transport du livre est ralenti, les éditeurs ont perdu leurs interlocuteurs.

Peut-être verrons-nous encore des chefs-d'oeuvre, mais comment les faire connaître sans éditeurs ni librairies ? Ces dernières, utiles à nos centres-villes, doivent être soutenues pour s'adapter à la nouvelle donne numérique.

Qu'en sera-t-il alors des imprimeurs, des distributeurs et des diffuseurs ? Leurs inquiétudes sont légitimes.

En 2021, le programme « Livre et industries culturelles » bénéficiera de plus de 300 millions de crédits. La relance doit s'appuyer sur les agences régionales du livre : celle des Hauts-de-France réalise un travail remarquable en mettant en réseau les acteurs du secteur.

Le soutien au livre est indispensable et urgent. Le groupe Les Républicains émettra un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)