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Table des matières



Échec en CMP

Supprimer la possibilité de rachat par le dirigeant après le dépôt de bilan

Discussion générale

Mme Sophie Taillé-Polian, auteure de la proposition de loi

Mme Claudine Thomas, rapporteure de la commission des lois

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie

Mme Nathalie Goulet

M. Jean-Pierre Sueur

M. Dany Wattebled

M. Daniel Salmon

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Maryse Carrère

M. Fabien Gay

M. Édouard Courtial

M. Cyril Pellevat

M. Marc Laménie

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

ARTICLE PREMIER

M. Guy Benarroche

Protection patrimoniale et promotion des langues régionales

Discussion générale

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Mme Monique de Marco, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication

M. Lucien Stanzione

M. Stéphane Ravier

M. Max Brisson

M. Jean-Pierre Decool

Mme Nadège Havet

M. Christian Bilhac

M. Jérémy Bacchi

M. Claude Kern

M. Ronan Dantec

Mme Sylvie Robert

Mme Laurence Muller-Bronn

Mme Sabine Drexler

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 2 bis

ARTICLE 3 (Suppression maintenue)

ARTICLE 9

Accord en CMP

Construire le monde d'après

Discussion générale

Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi constitutionnelle

M. Arnaud de Belenet, rapporteur de la commission des lois

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

M. Guillaume Chevrollier

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

Mme Nicole Duranton

Mme Maryse Carrère

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jérôme Durain

Mme Françoise Gatel

 : [Mme Marta de Cidrac

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

 : [Mme Esther Benbassa

 : [M. Joël Bigot

 : [Mme Angèle Préville

 : [M. Jérôme Durain

 : [M. Arnaud de Belenet, rapporteur

ARTICLE 2

 : [M. Jean-Claude Tissot

Contribution exceptionnelle sur les assurances

Discussion générale

 : [M. Olivier Jacquin, auteur de la proposition de loi

 : [M. Claude Nougein, rapporteur de la commission des finances

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Éric Bocquet

M. Teva Rohfritsch

M. Stéphane Artano

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Michel Canevet

M. Thierry Cozic

M. Cyril Pellevat

Mme Pascale Gruny

Mme Françoise Dumont

Discussion de l'article unique

M. Jean-Claude Tissot

M. Olivier Jacquin

M. Patrice Joly

M. Philippe Folliot

Délais d'organisation des élections partielles (Conclusions des CMP)

Discussion générale commune

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

M. Claude Malhuret

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Maryse Carrère

Mme Éliane Assassi

M. Loïc Hervé

M. Hussein Bourgi

Mme Jacky Deromedi

Annexes

Ordre du jour du lundi 14 décembre 2020




SÉANCE

du jeudi 10 décembre 2020

44e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : M. Pierre Cuypers, M. Jean-Claude Tissot.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Échec en CMP

Mme le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2021 n'est pas parvenue à un texte commun.

Supprimer la possibilité de rachat par le dirigeant après le dépôt de bilan

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à supprimer la possibilité ouverte au dirigeant d'une entreprise de déposer une offre de rachat de l'entreprise après avoir organisé son dépôt de bilan, présentée par Mme Sophie Taillé?Polian.

Discussion générale

Mme Sophie Taillé-Polian, auteure de la proposition de loi .  - Avant la crise sanitaire, l'article L. 642-3 du code de commerce était clair : dans le cadre d'une liquidation judiciaire, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les débiteurs, ni leurs parents ou alliés jusqu'au deuxième degré, ni les contrôleurs lors de la procédure ne pouvaient déposer une offre de rachat partielle ou totale de l'entreprise placée en liquidation judiciaire.

Le Gouvernement a décidé d'assouplir cette règle au prétexte de protéger l'emploi et a pris à cet effet l'ordonnance du 20 mai 2020, sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. Désormais et jusqu'au 31 décembre 2020, une requête peut être formée par un dirigeant ou par un administrateur judiciaire.

L'opportunité a été saisie par un certain nombre d'entreprises qui ont profité de l'effet d'aubaine. Dès le début de l'été, on a assisté à des dérives relayées par la presse.

Cette proposition de loi est née d'une double indignation. Une indignation de forme d'abord, car pour abroger cette disposition, il faut d'abord la ratifier. Il est baroque de voir combien la procédure parlementaire est mise à mal par l'inflation et par la banalisation des ordonnances, lesquelles ne sont presque jamais ratifiées ! Dans la loi du 23 mars 2020 précitée, le Gouvernement avait prévu trente-trois ordonnances, que le Parlement a ramenées à vingt-cinq. Je ne parle même pas des habilitations intégrées dans les textes à l'occasion d'un amendement... Les ordonnances se sont multipliées depuis le début de la législature, créant de l'insécurité juridique, nuisant à la clarté de la loi et mettant le Parlement à l'index.

Nous devons donc nous interroger sur le rôle du Parlement, quand l'exception devient la règle - comme pour la procédure d'urgence qui concerne désormais plus de 90 % des textes -et que les projets de loi de ratification, certes déposés, ne sont pas débattus. Cela doit constituer une préoccupation majeure pour le Sénat. Je salue la création, par le Président Larcher, d'un comité qui se penchera notamment sur le suivi des ordonnances.

J'ai aussi une indignation de fond s'agissant de l'assouplissement mis en place. En septembre, nous pouvions observer une multiplication des recours à cette possibilité par des propriétaires et anciens propriétaires profitant de l'effet d'aubaine, au risque de susciter une incompréhension sociale lorsque de mauvais gestionnaires s'en tiraient à bon compte.

Un certain nombre de grands groupes et de grandes familles en ont bénéficié : Phildar, Alinéa, de la famille Mulliez, sixième fortune de France, si bien conseillée. Les petites entreprises ont-elles la même capacité à accéder à l'information, au même niveau de conseil ?

Pire, ces offres de reprise n'étaient pas les mieux disantes en termes d'emploi. Souvent, les difficultés des entreprises précédaient la crise. Il est donc possible de créer des dettes, de placer son entreprise en redressement judiciaire, puis de revenir la diriger en ayant apuré les dettes et supprimé des emplois !

Tout est question de choix stratégique... Je pense ici à Orchestra et à ses 400 emplois supprimés. Quand un dirigeant commet des fautes majeures de gestion, il peut revenir et supprimer des emplois, alors que le salarié fautif est toujours licencié... Bien sûr, il faut sauver l'emploi, mais pas au détriment de l'intérêt général !

Cette proposition de loi revient donc à la situation antérieure, lorsqu'un dirigeant pouvait reprendre l'entreprise seulement sur requête du ministère public qui représente l'intérêt général. Un sentiment d'injustice sociale se répand dans le pays : pour certains, tout est permis, tandis que d'autres sont en permanence surveillés et culpabilisés. Je pense à Pôle Emploi dont le projet de loi de finances augmente les moyens pour lutter contre la fraude, mais pas pour aider les demandeurs d'emploi.

Il faut abroger cette disposition. La rapporteure a indiqué que le Gouvernement n'envisageait pas de la prolonger au-delà du 31 décembre 2020. Madame la ministre, pouvez-vous nous le confirmer ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Claudine Thomas, rapporteure de la commission des lois .  - Cette proposition de loi, déposée le 21 septembre dernier par Sophie Taillé-Polian et plusieurs de ses collègues, a pour objet principal d'abroger l'article 7 de l'ordonnance du 20 mai 2020 qui a assoupli temporairement la procédure de reprise des entreprises. Précédemment, interdiction était faite au débiteur, au dirigeant, aux parents et alliés jusqu'au deuxième degré et au contrôleur de se porter acquéreur d'une entreprise en liquidation judiciaire ou en redressement.

La disposition initiale du code de commerce visait à moraliser les affaires, à lutter contre la fraude aux intérêts des créanciers et à l'assurance et à éviter le risque de non-paiement des créances salariales. Elle n'était, en revanche, pas destinée à protéger les salariés qui relèvent du code du travail.

Le droit commun prévoit quelques dérogations à cette interdiction, notamment pour les exploitations agricoles ou sur requête et jugement motivé du ministère public, mais cette souplesse est peu utilisée.

Le dispositif a suscité l'émoi à cause de quelques affaires qui ont défrayé la chronique. Mais la disposition dérogatoire introduite par le Gouvernement est très encadrée : le ministère public doit être présent à l'audience, le jugement doit être motivé et l'appel est suspensif. En outre, l'offre choisie doit être la mieux disante sur trois critères : le maintien de l'activité, la préservation de l'emploi et l'apurement du passif. Cet assouplissement relève d'une double réflexion : la crainte que le nombre de repreneurs potentiels soit limité en raison de la crise et le souhait de soutenir des chefs d'entreprise en grande difficulté sans pour autant avoir été de mauvais gestionnaires.

Les tribunaux de commerce ont fait d'ailleurs bon usage du dispositif. Pour Camaïeu, le tribunal de commerce de Lille a retenu l'offre de la Financière immobilière bordelaise plutôt que celle d'un consortium dont faisait partie le dirigeant de l'entreprise, en raison de l'opposition du comité social et économique et du nombre d'emplois repris.

La commission des lois a considéré que cette disposition ne méritait ni excès d'honneur ni excès d'indignité. De surcroît, elle ne produira plus d'effet après le 31 décembre. Certes, des abus auraient pu être évités par un critère d'absence de faute de gestion.

Les difficultés des entreprises risquent d'exploser en 2021 : le dispositif aurait pu être utile pour nos TPE et PME. Du reste, les syndicats de salariés que nous avons auditionnés ne semblent pas hostiles à une mesure ciblée, mais le Gouvernement n'envisage pas la prolongation de la dérogation. Espérons que l'ordonnance du 20 mai 2020 ait sensibilisé sur les cessions d'entreprises et sur les souplesses permises par le droit commun.

La commission des lois vous propose de ne pas adopter cette proposition de loi.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie .  - Depuis mars, le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a mobilisé des moyens exceptionnels pour protéger les entreprises et leurs salariés de la crise : on compte ainsi 30 % de faillites en moins par rapport à 2019. Nous souhaitons accompagner les entreprises et sauver les emplois, comme le prouve la reprise de Daimler à Hambach.

La proposition de loi supprime l'article 7 de l'ordonnance du 20 mai 2020, prise dans un contexte de crise sanitaire aiguë et d'arrêt presque total de notre économie. Le dispositif simplifie la procédure prévue par le code de commerce pour la reprise des entreprises. Des précautions et des garanties sont prévues.

Cette proposition de loi appelle deux remarques de ma part. D'abord, la mesure prendra fin le 31 décembre 2020, soit dans 21 jours : la sénatrice Taillé-Polian sera satisfaite avant longtemps. Nous l'avions indiqué à l'occasion d'une question d'actualité cet automne.

En outre, je m'interroge sur le titre du texte qui indique « après avoir organisé son dépôt de bilan ». J'échange beaucoup avec les chefs d'entreprise et j'ai moi-même eu une expérience dans ce domaine : je n'en connais pas beaucoup qui organisent sciemment leur dépôt de bilan ! Votre formulation est très déconnectée du quotidien des chefs d'entreprise marqué, sur fond de crise économique, par les incertitudes, les angoisses et les nuits sans sommeil. Le Gouvernement entend la détresse de ceux qui se battent pour sauver leur activité : le fonds de solidarité, les prêts garantis par l'État, l'exonération des charges sociales, l'activité partielle sont là pour les aider. Non, les chefs d'entreprise n'organisent pas leur liquidation judiciaire ! Je salue le travail de la rapporteure, Mme Thomas, très clair sur le sujet : le dispositif n'est pas un effet d'aubaine pour les entreprises.

En mars, les réponses économiques du Gouvernement ont été massives, alors que nous craignions que la crise sanitaire oblige certaines entreprises à fermer. Dans ce contexte et pour donner aux entreprises tous les outils de leur survie, nous avons simplifié la procédure prévue par le code de commerce. Le dispositif assoupli a sauvé de nombreux emplois, dans des entreprises de toute taille : 3 769 chez Orchestra, 9 429 chez Novares group, 59 chez le lunettier jurassien L'Amy.

Le droit existant permettait déjà au dirigeant de reprendre l'entreprise, sous condition : sur réquisition du ministère public, avec un jugement motivé et un avis des contrôleurs. Ces conditions sont maintenues dans le nouveau dispositif. En outre, le ministère public doit être présent à l'audience et l'appel est suspensif. Le changement est purement procédural : le dirigeant peut désormais faire la requête de reprise.

Il n'est jamais garanti, toutefois, que le dirigeant puisse reprendre son entreprise : il n'a aucun avantage ni aucune priorité. Il revient au tribunal de commerce de choisir la meilleure offre. Je profite de cette occasion pour saluer l'action essentielle des juges pendant la crise. Dans le cas de l'entreprise Camaïeu, par exemple, le tribunal de commerce de Lille a suivi la voix des salariés contre l'offre de reprise du dirigeant.

Désormais, les tribunaux de commerce fonctionnent quasiment normalement et ont été sensibilisés aux cessions d'entreprises : nous laisserons s'éteindre le dispositif dont la prorogation après le 31 décembre 2020 n'apparait pas nécessaire. Toutefois, j'ai demandé, avec le garde des Sceaux, qu'une mission soit lancée pour améliorer l'accompagnement des petites entreprises devant les tribunaux de commerce ; elle rendra ses conclusions à la mi-janvier. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je suivrai la rapporteure. Cette disposition ne méritait pas tant d'indignité, mais nécessitait, même si elle ne portera plus d'effets dans quelques jours, d'être pointée du doigt ; je salue le travail de Mme Taillé-Polian qui nous permet d'en débattre.

Je souscris également à ses propos sur le recours aux ordonnances. Elles dessaisissent totalement le Parlement, d'autant que les ratifications sont en voie de disparition ! Le Sénat a organisé un suivi des nombreuses ordonnances et beaucoup ne sont pas ratifiées.

Vous avez annoncé le lancement d'une réflexion utile sur les tribunaux de commerce ; je m'en réjouis. Cette crise doit être l'occasion de revoir les procédures collectives et de réfléchir à des procédures spécifiques pour les entreprises fragilisées par la crise. Il faut aussi redonner des moyens aux tribunaux de commerce.

Dans son rapport de suivi des ordonnances, le Sénat a relevé un certain flottement du contrôle de la Chancellerie sur les juridictions. Les présidents des tribunaux de commerce n'ont pas été destinataires de la première circulaire du 14 mars 2020 ; seule une dépêche du 19 mars leur a été adressée. Ils étaient invités, de manière quelque peu surprenante, à surseoir à statuer sur les procédures non urgentes, notamment les procédures de conciliation et de sauvetage, avant abrogation de cette dépêche par la circulaire du 30 mars 2020.

Aucun plan de continuité de l'activité n'avait été prévu avant l'épidémie, mais, dans l'urgence, les greffiers ont organisé les modalités de travail des magistrats.

Certes, le nombre de dépôts de bilan n'a jamais été aussi faible, grâce aux dispositifs solidaires du Gouvernement - activité partielle et fonds de solidarité notamment. Selon l'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee), 15 108 faillites ont été enregistrées entre janvier et juin 2020, du jamais vu depuis vingt ans.

D'après le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, Il n'y a eu que 19 920 ouvertures de procédures collectives sur les neuf premiers mois de l'année. Cela est probablement dû aux aides du Gouvernement qui anesthésient l'économie, mais il s'agit d'une bombe à retardement : le réveil se fera dans la douleur !

Le nombre de procédures va exploser devant la réalité de la crise ou en cas de nouveau confinement. Les tribunaux de commerce et les mandataires seront alors saisis en premier. Il faut limiter le choc ; j'ai déposé plusieurs amendements à cet effet.

En plus des mesures de sauvegarde, la prévention et l'accompagnement sont essentiels. Le projet de loi de finances pour 2021 ne prévoit, hélas, aucune disposition pour les 134 tribunaux de commerce. Il leur faudra davantage de moyens et une meilleure organisation.

Les associations de commerçants et de TPE, comme l'association « 60 000 rebonds », se sont organisées pour accompagner les entrepreneurs. Il faut réformer et informer.

Je terminerai par un message personnel des tribunaux de commerce qui souhaiteraient disposer d'une adresse de messagerie électronique du type prénom.nom@justice.fr. Ils travaillent avec leur adresse personnelle ; cela pose un problème de confidentialité !

J'ai déposé plusieurs amendements sur le sort desquels j'ai peu de doute ; j'espère qu'ils attireront au moins votre attention...

Le groupe UC suivra la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Avant la crise sanitaire, l'article L. 642-3 du code du commerce était clair, ainsi que l'ont rappelé la rapporteure et la ministre. Dans le cadre d'une liquidation judiciaire, « ni le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. » La loi est très protectrice à cet égard.

L'article 7 de l'ordonnance du 20 mai 2020 prise sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 prévoit que, jusqu'au 31 décembre 2020, une offre de reprise partielle ou totale de l'entreprise en liquidation judiciaire peut être formée par le débiteur ou l'administrateur judiciaire après autorisation préalable du procureur de la République. Il s'agit d'une mesure exceptionnelle.

Remercions Sophie Taillé-Polian qui a mis le problème sur le devant de la scène. Cet assouplissement présente incontestablement un effet d'aubaine : en quelques semaines, certains dirigeants ont profité du dispositif pour effacer une partie de leur dette, licencier aux frais de l'Unedic avant de récupérer leur entreprise ainsi allégée. Cela interroge.

La possibilité ouverte par l'article 7 de l'ordonnance précitée est d'autant plus avantageuse que les indemnités de licenciement ne sont pas réglées par l'employeur en cas de liquidation judiciaire, mais prises en charge par l'Agence de garantie des salaires (AGS).

Vous avez cité, madame la ministre, le cas d'une entreprise dans laquelle la décision du tribunal de commerce avait suivi le conseil économique et social.

Mais dans d'autres cas que vous connaissez tout aussi bien, l'inverse s'est produit : les dirigeants ont organisé la faillite avant de reprendre l'entreprise allégée de sa dette, alors que les salariés souhaitaient un autre repreneur. Il y a évidemment un risque de dérive.

Le groupe SER votera cette proposition de loi, bien que la disposition s'arrête au 31 décembre 2020. Le Sénat doit souligner le risque d'effets pervers d'une telle mesure pour l'emploi et pour l'entreprise.

Même si le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) a estimé que ses effets pouvaient être positifs, le Gouvernement a jugé que les acteurs des procédures collectives étaient désormais suffisamment informés des souplesses possibles, et a décidé de ne pas proroger la mesure. Cela prouve que cette proposition de loi va dans le bon sens ! D'une certaine manière, vous la prenez en compte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Dany Wattebled .  - Pour moraliser la vie des affaires, dirigeant, débiteur, parents ou alliés ne peuvent se porter repreneurs d'une entreprise en difficulté. Il s'agit d'éviter la fraude aux intérêts des créanciers et aux assurances.

L'article 7 de l'ordonnance du 20 mai 2020 a temporairement assoupli cette mesure par un changement procédural en permettant au débiteur ou à l'administrateur de formuler une offre de rachat sans exiger que le ministère public la reprenne à son compte.

Le dispositif reste très encadré, avec l'obligation de motivation du jugement, de recueil de l'avis des contrôleurs, de présence du ministère public à l'audience, d'appel suspensif du Parquet. L'offre retenue devait être la mieux disante au regard du maintien de l'activité, de la préservation de l'emploi et de l'apurement du passif.

Selon Sophie Taillé-Polian, cette disposition présente un effet d'aubaine pour des dirigeants de mauvaise foi. Certes, quelques affaires ont été très médiatisées, mais cet assouplissement temporaire se justifiait, du fait de crise, par le peu de repreneurs potentiels et par le caractère exogène des difficultés de l'entreprise.

Nous nous interrogeons sur l'opportunité de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour, le dispositif n'ayant plus d'effet dans quelques jours. De fait, le groupe INDEP ne prendra pas part au vote.

M. Daniel Salmon .  - Le tribunal de commerce d'Orléans a scellé en octobre dernier le sort d'Inteva Products France : la maison-mère américaine de l'équipementier, qui avait organisé le dépôt de bilan, rachète l'entreprise et abandonne à l'occasion 169 millions d'euros de créances. L'usine de Saint-Dié-des-Vosges va fermer et ses 223 salariés seront licenciés, ainsi que 42 des 160 emplois du siège de Sully-sur-Loire, soit 265 licenciements au total. Voilà un bon exemple des abus que rend possibles le dispositif ! Auparavant, il fallait, pour reprendre sa propre entreprise, une réquisition du Parquet ou un délai de cinq ans minimum.

La mesure, qui devait limiter la casse économique et sociale, visait les entreprises fragilisées par la crise et a pu être salutaire pour certaines PME sans repreneur. Mais, insuffisamment encadrée, elle a permis des effets d'aubaine pour Inteva, pour Orchestra avec l'apurement de 500 millions d'euros, ou pour Alinea et ses 1 000 emplois supprimés, alors qu'en 2019, l'entreprise avait réalisé 257 millions d'euros de chiffre d'affaires pour 62 millions d'euros de pertes.

Les entreprises effacent leurs dettes auprès de l'État, de leurs fournisseurs, des organismes sociaux, puis repartent de zéro aux frais de la collectivité. Les entreprises profitent du dispositif pour s'alléger de dettes accumulées avant la crise. Dans une économie bienveillante, le dispositif aurait pu présenter des avantages, mais dans le monde réel, où des chefs d'entreprise cyniques optimisent les coûts et recherchent le profit, les salariés en paient le prix. Était-ce l'intention du Gouvernement ?

Nous étions attentifs à la non-prorogation de la disposition après le 31 décembre 2020. Cette proposition de loi aura au moins eu cet effet.

On n'entend pas le Gouvernement ni la majorité sénatoriale se plaindre de l'endettement public qui bénéficie aux entreprises. On renfloue les entreprises sur le dos des contribuables et, demain, on fera des coupes budgétaires sur les programmes sociaux...

Le GEST votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - L'article L. 642-3 du code de commerce pose le principe d'interdiction, pour certaines personnes, de présenter une offre de reprise. Le tribunal de commerce peut y déroger sur requête du ministère public et avec un jugement motivé.

Dans un contexte de crise, l'ordonnance du 20 mai 2020 a prévu un assouplissement de cette procédure. La proposition de loi supprime son article 7, considéré comme un effet d'aubaine pour des patrons voyous. La commission des lois, comme notre groupe, y est défavorable. Je salue le travail de la rapporteure.

L'article 7 précité ne modifie pas la liste des personnes qui ne peuvent, sauf dérogation, présenter une offre de reprise et ne porte que sur un assouplissement de la procédure. L'ordonnance l'assortit même de garanties supplémentaires avec un jugement motivé, la présence du ministère public à l'audience et un appel suspensif.

Le mécanisme de reprise ainsi assoupli ne bénéficie pas systémiquement aux anciens dirigeants, comme dans le cas de Camaïeu où la Financière immobilière bordelaise a été préférée. Madame la ministre, merci d'avoir transmis les chiffres des emplois sauvés par le dispositif.

L'article 10 de l'ordonnance prévoit la fin de la mesure au 31 décembre 2020. Madame la ministre, vous vous êtes engagée, en réponse à une question d'actualité le 6 octobre dernier, à ne pas la proroger. Par ailleurs, la procédure accélérée n'ayant pas été engagée sur ce texte, cette proposition de loi sera caduque avant son adoption définitive. Pourquoi encombrer ainsi l'ordre du jour du Sénat ? Le groupe RDPI ne votera pas cette proposition de loi.

Mme Maryse Carrère .  - « L'office de la loi est de fixer par de grandes vues les maximes générales du droit, d'établir des principes féconds en conséquence et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière » déclarait Portalis.

Ces mots doivent nous guider et nous interroger sur l'applicabilité des textes que nous votons. Le temps législatif est un temps long et ce texte ne serait adopté qu'après le 31 décembre, lorsque le dispositif qu'il abroge aura cessé.

Mais je salue l'initiative de Sophie Taillé-Polian qui est aussi tout un symbole et qui a au moins le mérite de nous permettre d'entendre la ministre nous apporter des précisions sur les intentions du Gouvernement.

Les dispositions du code du commerce ont un objectif de lutte contre la fraude à l'assurance entraînant le non-paiement des créances salariales.

La dérogation visait à protéger les emplois et à soutenir les dirigeants d'entreprises qui ne sont en aucun cas responsables du contexte économique et de ses conséquences pour leur carnet.de commandes.

Mais des chefs d'entreprise - comme ceux d'Inteva - en ont profité. Je partage l'objectif de cette proposition de loi mais il n'est pas généralisable. Le choix de l'offre de reprise ne se fait pas d'un claquement de doigts ; le juge doit choisir l'offre qui assure le maintien de l'emploi, celui des activités et l'apurement du passif.

Aux exigences du droit commun, prévoyant que le jugement soit rendu après avis des contrôleurs, s'ajoute la présence obligatoire du ministère public à l'audience qui peut présenter ses observations et même interjeter appel. Et l'affaire Camaïeu a prouvé que ces reprises ne sont pas dépourvues de tout contrôle.

Face à la poursuite de la crise, quelles réponses souhaitons-nous apporter pour les cessions qui perdureront après le 31 décembre ? La mission d'information sur les outils juridiques de traitement des difficultés des entreprises nous aidera, je l'espère, à y voir plus clair et à apporter des solutions.

Même s'ils en partagent le constat, les membres du RDSE s'abstiendront majoritairement sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit aussi.)

M. Fabien Gay .  - Quelques jours après le premier confinement, Muriel Pénicaud a pris des ordonnances, non pas pour déclarer le covid-19 comme maladie professionnelle ou rappeler aux assureurs leurs obligations à l'égard des artisans et commerçants, mais pour déroger au code du travail, et faciliter les reprises d'entreprises - je vous renvoie à l'ordonnance du 20 mai.

Le code du commerce, en son article L. 642-3, avait prévu une disposition pour moraliser les affaires et protéger les créanciers. C'est une protection pour tous les créanciers, y compris l'État, afin d'éviter la « nationalisation » abusive des salaires ou leur prise en charge par le régime de garantie salariale.

L'ordonnance évite les études d'impact et le contrôle démocratique du Parlement. On nous avait rassurés : « Nous serons vigilants quant aux effets d'aubaine ; le tribunal et le ministère public seront intraitables, afin que ce ne soit pas l'occasion d'effacer des dettes et de réduire les effectifs ». C'est raté, car les entreprises qui ont fait appel à ces dispositions avaient déjà des dettes et des plans sociaux dans leurs cartons. Les exemples sont nombreux. Citons Orchestra, croulant sous ses 650 millions d'euros de dette et repris par son fondateur Pierre Mestre ; ou Alinea, propriété de la famille Mulliez - 6e fortune de France, qui détient 40 enseignes - repris par Alexis Mulliez le 14 septembre. Celui-ci ferme plusieurs points de vente et licencie 1 000 salariés. Il y a encore Phildar, propriété de la même famille, qui supprime 137 emplois et ferme 116 points de vente sur 131... Le plan de licenciement ne datait pas de la crise.

La famille Mulliez enchaîne les plans de licenciement et les fermetures de sites. Comment peut-on encore nier que la mesure a créé un réel effet d'aubaine ? Les licenciements en procédure collective seraient soumis aux mêmes procédures que les licenciements économiques, nous dit la commission des lois. Mais non ! Les délais ne sont pas les mêmes : ils sont bien plus courts dans le cadre d'une procédure collective.

Cette ordonnance doit prendre fin le 31 décembre, or la commission des lois propose de l'inscrire dans le droit commun. C'est inacceptable !

Nous voterons cette proposition de loi des deux mains. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et celles du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Édouard Courtial .  - À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Telles sont les raisons de l'adoption de l'article 7, né de la crise et qui ne saurait lui survivre. Il s'agissait de mieux prendre en compte la situation sanitaire. Nous étions alors sidérés, inquiets de la situation économique. C'est dans ce contexte que le dispositif a été rédigé.

L'objet de cette proposition de loi n'est autre que l'abrogation de cet article 7 mais il y a une échéance au 31 décembre...

Il y eut peut-être des dérives mais elles ne furent que très marginales. Ainsi s'explique, sans doute, la volonté de supprimer l'article 7 alors même que la crise couve toujours. Nous en mesurons les conséquences quotidiennes dans nos territoires. Mais peut-être les circonstances ont-elles obscurci les jugements... Je n'ose croire que l'on puisse voir dans tous les chefs d'entreprise des personnes sans scrupule alors qu'ils sont les forces vives de notre économie.

Le ministère de la Justice avait craint le manque de repreneurs potentiels et considéré que les dirigeants n'étaient pas responsables de la crise. Le dispositif est est très encadré avec notamment la présence obligatoire du ministère public. Les tribunaux en ont fait un usage prudent, avec l'assentiment de tous les acteurs concernés. La majorité des dirigeants est honnête. L'idée à l'origine du dispositif est légitime, son application prudente et efficace.

Demain, le sort du tissu productif français, notamment des petites et moyennes entreprises qui font la richesse et le dynamisme de nos territoires, sera suspendu à ce type de mesures de soutien. Je pense à nos restaurateurs et à tous ces chefs d'entreprise qui ne peuvent toujours pas exercer leur activité.

Je suis en accord avec la commission des lois, qui appelle le Gouvernement à proroger le dispositif, et je forme le voeu que le Gouvernement fasse tout ce qu'il est possible pour soutenir nos entreprises.

M. Cyril Pellevat .  - Je peux comprendre l'indignation de nos concitoyens lorsque la mesure a été présentée dans les médias. Cela peut, à première vue, sembler immoral. En vérité il n'en est rien. Un tel rachat était déjà autorisé par la loi, sous certaines conditions. Cette possibilité était peu utilisée mais elle était parfois avantageuse. Il s'agit donc d'une fausse polémique liée à une désinformation. C'est dommage de jeter ainsi l'opprobre sur les chefs d'entreprise.

Cet assouplissement répond aux faillites liées à la crise : les chefs d'entreprise n'y sont pour rien. Le risque, c'est que ces entreprises soient rachetées par des intérêts étrangers ou, pire, que les emplois soient supprimés. N'oublions pas que ce sont les entreprises qui créent les emplois. Cette souplesse doit bien évidemment être encadrée, notamment dans le temps. Il ne me semble nécessaire ni de l'abroger ni de la prolonger.

Faisons confiance aux juges pour prendre les bonnes décisions. La commission des lois estime qu'il n'y a pas besoin de modifier la loi et je salue son travail qui nous évite de nous embarquer dans la première polémique venue... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue l'initiative de Sophie Taillé-Polian et du GEST d'aborder un sujet hautement sensible. J'ai aussi suivi le travail de la commission des lois, de la commission des affaires économiques et de la délégation aux entreprises, et notamment les auditions. On a souligné les dérives. Tout est lié : les entreprises, l'État, nos territoires.

Cette proposition de loi a pour objectif de mettre fin aux dérives. Notre rapporteure a souligné l'existence de nombreux dispositifs pour soutenir nos entreprises, notamment les prêts garantis par l'État - 300 milliards d'euros d'encours -, le fonds de solidarité, etc. Je suivrai l'avis de la commission des lois et notre groupe ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

Mme le président.  - Amendement n°1 rectifié quinquies, présenté par Mmes N. Goulet et Loisier, MM. Le Nay, Moga et Canevet, Mmes Dindar et Billon, M. Delahaye, Mme Doineau, M. Delcros et Mmes Vérien, Gatel et C. Fournier.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Jusqu'au 31 décembre 2021, la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation prévue au chapitre V du titre IV du livre VI du code de commerce est ouverte, par dérogation au premier alinéa de l'article L. 645-1 du même code et sous les réserves prévues aux deuxième et troisième alinéas du même article L. 645-1 ainsi qu'à l'article L. 645-2 dudit code, à toute personne mentionnée au premier alinéa de l'article L. 640-2 du même code, en cessation de paiement et dont le redressement est manifestement impossible, qui n'a pas cessé son activité depuis plus d'un an et dont l'actif déclaré a une valeur inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d'État.

Dans le cas où le débiteur a employé un ou plusieurs salariés au cours des six derniers mois, la procédure de rétablissement ne peut être ouverte que si toutes les créances salariales exigibles ont été payées à la date où le tribunal statue.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est une procédure un peu cavalière d'amender ainsi une proposition de loi, mais c'est le moyen pour moi de faire passer des propositions.

Je propose d'étendre le bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel aux entreprises de moins de dix salariés. Cela sauverait des emplois.

Mme Claudine Thomas, rapporteure.  - Sagesse.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - C'est un amendement d'appel. La procédure de rétablissement professionnel est une procédure simplifiée permettant l'effacement des dettes du débiteur tout en continuant l'activité. La mesure a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2021 grâce à la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) du 7 décembre 2020.

Nous sommes réticents à étendre cette procédure aux personnes morales ; cette extension mériterait au moins une étude d'impact. Avis défavorable.

M. André Reichardt.  - Je suis ancien directeur général de chambre de métiers et cet amendement me semble présenter un grand intérêt. Dans les situations difficiles que nous connaissons, il pourrait aider bon nombre d'artisans. J'aurais souhaité que nous puissions l'adopter.

M. Vincent Segouin.  - Une étude d'impact est toutefois nécessaire. L'entreprise française moyenne a six salariés. L'impact serait donc majeur !

L'amendement n°1 rectifié quinquies est adopté et devient un article additionnel.

Mme le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet, Vérien et C. Fournier.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le quatrième alinéa de l'article L. 144-1 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La Banque de France intègre dans ses enquêtes toutes les informations liées à l'application éventuelle des dispositifs pris dans le cadre de l'urgence sanitaire. »

Mme Nathalie Goulet.  - La ministre a déjà répondu.

L'amendement n°3 rectifié est retiré.

ARTICLE PREMIER

M. Guy Benarroche .  -  L'article premier met en exergue le problème du recours aux ordonnances sur des sujets de moins en moins techniques : 232 depuis le début de la législature, le record va être battu ! Où est le respect du Parlement ?

Le défaut de ratification est encore plus choquant : les projets de loi de ratification ne sont pas inscrits à l'ordre du jour, que vous maîtrisez pourtant ! Certes, il y a urgence, mais quel contrôle est réalisé ? La délégation du suivi du travail parlementaire s'en charge, mais pourquoi cela doit-il passer sur le temps d'initiative parlementaire ?

Mme Claudine Thomas, rapporteure.  - La commission des lois est défavorable à cet article. L'ordonnance du 20 mai 2020 comprend de nombreuses dispositions, dont certaines ont été critiquées par les présidents Buffet et Kanner.

L'article premier n'est pas adopté.

L'amendement n°2 rectifié quater est retiré.

L'article 2 n'est pas adopté.

Mme le président.  - L'ensemble de la proposition de loi reste constitué par l'amendement n°1 rectifié quinquies de Mme Goulet.

À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°46 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 226
Pour l'adoption   56
Contre 170

Le Sénat n'a pas adopté.

Protection patrimoniale et promotion des langues régionales

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion.

Discussion générale

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - Après son examen en première lecture le 14 février à l'Assemblée nationale, la proposition de loi du député Paul Molac est soumise à votre Haute Assemblée.

Elle nourrit une ambition que nous avons en partage et qui figure en toutes lettres dans l'article 75 de la Constitution, depuis 2008 : « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »

Par ces mots, ce sont les attaches et les cultures de nos concitoyens qui sont définitivement reconnues ; ce sont les richesses des pays et des langues qui ont été et sont pleinement considérées comme parties prenantes de l'identité de chacun de nous.

Comme la philosophe Simone Weil, nous savons que « l'enracinement est notre besoin le plus important et le plus méconnu. Chaque être humain a besoin d'avoir de multiples racines. »

J'ai coutume de dire, dans l'exercice de mes fonctions, que nous devons donner des racines et des ailes à nos enfants. Les racines, ce sont les appartenances locales. Aucune société ne se projette dans l'avenir sans ces racines. C'est tout le projet de l'école.

Je suis un partisan de l'enseignement des langues régionales, trésors culturels de notre pays. Recteur de Guyane, j'estimais la diversité linguistique comme un élément important de la biodiversité humaine.

Ne caricaturons pas notre système éducatif, qui n'est pas hostile aux langues régionales : en témoignent les 514 professeurs titulaires du Capes de langues régionales, en basque, breton, catalan, créole, etc.

Depuis 2018, une agrégation « Langues de France » est ouverte et nous avons eu sept agrégés en 2019. Quelque 170 000 élèves bénéficient de cet enseignement.

Chaque jour, nous nous attachons à faire progresser ce chiffre en proposant un parcours cohérent depuis l'école jusqu'au lycée.

Nous proposons un parcours cohérent avec le nouveau lycée : un élève peut choisir une langue régionale avec un coefficient de 6/100 contre 2/40 auparavant ; 4 367 élèves le suivent comme langue vivante B. C'est aussi possible comme langue vivante C ou optionnelle, pour 3 389 élèves, et même comme spécialité sur le cycle terminal, avec des programmes riches et ambitieux adossés à des coefficients importants (16/100 du baccalauréat) : 134 élèves de première sont concernés - nous attendons les chiffres pour la terminale.

Nous avons donc démultiplié les possibilités d'apprendre une langue régionale au lycée, en maintenant, pour l'offre déjà existante, les mêmes volumes horaires ; et surtout en proposant, avec les nouveaux enseignements de spécialité, des horaires importants qui permettent aux élèves de découvrir de manière approfondie les caractéristiques tant des langues que des cultures régionales.

Bien sûr, certains lycéens ont des difficultés à suivre cet enseignement de langue régionale. Mais les demandes des familles sont en constante diminution. Bien sûr, on ne peut envisager de classe à un, deux ou trois élèves...

Dès lors, comment envisager un regain de la demande ? Le numérique permet d'endiguer la baisse, voire d'impulser une nouvelle dynamique. J'ai demandé au centre national d'enseignement à distance (CNED) de développer pour la prochaine rentrée une offre pour le basque, le breton, le corse et l'occitan. Nous pouvons aussi progresser en renforçant la formation initiale.

Notre action n'est pas isolée : elle est pleinement concertée avec les acteurs et les défenseurs des langues régionales, qui siègent dans les conseils académiques des langues régionales et qui font vivre ces langues au sein des offices publics des langues régionales.

Pourquoi supprimer les articles 3 à 7 ? Ils ont déjà été débattus lors du projet de loi sur l'école de la confiance. Le Parlement a tranché.

Sur l'enseignement dit immersif, l'équilibre s'impose, avec le respect de deux langues enseignées, et notamment une parité horaire des deux langues.

L'enseignement des langues régionales est un aboutissement et l'expression de notre idéal français, construit au long de notre histoire, qui consiste en une juste articulation entre la Nation et le pays, entre l'ambition de partager une même langue, de porter un message et des valeurs qui nous élèvent en tant que Français, et la reconnaissance bien légitime de nos attaches.

Le sujet n'est pas nouveau et a déjà été éclairé par l'avis du Conseil d'État en 2002. Je m'y tiendrai scrupuleusement. Aussi l'expérimentation de l'enseignement immersif ne saurait-elle être que l'exception, contrôlée par un cadre et une durée fixes.

J'aborde cette proposition de loi avec une ambition et des exigences chevillées au corps : l'ambition de faire mieux pour la promotion et l'enseignement des langues régionales ; l'exigence du discernement et de la mesure, afin de garder toujours à l'esprit les efforts déjà déployés et le nécessaire respect de nos différents engagements ; l'intérêt des élèves et le respect du cadre réglementaire qui constituent mes deux boussoles.

Je ne doute pas que nous partagerons ces exigences. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Monique de Marco, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Une vingtaine sont en France métropolitaine, une cinquantaine dans les territoires d'outre-mer. Mais selon l'Unesco, elles sont vulnérables, en danger.

En 1999, selon l'Insee, il y avait 5,5 millions de personnes dont les parents parlaient en langue régionale. Mais ces statistiques datent d'il y a plus de vingt ans !

Certes, comme en Bretagne, des associations ont comptabilisé les locuteurs. L'occitan serait parlé par 1 million de personnes. Mais il faudrait une nouvelle enquête nationale. La pratique des langues régionales est en baisse, même si les langues ultramarines, tout comme le breton et le basque, résistent bien. En vingt ans, le nombre de locuteurs du flamand occidental a été divisé par deux. (M. Jean-Pierre Decool le confirme.) Et encore, cette langue est transfrontalière.

Sans transmission intrafamiliale ou volontarisme politique, certaines risquent de disparaître.

Le service public, via Radio France ou France TV, propose quelques programmes en langues régionales. Des radios locales jouent aussi un rôle important. Le Sénat a adopté un amendement de1,3 million d'euros dans le PLF 2021 pour les soutenir. Désormais, c'est l'école qui est le premier vecteur de transmission.

Nous regrettons la disparition de plusieurs articles dans ce texte. C'est pourquoi la commission de la culture a donné un avis favorable à certains amendements.

Max Brisson, rapporteur de la loi École de la confiance et fervent défenseur du basque, a promu les langues régionales.

Nous avons été alertés sur le bac : le mode de calcul retenu pour le latin et le grec ancien, avec un système de bonus, peut-il être appliqué aux langues régionales ?

J'ai voté avec intérêt la proposition de suivre un cours du CNED, qui pourrait intéresser un public plus large que celui qui peut suivre l'enseignement dans les établissements où il est proposé.

Ce texte précise l'articulation entre le français et les langues régionales, et lève les ambiguïtés.

Selon la décision du Conseil constitutionnel de 1994 relative à l'emploi de la langue française, l'usage des traductions en langue régionale est possible dès lors que l'utilisation du français est assurée. Mais la réalité est autre. Apportons une réponse juridique claire pour promouvoir les langues régionales ! Il est urgent d'agir. Sans un volontarisme politique fort, ces langues risquent de disparaître ou de se résumer à des curiosités historiques. Conservons-les comme un patrimoine vivant de notre pays. (Applaudissements sur les travées du GEST et celles du groupe SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture.  - Nous avons reçu tardivement un amendement du Gouvernement de suppression de l'article 9.

Je propose aux membres de la commission de la culture de l'examiner lors de la suspension.

M. Lucien Stanzione .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi est une nouvelle occasion d'opposer Jacobins centralisateurs et Girondins décentralisateurs et promoteurs des langues régionales.

Pourtant, le bilinguisme régional est une richesse. Un jeune bilingue en une langue régionale aura plus de facilités à apprendre une, voire deux ou trois autres langues.

La rupture avec le jacobinisme, à la fin des années 1970, est largement due aux socialistes qui ont accompli de réelles avancées, notamment sous la présidence de François Mitterrand.

L'enseignement bilingue a été reconnu dans la loi pour la refondation de l'école de la République de 2013 ; citons aussi la participation financière des collectivités dans la loi NOTRe ; la proposition de loi de 2016 des députés socialistes cosignée par le député-rapporteur Paul Molac, et la proposition de loi relative aux panneaux des entrées de ville, en langues régionales, adoptée par le Sénat, mais pas par l'Assemblée nationale.

Chaque langue témoigne de l'expérience humaine, apporte une réponse aux questions fondamentales.

Or une évolution insidieuse est en cours : les anglicismes gagnent du terrain. On y voit au mieux une perte des repères culturels, au pire une victoire idéologique du libéralisme anglo-saxon.

Défendre nos langues régionales, c'est aussi défendre nos valeurs.

Les langues régionales consacrent la pluralité et la diversité des territoires. Une langue, c'est une perception du monde, une culture, une façon de vivre, c'est le vecteur d'un héritage et de la transmission des conditions d'un renouveau dans notre conception de la Nation.

Les langues régionales font partie intégrante de notre patrimoine, leur richesse construit notre identité. Elles témoignent de notre génie culturel.

Leur usage au quotidien est crucial.

Les champs de l'état civil, de l'espace public mais aussi de l'éducation ne doivent pas être négligés.

Nous soutenons les amendements sur la contribution financière obligatoire. Le groupe SER porte ce texte avec force. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Nadège Havet et M. Jérémy Bacchi applaudissent également.)

M. Stéphane Ravier .  - Charme de la France, les langues régionales sont les accents variés de notre langue nationale, les rivières qui viennent se jeter dans l'océan français.

Les articles 3 et 7 sur l'enseignement bilingue, les plus engageants pour l'État, ont disparu.

Or le niveau de l'enseignement de la langue française baisse. Il est urgent que nos enfants apprennent le français autrement qu'avec la méthode globale, les SMS et les musiques urbaines qui riment avec haine - haine de tout ce qui fait la France, y compris sa langue. (Exclamations outrées à gauche)

La langue dit qui l'on est, d'où l'on vient, elle fonde la cohésion nationale.

Clovis parlait germanique ; la rencontre avec le latin donna naissance à la langue francique, jusqu'à l'ordonnance de Villers-Cotterêts par laquelle François Ier imposa le français pour les actes légaux et notariés. Mais il faut attendre la fin du XIXe siècle pour qu'elle devienne la langue de tous les Français. Écouter la langue française, c'est entendre l'Histoire de France !

Notre patrimoine linguistique doit être valorisé, mais aussi l'apprentissage du latin et du grec, coeur sémantique de notre langue.

Cette même République qui a interdit le provençal dans ses écoles veut désormais imposer l'enseignement de l'arabe pour mieux valoriser l'autre. (Vives protestations à gauche) On pousse la haine de soi jusqu'à l'ethno-masochisme !

Nos langues régionales rappellent à chaque territoire son histoire et sa culture. Un Provençal n'est pas un Breton, qui n'est pas un Corse, qui n'est pas un Martiniquais. Chacun est fier de sa petite patrie mais appartient d'abord à la grande.

« J'aime mon village plutôt que ton village, j'aime ma Provence plus que ta province, j'aime la France par-dessus tout » écrivait Félix Gras, disciple de Frédéric Mistral.

Face à l'uniformisation imposée par la mondialisation et la montée du communautarisme sous perfusion migratoire, pour que le français ne soit pas une langue morte, il faut que vivent nos langues régionales. (On s'impatiente à gauche, où l'on invite l'orateur à conclure.)

Comme nous le disons encore au Roudelet Felibren : « Vous souvet en téuti de fruchous fest calendale, un bouan bout d'an, e esper tamben pér dous mille vint un que se sian pas mai, que siguen pas mén. »

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue la qualité du travail de la rapporteure.

Ni la France ni la République n'ont eu de rapport facile avec les langues régionales, longtemps symboles de la France du cheval de trait, archaïque, voire réactionnaire. On les qualifiait de « patois ». L'école mais surtout l'urbanisation et la télévision ont créé une rupture.

Aujourd'hui, c'est sur l'école, qui les a longtemps interdites, que repose l'avenir des langues régionales. Il faut s'en féliciter. C'est un renversement historique !

Reste que l'Éducation nationale a un train de retard sur la demande sociale et l'appétence des jeunes. L'objectif n'est pourtant pas de produire des locuteurs complets.

Les territoires sans identité sont des territoires sans projets. En Pays Basque comme ailleurs, une part de cette identité repose sur la langue.

La langue est un facteur d'attractivité, de modernité, de solidarité et de préservation du tissu social. Je félicite Paul Molac pour sa proposition de loi mais je regrette que les articles sur l'enseignement aient été exfiltrés.

Les langues régionales sont un sujet mineur des lois majeures sur l'école. Parallèlement, la loi Toubon, voulue pour lutter contre l'anglomania, a trop souvent été utilisée par les préfets, recteurs et Dasen contre les langues de France. Pareille instrumentalisation est une trahison de la volonté du législateur.

Je soutiens cette proposition de loi qui rappelle l'État à ses obligations.

Il faudra aussi parler de l'école : c'est l'objet de nos amendements. Le pays de l'exception culturelle ne peut laisser dépérir le trésor inestimable que sont les langues de France. C'est la responsabilité de notre génération à l'égard des générations futures, ces élèves de Seaska, diwan, bressola, calendrettes, ABCM, ou ceux des écoles bilingues, publiques et privées. Ils attendent que nous soyons à la hauteur des générations qui nous ont précédées et qui aimèrent et parlèrent leur langue maternelle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, GEST et UC ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Jean-Pierre Decool .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La France est un État historiquement multilingue. On y parle des langues romanes mais aussi germaniques, ainsi que le basque et le breton, sans parler de l'outre-mer. Il faut changer de regard sur ces langues régionales, qui sont au français ce que les territoires sont à la France.

« Les langues régionales jouent leur rôle dans l'enracinement qui fait la force des régions. Nous allons pérenniser leur enseignement » déclarait le Président de la République dans un tweet du 21 juin 2018. Aujourd'hui, nous examinons une proposition de loi vidée de sa substance à l'Assemblée nationale. Les amendements visant à lui redonner du corps sont de bon ton ; nous serons nombreux à la soutenir.

La défense des langues régionales n'est ni une lubie ni une revendication communautariste. Il s'agit au contraire de les faire participer à la vie de la cité.

L'État doit associer les collectivités territoriales et leur laisser une marge de manoeuvre. Celles-ci n'ont pas attendu et je salue la création d'un Office public du flamand soutenu par le conseil régional des Hauts-de-France.

Nos langues régionales ne doivent pas être mises sous cloche, admirées comme des vestiges d'un passé folklorique. Une langue ne s'abîme que lorsqu'on ne la parle pas, comme le dit Paul Molac. D'où l'importance de l'enseignement.

Jean Jaurès s'étonnait qu'un enfant parlant l'occitan déchiffre facilement le portugais, l'espagnol, l'italien. L'apprentissage de la langue de sa région est un avantage pour se lancer dans le monde ! Au sein de l'Union européenne, on dénombre plus de 60 langues régionales ou minoritaires.

La dernière réforme du lycée ouvre la possibilité de créer des cursus d'enseignement de certaines langues régionales. Toutes ne sont pas logées à la même enseigne. Je pense notamment au flamand occidental, toujours exclu de la circulaire de 2017. Je remercie Mme la rapporteure pour sa détermination.

Ce texte n'est pas une panacée mais il va dans le sens d'une plus grande reconnaissance de nos langues régionales, des particularités de nos territoires et de leurs habitants. Il nous rappelle que notre pays est beau et fort de sa pluralité. Le groupe Les Indépendants votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Nadège Havet .  - Née à Rennes, sénatrice du Finistère, je ne parle ni le gallo ni le breton, je les baragouine - d'ailleurs, ce mot vient du breton « bara » - le pain -  et « guin » - le vin. Je ne parle pas non plus alsacien, basque, créole, catalan, occitan ni tahitien... Quoique j'espère néanmoins progresser grâce à mon collègue Teva Rohfritsch.

Je parle français et espagnol. Mais j'ai interrogé mes collègues et j'ai voyagé.

Une langue régionale est parlée dans une région et depuis plus longtemps que le français. Mais cette pratique est en baisse. « La mort d'une langue, fût-elle chuchotée par une infime poignée sur quelque parcelle de territoire condamné, est la mort d'un monde. Chaque jour qui passe s'amenuise le nombre de manières de dire espoir », écrit le linguiste George Steiner, récemment disparu.

Notre attachement au principe d'unicité du peuple français et d'indivisibilité de la République est une évidence. La révision constitutionnelle de 2008 a introduit l'article 75-1 qui affirme ici aussi une évidence : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Il nous faut trouver un équilibre, un « en même temps », oserai-je dire.

En 2018 à Quimper, Emmanuel Macron avait affirmé vouloir soutenir les langues régionales. L'école en est le vecteur privilégié. Monsieur le ministre, vous l'aviez rappelé lors des débats sur le projet de loi pour une école de la confiance. Depuis votre arrivée, l'offre a été augmentée et des dispositions propres à l'enseignement privé ont été adoptées.

M. Max Brisson.  - Grâce au Sénat !

Mme Nadège Havet. - Nous évoquerons le forfait scolaire lors de l'examen des amendements, tout comme la question du conventionnement.

La réforme du bac veut faire une meilleure place aux langues régionales.

Mon groupe est favorable aux articles premier et 2 mais aussi à l'esprit de l'article 8. Les langues régionales sont structurantes pour nos territoires, pour leur attractivité ; elles en traduisent l'histoire et la culture et sont un lien intergénérationnel. Chacun reconnaît l'intérêt du plurilinguisme pour le développement cognitif des enfants.

Le groupe RDPI soutiendra cette proposition de loi. Roomp harpe dor yezou rânvroel : soutenons les langues régionales et vive le français ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Christian Bilhac .  - Quelle langue parlerions-nous si la monarchie s'était installée à Toulouse ? L'occitan, probablement... L'usage d'une langue unique par la monarchie, de Louis XI à François Ier, puis par les révolutionnaires de 1789 a permis de consolider l'unité du royaume puis d'affirmer la République. Il y a cent ans, mon grand-père instituteur en Aveyron accueillait des élèves qui ne parlaient pas le français.

Parce que les langues régionales ont aussi symbolisé la résistance au pouvoir central, elles ont longtemps inspiré une certaine méfiance. Aujourd'hui, il est acquis que la République est indivisible mais ce principe n'est pas incompatible avec les parlers de nos territoires.

Depuis la loi Deixonne de 1951, plusieurs lois ont été adoptées. Mais nous pourrons aller plus loin avec cette proposition de loi de Paul Molac.

Est-il utile de rappeler au Sénat, maison des collectivités territoriales, combien la diversité linguistique est une richesse ?

Les études démontrent le bénéfice de ce que les linguistes appellent la conscience métalinguistique.

M. François Bonhomme.  - Houlà !

M. Christian Bilhac.  - Plus simplement, les langues régionales sont constitutives de notre patrimoine et facteur d'attractivité de nos territoires.

En 2008, les langues régionales étaient consacrées dans la Constitution. Leur entrée dans le code du patrimoine est une étape supplémentaire.

Dans un monde ouvert marqué par la perte des racines, l'usage d'une langue locale répond aussi à un besoin identitaire. D'où l'intérêt des articles sur les signes diacritiques dans l'état civil ou sur la traduction des inscriptions publiques.

Une langue meurt quand elle n'est plus parlée, or la transmission se fait de moins en moins dans les familles. Cela pose la question de la place des langues régionales dans l'enseignement. Les leviers existants ne sont pas toujours suffisamment exploités. Prenons exemple sur ce qui se fait pour le basque ! Nous pourrions aller plus loin, notamment sur la participation financière des communes à la scolarisation.

Enfin, les médias ont aussi un rôle à jouer. Plus de 5 000 heures de programmes en langue régionale sont diffusées chaque année sur le réseau France Bleu. Il faut soutenir les radios locales, fragilisées par la crise sanitaire.

Attentif à tout ce qui valorise la diversité des territoires, le RDSE est favorable à la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI)

M. Jérémy Bacchi .  - On estime que 7 % de la population française est locutrice régionale, contre un quart il y a un siècle. Ce déclin doit nous interroger.

D'abord promues en 1790, les langues régionales ont pâti dès 1794 de la volonté de la Convention de construire l'unité de la Nation en imposant le français. La IIIe République a poursuivi cette politique d'effacement des langues régionales pour consolider le régime face aux particularismes. Aujourd'hui, notre République est consolidée et la question des langues régionales se pose autrement.

Elles sont une richesse : elles témoignent de l'Histoire de France et de la construction de l'État, de la féodalité à la République en passant par la monarchie centralisée. Il est loin le temps où Voltaire se plaignait d'avoir besoin d'un traducteur pour se rendre à Uzès.

Le français s'est enrichi des apports de ses langues régionales, intégrant le « maquis » corse, le « béret » béarnais, la « brioche » normande ou le « guignol » arpitan.

Cette proposition de loi est donc hautement symbolique, d'autant que la majorité de ses articles sont déjà couverts par le droit existant. Ce qui prouve, hélas, que la loi actuelle n'est pas suffisamment efficace.

L'Assemblée nationale a judicieusement supprimé une partie des dispositions du texte original.

Oui, la défense des langues régionales est nécessaire et il faut soutenir les initiatives en la matière. Les associations régionales de médiation culturelle et linguistique font un travail remarquable, que je salue.

La Constitution pose trois principes : la République est une et indivisible ; sa langue est le français ; les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Un consensus s'est dégagé sur les enjeux de ce texte. Nous voulons défendre ce qui fait la beauté, l'ancrage et la diversité de notre pays.

Mais les amendements renforçant le soutien public aux écoles privées dénatureraient la rédaction. C'est une ligne rouge. S'ils devaient être adoptés, le groupe CRCE reverrait son vote. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

La séance est suspendue à 13 h 05.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 35.

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. le président de la commission applaudit également.) Rien de plus politique que les batailles linguistiques, car la langue est le premier marqueur identitaire. Sans langue commune, point d'appartenance collective. L'Union européenne peine à s'intégrer davantage, orpheline d'une langue partagée.

En France, la logique de la construction nationale fut, pour soumettre les particularismes locaux, d'imposer la langue du roi : c'était le sens de l'ordonnance de Villers-Cotterêts qui, au XVIe siècle, imposa le français comme langue administrative. Cela a duré jusqu'au XXe siècle.

À ma génération encore, il était interdit de parler l'idiome régional dans la cour de l'école. 

La bataille a été gagnée : aujourd'hui, les 75 langues régionales sont en quasi extinction. C'est la bataille inverse, pour les restaurer, qui se joue à présent, avec un enjeu patrimonial.

La Palice, maréchal de François Ier, le dirait en bon françois : « les langues régionales se meurent de ne plus être parlées » - bien sûr, puisqu'elles ne sont plus enseignées. Les lois récentes se sont placées sur le terrain éducatif.

La loi du 8 juillet 2013 a posé le principe que les familles doivent être informées de l'offre d'enseignement en langue régionale et a ouvert le champ - enseignement de langue et culture régionales, enseignement bilingue. La loi NOTRe du 7 août 2015 a concrétisé la faculté de choix des familles en prévoyant un système de compensation entre communes au profit de celles où l'on enseigne une langue régionale. La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a inclus les écoles privées sous contrat.

Mais c'est encore trop peu. En Alsace, seules les écoles privées associatives ABCM proposent réellement un enseignement en alsacien. Même dans le supérieur, sur tout le cycle à l'Université de Strasbourg, pas plus de 30 étudiants sont inscrits en langue allemande, très proche de l'alsacien. Seul l'Office pour la langue et les cultures d'Alsace dispense des cours en périscolaire ou le soir, mais il ne trouve plus d'enseignants !

Nous regrettons que l'Assemblée nationale ait supprimé tout le volet éducatif de la proposition de loi. C'est pourquoi nous soutenons le rétablissement de l'article 3.

Le code de l'éducation prévoit que la langue corse est enseignée sur les horaires normaux. Pour les autres langues, ce ne serait possible qu'après contractualisation avec les régions. Cet enseignement ne se substituerait pas mais s'ajouterait aux autres.

La promotion des langues régionales est une compétence partagée des collectivités territoriales. Elles ont besoin d'un cadre juridique renforcé, l'article 3 le leur donne. Les autres articles supprimés par l'Assemblée nationale allaient trop loin, nous ne souhaitons pas les rétablir, afin de ne pas ouvrir de brèche aux communautarismes.

L'inclusion des langues régionales dans le patrimoine immatériel et leur reconnaissance comme trésors nationaux sont bienvenus.

Le groupe UC votera ce texte. Veelen Dank fers züherre, un a scheener Nochmedaal. Merci beaucoup pour votre attention et bel après-midi ! (Rires et applaudissements)

M. Ronan Dantec .  - « Memestra ar brezhoneg zo eur yezh flour » ! (Marques d'admiration sur diverses travées) « Un lien étroit lie pour toujours le locuteur à sa langue maternelle. » Cette exclamation d'une agricultrice finistérienne chez qui, jeune homme, j'effectuais un stage m'a marqué. « Eur yezh flour » se traduit difficilement en français, car ce n'est pas seulement « une belle langue », mais « la douceur de la langue ».

Après bien des combats, la révision constitutionnelle de 2008 a inscrit les langues régionales dans le patrimoine français. Mais il faut encore des précisions dans le code du patrimoine.

Le GEST est très heureux de reprendre cette proposition de loi du député Paul Molac dans sa première niche.

Jadis, celui qui était surpris à parler sa langue était puni de corvées, qu'il accomplissait jusqu'à ce que le contrevenant suivant prenne sa place. Les Africains ont bien connu ce système ! Mais il y a des procédés plus insidieux pour réduire l'enseignement des langues régionales. Depuis la réforme du bac, en un an donc, les inscriptions en occitan ont baissé de 50 % à Toulouse en terminale ! Monsieur le ministre, il faut savoir reconnaître ses erreurs.

Les enjeux d'enseignement ont été écartés de la proposition de loi à l'Assemblée nationale. Il était impossible de ne pas y revenir.

Après l'engagement d'Édouard Philippe, Premier ministre, il y avait eu un amendement de Maryvonne Blondin au texte sur l'école de la confiance, mais la CMP avait ensuite modifié la rédaction et réduit sa portée. Résultat : 160 contentieux entre communes, qui attendent une intervention du préfet.

Monsieur le ministre, je suis abasourdi par votre réticence face à l'enseignement immersif, avec l'argument absurde et éculé qu'il risque de porter tort à l'enseignement du Français, effet démenti par toutes les études pédagogiques.

Nous devons au contraire protéger ce patrimoine précieux et commun. J'espère que vous soutiendrez les avancées que le Sénat va adopter. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel estimait que la Charte européenne des langues régionales et minoritaires comptait plusieurs dispositions contraires à la Constitution.

La réforme constitutionnelle de 2008 a enfin reconnu les langues régionales comme appartenant au patrimoine de la France, à l'article 75-1. Hélas la charte n'a pas encore été ratifiée par la France.

Les langues régionales doivent toujours être réaffirmées et protégées. C'est l'objet de cette proposition de loi, après notamment celle de M. Courteau en 2017 sur la signalisation en entrée de ville.

Monsieur le ministre, l'article 34 de la loi École de la confiance avait suscité beaucoup de débats. Cet article est mal compris, en témoignent les innombrables demandes de médiation transmises aux services de l'État : c'est sans doute qu'il est mal rédigé.

La préservation et le développement des langues régionales doivent passer par la sécurisation de leur usage. Je me félicite de l'inclusion des signes diacritiques tels que le tilde à l'état civil.

Mona Ozouf a écrit : « En chacun de nous existe un être convaincu de la beauté et de la noblesse des valeurs universelles, séduit par l'intention d'égalité qui les anime et l'espérance d'un monde commun, mais aussi un être lié par son histoire, sa mémoire et sa tradition particulières. Il nous faut vivre, tant bien que mal, entre cette universalité idéale et ces particularités réelles. » Il nous faut composer et recomposer avec nos langues et nos identités pour résoudre nos tensions, si personnelles et si collectives. (Applaudissements à gauche ; M. Max Brisson applaudit également.)

Mme Laurence Muller-Bronn .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une langue ne saurait vivre et survivre sans statut juridique. Il en existe 6 500 dans le monde. Celles qui disparaissent sont celles qui n'ont pas de reconnaissance officielle.

En France, les langues régionales doivent être enseignées, acquises et transmises. Elles ne sont pas un folklore mais un atout, y compris économique dans les zones frontalières. Quelque 50 000 travailleurs transfrontaliers, grâce leurs connaissances linguistiques, peuvent travailler en Allemagne et en Suisse. En dix ans, la fréquentation des classes bilingues a été multipliée par deux en Alsace. Mais si en théorie tout élève y a accès entre la maternelle et la terminale, en pratique les obstacles administratifs et idéologiques sont nombreux.

Les articles 3 à 7 de la proposition de loi de Paul Molac ont été supprimés à l'Assemblée nationale, ce qui a vidé le texte de sa substance.

Réaffirmons le rôle du forfait scolaire comme contribution à cet enseignement. La participation financière des communes est nécessaire, ainsi qu'une meilleure gestion des ressources humaines. En Alsace, des candidats allemands et autrichiens ne peuvent être recrutés comme enseignants parce que les démarches sont trop longues pour obtenir des équivalences. La collectivité européenne d'Alsace se propose d'organiser elle-même la formation des enseignants.

Il faut éclaircir les malentendus sur l'enseignement immersif, qui attire de plus en plus d'élèves. Nous présenterons un amendement après l'article 2 à ce sujet.

La proposition de loi nous offre l'opportunité et la responsabilité de promouvoir la modernité des langues régionales qui nous portent vers l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

Mme Sabine Drexler .  - Si aujourd'hui la langue française est omniprésente dans tous les villages reculés, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les dialectes prévalaient.

Les langues régionales ont longtemps été méprisées, reniées et interdites. Et pourtant leur usage permet de valoriser le lien intergénérationnel et d'ancrer ses racines dans une terre. C'est pourquoi il faut préserver cette richesse : les langues témoignent de ce que nous avons été et des liens qui nous unissent.

Dans le Sundgau, chez moi, mon arrière-grand-père né en 1865 a changé quatre fois de langue officielle - mais l'alémanique est resté sa langue du quotidien. Une langue qui remonte au Ve siècle et qui est parlée par 6,5 millions de personnes ; elle témoigne d'une communauté historique avec le nord de la Suisse, le Bade-Wurtemberg, la Bavière, le Liechtenstein, l'ouest de l'Autriche et le nord de l'Italie ; elle est devenue synonyme d'opportunités économiques. Mais la très grande majorité des jeunes ne parlent pas l'alsacien, ils n'ont donc plus accès au marché du travail transfrontalier.

Il nous incombe de souffler sur les braises des langues régionales ; de les protéger, les promouvoir avec une politique éducative adaptée : ces langues ne doivent pas être l'apanage des écoles privées. Monsieur le ministre, soutenez les amendements que nous présenterons. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme la rapporteure applaudit également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mmes Berthet et Noël, MM. Calvet et E. Blanc, Mme Gruny, MM. Gremillet et Charon, Mmes Deromedi et Belrhiti, M. Savary, Mme Drexler, MM. H. Leroy et Klinger et Mmes M. Mercier et Garriaud-Maylam.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 312-10 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces enseignements s'appliquent au basque, au breton, au catalan, au corse, au créole, au gallo, à l'occitan-langue d'oc, au francoprovencal, aux langues régionales d'Alsace, aux langues régionales des pays mosellans, au tahitien, aux langues mélanésiennes (drehu, nengone, païci, aïje) ainsi qu'au wallisien et au futunien. »

Mme Marie Mercier.  - Cet amendement de Mme Berthet ajoute le franco-provençal à la liste des langues régionales reconnues par l'Éducation nationale. En effet, les élèves qui veulent le présenter au baccalauréat doivent passer une épreuve de langue occitane avec des examinateurs qui ne connaissent pas forcément le franco-provençal.

Cette langue, émergée dans les Alpes du Nord au cours du premier millénaire, perdure depuis plus de soixante générations dans des départements tels que la Savoie, la Haute-Savoie, l'Isère, l'Ain, le Rhône et la Loire. Des groupes de locuteurs travaillent à la sauvegarde de ce patrimoine vivant en faisant intervenir des enseignants et des bénévoles dans les écoles.

Mme Monique de Marco, rapporteure.  - La liste des langues régionales reconnues par l'Éducation nationale est définie par circulaire : l'inscrire dans la loi risque d'avoir un effet contre-productif en excluant les langues qui n'y figurent pas, comme le flamand occidental. Avis défavorable.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je souscris à l'argument de la rapporteure : cet amendement rigidifierait la liste. Centraliser constituerait un sacré paradoxe pour ce texte ! Il faudrait modifier la loi à chaque fois que l'on souhaite ajouter une langue à la liste.

La vitalité des langues régionales s'amorce dans le périscolaire, le numérique, bref dans de nombreux domaines qui ne relèvent pas de l'Éducation nationale. N'utilisons pas les outils du jacobinisme s'agissant des langues régionales ; faisons-les vivre, au lieu de laisser à la rue de Grenelle le soin de tout décider, via le code de l'éducation ! La vitalité d'une politique ne passe pas toujours par des actions centralisées : les initiatives de la collectivité européenne d'Alsace ont été mentionnées.

Nous manquons de professeurs de franco-provençal ; cela nécessite des réponses pragmatiques du rectorat concerné. Avis défavorable.

Mme Marie Mercier.  - Cet amendement était l'occasion de soulever une difficulté et d'évoquer cette langue.

L'amendement n°5 rectifié bis est retiré.

L'article 2 est adopté, de même que l'article 2 bis.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 2 bis

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par Mmes Muller-Bronn et Belrhiti, MM. Calvet et Charon, Mmes Dumont, Drexler, Deromedi et Imbert, M. Klinger, Mme Gruny et MM. Reichardt et Regnard.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 312-10 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Au quatrième alinéa, le mot : « deux » est supprimé ;

2° Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Un enseignement immersif en langue régionale sans préjudice de l'objectif d'une bonne connaissance de la langue française. »

Mme Laurence Muller-Bronn.  - Il faut, dans ce débat, aborder l'enseignement immersif, et c'est le but de cet amendement frondeur. L'apprentissage en immersion n'est pas reconnu au niveau national, sauf sous forme d'expérimentations, alors qu'il est pratiqué depuis longtemps dans l'enseignement privé. Il suscite des réticences, malgré son intérêt et les résultats obtenus : il est le seul susceptible de former des élèves bilingues.

La mesure serait inconstitutionnelle. Pourtant, le Conseil constitutionnel ne se fonde jamais sur l'article 2 de la Constitution pour récuser l'enseignement immersif. S'il y était contraire, il ne pourrait d'ailleurs être expérimenté. Les obstacles ne sont pas constitutionnels, mais culturels et historiques. Laissons les collectivités territoriales agir.

M. André Reichardt.  - Très bien !

Mme Monique de Marco, rapporteure.  - Le Conseil constitutionnel a déduit plusieurs fois de l'article 2 de la Constitution qu'un enseignement ne pouvait être délivré dans une langue autre que le français, langue de la République, pour une matière autre que la langue en question. En outre, une langue régionale ne peut être imposée dans l'enseignement public. Avis défavorable.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - En effet. Le Conseil constitutionnel fait, sur le sujet de l'enseignement immersif, clairement référence à l'article 2. Certaines écoles bilingues français-anglais privées réputées, auxquelles il est parfois fait référence, ne pratiquent pas l'enseignement immersif.

J'ai, lors du dernier débat sur le sujet, appelé à la subtilité dans les débats pédagogiques, mais les retours médiatiques qui ont suivi en ont été dépourvus... Ma pensée a été travestie. Chat échaudé craint l'eau froide... Je m'en tiendrai à un avis défavorable.

Mme Laurence Muller-Bronn.  - J'ai répondu à l'argument constitutionnel dans la présentation de mon amendement...

L'amendement n°16 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par MM. Hassani, Mohamed Soilihi et Dennemont, Mmes Duranton, Evrard et Havet et MM. Iacovelli, Rohfritsch, Théophile et Patient.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 372-1 du code de l'éducation est abrogé.

M. Abdallah Hassani.  - L'article L. 312-10 du code de l'éducation reconnaît les langues et les cultures régionales comme appartenant au patrimoine de la France et prévoit les conditions de leur enseignement. Mais il n'est pas applicable à Mayotte. Mon amendement y remédie.

Mme Monique de Marco, rapporteure.  - Le code général des collectivités territoriales (CGCT) comportait des dispositions spécifiques pour le mahorais. La disposition a été abrogée, or la correction n'a pas été faite dans le code de l'éducation. Avis favorable.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Le shimaoré et le kibishi sont des langues importantes à Mayotte, qui appellent notre attention. Sagesse.

L'amendement n°13 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Brisson, Mme Drexler, M. Reichardt, Mme Muller-Bronn, M. Panunzi, Mme Micouleau, MM. Cadec et Klinger, Mme Dumas, MM. Savin et Sautarel, Mme Deromedi, MM. Savary, D. Laurent et Cardoux, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Gremillet et Belin et Mmes Berthet et Canayer.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les sixième et septième alinéas de l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« La participation financière à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du premier degré sous contrat d'association dispensant un enseignement de langue régionale au sens du 2° de l'article L. 312-10 fait l'objet d'un accord entre la commune de résidence et l'établissement d'enseignement situé sur le territoire d'une autre commune, à la condition que la commune de résidence ne dispose pas d'école dispensant un enseignement de langue régionale. »

M. Max Brisson.  - Cet amendement précise les dispositions du code de l'éducation aux termes desquelles la participation financière à la scolarisation des enfants en établissements du premier degré qui dispensent un enseignement de langue régionale doit faire l'objet d'un accord entre la commune de résidence et l'établissement d'accueil situé sur le territoire d'une autre commune - à la condition que la première ne dispose pas d'école dispensant un enseignement de langue régionale .

À la suite d'une déclaration du Premier ministre en février 2019, le Sénat a voté un amendement à la loi du 26 juillet 2019 pour rendre ce versement effectif. Mais la réécriture adoptée en CMP, à l'initiative de la rapporteure de l'Assemblée nationale, ne fonctionne pas. Les relations entre élus, parents et établissements scolaires se dégradent ; cinquante-six demandes d'arbitrage ont déjà été portées devant les préfets en Bretagne. Il faut mettre fin à ces ambiguïtés.

L'amendement identique n°2 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°3, présenté par MM. Dantec et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dossus, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Ronan Dantec.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°6 rectifié, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Sylvie Robert.  - Cet amendement reprend un engagement du Gouvernement.

M. le président.  - Amendement identique n°15 rectifié bis, présenté par MM. Decool, Wattebled, Médevielle et Chasseing, Mme Mélot, M. Lagourgue et Mme Paoli-Gagin.

M. Jean-Pierre Decool.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°17 rectifié quater, présenté par MM. Delcros, J.M. Arnaud, Laugier, Détraigne, Le Nay, Moga et Canevet, Mmes Billon, Saint-Pé et Perrot, MM. Cigolotti, Vanlerenberghe et P. Martin et Mme Vermeillet.

M. Michel Laugier.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°18 rectifié, présenté par Mme Havet, M. Rohfritsch, Mme Phinera-Horth, M. Haye, Mme Duranton et M. Buis.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

Mme Monique de Marco, rapporteure.  - Le Sénat a déjà débattu du forfait scolaire lors de l'examen de la loi pour une école de la confiance. La rédaction issue de la CMP a engendré des contentieux sur la notion de contribution volontaire. Avis favorable à cette clarification.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Il me semble quelque peu étonnant de revenir sur un vote récent en CMP... La loi pour une école de la confiance constituait déjà une avancée pour l'enseignement des langues régionales. Je suis attaché à l'équilibre. Cet amendement instituerait une obligation élargie d'accueil pour les communes, en ajoutant aux motifs existants - comme la santé de l'élève - un critère qui relève du seul choix de la famille. Cela créerait un précédent pour d'autres envies, aussi légitimes !

Il faut promouvoir les langues régionales, aider les enfants à en recevoir l'enseignement, mais n'allons pas jusqu'à obliger l'établissement scolaire d'une commune, parce qu'il dispense l'enseignement d'une langue régionale, à accueillir des élèves d'autres communes. Il faut un dialogue territorial pour aboutir à un consensus. La lettre est en cause, pas l'esprit. Avis défavorable.

M. Pierre Ouzoulias.  - En ajoutant une quatrième condition à l'obligation de financement par les communes, cet amendement étend la loi du 28 septembre 2009 dite loi Carle, contre laquelle les groupes socialiste et CRCE avaient voté, et en dénature l'équilibre déjà imparfait. Il aurait été préférable d'aboutir un consensus sur le texte de l'Assemblée nationale et de le voter conforme. S'il ne l'est pas, nous savons ce qu'il en adviendra...

Cette proposition de loi pourrait marquer un changement politique majeur dans la façon dont la représentation nationale aborde les langues régionales. Si cet amendement est adopté, le groupe CRCE ne pourra hélas pas voter l'ensemble.

M. Ronan Dantec.  - La loi pour une école de la confiance, à vous entendre, monsieur le ministre, serait gravée dans le marbre. Non ! Les lois changent.

En revanche, l'engagement du Premier ministre à Rennes peut, lui, être remis en cause ?

L'amendement mentionne l'obligation d'un accord, donc d'un dialogue, entre la commune de résidence et la commune d'enseignement. Cela évitera les contentieux.

M. Max Brisson.  - Je partage l'analyse de Ronan Dantec. Monsieur le ministre, laissez au Sénat la liberté de sa cohérence !

Mme Frédérique Espagnac.  - Cet amendement est nécessaire au regard des difficultés rencontrées sur le terrain. Nous recherchons des solutions pragmatiques. Il ne s'agit pas d'opposer les modes d'enseignement, dites-vous, alors renforçons la place des langues régionales dans l'enseignement public !

Je rends hommage à Paul Molac, présent en tribune. (L'oratrice se tourne vers l'intéressé.) Conservons l'esprit de son texte. Cet amendement est de bon sens ; nous sollicitons la bienveillance du Gouvernement.

Mme Sylvie Robert.  - Nous modifions simplement l'écriture du texte de CMP pour qu'il soit bien appliqué et compris, sans toucher à l'esprit de la loi. Souvenez-vous de l'engagement du Premier ministre et de l'amendement de notre ancienne collègue Maryvonne Blondin. Le Sénat est cohérent ; espérons que le Gouvernement le sera également ! (Applaudissements sur toutes les travées)

M. Laurent Lafon, président de la commission.  - L'implication de notre commission a été forte sur ce texte. Je comprends les arguments de nos collègues, mais il revient au Sénat de s'exprimer, pas à tel ou tel sénateur au titre de son histoire personnelle.

Je partage la position de M. le ministre et de M. Ouzoulias. À l'heure où la priorité est de financer l'enseignement public dans nos villages, il n'est pas anodin de créer une dépense obligatoire de plus pour les communes.

M. Max Brisson.  - Pas dans le Val-de-Marne !

M. Laurent Lafon, président de la commission  - Nous sommes en train de sortir du cadre général. Le financement des écoles privées et associatives repose sur un équilibre consensuel mais précaire : la commune doit participer lorsque l'école est sur son territoire ou lorsque s'appliquent des exceptions bien définies ; elle le peut lorsqu'elle est située sur une autre commune

Je voterai contre cet amendement.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je salue l'éloquence du président Lafon, qui a parfaitement résumé la situation : il y a une question de principe sous-jacente à ce débat. L'équilibre entre le privé et le public est un point majeur qui doit être préservé dans l'intérêt du pays.

Alors même que la loi pour l'école de la confiance a été un progrès pour les langues régionales, je n'entends qu'insatisfaction et stigmatisation du jacobinisme supposé du ministre, qui se retrouve, ipso facto, en position désagréable.

Or celui qui vous parle a des ascendances alsaciennes, catalanes, bretonnes. Mon arrière-grand-père a la même histoire que le vôtre, madame Drexler - il a plusieurs fois changé de langue et a dû quitter l'Alsace pour continuer à parler français...

M. André Reichardt.  - Ah ! Il n'est pas le seul !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je me suis inscrit à une épreuve de breton au baccalauréat, et le catalan est très sympathique. Mais ministre, sans être obligé de jouer le rôle du jacobin rétif, toujours sur la défensive, je me dois d'être le gardien de l'intérêt général et de l'équilibre de la loi Carle. Or vous créez un point de déséquilibre.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos1 rectifié bis, 3, 6 rectifié, 15 rectifié, 17 rectifié ter et 18 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°47 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l'adoption 253
Contre   59

Le Sénat a adopté.

Les amendements identiques nos1 rectifié bis, 3, 6 rectifié, 15 rectifié, 17 rectifié ter et 18 rectifié deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Reichardt, Mmes Muller-Bronn, Berthet et Deromedi, M. Grand, Mme Dumont, MM. Daubresse, H. Leroy, Savary, Moga, Charon et Klinger, Mmes Lassarade et Gruny, M. Calvet, Mmes Drexler et Belrhiti, MM. Gremillet, P. Martin et Longeot et Mme Chain-Larché.

Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ces domaines, l'action de ces collectivités territoriales peut notamment prendre la forme de soutiens financiers attribués à l'investissement ou au fonctionnement d'institutions publiques ou privées agissant pour la promotion des langues régionales, notamment dans les domaines éducatif ou scolaire. »

M. André Reichardt.  - Cet amendement reconnaît la faculté pour les collectivités territoriales d'aider financièrement des institutions publiques ou privées qui promeuvent les langues régionales.

Mme Monique de Marco, rapporteure.  - C'est déjà possible. Mais cela créerait une inégalité entre établissements privés selon qu'ils dispensent ou non des cours de langues régionales.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - La loi du 30 octobre 1886, dite loi Goblet, interdit toute aide d'investissement aux écoles privées du premier degré. La loi Falloux du 15 mars 1850 limite ces aides à 10 % pour le second degré. La loi Debré du 31 décembre 1959 ne remet pas en cause ces dispositions.

Quelques dérogations existent, pour financer des éléments obligatoires dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La mise en oeuvre d'un enseignement en langue régionale ne constitue pas un critère objectif de financement des établissements privés,

Cet amendement reprend les termes d'une jurisprudence du 13 janvier 1994 qui vise des dérogations très précises : passage de diplôme ou équipement informatique. L'article 75-1 de la Constitution ne constitue pas un droit opposable.

Il ne répond donc pas aux exigences rappelées par le Conseil constitutionnel et pourrait même être en contradiction avec le régime législatif actuel, j'émets donc un avis défavorable.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 3 (Suppression maintenue)

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par MM. Parigi, Dantec et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Gontard, Dossus, Fernique et Labbé, Mmes de Marco, Poncet Monge et Taillé-Polian et M. Salmon.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 4 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l'éducation est complétée par un article L. 312-11-... ainsi rédigé :

« Art. L. 312-11-.... - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 312-11-1, dans le cadre de conventions entre l'État et les régions, la collectivité de Corse, la Collectivité européenne d'Alsace ou les collectivités territoriales régies par l'article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l'enseignement de la langue régionale à tous les élèves. »

M. Paul Toussaint Parigi.  - Cet amendement étend, dans le code de l'éducation, les dispositions existant aujourd'hui pour la seule langue corse et pour les seules écoles maternelles et élémentaires, à l'ensemble des langues régionales dans les écoles maternelles et élémentaires, les collèges et les lycées des territoires concernés.

Il précise que l'enseignement des langues régionales dans le cadre de l'horaire normal de ces établissements devrait donner lieu à des conventions entre l'État et les régions ou, le cas échéant, la collectivité de Corse ou les collectivités territoriales d'outre-mer. L'obligation prévue ne s'appliquerait que si une telle convention a été conclue, et dans les territoires pour lesquelles elle l'a été. Une telle convention pourrait également prévoir une mise en place progressive, afin notamment de former les enseignants, en particulier dans le cadre de la formation initiale.

M. le président.  - Amendement identique n°8 rectifié quater, présenté par M. Brisson, Mmes Drexler et Schalck, M. Reichardt, Mme Muller-Bronn, MM. Panunzi et Cadec, Mme Gruny, MM. Cardoux, Pemezec, Savary et D. Laurent, Mme Dumas, M. Charon, Mme Borchio Fontimp, M. Longuet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Gremillet et Belin et Mmes Chain-Larché, Canayer, Berthet et M. Mercier.

M. Max Brisson.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°9 rectifié bis, présenté par M. Kern et les membres du groupe Union Centriste.

M. Claude Kern.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°12 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Lucien Stanzione.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°14 rectifié, présenté par MM. Decool, Wattebled, Médevielle, A. Marc et Chasseing, Mme Mélot, M. Lagourgue et Mme Paoli-Gagin.

Mme Colette Mélot.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°19 rectifié bis, présenté par Mme Havet, M. Rohfritsch, Mme Phinera-Horth, MM. Buis et Haye et Mme Duranton.

Mme Nadège Havet.  - Défendu.

Mme Monique de Marco, rapporteure.  - Le dispositif en question respecte la Constitution. Il n'y a pas de raison qu'il ne s'étende pas à d'autres collectivités que la Corse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Le recours au CNED permet d'envisager, tout comme le plan « Mercredi pour le périscolaire » une extension de l'enseignement des langues régionales en dehors du temps scolaire. L'enjeu en l'occurrence est infra-législatif mais peut entraîner des évolutions très importantes en pratique.

Avis défavorable : cette disposition est redondante avec l'article L. 312-10 du code de l'éducation. Nous avons de nombreuses conventions avec des collèges, comme l'Alsace.

La circulaire du 12 avril 2017 précise déjà qu'une langue régionale peut être renforcée par des activités dans cette langue, et faire l'objet à cette fin d'enseignements à l'école maternelle. Cet enseignement ne saurait cependant revêtir un caractère obligatoire pour les élèves et les enseignants.

Or cet amendement rend cet enseignement obligatoire pour les écoles dès lors qu'une convention a été signée. Il alourdirait les dépenses publiques et créerait une inégalité entre les langues ayant fait l'objet d'une convention et les autres.

Les amendements identiques nos7 rectifié bis, 8 rectifié quater, 9 rectifié bis, 12 rectifié bis, 14 rectifié et 19 rectifié bis sont adoptés.

L'article 13 est ainsi réécrit.

Les articles 4, 5, 6 et 7 demeurent supprimés.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Le Gouvernement s'est engagé à ce que les prénoms et noms de famille puissent comporter des signes diacritiques régionaux lorsqu'ils sont mentionnés dans les actes de l'état civil.

Cela relève du domaine du règlement. Un décret en conseil d'État précisera donc, avant la fin du mois de janvier 2021, la liste des signes diacritiques qui pourront être utilisés dans les actes de l'état civil. D'où cette suppression.

Mme Monique de Marco, rapporteure.  - La position du Gouvernement a changé depuis janvier 2020, lorsqu'une disposition similaire avait été adoptée sans remarque du Gouvernement.

Nous aurions aimé voir le projet de décret. Vous mentionnez une liste du ministère de la culture, qui semble n'être pas exhaustive à ce stade. Avis défavorable.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

L'article 9, modifié, est adopté.

L'article 11 est adopté, de même que l'article 12.

M. Paul Toussaint Parigi.  - Merci aux sénateurs présents qui, dans un esprit transpartisan, ont donné de la cohérence et une âme à ce texte, vidé de sa substance par une Assemblée nationale hantée par le fantôme de l'idéologie monolinguiste. On laisse mourir les langues régionales en silence.

Monsieur le ministre, vos voeux pieux ne trompent personne.

En donnant d'un côté et en reprenant de l'autre, vous sapez les avancées obtenues et foutez au pied le plurilinguisme de ce pays. Vous ne duperez personne ! Il y a urgence à agir. Vous agitez le spectre du séparatisme mais c'est la folle volonté de l'État d'appliquer un implacable uniformisme qui nous y accule. Il faut sauver les langues qui proposent d'autres rêves que la globalisation. Au nom de nos enfants, nous devons défendre ce patrimoine vivant.

Sur les bancs de cette assemblée, c'est la richesse culturelle qui s'est exprimée et qui ne périra pas sous la férule jacobine.

Vi Ringraziu ! Trugarez ! Eskerrik asko ! Mercès ! Merci !

M. Jérémy Bacchi.  - Oui, nous aurions pu aller plus loin, mais les langues régionales ne doivent pas être un prétexte pour paupériser l'enseignement public au profit du privé.

En faisant une nouvelle fois passer le coût de l'enseignement des langues régionales sur les familles et les collectivités territoriales, c'est l'inégalité qui progresse.

Nous sommes donc dans l'impossibilité de voter ce texte. Nous nous abstiendrons.

M. Max Brisson.  - Cher collègue Parigi, je ne suis pas d'accord avec vous, sauf sur deux points : la défense de nos langues est transpartisane et il y a urgence à agir. Monsieur le président Lafon, les langues sont un trésor pour tous nos territoires.

Monsieur le ministre, la Haute Assemblée est aussi porteuse de l'intérêt global. Nous ne pouvons prendre la responsabilité d'avoir fait disparaître les langues régionales.

M. Michel Canevet.  - Je ne pense pas, monsieur Parigi, qu'il y ait une ambiguïté dans la position du Gouvernement, je le vois bien en Bretagne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Très bien !

Mme Frédérique Espagnac.  - Nous nous sommes battus pour développer l'enseignement des langues régionales dans l'école publique mais ce n'est pas ce qui se passe.

Au Pays Basque, c'est l'inverse. Avec Max Brisson, nous nous battons justement pour ne pas remettre en concurrence enseignement public et privé.

Monsieur le ministre, j'espère que nous pouvons désormais contractualiser avec l'État.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je ne jouerai pas « Mr Smith au Sénat » car il est moins cinq... (Sourires)

Merci à Michel Canevet qui a bien résumé mon état d'esprit. Je regrette que ce débat se termine sur une fausse opposition entre un Sénat favorable aux langues régionales, et un Gouvernement qui s'y opposerait.

De nombreuses initiatives locales surgissent et sont aidées par l'État. La situation s'est inversée : les langues qui ne se pratiquent plus à la maison, sont désormais enseignées à l'école.

Le taux d'encadrement est souvent beaucoup plus favorable dans les structures qui les enseignent. Le risque est aussi de créer des inégalités alors qu'il s'agit de classes plutôt favorisées. Attention à ne pas créer une école de la consommation culturelle qui ne correspond à ce que nous voulons : une véritable vitalité des langues régionales. Je serai attentif aux commentaires médiatiques. Nous voulons tous, au fond, la même chose : le dynamisme des langues régionales, au sein d'un équilibre auquel je tiens. Oui, ce Gouvernement est pour les langues régionales, et cela passe sans doute par cette loi, mais aussi par des actions de terrain, non pas conflictuelles, mais constructives et collectives (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI, RDSE, INDEP, UC et Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Accord en CMP

M. le président.  - La CMP chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales partielles et du projet de loi relatif aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales est parvenue à un accord.

Construire le monde d'après

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant, face à la crise actuelle à construire le monde d'après fondé sur la préservation des biens communs, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi constitutionnelle .  - Depuis que je siège au Sénat, j'ai consacré mes travaux à la santé environnementale, ainsi qu'aux risques climatiques et industriels, qui trouvent leur origine dans le fonctionnement même de nos sociétés dites modernes. Nos réponses sont-elles suffisantes ? Non. Nous constatons l'impuissance de l'État et son recul face au rouleau compresseur du libéralisme économique.

Le coût de la pandémie est immense : 1,5 million de morts à travers le monde, paralysie économique, conséquences socio-économiques extrêmement graves. Son irruption en Chine n'est pas un hasard.

La Chine, où la croissance économique est insolente, est un véritable contre-modèle en crise, représentatif d'une stratégie économique qui a donné trop longtemps la priorité à la croissance à tout prix, au détriment de la santé et de l'environnement. C'est un système insoutenable qui travaille à sa propre perte. La Chine est-elle la seule coupable ? Ce mode de production de masse a été créé dès les années 1950 ; il a dorénavant atteint ses limites comme le montrent les crises de la vache folle, et autres épizooties. Ce système pollue et crée des crises climatiques.

Pauvreté, famine, augmentation des réfugiés climatiques : on voit que ce système est à bout de souffle. Nous sommes dominés par notre propre domination.

Il faut une gouvernance mondiale rénovée, grâce notamment l'inscription des biens communs mondiaux dans notre Constitution.

Comment mieux protéger notre environnement ? Préserver la diversité du monde vivant ? Sauvegarder la forêt amazonienne ? Cette forêt est un bien commun mondial. Cette qualification juridique nouvelle semble préférable à un droit de la nature comme le souligne Mireille Delmas-Marty, professeure honoraire au Collège de France.

Le futur vaccin de la covid-19 ne doit-il pas être, lui aussi, un bien commun accessible à toutes et tous ?

Il faut en conséquence établir un régime juridique adapté pour encadrer le droit de propriété et la liberté d'entreprendre. L'article 2 établit ainsi un nouvel équilibre pour la protection des sols, le partage du foncier agricole et la sécurité alimentaire.

L'article 3 instaure lui aussi un équilibre nouveau entre le droit de la propriété, la liberté d'entreprendre et les biens communs, sans nuire à l'entreprise.

Il faut changer de paradigme aux niveaux international et national, grâce à la notion de bien commun mondial. Les six articles sur « Le retour des communs » publiés dans Le Monde sont éclairants à cet égard.

Le Président de la République soulignait que cette pandémie révèle que certains biens et services devaient être placés hors d'atteinte des lois du marché. Les biens communs sont des choses matérielles et immatérielles nécessaires aux droits et libertés constitutionnellement garantis, comme les définit l'économiste italien Stefano Rodotà.

Les biens communs ne sont pas la propriété de personne, car nous en avons tous besoin pour vivre.

Cette proposition de loi constitutionnelle vise à réencastrer l'économie dans la société. C'est une réponse à la crise démocratique.

Puisse cette crise nous offrir l'opportunité de changer notre regard sur le monde. L'homme n'est plus au centre de la terre mais est une composante de la nature. Ne l'oublions pas ! Tel est l'objet de cette proposition de loi dont le vote honorerait le Sénat.

Je regrette que la commission des lois ait rejeté ce texte malgré un travail sérieux du rapporteur qui en a bien cerné les enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)

M. Arnaud de Belenet, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) La commission des lois invite le Sénat à ne pas reprendre à son compte ce texte aux effets juridiques incertains. Mais cette proposition de loi ouvre un débat très riche, qui doit se poursuivre.  Le législateur est légitime pour le mener.

Les questions abordées sont fondamentales et j'en remercie Nicole Bonnefoy et les membres du groupe SER. Je remercie aussi le président de la commission des lois pour sa confiance.

Nicole Bonnefoy constate les dysfonctionnements de notre système économique et l'affaiblissement de la coopération internationale.

Elle nous propose de modifier la Constitution pour y inscrire la notion de bien commun. De nouveaux objectifs de valeur constitutionnelle seraient également ajoutés.

La thèse de la tragédie des communs a été battue en brèche par Elinor Ostrom, prix Nobel d'économie en 2009, qui a montré qu'une gestion adaptée permet d'éviter l'épuisement de la ressource. Ces avancées ont débouché, en pratique, sur les logiciels libres ou les semences libres.

La notion de bien commun n'existe pas en droit français, mais il existe les prérogatives de la puissance publique, les formes collectives de propriété privée, les droits d'usage ou de jouissance.

La notion de bien commun devrait être définie et articulée aux catégories existantes. La tâche n'est pas impossible : nous pourrions nous inspirer des travaux de la commission italienne Rodotà, qui proposait d'inscrire les beni comuni dans le code civil italien. Les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle souhaitent contrebalancer de la sorte le poids jugé excessif du droit de propriété, de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle. Or ceux-ci ne se sont pas prépondérants dans la Constitution par rapport aux autres principes et objectifs de valeur constitutionnelle.

Le droit à un emploi, à un logement décent, la lutte contre la fraude fiscale existent aussi.

Les auteurs du texte considèrent que le droit de propriété doit céder devant les exigences de la protection de l'environnement. Depuis l'entrée en vigueur de la Charte de l'environnement, des interrogations demeurent. Cette proposition de loi constitutionnelle ferait entrer la protection de l'environnement dans le corps même de la Constitution.

Le renforcement de la coopération internationale repose avant tout sur la conclusion de nouveaux accords internationaux et non pas sur la modification de notre droit interne. Une modification de notre Constitution ne serait pas sans effet. Le contrôle constitutionnel pourrait s'exercer sur nos engagements internationaux et ces nouveaux droits deviendraient opposables au droit interne.

Par exemple, le 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a interdit l'exportation de produits phytosanitaires non autorisés en France. Cependant, la continuité de nos engagements devrait être suffisamment claire et précise. Tel ne semble pas être le cas.

Le législateur souhaite-t-il s'autoriser à prendre en compte plus largement les effets des règles du droit interne sur la protection et l'accessibilité des biens communs mondiaux ? Souhaite-t-il affirmer lui-même l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement déjà consacrée par la Charte et y ajouter explicitement le climat ; consacrer le principe de non-régression en matière environnementale, non encore dégagé par la jurisprudence constitutionnelle ? Enfin, souhaite-t-il définir lui-même les biens communs et leur régime juridique, en s'inspirant, éventuellement, de la commission Rodotà ? Ce sont quelques pistes ouvertes par cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique .  - Des feux géants, des océans de plastique, des espèces qui disparaissent : voilà la tragédie des biens communs ! Ce n'est plus une fiction, c'est une réalité cinquante ans après le cri d'alarme de Garrett Hardin.

Les hêtres ne survivront pas au sud du pays et les glaciers auront disparu dans un siècle.

L'eau, l'air, la terre, la biodiversité sont les piliers qui soutiennent l'existence humaine. Notre devoir, notre responsabilité, c'est de les protéger et de les transmettre. De ne pas laisser le poids des renoncements imprimer une marque indélébile sur notre planète.

En tant qu'humains, nous subissons déjà cette tragédie : je pense aux migrants climatiques, à tous ceux qui sont en première ligne du changement climatique. Pour eux, pour nous, inventons un autre avenir.

Il est encore temps d'agir.

Je connais votre engagement de longue date, madame Bonnefoy, et celui du Sénat. Le futur ne passera que par la préservation des biens communs.

Chaque génération a son combat. Le nôtre, le mien, c'est l'écologie. Je crains cependant que votre proposition de loi constitutionnelle ne soit pas la réponse adaptée.

Notre Charte de l'environnement contient en substance ce que vous souhaitez dans cette proposition de loi constitutionnelle. Elle a une valeur constitutionnelle. Les biens communs bénéficient donc du plus haut niveau de protection. (On le conteste sur les travées du groupe SER.)

En outre, la notion de « communs » est trop peu définie pour que nous puissions la placer au sommet de la pyramide des normes.

M. Vincent Éblé. - Amendez !

Mme Barbara Pompili, ministre. - Le Président de la République a mis en garde sur le risque de placer la protection de l'environnement au-dessus des libertés publiques.

Notre planète nous demande surtout d'agir résolument, rapidement et concrètement. Il y a urgence. C'est pourquoi nous plaçons l'écologie au coeur de la relance.

Jamais un Gouvernement n'avait consacré 30 %, soit 30 milliards d'euros, d'un plan de relance à la transition écologique. Ce sont des moyens historiques pour décarboner l'économie, construire les filières d'avenir, en accompagnant chacun dans le changement.

Nous avançons. Nous célébrons les cinq ans des accords de Paris et constatons que le monde a changé en cinq ans : six fois plus de voitures électriques, mille kilomètres de pistes cyclables déployés en quelques semaines, un million de vélos réparés, chaudières au fioul interdites dès 2022, et un accompagnement de l'État pour en changer. Bientôt nous atteindrons 30 % des espaces naturels protégés ; deux parcs nationaux ont été créés, au Mont Ventoux et en baie de Somme. Tout cela était impensable, et pourtant nous l'avons fait.

Ces exemples peuvent chacun paraître bien peu, mais l'écologie, ce sont toutes ces actions de fourmi qui aboutissent à un résultat titanesque. C'est une révolution dans nos idées, dans nos valeurs, dans notre manière de vivre. Enfin, nous changeons de modèle ! (Exclamations à gauche) Nous construisons la France de demain, neutre en carbone, respectueuse des biens communs, résiliente.

Notre pays y est prêt, la Convention citoyenne sur le climat en témoigne. (On ironise à gauche.)

Nous allons au-delà d'un plan de relance en plaçant l'écologie en haut de l'agenda. Imaginait-on il y a cinq ans qu'on mettrait un terme à l'étalement urbain, qu'on régulerait la publicité, qu'on éduquerait à l'environnement tout au long de la vie, qu'on interdirait les vols intérieurs quand une alternative existe ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a cinq ans, nous étions dans les ténèbres ! (Sourires à gauche)

Mme Barbara Pompili, ministre.  - Jamais aucun pays n'a fait autant en si peu de temps, jamais aucun Gouvernement n'a répondu si rapidement à l'appel des citoyens. (Marques d'exaspération à gauche) Je serai toujours à vos côtés pour faire plus encore.

M. Vincent Éblé.  - Sauf aujourd'hui !

Mme Barbara Pompili, ministre.  - Au-delà d'une modification constitutionnelle, construire un autre monde, protéger les biens communs, clés de notre avenir : cela transcende nos appartenances politiques, cela dépasse nos existences.

Nous y arriverons ensemble si nous nous entendons sur les moyens.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bref, la proposition de loi est enterrée sous les fleurs. Je m'en vais.

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je souscris au constat de l'exposé des motifs. La pandémie a révélé les effets délétères d'un libéralisme dérégulé.

Qu'est-ce que le bien commun ? Voilà toute la question. Dans la recherche du bien commun, il y a un objectif social : eau, éducation, environnement, travail, biodiversité, transports...

Le bien commun, c'est ce qui doit guider l'action du législateur. Notre engagement politique n'est-il pas à l'origine la volonté d'oeuvrer pour le bien commun ?

Mais cette notion demeure un objet juridique mal identifié, non consacré en droit français.

Le 31 janvier 2020, le Conseil Constitutionnel a consacré l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de l'environnement « patrimoine commun des êtres humains » en s'appuyant sur le préambule de la charte de l'environnement. Faute de définition solide, on laisse au seul juge constitutionnel la responsabilité de fixer les contours du concept. C'est la faiblesse de cette proposition de loi, qui laisse la porte ouverte à l'interprétation.

Elle introduit de nouvelles notions de droit et garantit constitutionnellement la possibilité pour le législateur de limiter le droit de propriété ou la liberté d'entreprendre quand il s'agit de protéger les biens communs.

Quelle est l'opérativité du concept de biens communs mondiaux ? La Constitution française ne peut concrétiser à elle seule « la souveraineté solidaire des États », autre notion bien vague. C'est une pétition de principe, susceptible qui plus est d'interférer dans nos relations avec les autres pays du monde...

La recherche du bien commun traduit une espérance profonde de l'humanité, dans un monde marqué par l'individualisme et le communautarisme ? Comment répondre à ce défi ?

La première réponse est de retrouver notre souveraineté et notre liberté. Cette mondialisation déréglée constitue une attaque directe contre l'environnement, nos emplois, notre modèle social. Nos institutions sont affaiblies par une technocratie toute-puissante, les normes incompréhensibles ne nous protègent plus et nous payons le court-termisme des politiques publiques.

Nous devons réapprendre à produire ce que nous consommons.

Pour que la liberté d'échanger ait un sens, il faut que les règles soient les mêmes pour tous, pour plus de réciprocité.

On peut aussi s'appuyer sur les corps intermédiaires pour garantir le bien commun. Ils sont un frein au risque d'abus d'en haut. La famille en fait partie, et offre aussi une protection.

Des réformes en profondeur, en particulier pour réduire le poids de l'administration et de la technocratie, sont nécessaires. Il n'y a pas d'avancée humaine sans prise de risque, sans liberté.

Faisons confiance à l'intelligence collective. Les territoires regorgent d'atouts. Il faut aller au-delà de cette proposition de loi constitutionnelle contre laquelle le groupe Les Républicains votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission)

M. Dany Wattebled .  - Cette proposition de loi constitutionnelle vise à inscrire dans la Constitution l'engagement de l'État à protéger les biens communs mondiaux et à concilier respect des biens communs avec liberté d'entreprendre et droit de propriété.

En 1968, paraissait l'article fondateur de l'écologue Garrett Hardin, La Tragédie des communs. À l'époque, à part les lecteurs de Karl Marx et Karl Polanyi, les économistes avaient oublié cette notion. Pour Hardin, la tragédie des communs est que chacun, guidé par son avidité, essaie d'en bénéficier sans prendre en charge leur renouvellement. La solution passe soit par la nationalisation, soit par la privatisation, les inégalités étant préférables à la ruine de tous.

Mais en 1990, Elinor Ostrom met en évidence des cas où des communautés échappent à la tragédie des communs en gérant de manière pérenne les ressources communes. Cela lui vaudra le prix Nobel d'économie en 2009.

Notre droit ignore la notion de biens communs : il connaît les choses communes, non appropriables, comme l'air ou l'atmosphère, et les choses hors commerce, tels que les éléments du corps humain ou les droits extrapatrimoniaux.

La puissance publique peut aussi s'affranchir du droit de propriété par l'expropriation, la préemption ou la servitude par exemple.

Contrairement à ce que laissent entendre les auteurs de la proposition de loi, le droit de propriété, la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle n'ont aucune prépondérance sur les autres droits constitutionnels.

La définition du bien commun n'est pas assez précise et sa consécration dans la Constitution ne paraît pas utile. Le groupe Les Indépendants s'abstiendra.

M. Guy Benarroche .  - Madame la ministre, je connais vos convictions. Vous savez que les actions du Gouvernement ne vont pas à la vitesse du changement climatique.

Que sont les biens communs ? Des biens rivaux, dont la consommation par une personne diminue la capacité de consommation par une autre, mais non exclusifs, dont l'accès ne peut être restreint.

Ils sont de plus en plus nombreux en raison de la baisse des ressources naturelles. L'eau en est un. Je comprends qu'il est difficile de légiférer sur de tels sujets, mais devons-nous ne rien faire ?

Les prud'homies de pêche de Marseille sont un bon exemple. Depuis le Moyen Âge, les restrictions acceptées par tous, la répartition de la ressource et l'attention portée au renouvellement ont évité son épuisement. L'arrivée des nouvelles technologies de pêche et de pêcheurs venus de l'extérieur a marqué la fin de ces règles communes de pêche durable.

C'est un avertissement, qui nous invite à viser une gestion de long terme, acceptée par tous, équitable et respectueuse de l'environnement.

Les biens communs doivent être mis à part.

Leur inscription dans la Constitution pose question. Le droit de propriété et la liberté d'entreprendre peuvent déjà être limités, par exemple par l'expropriation ou via la production et la distribution de médicaments sous licence d'office. Nous acceptons déjà que l'intérêt général puisse l'emporter sur ces autres droits.

La préservation de la biodiversité ne devrait-il pas relever de l'intérêt général ?

Le GEST adhère aux objectifs de la proposition de loi constitutionnelle et la votera. La pétition « Notre affaire à tous » montre que la voie juridique doit être utilisée.

Dans la démarche du local au global, nous invitons la France à agir rapidement. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER)

Mme Nicole Duranton .  - Le monde d'après est celui que nous laissons à nos petits-enfants. À nous de le rendre viable. Nous faisons face à plusieurs grands défis : social, climatique, sécuritaire : ils convergent autour des notions de souveraineté, d'écologie et de bien commun.

La rédaction de la proposition de loi constitutionnelle est apparue au rapporteur Arnaud de Belenet trop imprécise juridiquement pour la norme suprême. Hormis la forme républicaine du Gouvernement, le pouvoir constituant peut changer la Constitution. Mais modifier la Constitution au gré des évolutions de l'opinion en dégraderait la portée et la hauteur. Et cette proposition de loi constitutionnelle est-elle le bon véhicule ? L'exposé des motifs, peu précis, parle de transformer la souveraineté solitaire des États en souveraineté solidaire. Pour ce faire, on autorise le législateur à porter une atteinte plus forte au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre, à des fins d'intérêt général.

Le Sénat, chambre de la prudence, a le recul du temps et pose la question du cadre constitutionnel en vigueur. De fait, la charte de l'environnement est déjà incluse dans le bloc de constitutionnalité et le Conseil constitutionnel s'y est appuyé pour rendre des décisions. La Convention citoyenne pour le climat a fait des propositions sans remettre en cause la Constitution.

La rédaction de la proposition de loi nous interroge car la notion de bien commun est trop imprécise et non définie en droit. Cette notion pourrait recevoir un contenu extensif au gré des législateurs futurs. La notion d'autonomie alimentaire pourrait conduire à remettre en cause la libre circulation et la non-discrimination, principes clés du droit européen et du marché agricole commun ; à l'article 3, ce sont la liberté d'entreprendre et la propriété qui risqueraient d'être entravées, au risque de pénaliser les TPE-PME.

La convention citoyenne pour le climat invite à renforcer la lutte contre le banditisme environnemental à travers le délit de pollution de l'eau, du sol, de l'air ou l'écocide.

Mme Barbara Pompili, ministre. - Tout à fait.

Mme Nicole Duranton. - Soyons la chambre de la mesure, et non des effets d'annonce. Le groupe RDPI votera contre ce texte.

Mme Maryse Carrère .  - Il y a une trentaine d'années, le professeur Maurice Bourjol publiait Les biens communaux, voyage au centre de la propriété collective. Il en faisait, avec les communes, les piliers d'un corps moral immortel formé par les générations passées, présentes et à venir, auquel l'État superposait ses normes et sa culture. Depuis, la notion a évolué vers celle de patrimoine commun, matériel et immatériel, mondial voire universel : on est passé du pâturage villageois à la forêt amazonienne. Deux éléments demeurent invariables : la transmission de ces biens de génération en génération et le rôle de l'État à qui il revient de fixer un régime juridique de ces biens - mondiaux ou communaux.

Il est bon que s'engage dans cet hémicycle une réflexion sur la notion de bien commun ; mais en même temps, ces biens mettent à l'épreuve nos qualifications juridiques traditionnelles, entre biens privés et biens collectifs.

Les biens communs ne sont pas nés avec le « monde d'après », puisque notre droit s'y intéresse déjà. Le 23 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a érigé en objectif à valeur constitutionnelle la protection de l'environnement, patrimoine commun. Nous avons encore à découvrir les potentialités normatives de la charte de l'environnement.

Laissons les dispositifs juridiques existants se déployer, poursuivons la réflexion ; en attendant, le RDSE ne votera pas ce texte.

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Aristote déplorait déjà que « ce qui est commun à tous fût l'objet de moins de soin, car les hommes s'intéressent d'abord à ce qui est à eux ».

Les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle dénoncent le carcan de la loi du marché et proposent un renversement au profit des besoins premiers des hommes. Le libéralisme est clairement identifié comme la source des dérèglements mondiaux, climatiques, migratoires ou financiers.

Mais cela, le groupe CRCE ne le découvre pas ! Nous avons toujours dit que le marché était incompatible avec l'intérêt général. Il y a dans ce texte une vision intéressante de ce que peut être un ordre mondial progressiste.

Derrière cette affirmation d'une souveraineté réinventée autour d'un humanisme nouveau, il y a, chez les auteurs de cette proposition de loi une volonté plus pragmatique de s'opposer à la censure par le Conseil constitutionnel des lois votées par le Parlement.

Cependant, les objectifs définis par une révision de la Constitution entreraient en conflit avec d'autres objectifs et principes constitutionnels et le Conseil constitutionnel garderait tout son libre arbitre pour les concilier. De plus, une nouvelle catégorie juridique ne suffirait pas à protéger ces biens. La Constitution énumère beaucoup de droits - au travail, à la santé, au logement - qui ne sont pas pour autant garantis.

Il y a donc les concepts, les mots et le droit.

Derrière les biens communs, il y a les droits humains ; pour garantir ces droits, il y a les services publics et les politiques publiques au sens large. Nous regrettons que la privatisation rampante de l'hôpital public ait commencé bien avant la présidence actuelle... La protection des biens communs va bien au-delà de cette proposition de loi : énergie, eau, transports, hôpital, autant d'outils de garantie des droits de nos concitoyens à se loger, se soigner, s'éduquer. Il faut pour cela des outils opérationnels, sous contrôle démocratique. C'est ce que nous défendons, au-delà du champ de cette proposition de loi constitutionnelle.

Le groupe CRCE votera néanmoins ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Merci au rapporteur pour son travail ; nos échanges ont été très constructifs. Malgré l'avis défavorable du rapporteur, inciter la commission à se pencher sur la notion de bien commun est déjà une victoire. Nicole Bonnefoy est opiniâtre et a déjà fait adopter plusieurs propositions ancrées dans la réalité.

C'est le cas de la thématique émergente des biens communs, qui est déjà documentée. Le Sénat a été en pointe des conquêtes juridiques les plus importantes : proposition de loi Retailleau sur le préjudice écologique, proposition de loi Bonnefoy sur l'indemnisation des victimes de pesticides. La proposition de loi sur le crime d'écocide a été consciencieusement désossée par le rapporteur Christophe-André Frassa ; pourtant, j'ai constaté que ce petit bout de droit produisait des effets au Bangladesh. Nous sommes bien dans le concret.

Nul ici ne conteste la liberté d'entreprendre mais elle doit s'articuler avec d'autres principes ; or dans l'état actuel de la Constitution, le Conseil constitutionnel en a tiré argument pour censurer des lois sur le reporting fiscal ou contre la spéculation foncière.

Les arguments du rapport ne m'ont pas convaincu. Une ancienne députée, Mme Pompili, prônait elle-même la préservation de biens communs tels que la nature, l'air ou l'eau, en appelant à dépasser les blocages et à construire des majorités d'idées. Or cette même Mme Pompili vient de nous exhorter à agir d'abord - comme si ce texte s'y opposait et nous renvoie aux mesures du plan de relance. Nous vous proposons une inversion des valeurs, vous nous renvoyez à la réintroduction des néonicotinoïdes, du glyphosate et à l'injonction du Conseil d'État à respecter nos obligations climatiques !

L'Italie, elle, a su avancer sur la base des travaux de la commission Rodotà. Ce débat ne concerne pas qu'un pays ni qu'un parti.

Méfions-nous aussi des visions purement juridiques qui font oublier la portée politique de nos actes ; les raisonnements en chambre ont leurs limites, et il est contestable de rejeter la recherche de souveraineté alimentaire nationale à l'heure où les frontières se ferment.

Après le devoir de vigilance, après l'écocide, nul doute que le concept de bien commun entrera lui aussi dans notre droit. Ne refusons pas l'inéluctable. Le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE)

Mme Françoise Gatel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Merci pour cette proposition de loi qui nous oblige à prendre de la hauteur sur notre droit et à traiter de l'avenir de l'humanité solidaire.

Elinor Ostrom, prix Nobel d'économie de 2009, dans un ouvrage de 1990 qui a fait date, a défini les communs comme des biens ni publics ni privés, relevant d'une exploitation et d'un usage collectifs. C'est un sujet qui suscite l'intérêt des économistes depuis des années, mais qui reste entouré d'une certaine confusion.

Notre droit administratif se structure autour de notions comme l'intérêt général, les services collectifs publics ou le domaine public. C'est à cette lumière qu'il faut aborder la question.

Comment définir les choses communes au regard du droit existant ? Notre droit constitutionnel est bien doté depuis l'introduction de la charte de l'environnement, adossée à la Constitution le 1er mars 2005. Elle permet au Conseil constitutionnel d'appréhender la notion de bien commun.

En janvier 2020, il a ainsi reconnu la valeur constitutionnelle de l'objectif de protection de l'environnement comme patrimoine commun des êtres humains. N'est-ce pas suffisant ?

De plus, le rapporteur, dont je salue le travail rigoureux, a souligné les conséquences d'une telle inscription sur les droits économiques mais aussi immatériels, dont ceux de la propriété intellectuelle.

De plus, l'action internationale de la France serait restreinte par ces nouvelles normes. Elinor Ostrom a mis en avant la notion de reconnaissance minimale des droits d'organisation des appropriateurs, qui ne sauraient être remis en cause par des acteurs externes.

La rédaction proposée pose un dilemme : ne faudrait-il pas plutôt agir au niveau européen, voire mondial ?

Notre droit évolue ; c'est une matière vivante, comme un arbre, disent nos amis canadiens. Cette proposition de loi constitutionnelle y contribue, mais elle reste trop fragile et imprécise pour que le groupe UC y souscrive. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur le banc de la commission)

Mme Marta de Cidrac . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Je remercie le groupe SER d'avoir inscrit ce texte à notre ordre du jour.

En mars dernier, le Président de la République déclarait : « le jour d'après ne sera pas un retour au jour d'avant. » C'est dire que la crise sanitaire nous oblige à repenser nos sociétés, à revoir nos modes de vie, de production et de consommation à l'aune des grands défis du siècle, notamment écologiques.

Le monde d'après doit tenir compte de la finitude des ressources naturelles ; cette prise de conscience doit être française et mondiale.

Le Prix Nobel Elinor Ostrom a appelé à inventer une nouvelle gouvernance des biens communs. Le Sénat s'est emparé de ces thématiques à travers de nombreux rapports et propositions de loi.

Cependant, sur la forme, le vecteur de la révision constitutionnelle est inadapté, car la charte de l'environnement nous donne les outils nécessaires. Elle a été rendue pleinement opérationnelle et le Conseil constitutionnel s'appuie sur elle pour bâtir une jurisprudence sur les questions écologiques.

Sont entrés ainsi dans notre bloc de constitutionnalité trois grands principes qui protègent l'environnement et les ressources naturelles : principe de prévention, de précaution et principe pollueur-payeur.

La Constitution ne peut être l'objet de simples effets d'affichage.

Sur le fond, un bien commun ne pouvant être défini de manière précise, le texte se livre à une énumération, laissant de grandes latitudes d'interprétation.

Les gestions communes décrites par Elinor Ostrom se font à l'échelle de petites communautés, entre 50 et 15 000 personnes, et non à celle d'un pays ; elle montre en outre que ce type de gestion aboutit parfois à des échecs. Comment pourrait-on inscrire une gestion des ressources qui échoue dans notre loi fondamentale ?

Il ne s'agit pas de contester les biens communs comme théorie économique, mais leur traduction juridique.

Des outils existent déjà. Ainsi, notre droit, par le code civil, protège les biens communs que sont l'air et l'atmosphère. Existe également le droit d'expropriation et de préemption. Nous ne partons pas de nulle part.

L'article 3 de la proposition de loi constitutionnelle restreint la liberté d'entreprendre et le droit de propriété. La prise de conscience écologique ne doit pas se faire au détriment des droits protégés par la Constitution. Lorsqu'il s'agit de droits fondamentaux, on ne doit y toucher que d'une main tremblante. Du reste, la liberté d'entreprendre ne constitue aucunement un frein à la transition écologique. Elle offre par exemple des solutions innovantes pour le retraitement des déchets nucléaires ou le recyclage à l'infini des plastiques.

L'équilibre entre l'économie et l'écologie apparaît certes complexe, mais la préservation de l'environnement passe davantage par des actions concrètes que par des révisions constitutionnelles. La proposition de loi n'est pas fondée sur une méthode efficace. Aussi, le groupe Les Républicains ne la soutiendra pas. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains eUC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Esther Benbassa . - Cette proposition de loi nous invite à nous interroger sur le type de société que nous voulons à l'orée du nouveau millénaire, à prendre connaissance de notre passé économique et industriel, à nous questionner sur le droit de propriété privée et à réfléchir à notre avenir commun à l'aune des nouveaux enjeux sociaux et environnementaux.

Depuis l'émancipation des serfs et la suppression des tenures, le droit de propriété est un acquis cher aux Français ; il a été inscrit dans notre bloc de constitutionnalité grâce à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

À l'époque, dans une économie essentiellement agraire, ce droit ne mettait pas en danger l'environnement. L'ère industrielle a permis la prospérité économique et ouvert des droits sociaux, mais elle a également pollué massivement l'air et les sols. D'ici 2030, nous aurons consommé deux fois les ressources de notre planète. Il faut sortir de la spirale infernale du productivisme et du stakhanovisme ! Nous entrons désormais dans une ère post-industrielle. Il faut donc adapter les notions de propriété et de productivité. Tel est le sens de cette proposition de loi que nous voterons. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER)

M. Joël Bigot . - J'ai bien noté la difficulté, pour certains, à appréhender la notion polymorphe de biens communs.

Qu'est-ce que la liberté d'entreprendre ? Qu'est-ce la fraternité ? Qu'est-ce que le droit de vivre dans un environnement sain ? Ces grands principes constitutionnels sont de même nature. La notion de biens communs apportera sa pierre à notre édifice constitutionnel.

Cette proposition de loi est l'embryon d'une révolution juridique : la réappropriation collective du contrat social qui affirme le primat de l'humain sur la puissance privée. À l'heure où notre environnement se détériore, où de nombreuses espèces disparaissent, où les plateformes numériques mettent en danger notre modèle social, il faut poser avec sagesse des limites à la captation des ressources. Le Sénat s'honorerait à ouvrir la voie à une réinvention des communs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Angèle Préville . - Il est temps d'inscrire à l'article premier de la Constitution la nécessité de protéger l'environnement et la biodiversité. Nous n'avons pas endigué la catastrophe qui vient. L'eau et l'air constituent des biens communs qu'il convient de préserver pour notre survie. La réduction de la biodiversité nous oblige et nous devons maîtriser notre puissance.

À catastrophe inédite, mesures radicales. Les solutions modestes ne sont pas efficaces : tout ne va pas bien, en dépit de la Charte de l'environnement. Rien n'a changé !

Où cela nous mène-t-il ? Le monde est durablement abîmé ; il est temps de le réparer. Notre cécité est inquiétante, signe peut-être du vieillissement de notre civilisation...

Nous disposons d'outils élaborés par la communauté internationale - les dix-sept objectifs du développement durable. Or nos lois ne sont jamais jugées à cet aune. J'ai constaté, à l'occasion des conférences des parties (COP), que cela existe à l'étranger. Ce texte est une bouteille à la mer.

M. Jérôme Durain . - La question se pose de l'intégration de notre droit dans l'ordre juridique international, notamment pour le reporting fiscal et l'écocide. On nous a reproché de vouloir faire de la France le gendarme du monde. Or, au Bangladesh, les usines de textile des grandes entreprises internationales ont fait évoluer leurs pratiques sous la pression internationale.

Nous n'acceptons pas, en tant que membres d'une communauté humaine globale, de voir la situation des biens communs se dégrader sans agir. Regarder la forêt amazonienne bruler doit nous inciter à envisager une réponse commune. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Arnaud de Belenet, rapporteur . - Les interrogations que je mentionnais lors de mon intervention dans la discussion générale relèvent plutôt de pistes de travail sur les problématiques juridiques soulevées par le texte.

À titre personnel, je crois que nous pouvons avoir davantage d'ambition pour la notion de bien commun que de l'inscrire dans l'article premier de la Constitution : elle mériterait de figurer dans le Préambule.

Il appartient au législateur - et à lui seul - de définir les biens communs. Cela doit donc figurer à l'article 34 de la Constitution. Derrière la notion de bien commun, chacun peut envisager une définition différente. Une précision paraît donc nécessaire. Nous pouvons nous inspirer, à cet effet, de la commission Rodotà. Elle a certes fait « pschitt », mais a cadré certains éléments.

La proposition de loi cite le droit à la santé - qui est déjà constitutionnel, d'autres parlent de la relation à la mort ou de la préservation de notre civilisation...

Nous sommes responsables de l'État de droit à travers la Constitution. Il faut encadrer la notion pour éviter les dérives : attention à ce que d'autres, moins soucieux des libertés publiques, pourraient en faire.

Le législateur a toute légitimité pour prendre en compte les conséquences internationales des normes qu'il vote.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. Jean-Claude Tissot . - Cet article inscrit la protection des sols et la sécurité alimentaire parmi les domaines pour lesquels la loi fixe les objectifs fondamentaux. Au-delà de l'équilibre entre la liberté d'entreprendre et la protection de l'environnement, la proposition de loi change de paradigme.

Après le premier confinement, nous évoquions le monde d'après, choqués par la situation de dépendance de notre pays, notamment en matière agricole. En juin, le débat sur une alimentation durable avait montré la nécessité de construire une souveraineté alimentaire dans ce domaine.

Nos réponses ne sont pas à la hauteur de la situation. Nous ne pouvons rester dans une posture de défense face à l'économie marchande ; nous devons définir ce qui doit être sorti de la loi du marché.

En 1944, Charles de Gaulle déclarait : « les grandes sources de la richesse communes doivent être dirigées et exploitées non pour l'avantage de quelques-uns mais pour l'avantage de tous ».

Les biens communs bousculent la propriété. Les inscrire dans la Constitution permettrait d'ouvrir l'imaginaire nouveau dont nous avons besoin pour bâtir le monde d'après. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

L'article 2 est adopté, de même que l'article 3.

La proposition de loi constitutionnelle est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°48 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l'adoption  92
Contre 229

Le Sénat n'a pas adopté.

Contribution exceptionnelle sur les assurances

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d'une crise sanitaire majeure, présentée par MM. Olivier Jacquin, Claude Raynal, Mme Sophie Taillé-Polian, MM. Thierry Carcenac et Rémi Féraud.

Discussion générale

M. Olivier Jacquin, auteur de la proposition de loi . - Cette proposition de loi instaure une contribution exceptionnelle sur les assurances en cas de crise sanitaire majeure. Le dispositif prévu est juste et proportionné, tout le contraire d'une taxe aveugle... « Nous sommes en guerre » affirmait le Président de la République en mars. Tous, nous appelons à davantage d'État.

Le fonds de solidarité atteint désormais 20 milliards d'euros. « Il n'y a pas d'argent magique » selon les mots du Président. Certes, mais sauver les entreprises qui souffrent constituent une nécessité pour des secteurs comme la restauration, l'hôtellerie, l'aérien, le tourisme ou le petit commerce. Comme dans une économie de guerre, certains secteurs profitent de la situation : les GAFA, les supermarchés, les plateformes numériques et certains acteurs de la santé.

Des mesures d'exception ont été prises au fil des projets de loi de finances rectificative. Début avril, un débat a émergé sur l'impact du confinement, véritable assignation à résidence qui laissait nos automobiles immobiles, entraînant un recul de la sinistralité et, partant, suscitant des surprofits pour les assurances non vie.

Taxer ou ne pas taxer ? That is the question...

Nous proposons un mécanisme sur les assurances non vie. Il ne s'agit pas d'une taxe aveugle, mais nuancée : elle ne s'applique en effet pas au chiffre d'affaires, mais au résultat d'exploitation de 2020 dont 80 % seraient prélevés en fonction de la moyenne des trois années précédentes.

Il ne s'agit pas non plus d'une usine à gaz puisqu'il suffira de prendre la déclaration d'impôt sur les sociétés d'avril 2021 pour l'appliquer. Cela nous paraît préférable à la taxe proposée par M. Husson dans le projet de loi de finances qui s'applique au chiffre d'affaires de toutes les sociétés d'assurance. Nous sommes pour la justice !

Ce mécanisme, en outre, n'est ni systématique ni récurrent, mais exceptionnel, comme le séisme covid qui n'a rien à voir avec les crises cycliques habituelles. Il s'appliquera uniquement en cas d'état d'urgence sanitaire.

M. Nougein, s'inquiète que cette taxe se déclenche quel que soit le périmètre géographique ou le niveau de violence de la crise sanitaire. Mais elle ne s'appliquera qu'aux surprofits. En outre, nous supposons, et espérons, que l'état d'urgence sanitaire restera rare.

Vous affirmez aussi que notre texte reposerait sur le postulat dogmatique selon lequel l'assurance serait systématiquement profitable en cas de crise. Pas du tout ! Les 2 milliards d'euros de surprofits s'approchent de la réalité. Cependant, la situation varie selon les secteurs : si les sinistres de catastrophes naturelles ont crû de 43 % en mars-avril et si les risques professionnels augmentent, le secteur automobile réalise une grosse économie, comme la santé. Les assureurs ont toutefois des inquiétudes sur les contrats de prévoyance santé en 2021, car leur soutien s'applique douze mois après le dépôt de bilan : il n'y a alors plus de cotisations, mais des charges.

Je connais une mutuelle spécialisée dans le spectacle qui perd des sommes astronomiques cette année : 100 millions d'euros de cotisations professionnelles de moins, faute d'activité. Elle ne serait pas taxée par notre dispositif.

Le rapporteur fait également état de la participation des assureurs à la solidarité nationale : 200 millions d'euros annoncés pour le fonds de solidarité, puis, face au tollé provoqué par cette somme ridicule, 400 millions d'euros. Certains évoquent même 4 milliards d'euros... Comme pour le Téléthon ou pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris, il faudra comparer promesses et dons réels. Ce n'est qu'en avril 2021 que nous connaîtrons les surprofits des assurances non-vie.

M. Nougein déplore enfin une nouvelle doctrine fiscale opportuniste et conjoncturelle qui taxerait les fabricants de parapluie quand il pleut et les marchands de glace quand il fait beau. Le risque économique s'appréhende sur une échelle supra-annuelle ; en tant qu'agriculteur, j'en suis conscient. Mais notre dispositif est lié à l'état d'urgence sanitaire. Dans le projet de loi de finances, vous avez refusé de majorer le taux d'impôt sur les sociétés et avez supprimé les impôts de production. Voilà qui est dogmatique et aveugle, tout comme la taxe Husson de 2 % sur le chiffre d'affaires des sociétés d'assurances en 2020 ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Vincent Éblé. - Très bien !

M. Claude Nougein, rapporteur de la commission des finances . - Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité des réflexions sur la contribution des assurances au soutien au tissu économique. Nous avons déjà débattu de ce sujet à plusieurs reprises et avons examiné, dans différentes rédactions, ces dispositions dans les deuxième, troisième et quatrième lois de finances rectificatives.

Ce dispositif fiscal est original, car il rétablit un lien causal entre l'état d'urgence sanitaire et la contribution des assureurs. Celle-ci serait assise sur l'augmentation du résultat d'exploitation au regard des trois exercices précédents. L'objectif est clair : taxer les surprofits à hauteur de 80 %.

Ce dispositif repose sur deux présupposés : un lien, d'abord, entre l'état d'urgence sanitaire et les surprofits, que les auditions ont montré peu opérant. Ne perdons pas de vue que l'état d'urgence sanitaire peut entraîner des conséquences économiques et sociales variables ; ce n'est qu'une boîte à outils à la disposition du Gouvernement. Vous ne prévoyez en outre aucune durée ni périmètre géographique minimum dudit état d'urgence pour que s'applique le mécanisme. Je pense par exemple à un accident industriel qui n'aurait qu'une incidence locale. En mars et en avril, les catastrophes naturelles ont augmenté de 43 % par rapport à 2019... Je ne pense pas que l'état d'urgence sanitaire puisse fonder une nouvelle doctrine fiscale.

Le second présupposé considère que la crise sanitaire aurait systématiquement des effets bénéfiques pour les assurances non-vie en raison d'un recul de la sinistralité.

Le Parlement a demandé au Gouvernement, à l'occasion de la deuxième loi de finances rectificative, un rapport sur l'évolution de la sinistralité. Remis en juillet par la direction générale du Trésor, il a montré une baisse de 25 % des sinistres payés, toutes catégories confondues, entre les mois d'avril et mai, soit une diminution de 1,9 milliard d'euros des prestations versées aux assurées. Il convient, toutefois, de rester prudent : l'enquête ne porte que sur deux mois et la direction générale du Trésor a rappelé que la sinistralité globale ne serait connue qu'en avril 2021.

Selon l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), on n'observe pas, à la fin du troisième trimestre, de recul de la sinistralité, à l'exception des sinistres liés à la santé en raison des reports de soins. Les situations sont très variables en fonction des secteurs. Ainsi, la sinistralité liée à l'annulation d'événements est-elle particulièrement élevée. L'ACPR estime également que la sinistralité pourrait augmenter en 2021 en raison de la défaillance des entreprises et des conséquences sur les contrats d'assurance santé collectifs. De fait, les conséquences économiques de la crise sanitaire ont des effets directs plus considérables sur les résultats des assurances que la crise sanitaire elle-même.

La taxation systématique d'un secteur d'activité sous prétexte d'effet d'aubaine créerait un précédent regrettable. Allons-nous taxer les fabricants de crème solaire les années de grand ensoleillement ? La commission des finances n'a pas adopté la proposition de loi et je vous invite à la suivre.

La participation des assureurs à l'économie doit reposer sur leur coeur de métier. Ils ont, du reste, pris des engagements forts, alors que leur solvabilité se trouvera dégradée en 2020. Cette question n'est toutefois pas épuisée en raison, notamment, de la deuxième vague. Le Sénat a apporté une première réponse avec la taxation adoptée dans le projet de loi de finances pour 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - La crise sanitaire a des impacts sur l'ensemble du tissu économique. L'État a pris ses responsabilités pour soutenir l'économie et l'emploi avec le fonds de solidarité, les prêts garantis par l'État (PGE), l'activité partielle, les exonérations et les reports de charges.

Quelque 200 000 commerces et 160 000 restaurants ont dû fermer lors de la deuxième vague. Je pense aux secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, de la culture, contraints de rester fermés à cause d'un virus qui se répand par la vie en société. Nous ne les abandonnerons pas. L'État a été là ; il est là ; il sera là jusqu'au bout. Je mesure leur détresse, en tant que secrétaire d'État, mais aussi comme ancienne entrepreneure. Quand tout s'effondre, on est parfois tentés de chercher des responsables...

Au-delà de l'État, chacun doit faire preuve de solidarité, dont les assureurs. Certains ont montré un bel esprit civique qu'il convient de saluer. Mais nous connaissons tous des entrepreneurs en grande difficulté peu soutenus par leur assureur...

Aussi, Bruno Le Maire les a convoqués dès le printemps pour bâtir une réponse pour les secteurs en danger : ils ont pris des engagements et ont notamment versé 400 millions d'euros au fonds de solidarité. Cet effort était bienvenu, mais la deuxième vague a rendu nécessaire une nouvelle contribution.

Notre demande a été entendue. Je salue l'esprit de responsabilité de la Fédération française de l'assurance (FFA) qui a permis la conclusion lundi d'un nouvel accord sur un gel des primes en 2021 pour les secteurs les plus sinistrés - les TPE et les PME de l'hôtellerie, de la restauration, du tourisme, du sport, de la culture et de l'événementiel ; une couverture d'assistance gratuite pour les chefs d'entreprise et les salariés touchés par la covid-19 avec 3 000 euros pour la convalescence mais aussi la garde d'enfant et la livraison de repas ; une conservation des garanties jusqu'à fin du premier trimestre 2021 même en cas de retard de paiement des cotisations ; l'ouverture de la médiation sur les contrats professionnels en cas de litige, afin de favoriser les règlements à l'amiable. Ces mesures répondent aux difficultés des entreprises.

Le Gouvernement privilégie la logique du dialogue à celle du conflit. Assurés et assureurs doivent mieux communiquer. Le risque pandémique doit désormais intégrer notre logique assurantielle. Nous y travaillons, mais les entreprises ne sont pas encore prêtes à payer de nouvelles cotisations obligatoires. Dans cette attente, des solutions individuelles et facultatives seront proposées : les entrepreneurs pourront ainsi créer des provisions dans des conditions fiscales avantageuses.

Le Gouvernement préfère s'en tenir à cet accord constructif qui apportera des solutions concrètes aux entreprises. L'apaisement vaut mieux que la confrontation.

En outre, le rendement final de la taxe initiée par cette proposition de loi ne dépasserait pas 400 millions d'euros et les assureurs sauront aisément la contourner en annulant leurs surprofits par des provisions : ce n'est donc pas une bonne alternative aux engagements fermes que nous avons négociés.

Le Gouvernement n'est pas favorable à cette proposition de loi. Nous croyons à l'esprit de solidarité dont témoigne l'accord signé avec les assureurs. Nous sortirons de cette crise en aidant nos victimes, pas en cherchant des coupables.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - On reconnaît une bonne idée à ce qu'elle se fraye un chemin dans l'opinion publique et une bonne mesure à ce qu'elle arrive au bon moment dans le débat.

L'idée de faire contribuer l'assurance serait donc bonne, car le secteur dégage des profits faramineux en raison d'une sinistralité qui n'a jamais été si faible. Recul de la sinistralité, diminution des indemnisations et des coûts, le tout sans révision des polices d'assurance : il a résulté de la crise sanitaire une profitabilité exceptionnelle pour les assurances.

Les temps sont difficiles. Les Français ne comprennent pas que des entreprises en tirent profit ; ils demandent de l'équité.

La prise de conscience a été collective et de nombreuses propositions ont été formulées depuis le début de la crise. Le Sénat a très vite relayé la sidération des entrepreneurs privés d'assurance en cas de risque pandémique.

La proposition de loi de Jean-Pierre Decool prévoyait un dispositif assurantiel des menaces sanitaires, mais le Sénat a préféré voter celui de notre rapporteur général Jean-François Husson qui accroît la participation des assureurs à la solidarité nationale. Notre groupe soutient cette mesure exceptionnelle et avait même proposé le doublement du taux applicable. Le Gouvernement a d'ailleurs utilisé cette contribution dans les négociations de l'accord avec les assureurs ! Le crédit en revient au Sénat, force de proposition depuis le début de la crise s'agissant de l'adaptation du cadre assurantiel à l'état d'urgence sanitaire.

Aussi, cette proposition de loi qui créé un dispositif pérenne ne me semble pas arriver au bon moment. Il n'apparaît pas non plus opportun de créer une nouvelle taxe. Notre groupe votera contre ce texte.

M. Éric Bocquet .  - Point d'acharnement de notre part, Madame la ministre, mais Bruno Le Maire n'a décidément que peu d'égard pour le Sénat ! Après avoir ignoré nos travaux ; il les brandit opportunément dans sa négociation avec les assureurs. Il leur dit : soit nous trouvons un aménagement sur le gel des primes, soit nous n'en trouvons pas et le projet de loi de finances reviendra en deuxième lecture ; or le Sénat a voté un prélèvement de 1,2 milliard sur les assurances. Le Sénat, accusé de traiter les problèmes à la hache - la commission des finances appréciera - est utilisé comme un instrument de chantage ! Les députés n'ont, du reste, pas été traités avec plus d'égards.

L'intégralité des mesures votées par notre assemblée s'avèrent complémentaires, justes et proportionnées, parachevant la constitution d'un arsenal pour contraindre les entreprises d'assurance à participer à l'effort de solidarité nationale, auquel elles ont trop longtemps rechigné.

Les 400 millions d'euros des assureurs au fonds solidarité sont un bon début mais largement insuffisants.

La taxe de 1 % - habilement sous-amendée à 2 % par l'UC - sur les primes versées en 2020 est à saluer. Puis le rapporteur général a continué le combat, pour que les entreprises ayant perdu au moins 50 % de chiffre d'affaires bénéficient d'une couverture à hauteur de leurs charges d'exploitation lors de la mise en place d'un état d'urgence sanitaire et Bruno Le Maire a annoncé un gel sur les contrats multirisques 2021. C'est la moindre des choses.

Rappelons à ce stade que les assureurs ont écrit aux restaurateurs pour leur dire que leurs contrats pourraient être suspendus et que leurs pertes d'exploitation pourraient ne pas être couvertes. Un tel chantage est-il digne ? Est-ce une maladresse ? Pour nous, c'est plutôt une offense caractérisée. Le gel était indispensable, mais pas suffisant pour revenir sur les mesures de solidarité adoptées par notre assemblée.

Nous voterons donc cette proposition de loi pour taxer les activités non-vie dont la baisse de sinistralité est manifeste.

La sinistralité automobile - c'est heureux ! - est en chute libre : moins 45 % de blessés de la route entre mars 2019 et mars 2020. La contribution sur les activités non-vie sera donc sans doute d'un rendement faible mais bienvenue.

Les placements des assureurs représentent 91 % de leur bilan, et atteignent 2813 milliards d'euros, soit 200 milliards de plus que l'année précédente. C'est pourquoi nous souhaitions instaurer la taxe sur les réserves de capitalisation, que vous avez refusée. Les établissements bancaires et de crédit sont les grands absents de l'effort de solidarité nationale. Ils tirent parti des 120 milliards de PGE alors qu'ils ne prennent aucun risque. Nous voterons sans réserve cette proposition. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Teva Rohfritsch .  - Un bon accord vaut mieux qu'une loi hâtive. Bruno Le Maire l'a montré ce lundi avec une négociation rondement menée.

Comme l'a rappelé le rapporteur général, le Sénat a, bon gré mal gré, participé à la réussite de la négociation.

Les assureurs ont consenti non seulement un gel de primes de l'assurance multirisques professionnelle pour les cafés, hôtels, restaurants, mais ils l'ont également étendu aux secteurs de l'évènementiel, du tourisme, du sport et de la culture, ajoutés aux bénéficiaires. Cette proposition de loi est brouillonne et tardive car elle frapperait indifféremment tous les secteurs de l'assurance hors vie.

L'accord signé par Bruno Le Maire favorisera l'aide rapide aux secteurs les plus touchés par la crise. C'est sans doute le souhait des auteurs de la proposition de loi.

L'accord avec les assureurs va encore plus loin pour soutenir les entreprises en difficulté : ils se sont engagés depuis mars, à la demande du Gouvernement, avec 400 millions d'euros pour le fonds de solidarité ; 1,35 milliard d'euros de gestes commerciaux dont 450 millions pour les petites entreprises et les indépendants, 550 millions pour les travailleurs les plus exposés à la covid, 150 millions pour les soignants et 200 millions pour les ménages.

Où placer le curseur et selon quels critères ?

Cette proposition de loi, rejetée par la commission des finances, prévoit de taxer les résultats d'exploitation réalisés lors de l'état d'urgence sanitaire.

Certes il y a eu une baisse des sinistres pour 1,9 milliard d'euros. Mais une vision plus détaillée impose de nuancer. Sur l'ensemble de l'année, la FFA a reconnu une baisse de sinistralité d'1,4 milliard d'euros sur l'année pour l'assurance- dommages ; et pour le reste des secteurs, la tendance s'est même inversée en avril-mai 2020, les sinistres de catastrophes naturelles ont augmenté de 43 %. La proposition de loi ne fait pas de détail : tous les assureurs sont soumis à cette taxe toute l'année, quel que soit l'état du marché...

M. Olivier Jacquin.  - C'est faux !

M. Teva Rohfritsch.  - Il n'est pas acceptable que la taxe proposée par la proposition de loi soit activée même en cas d'état d'urgence sanitaire localisé.

Les assureurs qui se sont bien comportés seraient doublement pénalisés par la taxe.

Cette pandémie a bouleversé nos convictions.

L'État doit permettre aux acteurs économiques d'anticiper les crises mais ne doit pas ajouter des pénalités, de l'instabilité fiscale et des aléas qui se rajoutent à ceux de la crise.

M. Olivier Jacquin.  - C'est une question de volonté !

M. Teva Rohfritsch.  - Nous ne porterons pas cette proposition de loi. Fermons le ban ! Le Sénat a répondu présent.

M. Stéphane Artano .  - La crise de la covid-19 a révélé les carences des assurances. De nombreuses procédures contentieuses ont été ouvertes. Un appel à la solidarité des assureurs a été lancé et ils ont contribué à hauteur de 400 millions d'euros au fonds de solidarité pour les TPE et indépendants, pour des raisons morales et pour faire suite à la baisse de sinistralité qui a engendré des économies imprévues.

Les critiques ne sont pas éteintes car les pertes des entreprises s'élèvent à plusieurs milliards d'euros. Toutefois, certaines sinistralités n'ont pas baissé, comme les accidents domestiques.

Jean-François Husson a voulu clarifier les responsabilités des assureurs et créer une garantie obligatoire et un fonds d'aide à l'indemnisation. Cette proposition de loi instaurerait une contribution exceptionnelle sur la hausse du résultat d'exploitation par rapport aux trois derniers exercices.

Le secteur assurantiel n'est peut-être plus en mesure de couvrir toutes les pertes des secteurs hôtellerie, restauration ou événementiel mais nous devons tout de même les aider. Dans le PLF pour 2021, le Sénat a voté une contribution exceptionnelle de solidarité sur les primes d'assurance dommage. Les différends avec les assureurs portent aussi sur des risques considérés comme normaux.

Cette proposition de loi n'est pas déraisonnable, même si elle aurait mérité des précisions - sur la durée, sur l'étendue géographique. Les membres du groupe RDSE détermineront leur vote à l'issue des débats.

Mme Sophie Taillé-Polian .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Merci à Olivier Jacquin pour cette proposition de loi. (L'intéressé remercie en retour l'oratrice.) Concourir à la solidarité nationale : telle est bien la question, car nul ne sait dire s'il y aura plusieurs crises sanitaires dans l'avenir. Nous avons tous salué les mesures de soutien à l'économie mais comment les financer ?

En se tournant vers certains ménages qui ont constitué une épargne spécifique, les secteurs économiques qui ont tiré leur épingle du jeu comme Amazon, - qui se félicite, récemment, d'avoir réalisé 60 % de chiffre d'affaires en plus pendant la crise sanitaire -, et les assureurs qui ont réalisé des surprofits.

Selon certains, cette proposition de loi serait brouillonne... C'est notre réponse collective qui l'est ! Certains assureurs ont particulièrement aidé : ce sont les mutuelles, mais cela n'a pas été le cas de tous. Appel à la morale, don forcé, taxe votée au Sénat... Cette proposition de loi vise à ce qu'en cas de nouvelle crise sanitaire, nous ne soyons plus dans le tâtonnement et l'improvisation, et ce, sans évaluation a priori mais sur la base d'un constat posteriori.

On ne gère pas une crise comme celle-là avec des appels à la morale. Certaines compagnies d'assurance ont des moyens : Axa a dépensé 57 869 dollars pour participer à la campagne présidentielle américaine... Comme quoi, les assureurs savent trouver de l'argent quand il faut ! Alors, autant le tourner vers la solidarité et le partage des coûts de la crise sanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi n'est pas brouillonne mais dogmatique, comme souvent d'un certain côté de l'hémicycle. Elle institutionnalise un aléa. C'est totalement anormal. On revient en 2012 quand un candidat voulait taxer les revenus extraordinaires... (Exclamations sur les travées du groupe SER) Une taxe de 80 % : c'est énorme !

Le groupe UC a lui, eu un raisonnement clair et ordonné depuis le début de la crise. Sur le PLFR2, Françoise Férat a déposé un amendement pour taxer de 10 % les provisions des compagnies d'assurances qui ont réalisé des économies pendant le confinement. Il a été adopté contre l'avis de la commission puis n'a pas été retenu en CMP. Idem au PLFR3, sans succès. Au PLFR4, le président Delahaye a proposé le doublement de cette taxe mais elle n'a pas été retenue au motif que ce serait inclus dans le PLF, ce que Jean-François Husson a fait.

Ainsi, le Gouvernement a pu disposer de cet outil de pression sur les compagnies d'assurances pour les inciter à la modération en 2021. C'est préférable à l'établissement de règles quand nous ne connaissons pas les paramètres des crises.

Pourquoi infliger une peine supplémentaire aux assurances alors qu'elles peuvent agir par différents moyens ?

Nous devons travailler davantage à la couverture la plus large possible des risques, plutôt qu'élaborer des solutions dogmatiques sans application possible.

Le bon sens doit prévaloir. Le groupe UC ne votera pas ce texte qui ne présente aucun intérêt (Protestations sur les travées du groupe SER) et porterait atteinte aux bonnes relations avec les opérateurs, d'autant que son rendement pourrait être très modeste, comme l'a confirmé la ministre, au regard des coûts de la crise. Cette proposition n'est pas à la hauteur, contrairement à celle du président Delahaye, qui rapporterait quelque 1,2 milliard...

M. Olivier Jacquin.  - Ah ?

M. Michel Canevet.  - Cela, c'est du concret !  (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Thierry Cozic .  - Le bonheur des uns fait le malheur des autres - l'adage populaire vaut particulièrement pour les relations entre assurés et assureurs.

Le mécanisme proposé n'a rien de confiscatoire : il taxe le résultat d'exploitation, en complément de la taxe Husson à 20 % et de l'augmentation de la TSA. Mais ces dispositifs présentent des lacunes et celui de cette proposition de loi semble plus opportun.

Il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre : nous voulons taxer les surprofits - plus de 2 milliards d'euros - et non les profits.

Cette proposition de loi n'a rien de superflu : les pertes indemnisables liées à la pandémie ne sauraient être laissées à l'appréciation des seuls assureurs. Un simple gel des tarifs pour les assureurs - mais aussi la culture, l'événementiel ou le sport - est loin de faire le compte.

La majorité sénatoriale et le Gouvernement sont d'accord pour ne pas brusquer « la poule aux oeufs d'or » - comme a dit le rapporteur général en commission des finances.

Un ancien assureur, président de la région Hauts-de-France, n'a pas ces pudeurs de gazelle et veut agir.

Les assureurs ont refusé d'indemniser les restaurateurs, même ceux dont les contrats comportaient pourtant une garantie contre les pandémies ! Pour eux, comme pour les catastrophes naturelles, l'État devait intervenir - alors que le mot de pandémie figurait parfois dans les contrats !

D'autres indiquent à leurs assurés qu'à compter de 2021, ils ne seront plus couverts pour le risque pandémique - mais c'est donc qu'ils l'étaient jusqu'à présent !

Un célèbre chef gastronomique en a récemment fait l'amère expérience : après avoir refusé de l'indemniser, son assureur a voulu lui faire signer un avenant qui diminuait ses garanties. Il a refusé, et s'est vu signifier la résiliation de son contrat.

De fait ce mécanisme n'est pas superfétatoire et encore moins obsolète, d'autant que malheureusement la pandémie de la covid-19 risque fort de n'être que la première d'une longue série.

C'est ce que montrent les études. Un groupe d'experts de l'ONU prévient : « les pandémies futures seront plus fréquentes, se propageront plus vite, feront plus de mal à l'économie et tueront plus de personnes si l'on ne fait rien ».

Et de mettre en évidence l'effet des liens de plus en plus étroits entre les humains et les animaux sauvages : jusqu'à 850 000 virus présents chez les animaux seraient capables d'infecter les humains.

Comment peut-on, face à ces chiffres, taxer cette proposition de loi d'obsolescence ? « Gouverner, c'est prévoir; et ne rien prévoir, c'est courir à sa perte » disait Émile de Girardin.

Une donnée ne varie pas : les profits colossaux des assureurs en cas de baisse de sinistralité.

Ce trait d'esprit d'Edgar Morin traduit le sentiment du groupe SER sur cette proposition de loi : « Je crains le pire qui est probable, mais j'espère en l'improbable. »

J'espère sincèrement que nous n'aurons pas à faire usage de cette proposition de loi mais il est urgent de l'adopter. (Bravos et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les entreprises françaises sont très durement touchées par la crise. Nombre d'entre elles ont été confrontées à une absence de prise en compte de leurs pertes d'exploitation par leurs assureurs - qui ont de leur côté fait d'importants bénéfices.

Je comprends donc l'objectif de cette proposition de loi mais j'en conteste la méthode. On ne peut postuler une hausse des résultats d'exploitation des compagnies d'assurance pendant une crise sanitaire. C'est un raccourci trop simple.

Le deuxième confinement a, à cet égard, été très différent du premier. Des mesures intermédiaires ont été mises en place. En créant une disposition fiscale pérenne, nous ouvrirons la porte à des contestations systématiques en cas de profits réalisés en cas de pandémie.

Mieux valait des mesures temporaires et exceptionnelles, comme celle qu'a fait adopter le sénateur Husson. Davantage soutenir les entreprises est bien plus opérant.

De plus, le ministre Bruno Le Maire a obtenu un gel des cotisations pour les contrats multirisques professionnels pour les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration pour 2021.

M. Olivier Jacquin.  - Cela n'a rien à voir !

M. Cyril Pellevat.  - Je comprends que le ministre tienne à ne pas imposer de nouvelles charges aux entreprises qui sont déjà fortement mises à mal, mais je ne pense pas, à titre personnel, que la solution soit de leur donner uniquement la possibilité d'épargner.

Le soutien des entreprises n'est pas du seul ressort de l'État ; il relève aussi des assurances, au titre de la solidarité, mais d'une façon réfléchie et mesurée. Ce n'est pas hélas pas la démarche de cette proposition de loi.

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise sanitaire a frappé notre économie de plein fouet. Malgré le soutien massif de l'État, beaucoup d'entreprises vont jouer leur survie dans les prochains mois.

Il est normal que les assureurs prennent leur part de l'effort de solidarité. Concrètement, cette proposition de loi cible les sur-bénéfices, au prix de nombreux écueils, en créant une contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des entreprises d'assurance non-vie, dès lors que l'état d'urgence sanitaire a été appliqué au cours d'un exercice comptable.

De plus un dispositif pérenne n'est pas souhaitable : mieux vaut une mesure fiscale exceptionnelle comme celle votée par le Sénat dans le PLF 2021.

Les grands assureurs mondiaux que compte la France ne doivent pas être fragilisés par la contribution prohibitive prévue par cette proposition de loi.

De plus, les adhérents à la FFA ont consenti 2,6 milliards de gestes commerciaux, auxquels s'ajoutent 400 millions de contribution au fonds de solidarité.

Il faut s'en tenir au coeur du métier des assurances : l'indemnisation des risques prévus dans les contrats. C'est le sens du travail du Sénat, qui a voté l'inclusion d'une clause prévoyant des indemnisations en cas d'urgence sanitaire.

Je regrette les lenteurs du Gouvernement pour trancher la question de la participation des assurances à l'effort national. Il ne s'est pas saisi de la proposition de loi Husson, a mis en place un groupe de travail sans que l'on connaisse l'avenir réservé à ses propositions, et n'a pas non plus repris les nouveaux mécanismes proposés par la FFA.

La covid-19 nous a fait prendre conscience qu'il n'était plus possible de s'exonérer du risque sanitaire. Mais parce que cette proposition de loi n'offre pas le dispositif le plus adapté pour anticiper ce nouveau risque, ni même pour faire participer les assurances à la solidarité nationale, nous ne pouvons y répondre favorablement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Dumont .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi prévoit un taux de contribution de 80 % de l'augmentation du résultat d'exploitation des assurances pendant l'exercice où l'état d'urgence sanitaire est déclaré. C'est tout à fait prohibitif, alors que le Sénat a voté, comme les précédents orateurs l'ont rappelé, des contributions tout à fait adaptées.

« La crise sanitaire n'a pas de coupables mais les assureurs font de bons boucs émissaires », comme l'écrit Bertille Bayart dans Le Figaro du 1er décembre.

Beaucoup de secteurs de l'assurance pourraient aussi connaître des pertes : les effets précis de la crise sanitaire sur la sinistralité et l'activité n'apparaîtraient que dans les prochains mois. Cette proposition de loi est précipitée.

Enfin, les assurances sont le seul secteur à avoir contribué au fonds de solidarité ; et le ministre Bruno Le Maire vient d'obtenir d'eux un gel des tarifs pour 2021 dans les secteurs de l'hôtellerie-restauration, l'évènementiel, le sport et la culture.

« Élever la voix ne donne pas raison » dit un proverbe chinois. Attention au jour d'après. Je ne voterai pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close

Discussion de l'article unique

M. Jean-Claude Tissot .  - La baisse des accidents et sinistres justifie un effort des assureurs. La contribution ébauchée ne saurait être répercutée sur les assurés. Le conseil municipal de Saint-Étienne a adopté un voeu en ce sens, avec le soutien de la majorité Les Républicains et du maire, Gaël Perdriau. Vous voyez que de telles mesures peuvent recueillir l'unanimité ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Olivier Jacquin .  - Il n'est pas trop tard pour cette proposition de loi, madame le ministre, puisqu'elle construit un outil récurrent.

Deuxième objection : un rendement faible. Mais il ne s'agit pas d'aller chercher de l'argent, madame la ministre, mais de taxer un surprofit ! Les assureurs ont fait des « gestes », cela a été abondamment rappelé, mais 7 des 12 majors automobiles n'en ont fait aucun. Une grande mutuelle agricole fait 600 millions de chiffre d'affaires dans le Grand Est ; elle a consenti 18 millions d'euros de « geste », soit son résultat d'employabilité moyen.

Si on lui appliquait la taxe aveugle de 2 % sur son chiffre d'affaires - tant vantée par la majorité sénatoriale - elle y perdrait !

M. Patrice Joly .  - Je m'étonne de certaines interventions. Pour écarter cette contribution, on a parlé de « générosité », de « dons » mais qu'est-ce que ce pays où l'on négocie sa contribution ? C'est à la loi de le faire, en fonction des capacités de chacun. Je voterai sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Philippe Folliot .  - L'idée est louable, mais la mise en oeuvre ne tient pas compte des réalités du marché : il y a des sociétés privées, d'autres mutualistes. In fine, il sera toujours possible d'ajuster pour chaque compagnie d'assurances le niveau de contribution demandé à l'assuré et pour ce dernier de choisir sa compagnie d'assurances. Le Sénat a simplifié, par des votes récents, le changement d'assureur. Nous comprenons la démarche mais doutons de l'efficacité de la mesure proposée. Le groupe UC votera contre.

M. Claude Nougein, rapporteur. - Il y a eu un consensus, au Sénat, pour faire participer les compagnies d'assurances à la solidarité nationale, et les taxer. Le principal problème de ce texte est la notion de « surprofit ». Il faut avoir une vision globale du bilan ! Or les actifs vont baisser : immobilier commercial - les assurances sont propriétaires de beaucoup de centres commerciaux - comme obligations d'État... Je pense donc qu'il n'y aura pas de surprofits dans les deux ou trois prochaines années.

À l'avenir, une crise sanitaire locale pourrait entraîner l'application de cette loi alors que des surprofits peuvent avoir d'autres sources. Un bon impôt a une assiette large et un taux faible ; là, c'est tout l'inverse !

La proposition de loi est mise aux voix par scrutin public à la demande du groupe Les Républicains.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°48 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l'adoption 106
Contre 226

Le Sénat n'a pas adopté.

Délais d'organisation des élections partielles (Conclusions des CMP)

M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales partielles et du projet de loi relatif aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales.

Discussion générale commune

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires .  - Les deux textes ont été déposés le 18 novembre et nous arrivons déjà au terme du processus législatif. Preuve que le Parlement sait travailler vite, mais aussi que le Gouvernement a manqué d'anticipation...

Merci à Catherine Kamowski, rapporteur de l'Assemblée nationale, pour son écoute ; nous avons pu faire converger nos points de vue.

Le constat est partagé : la dégradation de la situation sanitaire nous contraint à reporter des élections partielles. Le danger n'est pas tant dans le bureau de vote que pendant la campagne qui précède le scrutin.

Que l'intention du législateur soit très claire : les élections doivent être organisées dès que la situation sanitaire le permet et au plus tard le 13 juin 2021, qui est une date butoir.

Deux sièges sont déjà vacants à l'Assemblée nationale. Le nombre d'élections municipales partielles à organiser est de 161, 100 de plus que la liste annexée à l'étude d'impact. Dans 101 communes de moins de 1 000 habitants, il faut des élections complémentaires pour compléter le conseil municipal. Dans 60 communes, une délégation spéciale a été mise en place. Ces dernières doivent faire l'objet d'une attention particulière au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales : seul un motif sanitaire impérieux peut justifier le report du scrutin.

Il faut appliquer le principe constitutionnel de périodicité raisonnable des élections, comme l'a rappelé Philippe Bas.

Le Sénat avait prévu trois garde-fous, sur lesquels nous avons trouvé un équilibre en CMP.

Nous avions souhaité territorialiser l'information sur la situation sanitaire pour tenir compte des circonstances locales. Les recommandations générales du comité de scientifiques ne seraient pas assez précises, notamment pour les petites communes. Le Sénat a préféré une information des ARS, rendue publique tous les quinze jours. La rédaction de la CMP précise qu'il s'agit de données épidémiologiques chiffrées, non d'un avis de fond ; loin de nous l'idée de lier la décision à l'avis de l'ARS.

Deuxième garde-fou, le Sénat avait visé les vacances survenues avant le 16 février 2021, date de sortie de l'état d'urgence sanitaire. La rapporteure de l'Assemblée nationale a souligné un risque d'effet de seuil pour les législatives ; nous nous sommes donc ralliés à la date du 13 mars. Le ministère de l'Intérieur a confirmé qu'il n'était pas possible d'organiser trois scrutins le même jour ; le calendrier électoral devra être adapté en conséquence.

En contrepartie, la CMP a maintenu le troisième garde-fou prévu par le Sénat : une voie de recours permettant à tout électeur de demander au sous-préfet d'organiser l'élection lorsque la situation sanitaire le permet. L'absence de réponse sous quinze jours valant rejet, l'électeur pourra ensuite déposer un référé-liberté, sur lequel le juge administratif statuerait en 48 heures. C'est donc un contrôle juridictionnel et citoyen.

Enfin, la CMP a retenu la double procuration, prévue par l'Assemblée nationale, ainsi que la facilitation des procurations à domicile, prévue par le Sénat. Toutes les conditions ont été réunies pour un dénouement heureux. Je vous invite donc à voter ces textes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - Les débats au Sénat comme à l'Assemblée nationale ont permis d'enrichir ces textes ; la CMP a trouvé un équilibre. Merci, en particulier à vous, madame la rapporteure, pour ce résultat qui remplit les objectifs que nous partagions.

Les élections ne seront décalées que tant que les circonstances sanitaires particulières l'exigeront, notamment au regard de la campagne qui est un moment essentiel de la démocratie.

Vous avez voulu ajouter la double procuration, la hausse du plafond des dépenses de campagne, l'éclairage des ARS et la possibilité d'un recours. Les échanges entre les deux chambres et avec le Gouvernement ont été riches et constructifs. Ces mesures temporaires nous permettront d'adapter notre vie démocratique à la crise sanitaire sans la remettre en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)

M. Claude Malhuret .  - Si la crise sanitaire bouleverse notre vie sociale, économique et démocratique, elle a révélé la formidable capacité d'adaptation des élus.

La deuxième vague requiert aujourd'hui de nouvelles adaptations dans le fonctionnement de nos institutions. Ces deux textes prévoient la possibilité de reporter les élections partielles. La navette les a enrichis et je suis heureux que la CMP ait été conclusive.

Je salue l'introduction par l'Assemblée nationale de la double procuration et de la majoration des plafonds de dépense de campagne de 5 % par mois.

Je me félicite que la commission des lois du Sénat ait préconisé une évaluation locale par les ARS de la situation sanitaire des circonscriptions concernées, permettant d'organiser plus vite les élections partielles là où c'est possible. Ces rapports seront établis tous les quinze jours et publiés.

Enfin, je me réjouis que le Sénat ait consacré le droit pour les plus vulnérables d'établir leur procuration à leur domicile et l'obligation pour l'État de fournir les équipements de protection adaptés pour les électeurs et les membres des bureaux de votes.

Le groupe Les Indépendants votera ces textes qui permettent de concilier sincérité du scrutin et préservation de la santé publique.

M. Thani Mohamed Soilihi .  - La crise sanitaire a exigé des élus qu'ils adaptent leurs pratiques. La propagation de l'épidémie a conduit à reporter plusieurs échéances électorales.

Suivant l'avis du Comité scientifique, nous avons reporté le second tour des élections municipales du 22 mars au 22 juin, les élections consulaires de mai 2020 à mai 2021, le renouvellement des dix sénateurs des Français de l'Étranger et les élections départementales partielles.

Ces deux textes qui nous occupent poursuivent le même objectif : reporter, au plus tard le 13 juin, les élections partielles : deux législatives partielles, pour la 6e circonscription du Pas-de-Calais et la 15e de Paris, huit élections sénatoriales faisant l'objet d'un recours, les élections municipales dans 161 communes, certains arrondissements de Paris, Lyon et Marseille et à la métropole de Lyon, ainsi que l'élection des membres de 28 commissions syndicales des sections de communes.

Ces scrutins partiels auront lieu « dès que la situation sanitaire le permettra », au regard notamment des recommandations des ARS.

Je tiens à saluer la qualité du travail des deux rapporteures Catherine Di Folco et Catherine Kamowski, qui ont su trouver un consensus.

Parmi leurs apports, signalons l'extension des dispositions du texte à la Nouvelle-Calédonie, la création d'une voie de recours spécifique et l'obligation pour l'État de fournir les équipements de protection adaptés.

Le groupe RDPI votera les textes issus des travaux de la CMP.

Mme Maryse Carrère .  - Nous le constatons depuis de nombreuses semaines, la covid met à l'épreuve nos institutions démocratiques. Depuis neuf mois, la gouvernance est faite de mesures provisoires et extraordinaires. Attention toutefois à ce que l'exception ne devienne pas la norme.

Il nous revient de consolider nos institutions pour qu'elles puissent tenir leur rôle, comme le rappelait ici le président Larcher la semaine dernière.

Nous avons toujours affiché notre soutien aux élus locaux qui font vivre la démocratie locale en dépit des circonstances.

Le calendrier électoral ignore la crise sanitaire ; il nous faut l'adapter pour que la pandémie ne soit pas synonyme de suspension de notre vie démocratique mais qu'elle révèle notre attachement à ce modèle. Le Sénat est au travail, avec notamment sa mission d'information pour évaluer la faisabilité du vote à distance. Nous en reparlerons en janvier.

À l'heure des réseaux sociaux et de la commercialisation de nos données personnelles, l'isoloir est peut-être le dernier lieu où chaque citoyen fait un choix libre, seul avec sa conscience.

Le report est donc nécessaire : il faut attendre, certes pas indéfiniment, mais le temps que les conditions sanitaires soient satisfaisantes, et que les conditions démocratiques garantissent des élections fiables et sincères, dans le respect du caractère secret et personnel du vote. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Éliane Assassi .  - Ce fut un examen express pour des textes qui permettront - nous l'espérons - de régler la situation pour les deux législatives partielles et la centaine de communes concernées, notamment celles qui sont sous le régime de délégation spéciale.

Les élections ne sauraient être confisquées, et nous avons dénoncé le manque d'anticipation du Gouvernement. Sur de tels sujets, les conditions d'examen parlementaire devraient être plus sereines.

Nous serons vigilants sur la tenue des élections partielles au plus vite, dès que la situation sanitaire le permet. L'exception ne peut devenir la norme.

La décision doit s'appuyer sur des évaluations chiffrées et localisées. Nous nous réjouissons que la solution du Sénat ait été conservée : une appréciation au regard des données épidémiologiques rendues publiques par les ARS tous les quinze jours.

Ce cadre doit permettre aux communes d'organiser les élections dans de bonnes conditions. L'abstention est un fléau que la crise a aggravé. Il est crucial de soutenir la participation. À cet égard, la facilitation des procurations et la majoration des dépenses de campagne sont bienvenues.

Les inquiétudes sont légitimes sur les élections départementales et régionales. Le calendrier électoral doit être régulier et éviter les embouteillages. Il est temps, madame la ministre, de présenter votre texte sur le report de ces élections.

Nous voterons ces textes, tout en restant vigilants.

M. Loïc Hervé .  - Une fois encore, l'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un accord, c'est heureux.

Mardi matin, la commission des lois examinait le texte arrivé de l'Assemblée nationale ; l'après-midi, nous l'adoptions en séance publique. Il y a tout juste quatre heures, la CMP aboutissait, et ce soir nous en votons les conclusions. Rarement nous avons connu des délais aussi contraints. J'espère, madame la ministre, que la crise sanitaire ne servira pas de prétexte à une telle organisation à l'avenir.

Je salue le travail des deux rapporteures et leur ouverture. Nos deux chambres ont partagé le même objectif : que ces élections soient organisées le plus rapidement possible, au plus tard le 13 juin 2021.

Citons, parmi les apports du Sénat : la territorialisation des informations sanitaires en exploitant les données épidémiologiques transmises par les ARS tous les quinze jours ; l'organisation d'une voie spécifique de recours pour tout électeur - le silence du sous-préfet vaudra rejet et le juge des référés devra se prononcer sous 48 heures ; la possibilité de disposer de deux procurations. Nous regrettons toutefois que la date du 13 mars ait été retenue et non celle du 16 février.

Le Gouvernement nous a assuré qu'il serait impossible d'organiser trois élections dans la même journée - municipale, départementale et régionale : le calendrier sera heureusement adapté en conséquence.

Je salue l'accord conclu en CMP et en remercie nos collègues députés.

Le groupe UC votera ces deux textes, en espérant que nous n'ayons pas à en examiner de même type en 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il n'y aura pas de suspense ce soir : le groupe SER votera les projets de loi.

J'ai néanmoins quelques regrets, notamment le temps trop long mis par le Gouvernement pour saisir le Parlement de ces projets de loi. Le ministère de l'Intérieur aurait pu anticiper la vacance dans le Pas-de-Calais, ainsi que la nécessité d'organiser des municipales partielles...

Le Gouvernement nous invite à donner une base juridique à des décisions administratives de report : nous le ferons, madame la ministre.

Deuxième regret : l'impact démocratique de la covid-19 n'est pas souvent évoqué. Des dizaines de milliers de nos compatriotes sont privés de leur député pour les accompagner dans leurs démarches. Face à la crise, les citoyens ont besoin de tous leurs élus.

Une circonscription sans député, ce n'est pas sain pour la démocratie. Il faut déconfiner la démocratie ! Si l'état d'urgence sanitaire est levé le 16 février, il n'y aura plus de raison de ne pas organiser ces élections partielles dans la foulée.

Troisième regret : que nous n'ayons pas été suivis sur notre demande de calendrier des élections plus clair et plus lisible.

J'en viens aux points de vigilance. Le premier concerne le suivi territorial de la pandémie. Je forme le voeu que les ARS qui seront mobilisées sur la campagne vaccinale disposent du temps et des moyens pour établir les rapports attendus. Nous y serons attentifs.

Deuxième point de vigilance : nous attendons de la transparence sur les calendriers électoraux. Le volet démocratique sera aussi important que les volets économique et social.

Troisième point de vigilance : il faut que les candidats soient mieux informés par les préfectures des dates et modalités retenues.

Le groupe SER votera les textes dans un esprit de responsabilité, qui est celui de la CMP et celui de tout cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Jacky Deromedi .  - Ces textes procèdent à des ajustements du droit électoral dans le contexte particulier de la crise sanitaire. Je regrette les délais très brefs dans lesquels nous avons été saisis, en quelques jours à peine ! La procédure législative a été réduite à sa plus simple expression... L'adoption de ces textes avant la fin du mois de décembre était impérative. Cette précipitation révèle malgré tout le manque d'anticipation du Gouvernement.

Mais la situation sanitaire nous engage à opérer ces ajustements au regard de la règle des trois mois. Le report des élections départementales et régionales est d'ailleurs déjà envisagé, à la suite du rapport Debré...

L'autorité administrative a déjà pu annuler certaines élections partielles en se fondant sur la théorie des circonstances exceptionnelles, mais une intervention du législateur était néanmoins nécessaire.

Le Sénat a amélioré ce texte, améliorations largement maintenues dans le texte issu de la CMP. Plusieurs garde-fous ont ainsi pu être édictés.

Tout d'abord en substituant la consultation des ARS, plus proches du terrain, à celle du comité de scientifiques.

Ensuite, en prévoyant une voie de recours spécifique pour tout électeur demandant l'organisation du scrutin quand la situation le permet. Le silence du sous-préfet vaudra rejet et permettra un référé liberté sous 48 heures.

Enfin, en posant des garanties supplémentaires pour le bon déroulement du scrutin, notamment des équipements de protection. Ces changements ne sont pas anodins, mais la situation n'est pas anodine.

Le groupe Les Républicains votera ces projets de loi tout en restant vigilant. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE)

La discussion générale est close.

Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°50 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 343
Contre      0

Le Sénat a adopté le projet de loi organique.

Le projet de loi est adopté.

Prochaine séance, lundi 14 décembre 2020, à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 15.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du lundi 14 décembre 2020

Séance publique

À 15 heures et, éventuellement, le soir

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président, Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

1. Nouvelle lecture du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au Conseil économique, social et environnemental (n°129, 2020?2021)

2. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure (texte de la commission, n°209, 2020-2021)

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la répartition des sièges de conseiller à l'assemblée de Guyane entre les sections électorales (texte de la commission, n°207, 2020-2021)