SÉANCE

du jeudi 18 mars 2021

73e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Jean-Claude Tissot.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Sécurité globale (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la sécurité globale.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 22 (Suite)

Mme la présidente.  - Amendement n°347, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 4, 6 et alinéa 9, première phrase

Remplacer la référence :

L. 242-6

par la référence :

L. 242-7

II.  -  Après l'alinéa 28

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 242-7.  -  I.  -  Dans l'exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de leurs missions de police judiciaire, les services de police municipale peuvent être autorisés, par le représentant de l'État dans le département, à procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l'enregistrement et la transmission d'images aux fins d'assurer l'exécution des arrêtés de police du maire et de constater les contraventions à ces arrêtés.

« II.  -  L'autorisation mentionnée au I est subordonnée à la demande préalable du maire et à l'existence d'une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État prévue à l'article L. 512-4.

III.  -  Alinéa 29

Remplacer la référence :

L. 242.7

par la référence :

L. 242-8

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur.  - Cet amendement autorise les polices municipales à utiliser les drones pour constater des infractions relevant de la police du maire, notamment touchant la salubrité publique.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°388 à l'amendement n°347 du Gouvernement, présenté par M. Buffet.

Amendement n° 347

1° Alinéa 8

Après la référence :

« Art. L. 242-7.  -  I.  -  

insérer les mots :

À titre expérimental et pour une durée de cinq années à compter de la promulgation de la loi n° ... du ... relative à la sécurité globale,

2° Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III. - La mise en oeuvre de l'expérimentation prévue au présent article fait l'objet d'un bilan dans les deux ans suivant son entrée en vigueur, remis par le Gouvernement au Parlement et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, afin d'évaluer l'opportunité du maintien des mesures qu'elle prévoit.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - Je propose que les dispositions présentées par le Gouvernement fassent l'objet d'une expérimentation avant une éventuelle généralisation. Recourir à ces techniques est important mais nécessite de préciser l'usage, la capacité, la formation et la réglementation.

Mme la présidente.  - Amendement n°131 rectifié, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 6

1° Remplacer les mots :

aux articles L. 242-5 et L. 242-6

par les mots :

à l'article L. 242-5

2° Remplacer les mots :

de l'intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées

par les mots : 

des espaces privés, notamment de l'intérieur des domiciles, de leurs entrées, des espaces extérieurs des propriétés privées ou de l'intérieur des véhicules

M. Guillaume Gontard.  - L'article 22 pose problème. La commission de lois a essayé d'encadrer l'usage des drones. Notre amendement est inspiré des travaux de la députée Paula Forteza. Il renforce la rédaction de l'alinéa 6 pour exclure l'enregistrement d'images montrant l'intérieur des domiciles, des extérieurs privés et l'intérieur des véhicules.

Je m'interroge aussi sur l'exclusion du recours aux images de drones pour les opérations de sécurité civile. Ce serait pourtant le seul cas où cela serait justifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°329 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Aline?a 6

Remplacer les mots :

aux articles L. 242-5 et L. 242-6

par les mots :

à l'article L. 242-6

M. Alain Richard.  - Cet amendement supprime une ambiguïté sur le champ visuel des caméras aéroportées, pour mieux protéger la vie privée.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°280 rectifié bis, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Françoise Gatel.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°306, présenté par M. Ravier.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

à l'exception de parties communes d'immeubles d'habitation ou d'entrepôts

M. Stéphane Ravier.  - Il est primordial de garantir le respect de la vie privée. Cette proposition de loi doit protéger les forces de l'ordre sans tomber dans un système Big Brother. Refusons la reconnaissance faciale par les drones et l'intrusion dans la vie privée et le domicile.

Néanmoins, les forces de l'ordre doivent pouvoir filmer les halls d'immeubles et les entrepôts, lieux de nombreux trafics à l'abri des forces de l'ordre, comme cela se passe à Marseille. En outre, les mouvements d'extrême gauche comme les Black blocks se réfugient également dans les bâtiments proches des manifestations lors de leurs exactions, pour y cacher du matériel devenant arme par destination, ou pour échapper aux fouilles ou aux contrôles.

Mme la présidente.  - Amendement n°318 rectifié bis, présenté par M. Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi re?dige? :

.... - Dans un de?lai de douze mois a? compter de la promulgation de la pre?sente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalite?s d'extension aux services de police municipale, sur autorisation du repre?sentant de l'Etat dans le de?partement, de la capacite? d'utiliser des came?ras ae?roporte?es pour les finalite?s relevant des leurs compe?tences, notamment en matie?re de re?gulation des flux de transport et de dommages aux personnes et a? l'environnement.

M. Alain Richard.  - Cet amendement est un reliquat. J'avais déposé un amendement autorisant le recours aux drones par les municipalités à certaines fins. Hélas, victime de mon inexpérience et de l'imagination de la commission des finances, je me suis heurté à l'article 40 de la Constitution. Un drone coûte moins cher qu'une caméra fixe.

Je suis reconnaissant à la commission des lois et au ministre d'avoir utilisé ce premier amendement pour rédiger les amendements nos347 et 388. S'ils sont adoptés, je retirerai le n°318 rectifié bis.

Mme la présidente.  - Merci. Nous connaissons votre persévérance...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois.  - Nous avons travaillé ensemble sur le sous-amendement n°388 avec Loïc Hervé et le président François-Noël Buffet. Je vous prie d'excuser Loïc Hervé qui a dû s'absenter pour raisons familiales.

Avis favorable à l'amendement n°347 sous-amendé.

Avis défavorable à l'amendement n°318 rectifié bis, qui est une demande de rapport.

L'amendement n°131 rectifié traite des espaces privés ; l'amendement n°208 rectifié bis des lieux privés. Leur rédaction est trop large : retrait.

La doctrine d'emploi telle que développée par Loïc Hervé répond à nos préoccupations. Sagesse à l'amendement n°329 rectifié et avis défavorable à l'amendement n°306.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis favorable au sous-amendement n°388. M. Richard a effectivement la paternité de l'amendement n°347. Avis défavorable à l'amendement n°329 rectifié.

J'entends le souci exprimé au sujet des lieux privés. Mais il est parfois utile de disposer d'images, notamment dans le cas d'une prise d'otages. Évitons aussi la surexposition des forces de l'ordre lors d'opérations.

Les drones sont également utilisés pour la sécurité civile afin d'aider les services de secours.

Le texte prévoit des garanties d'information. Il n'autorise pas à filmer le domicile ni les parties communes. Cela constitue un bon équilibre.

Avis défavorable aux amendements nos131 rectifié, 208 rectifié bis, 306 et 318 rectifié bis.

M. Guillaume Gontard.  - L'amendement n°131 rectifié précise le travail réalisé en commission des lois en listant les lieux ne devant pas être filmés ; il encadre l'utilisation des drones dans le domaine de la sécurité civile.

Mme Françoise Gatel.  - Je retire l'amendement n°208 rectifié bis, compte tenu des arguments du rapporteur et du ministre. Je suis favorable à l'amendement n°347 et au sous-amendement n°388 : l'expérimentation est un signe de sagesse et un acte de confiance en direction des polices municipales.

L'amendement n°208 rectifié bis est retiré.

Le sous-amendement n°388 est adopté.

L'amendement n°347, sous-amendé, est adopté.

Les amendements nos131 rectifié et 329 rectifié n'ont plus d'objet.

L'amendement n°306 n'est pas adopté.

L'amendement n°318 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°218, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les caméras aéroportées utilisées par la police nationale, la gendarmerie nationale ou la préfecture de police de Paris ne peuvent pas être dotées de dispositifs de nature à rendre possible, quels que puissent être les usages retenus, l'identification des personnes filmées.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous saluons le travail de la commission des lois pour mieux encadrer l'usage des drones. Nous précisons qu'ils ne peuvent pas servir à l'identification des personnes.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable. C'est contraire à ce que nous venons de voter.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°218 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°219, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est prohibée toute installation de dispositifs d'armement sur les aéronefs.

Mme Cécile Cukierman.  - Notre amendement interdit toute installation de dispositifs d'armement sur les aéronefs.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Voici l'amendement Star Wars. Nous sommes hors sujet : c'est un procès d'intention. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable. C'est le côté obscur de la force ! (Sourires)

L'amendement n°219 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°373, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission des lois.

A.  -  Alinéa 6

Après la référence :

« Art. L. 242-2. -

insérer la mention : 

I.  -  

B.  -  Après l'alinéa 7

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

« II.  -  Dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi n° ... du... relative à la sécurité globale, le ministre de l'intérieur précise, par des lignes directrices adressées aux services mentionnés aux articles L. 242-5 et L. 242-6 et placés sous son autorité :

«  -  les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données personnelles auxquelles les agents doivent satisfaire pour être autorisés à procéder au traitement d'images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord ;

«  -  pour chacune des finalités mentionnées au présent chapitre, les cas et modalités selon lesquels le recours à des caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord est considéré comme proportionné au sens de l'article L. 242-4 ;

«  -  les règles techniques devant encadrer l'usage, dans le temps et dans l'espace, des caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord par les services compétents, et en particulier les spécifications permettant de s'assurer que les lieux privés mentionnés au premier alinéa du I du présent article ne font pas l'objet de prises de vues spécifiques.

« La Commission nationale de l'informatique et des libertés est consultée préalablement à l'adoption et à la modification de ces lignes directrices, qui font l'objet d'une mise à jour régulière pour tenir compte de l'évolution des techniques et des normes relatives à la protection des données personnelles.

« Sous réserve des seuls éléments dont la divulgation pourrait être contraire à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, ces lignes directrices sont rendues publiques avec l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - J'ai évoqué cet amendement lors de ma réponse à Mme Gatel. Il fixe une doctrine d'emploi des drones et apporte des garanties juridiques nécessaires à la mise en oeuvre de l'expérimentation, en précisant les exigences de formation, les cas d'usage proportionné, les spécifications techniques...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Sagesse.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement va moins loin que le nôtre, mais démontre la nécessité de sécuriser le dispositif. Star Wars n'est pas si loin... Le groupe CRCE le votera.

L'amendement n°373 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°240, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste.

Alinéa 8, première phrase

Après les mots :

et de l'autorité responsable

supprimer la fin de cette phrase.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

L'amendement n°240, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°132, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

M. Guillaume Gontard.  - Cet amendement sécurise la proposition de loi. Le 22 décembre dernier, le Conseil d'État nous a infligé un camouflet quant à l'usage des drones lors de manifestations publiques.

Un dispositif de surveillance ne peut être autorisé s'il n'est pas absolument nécessaire au maintien de l'ordre. Rien ne justifie donc cette atteinte gravissime à la liberté de manifester et à la liberté d'opinion.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - La commission des lois a encadré l'usage des drones lors des manifestations : c'est la doctrine d'emploi que nous venons d'exposer. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°132 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°133, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

M. Guillaume Gontard.  - Cet amendement concerne la surveillance des frontières par des drones. Je ne reviendrai pas sur la politique migratoire française, inhumaine et inefficace. Aux États-Unis, cette surveillance est une gabegie financière, comme l'indiquait un rapport de 2015 : 1,8 million d'arrestations pour 62,5 millions d'euros, alors que les membres des cartels mexicains continuent de franchir tranquillement la frontière.

En Europe, le budget de l'agence Frontex explose, passant de 137 millions d'euros en 2015 à 322 millions d'euros en 2020, et la surveillance des frontières est toujours plus automatisée... sans que le nombre de migrants ou de morts diminue. Les autorités européennes accentuent le drame, les industries de la surveillance en profitent. Dans les Alpes, les drames humains sont quotidiens. L'efficacité de ces dispositifs n'est pas prouvée : en plus d'être inhumains, ils sont extrêmement coûteux.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous pensons le contraire. Il suffit d'aller à la frontière franco-italienne pour comprendre l'utilité des drones pour surveiller de grandes zones montagneuses. Et cette surveillance, moins onéreuse et plus adaptée, n'empêche pas les interpellations humaines. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le rapporteur, vous venez de décrire la société dont nous ne voulons pas.

M. Guillaume Gontard.  - Venez à la frontière italienne et notamment à Montgenèvre pour constater le traitement inhumain de certaines situations.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Je m'y suis rendu.

M. Guillaume Gontard.  - L'utilisation des drones n'est pas efficace en zone de montagne, même si vous doublez les effectifs. Ouvrons les yeux et changeons de politique ! Il faut accueillir les personnes dignement, dans le respect des droits de l'homme, et ouvrir à Menton un centre d'accueil au lieu d'un centre d'enfermement. Un arrêt récent intime au préfet d'accepter les visites de parlementaires.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je ne peux vous laisser tenir de tels propos ! Il est normal que la France préserve sa souveraineté et ses frontières. Ce ne sont pas des gros mots.

Nous accueillons les étrangers dans le plus total respect du droit. Nous sommes le pays européen qui accepte le plus de demandeurs d'asile par rapport à sa population : 140 000 par an, contre 34 000 en Italie - alors qu'il y a 38 000 reconduites à la frontière.

La police et la gendarmerie nationale travaillent dans des conditions difficiles, avec parfois des militants politiques et des parlementaires qui viennent les embêter. (Mme Éliane Assassi et M. Jérôme Durain protestent.) Je salue le sang-froid de ces agents.

Les Italiens partagent notre politique, et nous organisons des patrouilles communes. J'ai régulièrement des contacts avec mon homologue et avec des élus italiens.

Vous n'évoquez pas les passeurs, membres d'organisations criminelles faisant la traite d'êtres humains. Nous devons les combattre et faire respecter les règles d'entrée sur notre territoire national.

Chaque année, la France accorde 30 000 autorisations d'asile à des personnes menacées dans leur pays d'origine. Une grande partie de ces migrants cherche à rejoindre le Royaume-Uni : la France cumule les difficultés d'être à la fois un pays d'entrée et un pays d'accueil. La police et la gendarmerie travaillent dans la plus grande dignité. (Mme Françoise Gatel applaudit.)

Le jugement du tribunal administratif de Nice prévoit que nous ouvrions les centres. Vous pourrez vous rendre dans celui de Menton, qui n'est pas un centre de rétention. Ne dites pas n'importe quoi !

M. Jérôme Durain.  - C'est une obsession !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Sachez que toutes les quatre heures, à Menton, nous remettons des migrants à la police italienne. Nous avons un avis différent sur ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Rappel au Règlement

M. Patrick Kanner .  - Nous essayons d'avoir un dialogue respectueux au Sénat. Or ce n'est pas la première fois, monsieur le ministre, que vous accusez un sénateur ou une sénatrice de « dire n'importe quoi ». (M. Gérald Darmanin le confirme.) Ayez un peu de respect envers les Sénateurs ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)

Mme la présidente.  - Je prends acte de votre propos, même si ce n'est pas exactement un rappel au Règlement.

Discussions des articles (Suite)

ARTICLE 22 (Suite)

Mme Esther Benbassa.  - Nous nous honorons à visiter les centres de détention et de rétention, dans le cadre de notre mandat parlementaire. Dans le passé - que vous évoquez souvent - des parlementaires ont aidé ceux qui ont fui la guerre ou les camps. Arrêtez de nous montrer du doigt et laissez-nous faire notre travail, car vous ne faites pas le vôtre sur l'accueil des migrants ! Votre politique est un échec ! (M. Guy Benarroche applaudit.)

M. Jérôme Durain.  - Le ministre semble avoir un petit problème avec le Parlement : nous dirions « n'importe quoi », les parlementaires « embêteraient » les forces de l'ordre... Nous tenons à accompagner le travail des agents. Le « monopole de la sécurité » que vous rappelez régulièrement commence à devenir fatigant...

Vous avez déposé des amendements de suppression alors que l'excellent travail de la commission des lois apporte des garanties. Mais la Défenseure des droits, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ne disent pas n'importe quoi ! Nous faisons notre travail, de notre mieux, sur un texte bricolé et rédigé à la va-vite, sous la pression d'événements malheureux.

Les drones sont le signe d'un rapport entre la police et la population caractérisé par la défiance et la distance.

Tous les acteurs qui nous alertent sur les drones ne sont pas des farfelus : ces mesures sont prématurées, inquiétantes, voire dangereuses. L'amendement de M. Gontard mérite toute notre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Guy Benarroche applaudit également.)

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Vous pouvez utiliser de grands mots, mais pas affirmer que les migrants sont accueillis dignement dans notre pays ! Vous ne pouvez pas non plus vous cacher derrière le chiffre des demandes d'asile acceptées pour affirmer que tout va bien. On demande aux forces de l'ordre de décourager les migrants, et les journalistes ne peuvent se rendre dans certaines zones pour témoigner. (Marques de réprobation à droite) Alors oui, nous, parlementaires, devons faire notre travail !

Non, la France n'est pas formidable et la situation des réfugiés n'est pas magnifique !

M. Philippe Pemezec.  - Prenez-les chez vous !

Mme Françoise Gatel.  - Je ne dirai jamais, mes chers collègues, que vous dites n'importe quoi, mais certains propos peuvent être extravagants et hors sujet, cela dit sans vouloir vous provoquer.

Nous devons accepter l'évolution des technologies pour protéger les forces de l'ordre ; mais veiller aussi à garantir les libertés. Nos débats prennent un tour dangereux.

Je salue votre engagement et les propos que vous avez tenus hier, madame Assassi, mais si l'on veut que chacun puisse manifester en toute quiétude, nous avons besoin de sécurité. Or certaines manifestations sont instrumentalisées par des casseurs. Je l'ai vécu à Rennes pendant plusieurs mois.

Notre commission de lois a veillé à sécuriser les dispositifs. Soyons réalistes et évitons les postures ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°133 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°188 rectifié, présenté par MM. Perrin et Cambon, Mme Primas, M. Cigolotti, Mme Thomas, MM. Longeot et Courtial, Mmes L. Darcos et Demas, M. Burgoa, Mmes Lopez et Belrhiti, M. Lefèvre, Mmes Guidez, Deroche et Dumont, MM. de Belenet, D. Laurent, Rapin, Milon et Mouiller, Mmes Schalck, Berthet et Loisier, M. Longuet, Mme Imbert, MM. Mandelli et B. Fournier, Mme Deromedi, M. Menonville, Mme Chauvin, M. Wattebled, Mmes Raimond-Pavero, Billon et Garriaud-Maylam, MM. Duffourg, Brisson, A. Marc et Bouchet, Mme Saint-Pé, MM. Vogel, de Nicolaÿ et Darnaud, Mme Ventalon, M. Bascher, Mme M. Mercier, M. Charon, Mme Joseph, M. Guerriau, Mme Gruny, MM. Le Nay, Le Gleut et Belin, Mme Pluchet et MM. Decool, Saury, Rietmann et Meurant.

I.  -  Alinéa 24

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.....  -  Le code de la défense est ainsi modifié :

1° Après la section 1 du chapitre II du titre III du livre III de la première partie, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section ...

« Dispositifs techniques concourant à la protection des installations d'importance vitale

« Art. L. 1332-....  -  À des fins de protection des établissements, installations et ouvrages d'importance vitale mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2, les services de l'État concourant à la défense nationale, à la sûreté de l'État et à la sécurité intérieure peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord, à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images dans les conditions définies aux articles L. 2364-2 à L. 2364-4. » ; 

« 2° Le titre VI du livre III de la deuxième partie est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre ....

« Dispositifs techniques concourant à la protection des installations militaires

« Art. L. 2364-1.  -  À des fins de protection des installations militaires, les services de l'État concourant à la défense nationale, à la sûreté de l'État et à la sécurité intérieure peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord, à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images.

« Art. L. 2364-2.  -  La mise en oeuvre des traitements prévus à l'article L. 2364-1 ne peut donner lieu à la collecte et au traitement que des seules données personnelles strictement nécessaires à l'exercice des missions concernées et s'effectue dans le respect de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Les opérations de captation d'images sont réalisées de telle sorte qu'elles ne visualisent pas les images de l'intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. 

« Art. L. 2364-3.  -  Ces enregistrements sont conservés pour une durée maximale de trente jours, excepté s'ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative.

« Art. L. 2364-4.  -  Le public est informé par l'autorité responsable, par tout moyen approprié, de la mise en oeuvre de dispositifs de captation d'images au titre du présent chapitre, sauf lorsque les circonstances l'interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. »

M. Mathieu Darnaud.  - Cet amendement renforce les outils utilisés pour assurer la protection des installations militaires et des installations d'importance vitale. Les caméras seraient utilisées à des fins de protection des zones militaires et des établissements, installations et ouvrages d'importance vitale.

Nous prévoyons des garanties propres à ces usages, notamment une durée de conservation des enregistrements limitée et une information générale du public. Le traitement des données devra respecter les garanties de la loi Informatique et libertés.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°383 à l'amendement n°188 rectifié de M. Perrin, présenté par M. Richard.

Amendement n°188 rect, alinéas 8 et 12

Supprimer les mots :

circulant sans personne à bord

M. Alain Richard.  - Une partie des images sont prises par hélicoptère : il convient de le prévoir dans le dispositif proposé par M. Perrin.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°374 à l'amendement n°188 rectifié de M. Perrin, présenté par M. Loïc Hervé, au nom de la commission des lois.

Amendement n°188 rect.

1° Alinéa 13

Remplacer la référence :

à l'article L. 2364-1

par les mots :

aux articles L. 1332- ...  et L. 2364-1 doit être justifiée au regard des circonstances de chaque intervention, pour une durée adaptée auxdites circonstances et qui ne peut être permanente. Elle

2° Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité responsable tient un registre des traitements mis en oeuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d'un dispositif de renvoi en temps réel.

3° Alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 2364-3.  -  Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.

4° Alinéa 16 

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une information générale du public sur l'emploi de dispositifs aéroportés de captation d'images est organisée par le ministre de la défense.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous ajoutons les garanties nécessaires pour consolider la doctrine d'emploi.

Sous cette réserve nous sommes favorables à l'amendement n°188 rectifié et au sous-amendement n°383. En tant que rapporteur de la loi antiterroriste, j'ai constaté, dans les Alpes-Maritimes, l'importance de surveiller la frontière avec des drones ou des hélicoptères. Ces images ont ainsi permis d'arrêter un terroriste dangereux qui menaçait une installation stratégique de Dunkerque.

L'accueil des réfugiés est un autre sujet. (Marques d'approbation à droite)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

Les sous-amendements nos383 et 374 sont adoptés.

L'amendement n°188 rectifié, sous-amendé, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°328 rectifié bis, présenté par M. Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéas 26 à 28

Rédiger ainsi ces alinéas :

1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité? civile ;

2° Le secours d'urgence aux personnes ;

3° La lutte contre les incendies, autres accidents, sinistres ou catastrophes.

M. Alain Richard.  - Je propose de clarifier les conditions dans lesquelles les images peuvent être utilisées en matière de sécurité civile.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Retrait, mais il faudra préciser cela en CMP, et je m'engage à ce que nous puissions aboutir en tenant compte de vos observations.

L'amendement n°328 rectifié bis est retiré.

L'article 22, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 22

M. le président.  - Amendement n°130 rectifié, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est instauré un moratoire interdisant aux autorités publiques de déployer tout traitement automatisé de recueil de l'image d'une personne par le moyen de la vidéoprotection à des fins d'exploitation biométrique, dans l'espace public, sans le consentement des personnes concernées.

Ce moratoire s'applique pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

M. Guillaume Gontard.  - J'espère que Mme Gatel ne trouvera pas cet amendement extravagant... La première de nos valeurs républicaines est la liberté, que nous devons protéger. (Mme Françoise Gatel approuve.) Or ce texte s'en éloigne.

Notre amendement, inspiré des travaux de Paula Forteza, instaure un moratoire sur l'usage de la reconnaissance faciale pour identifier les individus sans leur consentement préalable et éclairé, jusqu'à ce que des garanties suffisantes de sécurité et de respect des libertés fondamentales soient établies. C'est le choix qu'ont fait des villes américaines, comme Portland ou San Francisco.

Ce dispositif ne concernerait que les caméras dans l'espace public.

Les données faciales sont des données biométriques sensibles et constituent des informations irrévocables, uniques et inchangeables en cas de vol ou de compromission. Il faut une protection accrue de ces données. Cela soulève des enjeux cruciaux en matière de libertés publiques, d'éthique et de consentement.

Cette technologie n'est pas encore mûre et présente de nombreux biais. Elle engendre aussi des dérives, comme la répression des manifestations à Hong Kong ou la surveillance de la minorité ouïghoure par la Chine. C'est un amendement de bon sens.

Mme la présidente.  - Amendement n°291 rectifié bis, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est instauré un moratoire interdisant aux autorités publiques de déployer tout traitement automatisé de recueil de l'image d'une personne par les moyens de la vidéoprotection, des caméras mobiles, des caméras embarquées ou caméras installées sur des aéronefs circulant sans personnes à bord, dans l'espace public, sans le consentement des personnes concernées.

Ce moratoire s'applique pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

M. Jérôme Durain.  - Le bon sens est partagé. Nos inquiétudes sur l'intelligence artificielle et la reconnaissance faciale sont profondes. Le Livre blanc de la sécurité intérieure prévoit la « reconnaissance du visage dans l'espace public ». Or le cadre juridique qui nous est proposé n'apporte pas suffisamment de garanties. Je salue le travail de Loïc Hervé, mais il est encore prématuré de s'engager dans cette voie. Nous sommes très inquiets. Cela se fait déjà dans d'autres pays... je pense notamment à un pays qui compte 250 millions de caméras pour contrôler sa population.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous nous lançons dans une expérimentation, qui sera évaluée à mi-parcours grâce à Mme Gatel. En outre, la commission des lois m'a nommé rapporteur d'une mission d'information sur ce sujet. Avis défavorable à un moratoire.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

M. Didier Marie.  - Un moratoire permettrait d'étudier ces sujets, pour lancer ensuite une expérimentation en toute connaissance de cause.

M. Guillaume Gontard.  - La commission des lois a bien compris les problèmes posés par ces sujets mais la clause de revoyure dans deux ans n'est pas suffisante. Un moratoire nous donnerait le temps de la réflexion ; c'est un choix de société.

L'amendement n°130 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°291 rectifié bis

ARTICLE 22 BIS

M. le président.  - Amendement n°236, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - L'article 22 bis crée un cadre juridique à l'usage des caméras embarquées dans les véhicules des forces de l'ordre et des services de secours. Nous sommes opposés à l'extension de l'usage des caméras embarquées dans l'espace public, comme à la surveillance massive et indifférenciée à laquelle il conduit.

La commission des lois a certes intégré des garanties complémentaires, mais de nombreux problèmes demeurent : il sera possible d'utiliser des moyens militaires comme les drones ou des hélicoptères équipés de « boule optronique » pour surveiller les populations ; des finalités nombreuses et aussi imprécises seront poursuivies pêle-mêle ; enfin, les populations ne seront pas forcément informées de cette surveillance.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°297 rectifié bis, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jérôme Durain.  - L'article 22 bis introduit un encadrement normatif à une pratique qui existe illégalement depuis plus de dix ans.

Malgré les modifications de la commission des lois, il continue de soulever des interrogations : son champ d'application est trop lâche et ne va pas sans poser des difficultés lorsque les caméras embarquées seront utilisées dans le cadre de manifestations ; les modalités d'information du public ne sont guère explicitées ; les exceptions posées à l'information du public ne semblent pas assez précises et laissent une marge de manoeuvre trop importante aux forces de sécurité.

Alors que le respect des libertés fondamentales est en jeu, il n'est pas acceptable de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir le cadre de ce dispositif.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques nos236 et 297 rectifiés bis ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°352, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

aux articles L. 242-5 et L. 242-6

par les mots :

aux articles L. 242-5 à L. 242-7

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Défendu.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - La commission des lois était initialement défavorable à cet amendement. Mais le président Buffet y a apporté des précisions utiles et nous avons beaucoup consulté d'associations d'élus et de maires. Sagesse.

L'amendement n°352 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°237 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 4

Après le mot :

service

insérer les mots :

, à l'exception des aéronefs circulant sans personne à bord régis par le chapitre II du présent titre,

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - C'est une précision utile : avis favorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°237 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°134, présenté par M. Gontard, Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le traitement des images par des logiciels de reconnaissance faciale est interdit.

M. Guillaume Gontard.  - En cohérence avec notre position sur les caméras piétons et les drones, cet amendement exclut le traitement des images issues des caméras embarquées par des logiciels de reconnaissance faciale.

La reconnaissance faciale ne doit pas être considérée comme une technologie d'identification biométrique comme les autres. Elle entre en contradiction avec le règlement général sur la protection des données (RGPD).

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable. Le débat a eu lieu.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Le refus du rapporteur et du Gouvernement me laisse perplexe. Voulez-vous utiliser la reconnaissance faciale ? Si vous ne voulez pas l'interdire, c'est donc que vous souhaitez l'autoriser... Dites-le !

M. Jérôme Bascher.  - Nous voulons qu'elle puisse être autorisée.

M. Guillaume Gontard.  - Il serait intéressant que le ministre s'exprime sur le sujet. Quelle est votre opinion sur la reconnaissance faciale ? Et celle de nos collègues de droite ? J'estime pour ma part qu'elle est dangereuse pour nos libertés publiques !

À la demande du GEST, l'amendement n°134 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°91 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption   96
Contre 248

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°238, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 243-2.- Les traitements prévus à l'article L. 243-1 ont pour finalités le secours aux personnes et la lutte contre l'incendie, et de réguler les flux de transport.

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement limite les finalités d'usage des caméras embarquées aux situations de secours et d'urgence.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°238 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°362, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

de manière permanente

par les mots :

que pour la durée strictement nécessaire à la réalisation de l'intervention concernée

II.  - Alinéa 9, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Défendu.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous sommes favorables au I., qui apporte des précisions utiles, mais pas au II. qui remet en cause la doctrine d'usage établie par la commission des lois. À moins que le Gouvernement ne le retire, je demanderai un vote par division.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je vais suivre le rapporteur et rectifier mon amendement en ce sens.

Mme la présidente.  - Il devient l'amendement n°362 rectifié.

Amendement n°362 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

de manière permanente

par les mots :

que pour la durée strictement nécessaire à la réalisation de l'intervention concernée

L'amendement n°362 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°239, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 7, première phrase

Après les mots :

par une caméra

supprimer la fin de cette phrase.

Mme Éliane Assassi.  - Il faut garantir une information systématique du public par une signalétique spécifique avertissant de l'usage de ces caméras.

Cette question est essentielle. De quelle société voulons-nous ? Voulons-nous un espace public entièrement placé sous une cloche de surveillance numérique ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°239 n'est pas adopté.

L'article 22 bis, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 22 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°177 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Requier et Mme Pantel.

Après l'article 22 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le g du I de l'article 8 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces vérifications peuvent notamment être effectuées auprès toute entité publique ou privée recourant à des systèmes de vidéosurveillance. »

Mme Maryse Carrère.  - Je profite de cet amendement pour saluer la participation de la CNIL aux travaux de la commission des lois. Il apparaît nécessaire qu'elle puisse exercer un contrôle actif et efficace du traitement des données liées à la vidéosurveillance.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - L'intention est louable, mais l'amendement est satisfait par le droit en vigueur. La CNIL peut déjà exercer un tel contrôle. Retrait ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°177 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°385, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 22 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la défense est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 1521-2, il est inséré un article L. 1521-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1521-2-1.  -  Pour l'exécution de la mission définie à l'article L. 1521-2, les commandants des bâtiments de l'État ou les commandants de bord des aéronefs de l'État peuvent procéder, au moyen de caméras équipant leur bâtiment ou leur aéronef, à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images pour faciliter et sécuriser la conduite des opérations.

« Il peut également être procédé à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images au moyen de caméras installés sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote ou installés sur des navires ou engins flottants de surface maritimes ou sous-marins, autonomes ou commandés à distance, sans personne embarquée.

« Les enregistrements sont conservés pour une durée maximale de trois mois, excepté s'ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative.

« Le public est informé par tout moyen approprié de la mise en oeuvre de l'équipement des bâtiments ou des aéronefs par une caméra, sauf lorsque les circonstances l'interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. » ;

2° L'article L. 1521-4 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cadre de la visite, cette équipe peut procéder à l'enregistrement audiovisuel de son intervention, au moyen de caméras individuelles aux seules fins de faciliter et de sécuriser la conduite des opérations.

« Les enregistrements sont conservés pour une durée maximale de trois mois, excepté s'ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative.

« Les personnes présentes à bord sont informées par tout moyen approprié de l'emploi de caméras individuelles, sauf lorsque les circonstances l'interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. »

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Cet amendement concerne l'utilisation des drones pour l'action de l'État en mer.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°387 à l'amendement n°385 du Gouvernement, présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission des lois.

Amendement 385

1° Alinéa 6, au début

Ajouter les mots :

Aux mêmes fins,

2° Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La mise en oeuvre du traitement prévu au présent article doit être justifiée au regard des circonstances de chaque intervention, pour une durée adaptée auxdites circonstances et qui ne peut être permanente. Elle ne peut donner lieu à la collecte et au traitement que des seules données personnelles strictement nécessaires à l'exercice des missions concernées et s'effectue dans le respect de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« L'autorité responsable tient un registre des traitements mis en oeuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d'un dispositif de renvoi en temps réel.

« Les opérations de captation d'images sont réalisées de telle sorte qu'elles ne visualisent pas les images de l'intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.

« Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.

3° Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une information générale du public sur l'emploi de dispositifs aéroportés de captation d'images est organisée par le ministre de la défense. 

4° Alinéas 11 et 12

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« L'enregistrement n'est pas permanent.

« Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.

« Les caméras sont fournies par le service et portées de façon apparente. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l'enregistrement fait l'objet d'une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l'interdisent. Une information générale du public sur l'emploi de ces caméras est organisée par le ministre de la défense.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous apportons les mêmes garanties qu'à l'amendement de M. Darnaud. Avis favorable à l'amendement n°385 sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Il me semble un peu trop complexe ; mais la CMP y remédiera. Sagesse.

Le sous-amendement n° 387 est adopté.

L'amendement n°385, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article 23

Mme la présidente.  - Amendement n°66 rectifié, présenté par Mme G. Jourda, MM. Cozic, Bourgi, Redon-Sarrazy, Antiste, Pla et Stanzione, Mme Artigalas, MM. M. Vallet, Devinaz et Vaugrenard, Mme Bonnefoy, M. Tissot, Mmes Conway-Mouret, Préville et Monier, M. Cardon et Mme Féret.

Avant l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le quatorzième alinéa du 1 du I de l'annexe I de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un alinéa rédigé :

« Dans les communes de moins de 50 000 habitants, ce principe peut connaître une dérogation, permettant ainsi à la gendarmerie nationale d'assurer cette mission de sécurité publique. »

Mme Gisèle Jourda.  - Dans Le Parisien du 14 novembre, monsieur le ministre, vous vous appuyiez sur les conclusions du Livre blanc pour annoncer une modification de l'organisation territoriale des forces de l'ordre. Mais les élus s'inquiètent, même si une réforme s'impose. Une concertation est nécessaire pour réaliser un délicat travail de dentelle - comme le dit notre collègue Françoise Gatel - sur les nouvelles zones de police et de gendarmerie.

Le sujet est sensible chez les élus comme chez les forces de l'ordre. Nous souhaitons prévoir que la gendarmerie puisse par dérogation exercer les missions de sécurité dans des villes jusqu'à 50 000 habitants.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Lorsque j'étais député, j'ai défendu des questions de zonage auprès de cinq ministres de l'Intérieur différents de deux orientations politiques différentes. J'ai toujours été écouté... Mais cela ne relève pas du domaine de la loi. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Effectivement. Je ne souhaite pas faire le grand soir de la police et de la gendarmerie comme Manuel Valls. Mais nous devons réfléchir à l'évolution des territoires de la délinquance.

Cette notion me semble plus efficace que le critère du nombre d'habitants. Je connais des communes de 5 000 habitants marquées par la radicalisation et des communes de 30 000 bien plus tranquilles.

Certaines zones fonctionnent bien avec plusieurs forces ; ailleurs on observe des problèmes. N'oublions pas non plus que 70 % des interventions de la gendarmerie sont réalisées en zones urbaines et périurbaines - et je ne parle même pas des gendarmes mobiles.

Il s'agit d'un débat ancien ; il précédait l'intégration de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur. Nous visons l'efficacité, mais rien ne se fera sans les élus locaux.

M. Henri Leroy.  - Je comprends l'inquiétude de Mme Jourda. Le Livre blanc a fixé un critère de nombre d'habitants, mais on ne peut évoluer sur la question sans associer ce pilier de la sécurité qu'est le maire. Le ministre a prévu de réfléchir avec les élus de proximité.

Mme Françoise Gatel.  - Je suis très sensible à cette question. Nous en avons parlé dans le cadre du rapport Féret-Pointereau sur l'ancrage local de la sécurité.

Je rends hommage à l'excellent partenariat entre les maires et la gendarmerie.

Il est vrai que la notion de seuil de population n'a plus guère de sens. Il est préférable de raisonner à l'échelle des zones de délinquance.

Pour autant, toute réforme doit se faire en concertation avec les élus locaux. (M. Gérald Darmanin le confirme.)

Mme Gisèle Jourda.  - Pour avoir vécu dans l'Aude les zonages successifs, je me permets de faire remarquer que ce n'est pas si simple ! La concertation a peut-être lieu dans d'autres départements, mais dans le mien, les élus étaient dans la rue ! Au point qu'une élue socialiste a organisé une manifestation... Le chef du gouvernement d'alors était pourtant M. Jospin ! (Sourires et exclamations amusées sur les travées de la droite et du centre)

La consultation des associations d'élus locaux est indispensable. Vous ne pourrez pas empêcher certains maires de souhaiter une compétence de la gendarmerie. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER)

L'amendement n°66 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°65 rectifié, présenté par Mme G. Jourda, MM. Cozic, Bourgi, Redon-Sarrazy, Antiste, Pla et Stanzione, Mme Artigalas, MM. M. Vallet, Devinaz et Vaugrenard, Mme Bonnefoy, M. Tissot, Mme Conway-Mouret, M. Sueur, Mmes Préville et Monier, M. Cardon et Mmes Féret et Poumirol.

Avant l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le quatorzième alinéa du 1 du I de l'annexe I de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les communes de moins de 50 000 habitants, ce principe peut connaître une dérogation lorsqu'une coopération étroite de la police nationale et de la gendarmerie nationale s'avère nécessaire. Les forces de la gendarmerie nationale peuvent alors, à la demande du maire et sous l'autorité du préfet, renforcer les actions de la police nationale. »

Mme Gisèle Jourda.  - La clé de répartition arithmétique entre la gendarmerie nationale et la police nationale ne convainc plus ni les élus ni les forces de police et de gendarmerie. Les bassins de délinquance évoluent ; la covid a notamment renforcé les comportements d'occupation du domaine public.

Face à ces réalités, les forces de l'ordre sont souvent en nombre insuffisant. Il convient de dépasser le seul critère démographique de leur répartition en tenant compte des besoins. La commune de Carcassonne, par exemple, comporte cinq hameaux dont les besoins sont identiques à ceux des communes rurales alentour. Nous voulons cette souplesse à la demande du maire.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°65 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°290 rectifié, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Avant l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport préparatoire à la réforme urgente de l'organisation et du fonctionnement des corps d'inspection des forces de l'ordre nationales.

Ce rapport a pour objet l'élaboration d'un modèle reposant sur un organisme public non ministériel, doté d'un pouvoir d'initiative d'enquêtes et composé de membres appartenant aux corps respectifs de la police et de la gendarmerie nationales, du Défenseur des droits et de personnalités qualifiées.

M. Didier Marie - Fin novembre 2020, monsieur le ministre, vous avez parlé en audition à l'Assemblée nationale des sept péchés capitaux de la police nationale et proposé des pistes de réforme pour répondre à la multiplication des violences policières et à la crise de confiance. Outre les questions de formation, de moyens, d'encadrement, le cinquième péché capital avait trait au fonctionnement de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), mais vous n'êtes pas allé très loin dans la réforme, vous contentant d'évoquer la possibilité de nommer une personnalité indépendante à sa tête.

Une réforme de l'IGPN est nécessaire et attendue. Compte tenu de sa composition, il existe des doutes quant à sa transparence et à son indépendance. Il y a un effet de corps qui entretient un entre-soi professionnel et une culture corporatiste. Les inspecteurs, que nous ne remettons pas en cause, sont redoutés sur le terrain et il y a eu des évolutions positives, mais qui restent insuffisantes. Il faut une réforme structurelle qui sépare la chaîne de contrôle de la chaîne de commandement. Cet amendement donne suite à votre engagement, monsieur le ministre.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable 

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Nous pourrons en reparler dans le cadre du Beauvau de la sécurité. L'IGPN mène des enquêtes administratives - à ce titre, elle m'est rattachée - mais aussi des enquêtes judiciaires - elle est alors saisie par le procureur de la République et ne me rend pas compte.

Il y a certes des dysfonctionnements, mais je crois qu'il faudrait plus d'IGPN, pas moins. Ses recommandations doivent être publiées, elles doivent s'imposer à l'administration et elle devrait rendre ses conclusions dans un délai contrait. Ses décisions doivent, en outre, être transparentes.

M. Didier Marie.  - Je regrette que le rapporteur ait balayé aussi rapidement notre proposition. Certes, nous demandions un rapport, pour associer le Sénat à cette réforme. La confiance dans les forces de l'ordre repose sur la transparence du fonctionnement de l'IGPN, qui est insuffisante. Nous prenons acte de votre volonté de faire évoluer les choses et réaffirmons notre souhaite de voir une personnalité indépendante nommée à sa tête.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Mon avis défavorable s'explique par votre demande de rapport. Le vieux parlementaire que je suis connaît leur inutilité...

L'amendement n°290 rectifié bis n'est pas adopté.

ARTICLE 23

M. Marc Laménie .  - Cet article supprime la réduction automatique de peine pour les personnes coupables d'atteinte aux élus, policiers, gendarmes ou sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels, qui sont en première ligne face aux violences et aux incivilités.

Je participe chaque année à la journée nationale d'hommage aux policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers victimes de leur devoir. Chaque année, il y en a une vingtaine. Le décès du maire de Signes en 2019, ainsi que les nombreuses menaces et agressions envers les élus, nous invite à exiger une plus grande fermeté dans la réponse pénale.

Un rapport de Philippe Bas d'octobre 2019 a fait le point sur la question de la sécurité des maires. Ces nouvelles dispositions sont bienvenues.

Mme Esther Benbassa .  - Rien n'est prévu pour lutter contre la culture de l'impunité des forces de l'ordre, qui sape le lien de confiance avec la population. Certains de nos concitoyens subissent des contrôles au faciès. Comme le montre le rapport de Jacques Toubon en 2017, on a vingt fois plus de chances d'être contrôlé en France quand on est jeune et arabe ou noir ; l'enquête du CNRS de 2009 avait montré aussi que ces personnes étaient contrôlées de manière disproportionnée par rapport aux personnes perçues comme blanches.

Je regrette que mon amendement sur le récépissé papier ait été déclaré irrecevable. Nous avions déposé une proposition de loi en ce sens en 2011.

Comment expliquer que ce texte ne prévoie aucun garde-fou face aux actions parfois abusives des forces de l'ordre ? Nous ne pouvons plus faire l'autruche !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Cet article aurait mérité la présence du garde des Sceaux. Il existe deux types de réduction de peines : celles que l'on obtient en raison d'un bon comportement, et d'autres, qu'on appelle improprement automatiques, qui sont octroyées en fonction de la durée de détention, sauf si le juge d'application des peines (JAP) s'y oppose.

Cet article inverse la logique qui prévalait depuis la loi Perben II.

Mais c'est par ces réductions de peine que l'on peut motiver le détenu, gérer la paix carcérale et engager la réinsertion. Cet article pose aussi un problème de constitutionnalité car il lie la réduction de peine au profil des victimes ; or pourquoi telle catégorie plutôt que telle autre ? Pourquoi des policiers et non des journalistes ou des enseignants, comme le proposent certains amendements ?

Enfin, le garde des sceaux prépare un projet de loi sur ces mêmes sujets : comment tout cela sera-t-il coordonné ?

Mme la présidente.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pascal Savoldelli.  - Je rejoins les arguments de Mme de La Gontrie. Les JAP vont crouler sous les dossiers, et certains les montreront du doigt...

Entre un quart et un tiers des condamnés bénéficient de réductions de peine moins importantes ou n'en bénéficient pas...

J'ai visité la prison de Fresnes, l'un des quarante établissements pénitentiaires français exposant les détenus à des traitements inhumains ou dégradants, selon notre justice et la Cour européenne des droits de l'homme. Comment, dans ces conditions, réussir la réinsertion ?

Mme la présidente.  - Amendement identique n°115, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 23 porte manifestement atteinte aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'individualisation de la peine. Le JAP peut toujours décider un crédit de réduction des peines : c'est un outil de gestion de la paix carcérale.

Toute personne incarcérée doit bénéficier d'un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire. En privant l'administration pénitentiaire et le JAP d'un pouvoir d'appréciation, l'article 23 rompt avec les objectifs de réinsertion sociale des personnes condamnées et de lutte contre la surpopulation carcérale.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°280 rectifié bis, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jérôme Durain.  - L'article 23 est en contradiction avec la loi de programmation de la justice qui vise le moins carcéral. On vise les policiers, mais pourquoi pas leur famille, ou leurs voisins... N'allons pas aggraver la détention d'une personne sur la base d'une liste de victimes, forcément imparfaite.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Je remercie M. Laménie pour ses propos, avec lesquels je suis en parfait accord. Nous avons tous en tête la mort du maire de Signes.

Mes chers collègues qui avez déposé des amendements de suppression, vos arguments s'appliquent très bien... au texte de l'Assemblée nationale, mais pas à celui du Sénat. Nous avons procédé à de très nombreuses auditions : notre rédaction tient notamment compte des remarques du procureur François Molins qui nous a fait parvenir un mémo de douze pages. Elle propose ainsi un dispositif cohérent, proportionné et recentré sur les infractions les plus graves.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Mais en fonction de la victime !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Elle a complété la liste des victimes concernées pour y intégrer les magistrats et les élus locaux. Enfin, elle incite toujours à la bonne conduite. Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Madame de La Gontrie, il n'y a pas de vice constitutionnel dans cette disposition. Cette « discrimination » comme vous la qualifiez, existe déjà sous la forme de circonstance aggravante, concernant les personnes dépositaires de l'autorité publique - catégorie que nous n'avons pas créée  - qu'elles soient victimes... ou auteurs des faits.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pas concernant les élus condamnés...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je ne pense pas que les juges soient particulièrement indulgents avec un maire - comme d'ailleurs avec un avocat - qui ne pouvait pas ignorer que ce qu'il faisait était répréhensible.

Il ne s'agit pas d'aggraver les peines, mais de considérer que la réduction ne peut pas être automatique quand la personne s'est attaquée à un symbole de la République. (Mme Françoise Gatel renchérit.) Et je me réjouis que le garde des Sceaux se saisisse de ce sujet. Il vous présentera une grande loi Justice. Sachez que les réductions de peines individuelles pourront toujours être décidées.

Je me rallie à la rédaction de l'article 23 issue de la commission des lois, en attendant le projet de loi Justice qui concernera, si le Parlement en décide ainsi, l'ensemble des détenus. Les deux textes ne se contrarieront pas.

En agressant un maire, on agresse la République.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous allons délibérer à quelques jours d'intervalle sur des sujets analogues. Même chose à l'article 24, proche de l'article 18 du projet de loi sur les principes de la République. Ce sont de mauvaises conditions de travail législatif. C'est bien pourquoi nous proposons de supprimer l'article.

Mme Françoise Gatel.  - Il a beaucoup été question de bon sens ce matin. Pourquoi prévoir des réductions automatiques de peine, plutôt que des peines moins conséquentes au moment du jugement ?

Philippe Bas avait lancé une enquête sur la sécurité des élus à l'occasion du projet de loi Engagement et proximité. Nous avons tous connu ces agressions d'élus - non contre leur personne mais contre l'autorité, la fonction, la figure symbolique. La commission a ciselé sa rédaction et j'apprécie d'avis du Gouvernement. Nous y reviendrons lors de l'examen du projet de loi Principes de la République.

Les amendements identiques nos84 rectifié, 115 et 280 rectifié bis ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, MM. H. Leroy, Tabarot, Genet, Le Gleut et Le Rudulier, Mmes Schalck, Garnier et Pluchet, M. Bascher, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Cadec, Charon et Courtial, Mmes de Cidrac, Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Dumont, F. Gerbaud et Gruny, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Panunzi et Piednoir, Mme Raimond-Pavero, MM. Savin et Somon et Mme Thomas.

Aline?a 2

Après les mots :

de la gendarmerie nationale,

insérer les mots :

d'un militaire de?ploye? sur le territoire national dans le cadre des re?quisitions pre?vues a? l'article L. 1321-1 du code de la de?fense,

Mme Alexandra Borchio Fontimp.  - Les militaires déployés sur le territoire national doivent bénéficier des dispositions prévues au nouvel article L. 721-1-2 du code de procédure pénale.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis favorable, puisqu'ils interviennent comme les forces de sécurité intérieure.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°48 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par MM. Levi, Regnard, Decool, Bonhomme, Delahaye, Canevet et Laugier, Mmes Guidez et Drexler, M. Kern, Mmes Noël, Billon, Dumont, Garriaud-Maylam et Perrot, MM. Hingray et Le Nay, Mme Joseph, MM. Joyandet, Cigolotti, Médevielle, Guerriau, Longeot et Chasseing, Mmes Herzog et Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Favreau et Moga, Mme L. Darcos, MM. Ravier, J.M. Arnaud et Duffourg et Mme Morin-Desailly.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, d'un enseignant de l'éducation nationale ou de l'enseignement supérieur

M. Pierre-Antoine Levi.  - Le récent attentat de Samuel Paty, les menaces de mort proférées à l'encontre de Didier Lemaire, enseignant à Trappes, nous obligent. Notre devoir est de protéger la communauté éducative. L'amendement supprime le bénéfice des réductions de peine pour les personnes condamnées pour agression contre un enseignant, y compris dans le supérieur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous nous sommes fondés sur la liste existante relative aux circonstances aggravantes, sur avis de la Cour de cassation. Les enseignants et les journalistes n'y figurent pas, même s'ils doivent être mieux protégés. Cela pourra se faire à l'article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Retrait ou avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Ce dont parle le rapporteur n'a rien à voir avec mon amendement...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Voilà bien l'illustration de ce que je dénonçais ! Cela ne fonctionne pas ; cet article est bancal. Pourquoi ne pas mentionner encore d'autres catégories, les enfants, les femmes ?

Mme Françoise Gatel.  - C'est certain...

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Pas plus que les enseignants ou les journalistes les femmes et les enfants ne sont dépositaires de l'autorité publique.

Mme Laurence Rossignol.  - Certaines femmes, si ! (Sourires)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Bien sûr que nous voulons mieux les protéger, eux et d'autres : les agents de propreté par exemple, dans certains quartiers. Mais ils ne sont pas dépositaires de l'autorité publique. Il existe d'autres moyens de les protéger contre le séparatisme ou l'islamisme radical. Le rapporteur a raison.

L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°135 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonne, Bouchet, Brisson, Burgoa, Cadec et Cardoux, Mme Chauvin, MM. Cuypers et de Nicolaÿ, Mmes Deromedi et Di Folco, M. B. Fournier, Mmes Gosselin, Imbert, Joseph et Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme M. Mercier, M. Milon, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin et Regnard, Mme Schalck, M. Sol et Mme Thomas.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ou d'un journaliste détenteur de la carte de presse

M. René-Paul Savary.  - Nous avons été traumatisés - et je remercie le ministre d'avoir fait le déplacement - par la récente attaque d'un photographe de presse. Il n'était pas un provocateur, mais un excellent professionnel. Il a été massacré.

Le métier de journaliste devient dangereux. Ils sont en première ligne lors des événements. C'est un acte de barbarie qui a eu lieu !

J'ajoute que les journalistes sont les dépositaires de l'information. Or ils sont de plus en plus souvent menacés, notamment sur les réseaux sociaux. Eux et leur famille subissent des pressions. J'y reviendrai à l'article 18 du prochain projet de loi.

L'amendement n°135 rectifié bis est retiré.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous intégrerons cette réflexion dans l'article 18 tel qu'il sera rédigé par la commission des lois. (M. René-Paul Savary remercie.)

L'article 23, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 23

Mme la présidente.  - Amendement n°37 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer, F. Gerbaud et Garriaud-Maylam, M. Longuet, Mme Joseph, M. Bonne, Mme Deromedi, M. Houpert, Mmes Dumas et Dumont, MM. Pellevat et Mandelli, Mmes Drexler et Thomas, MM. Bonhomme, Cadec, Panunzi, Regnard et Courtial, Mme Canayer, M. Klinger, Mmes Delmont-Koropoulis, Schalck et Deroche, MM. H. Leroy, Tabarot, Cuypers, B. Fournier, Le Rudulier, Bonnus, Brisson, Boré, Somon et Charon, Mme Bellurot et M. Saury.

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 132-18-1 est ainsi rétabli :

« Art. 132-18-1.  -  Pour les crimes commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un policier municipal ou agent des douanes, la peine d'emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Sept ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 2° Dix ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 3° Quinze ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;

« 4° Vingt ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

« Lorsqu'un crime est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l'accusé présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. » ;

2° L'article 132-19-1 est ainsi rétabli :

« Art. 132-19-1.  -  Pour les délits commis contre un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un policier municipal ou agent des douanes, la peine d'emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Dix-huit mois, si le délit est puni de trois ans d'emprisonnement ;

« 2° Trois ans, si le délit est puni de cinq ans d'emprisonnement ;

« 3° Quatre ans, si le délit est puni de sept ans d'emprisonnement ;

« 4° Cinq ans, si le délit est puni de dix ans d'emprisonnement.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

« Lorsqu'un délit est commis en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l'accusé présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. »

Mme Valérie Boyer.  - Défendu.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Le problème a été soulevé à plusieurs reprises à la commission des lois.

Les peines planchers en vigueur entre 2007 et 2014 ont eu un effet limité sur les grands criminels.

Il serait plus efficace que le garde des Sceaux diffuse une circulaire ferme d'application de la loi. Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi sur les principes de la République. Avis défavorable 

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable 

L'amendement n°37 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°9 n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer, F. Gerbaud et Garriaud-Maylam, M. Longuet, Mme Joseph, M. Bonne, Mmes Deromedi, Bonfanti-Dossat, de Cidrac, Dumas et Dumont, MM. Pellevat et Mandelli, Mmes Drexler et Thomas, MM. Bonhomme, Regnard et Courtial, Mme Canayer, MM. Klinger, C. Vial et Guené, Mmes Delmont-Koropoulis et Deroche, MM. H. Leroy, Tabarot, Cuypers, B. Fournier, Le Rudulier, Bonnus, Boré, Somon et Charon, Mme Bellurot et MM. Saury et Bacci.

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 15-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le mot : « procédures », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « portant sur un crime ou un délit. » ;

2° Les 1° et 2° sont abrogés.

Mme Valérie Boyer.  - Il faut élargir l'anonymisation inscrite dans le code de procédure pénale, dans certains cas et sous certaines conditions. Les violences se multiplient, jusqu'au domicile des agents. Souvenez-vous de Magnanville. Il faut mieux les protéger.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par le code de procédure pénale. Retrait, sinon rejet.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Retrait ou avis défavorable 

L'amendement n°38 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°91 rectifié, présenté par MM. Karoutchi et Houpert, Mmes V. Boyer, Bellurot, Noël et Micouleau, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Guerriau, Mme Joseph, M. Grosperrin, Mme L. Darcos, M. Chasseing, Mmes Thomas et Garriaud-Maylam, M. Le Gleut, Mme Chauvin, MM. Bacci, Vogel et Bonnus, Mme Lassarade, MM. Lagourgue et Louault, Mme M. Mercier, MM. Lefèvre, Bonne et Darnaud, Mme Lopez, MM. Bascher et Genet, Mmes Gruny et Dumont, M. Guené, Mme Deseyne, MM. Moga, Sido, Pemezec et Bouchet, Mmes Billon et Di Folco, MM. Rapin, del Picchia et A. Marc, Mme Malet, M. Menonville, Mmes Delmont-Koropoulis et Guidez, MM. D. Laurent, Brisson, Savin et Savary, Mme Ventalon, M. Gueret, Mme Dumas, M. Burgoa, Mme Raimond-Pavero, M. Longeot, Mme Deroche, MM. B. Fournier, Cuypers et de Nicolaÿ, Mme Imbert, MM. Laménie, Longuet, Boré, Le Rudulier et Hingray, Mme Schalck, MM. H. Leroy et Détraigne, Mme Drexler et MM. Gremillet, Charon, Milon, Maurey, Meurant et Bouloux.

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le 4° de l'article 222-14-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les mêmes peines sont applicables en cas de violences commises dans les mêmes conditions à l'encontre du conjoint, des ascendants ou des descendants en ligne directe ou de toute autre personne vivant habituellement au domicile des personnes mentionnées au premier alinéa, en raison des fonctions exercées par ces dernières. » ;

2° L'article L. 222-15-1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « encontre », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « soit à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, soit en raison de sa qualité, que l'auteur connaissait ou ne pouvait ignorer, des violences avec usage ou menace d'une arme. » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Constitue également une embuscade le fait d'attendre, dans les mêmes conditions, le conjoint, les ascendants ou les descendants en ligne directe ou toute autre personne vivant habituellement au domicile des personnes mentionnées au premier alinéa dans le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre à leur encontre, en raison des fonctions de ces dernières, des violences avec usage ou menace d'une arme. »

M. Roger Karoutchi.  - Cet amendement intègre dans le champ des infractions réprimées par le délit d'embuscade les faits commis en raison des fonctions exercées par la personne, même en dehors de l'exercice de ses missions. Même chose pour les agressions contre le conjoint ou les enfants.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - C'est un complément utile. Avis favorable.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°91 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°165 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Requier et Roux et Mme Pantel.

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 706-58 du code de procédure pénale, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou portant sur une infraction commise sur toute personne dépositaire de l'autorité publique ».

Mme Maryse Carrère.  - Le code de procédure pénale organise une procédure d'anonymisation des témoignages.

Toutefois, elle n'est accessible qu'aux témoins, dans des procédures portant sur crime ou sur un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement. Cet amendement élargit le principe d'anonymat aux personnes témoins de toutes infractions et agressions envers des dépositaires de l'autorité publique.

Mme la présidente.  - Amendement n°101 rectifié, présenté par Mmes Thomas et Chain-Larché, M. Cuypers, Mme Drexler, MM. Perrin, Rietmann et Brisson, Mme L. Darcos, MM. Grand, Burgoa, Anglars, Bacci, Cambon et Pellevat, Mmes V. Boyer, Lassarade, Belrhiti et Di Folco, MM. Rapin, de Legge et Courtial, Mmes Puissat, Gruny et Deromedi, M. D. Laurent, Mmes Bellurot et Estrosi Sassone, MM. Genet, Chaize, Favreau, Mouiller et Saury, Mme Gosselin, MM. Laménie et Bonnus, Mmes M. Mercier et Schalck, M. Bonne, Mme Deroche, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Longuet, Sol et Houpert, Mmes Dumont et Malet, M. Regnard, Mme Noël, MM. Cadec et Piednoir, Mmes Berthet et Pluchet, M. Dallier, Mme F. Gerbaud, M. J.M. Boyer, Mme Primas, MM. Lefèvre et Savary, Mmes Lopez, Eustache-Brinio et Deseyne, M. Savin, Mme Lherbier, M. Klinger, Mme Canayer, MM. Charon et C. Vial, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Le Rudulier, Tabarot, H. Leroy, Babary, Gremillet et Duplomb.

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 706-58 du code de procédure pénale, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou portant sur une infraction commise sur un sapeur-pompier, un agent de la police nationale, un gendarme ou un agent de la police municipale ».

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Même chose. Nous reprenons la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité des sapeurs-pompiers, adoptée par le Sénat en mars 2019, en facilitant l'anonymat des témoignages, s'agissant d'agressions à l'encontre des policiers nationaux, gendarmes, policiers municipaux mais aussi sapeurs-pompiers.

Le principe de l'anonymat ne vaut aujourd'hui que pour les témoins de crimes ou de délits. Nous l'étendons aux témoins de toute infraction à l'encontre des policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers.

Mme la présidente.  - Amendement n°59 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Decool et Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Capus, A. Marc, Wattebled, Médevielle, Verzelen, Calvet, Mizzon et Louault, Mmes Sollogoub et Guidez, M. Longeot, Mme L. Darcos, MM. Chauvet et Chatillon, Mmes Herzog et Garriaud-Maylam, MM. Nougein, Bacci et Bonne, Mmes Lopez et Saint-Pé, MM. Lefèvre et Genet, Mme Dumont, MM. Bouchet, Moga, Charon et Cigolotti, Mme Imbert, M. J.B. Blanc, Mmes Billon, N. Delattre, Perrot et Dindar, M. de Belenet, Mme Richer, MM. Rojouan, Laménie, Hingray, Duplomb, Tabarot et Détraigne, Mme Drexler, M. Meurant et Mme de Cidrac.

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 706-58 du code de procédure pénale, après le mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou portant sur une infraction commise sur un sapeur-pompier ».

M. Dany Wattebled.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°284 rectifié, présenté par Mme G. Jourda et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Patrick Kanner.  - Le 6 mars 2019, nous avons voté à l'unanimité une proposition de loi pour mieux protéger les sapeurs-pompiers, qui subissent des agressions de plus en plus fréquentes.

Nous souhaitons étendre le régime d'anonymisation des témoignages, dans les termes de cette proposition de loi. Cette mesure de bon sens est très attendue par les sapeurs-pompiers.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - La commission des lois a d'abord émis un avis défavorable pour des raisons juridiques.

Je rappelle que le Sénat a prévu une exception pour les sapeurs-pompiers à l'article 706-58 du code de procédure pénale ; et que l'anonymisation rend impossible toute condamnation sur le fondement de ce seul témoignage.

Le mieux serait que le ministre s'engage à inscrire rapidement la proposition de loi que nous avons votée à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Compte tenu de notre vote unanime en 2019, sagesse sur les amendements nos59 rectifié et 284 rectifié, qui reprennent exactement la proposition de loi. Ce n'est pas le cas des amendements nos165 rectifié et 101 rectifié : retrait ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je ne peux m'engager sur une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, vous le savez bien... Sagesse. Il y a cependant une faiblesse constitutionnelle s'agissant de l'anonymisation des témoignages. Il faudra regarder cela en CMP. Je comprends votre préoccupation compte tenu de l'augmentation des violences contre les sapeurs-pompiers.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Si les auteurs des amendements nos165 rectifié et 101 rectifié rectifient leur rédaction, les quatre amendements, identiques, seront mis aux voix ensemble.

Mme Maryse Carrère.  - Je rectifie !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Nous aussi.

Mme la présidente.  - L'amendement n°165 rectifié devient l'amendement n°165 rectifié bis, l'amendement n°101 rectifié devient le n°101 rectifié bis.

Mme Gisèle Jourda.  - Je salue cette avancée. Les pompiers partent porter secours et sont pris à partie ! Ils défendent à la fois les personnes et les principes de la République, ne l'oublions pas.

Les amendements identiques nos165 rectifié bis, 101 rectifié bis, 59 rectifié et 284 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°49 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, M. H. Leroy, Mme Demas, M. Tabarot, Mmes Pluchet, Schalck et Garnier, MM. Le Gleut, Le Rudulier, C. Vial, Genet et Bascher, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Bonne et Bonnus, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Courtial, Mmes Deroche, Deromedi, Dumont, F. Gerbaud et Gruny, MM. Klinger, Laménie, Lefèvre et Mandelli, Mme Micouleau, M. Piednoir, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero et MM. Savin et Segouin.

Après l'article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A? la première phrase de l'article 721-1-1 du code de procédure pénale, les mots : « a? l'exclusion de celles de?finies aux articles 421-2-5 a? 421-2-5-2 du même code » sont supprimés.

M. Stéphane Le Rudulier.  - L'apologie et la provocation à des actes terroristes ne doivent bénéficier d'aucune clémence de notre part. Souvent avancée pour dédouaner les auteurs de leurs responsabilités, la liberté d'expression ne doit pas se transformer en droit à la haine.

Il faut donc exclure l'apologie du terrorisme des réductions de peines.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Cet amendement aurait été mieux placé dans le cadre de la loi SILT, dont j'étais le rapporteur. Une nouvelle loi devrait être déposée l'an prochain : si j'en suis à nouveau le rapporteur, je donnerai un avis favorable. Dans cette attente, demande de retrait.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°49 rectifié n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 13 h 5.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 14 h 35.

ARTICLE 24

Mme Esther Benbassa .  - Nous en arrivons à cet article 24 qui a causé tant de controverses dans l'opinion publique et mis le Gouvernement dans l'embarras.

Comment la France, pays des droits de l'homme, pourrait-elle renier le plus cher de ses acquis, la liberté d'expression ? Comment imaginer une presse muselée par un État incapable de sanctionner les mauvais comportements de ses propres agents ? La population sera soumise à une surveillance généralisée, mais interdite de dénoncer, par des images, des violences policières !

Déjà, les forces de l'ordre s'opposent parfois à être filmées en action, au mépris du droit, énoncé dans la circulaire du 23 décembre 2008. Cette impunité sape la confiance entre citoyens et forces de l'ordre.

Le code pénal sanctionne déjà les infractions contre l'intégrité physique et psychique des agents des forces de l'ordre. Il aurait été utile de définir ces notions, bien floues. Hélas, ce texte est très lacunaire.

Mme Éliane Assassi .  - La réécriture de l'article 24 n'est pas opportune ; nous préférons son abrogation.

L'article 24 initial attaquait directement la loi de 1881 sur la liberté de la presse, et a suscité un tollé : des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour défendre la liberté de la presse et les libertés publiques.

La majorité sénatoriale a habilement reculé pour mieux sauter : votre rédaction ne vise plus la loi de 1881 mais le code pénal, et la disposition est élargie à tous les citoyens. Mais un journaliste pourra toujours être sanctionné si la justice estime qu'il y a provocation à l'identification ! La menace sur la liberté de la presse reste entière. Sans compter que les sanctions sont alourdies. Le parallèle avec la provocation au suicide ou à la consommation de stupéfiants est éculé, outrancier et erroné au plan juridique.

Enfin, l'article 24 se double de l'article 18 du projet de loi sur les principes de la République, qui autorise des poursuites d'ordre général.

Nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Cette intervention vaudra défense de l'amendement n°90 rectifié, monsieur le président.

M. le président.  - Merci.

M. Jean-Pierre Grand .  - La rédaction de la commission permet la diffusion à la télévision d'images des agents des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions, sans floutage des visages.

La menace continuera donc à peser sur eux et sur leurs familles, dans leur quartier, à l'école de leurs enfants, dans leur vie quotidienne, car ils pourront être reconnus.

L'article 24 ne définit pas les éléments d'identification. Pire, il crée une inégalité devant la loi vis-à-vis des autres citoyens.

Flouter le visage des forces de l'ordre ne remet pas en cause la liberté de la presse, car cela ne concerne que la diffusion. Il s'agit de préserver ces fonctionnaires qui oeuvrent au service de la République. J'insiste : cette mesure a pour seul but de protéger les forces de l'ordre et leurs familles !

M. Patrick Kanner .  - Aucune rédaction de l'article 24 ne modifie notre opinion.

Oui, nos forces de l'ordre et leurs familles doivent être protégées, et nous n'avons aucune mansuétude envers ceux qui incitent à la haine contre des agents qui font l'honneur de la République. Mais avec la loi de 1881 et le code pénal, les policiers disposent déjà d'un arsenal législatif pour lutter contre les menaces, le harcèlement, l'atteinte à la vie privée - et c'est heureux. Rien ne démontre que ces qualifications juridiques seraient insuffisantes.

Commençons par appliquer les lois et par renforcer le lien de confiance entre la police et la population.

Ce Gouvernement, incapable de contenir la multiplication des violences policières, préfère casser le thermomètre.

La baisse de la professionnalisation, la chute des effectifs a conduit à une augmentation massive de la violence : 2 500 blessés parmi les gilets jaunes, 1 800 parmi les forces de l'ordre, 122 journalistes entravés - ces chiffres ne plaisent à personne. La police française se replie sur elle-même. Dans une démocratie, l'État, qui détient le monopole de la violence légitime, doit être exemplaire. La liberté, c'est aussi le contrôle citoyen sur ceux qui exercent l'autorité, dit l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 24. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Jean-Pierre Sueur .  - La liberté de la presse est un bien tellement précieux que nous devons y veiller comme à la prunelle de nos yeux.

M. Philippe Bas.  - Très juste.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, vous avez dit avoir été horrifié par les images d'une manifestation à Paris. Pour que vous puissiez les voir, il a bien fallu que des journalistes les prennent.

Nous défendons une liberté de la presse totale et intégrale fondée sur la grande loi de 1881, qui n'a jamais été remise en cause. Le Sénat doit se montrer fidèle à son rôle de défenseur des libertés, de toutes les libertés.

Bien sûr, il faut protéger les forces de l'ordre, mais pas de cette manière. Qui dira, à la parution d'une photo, s'il y a ou non intention de provocation ? Existent déjà les articles 226-1, 222-33-2, 222-33-2-2, 222-17, 222-7, 226-8 du code pénal, la loi de 1978 sur la CNIL, sans oublier les articles 24 et 39 de la loi de 1881.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il nous reste à supprimer cet article 24, pour défendre la liberté de la presse. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) L'article 24 suscite des inquiétudes légitimes. Il faut cependant soutenir nos forces de sécurité. Je salue le travail de la commission des lois, qui préserve la liberté de la presse mais protège les forces de l'ordre et leurs familles contre l'identification malveillante.

Cet amendement trouve un parallèle à l'article 18 du projet de loi sur les principes de la République. Je le voterai.

M. Thomas Dossus .  - Hier, Jérôme Bascher a soutenu que seuls les délinquants avaient peur des caméras de surveillance. Je pose donc la question : qui parmi les forces de l'ordre a peur d'être filmé ?

Monsieur le ministre, vous disiez que les forces de l'ordre étaient les fonctionnaires les plus contrôlés. Compte tenu de leurs missions, c'est bien légitime ; l'attention doit être constante pour veiller à un usage strictement proportionné de la force.

Ce refus d'être filmés va jeter la suspicion permanente sur leur action. Ce sont les images qui ont fait connaître certains abus. On ne protégera pas avec des oeillères ! Pour restaurer la confiance, privilégions la désescalade et non la fuite en avant, écoutons les citoyens et les journalistes, et abrogeons cet article.

M. Thierry Cozic .  - Sur la médaille des colporteurs figurait jadis l'oeil du peuple : de fait, la publicité est la sauvegarde du peuple, et tout ce qui est d'intérêt public doit être rendu public.

L'État a le monopole de la violence légitime, selon les mots de Max Weber.

M. Philippe Bas.  - De la « contrainte » légitime.

M. Thierry Cozic.  - L'anonymisation des agents qui en sont chargés n'est pas souhaitable.

Le Conseil de l'Europe, défenseur des libertés individuelles, nous a exhortés à modifier l'article 24. S'il n'interdit pas la prise d'images, il va permettre aux forces de l'ordre de s'y opposer sur le terrain, toujours plus violemment. Ce n'est pas les protéger que de leur donner un sentiment d'impunité. L'oeil du peuple, aujourd'hui, c'est la caméra !

L'État de droit n'est pas l'État policier, mais le droit de surveiller l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. le ministre proteste.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - La crise de la République procède aussi de la distance croissante entre une partie de la population et les forces de police. Il faut renouer une confiance réciproque. Ce n'est pas en cachant la réalité que l'on réglera les problèmes.

Le droit existant permet déjà de protéger les policiers quand ils sont réellement menacés : on peut s'étonner qu'il ne soit pas davantage mobilisé.

Le pays ne reprendra pas confiance s'il pense qu'on lui cache des abus. Le nombre de personnes éborgnées et blessées lors des mobilisations sociales comme celles des gilets jaunes a interrogé (M. Jean-Pierre Grand s'exclame.) Beaucoup de gilets jaunes ont été condamnés, tandis que l'IGAS minimisait les violences policières - liées autant à une carence de l'encadrement qu'à des dérives individuelles dont le nombre traduit aussi un problème de système.

Le soutien aveugle de l'État à ses forces de police est une menace pour la République. L'article 24 ouvre une nouvelle brèche ; il limite les libertés publiques et ne sera pas efficace pour protéger les forces de l'ordre. Je vous invite à le supprimer. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Le 5 décembre 2020, le Président Macron a évoqué les violences policières. Enfin, on reconnaît une réalité vécue sur le terrain, et documentée par des vidéos.

Loin d'apporter des solutions, l'article 24 participera à invisibiliser les violences policières. Cela ne protégera ni les manifestants ni les forces de l'ordre. Il faudrait restaurer la confiance au lieu de nier le problème.

Les victimes de violences policières souhaitent participer au Beauvau de la sécurité, monsieur le ministre, et vous ont écrit en ce sens.

Nous avons besoin d'une police présente, respectée, ayant des liens forts avec la population, ainsi que d'une presse forte, libre et indépendante ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. le président.  - Amendement n°90 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°116, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - La diffusion malveillante d'images des forces de l'ordre a été abandonnée au profit d'un nouveau délit de provocation a? l'identification des agents et de leurs familles, introduit dans le code pénal et non dans la loi du 29 juillet 1881 ; les peines prévues ont été? alourdies.

Tant d'un point de vue juridique que politique, cette nouvelle rédaction est insatisfaisante ; trop large, elle ouvre la voie à des interprétations arbitraires et risque d'entraver le travail des journalistes. C'est une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression, qui dissuadera de documenter les actions de la police et fera obstacle au contrôle de l'action des forces de l'ordre, essentiel pour dénoncer les pratiques illégales. La Défenseure des droits a jugé que cette infraction n'était pas nécessaire à la protection des forces de l'ordre.

M. le président.  - Amendement identique n°281 rectifié bis, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Laurence Harribey.  - La rédaction de la commission des lois n'a pas corrigé les écueils du texte initial, unanimement jugé attentatoire aux libertés et inapplicable. L'article 24 demeure juridiquement fragile et octroie aux forces de l'ordre une marge de manoeuvre considérable et subjective pour interpréter la notion d'identification malveillante. L'identification en elle-même n'est pas punissable ; va-t-on punir uniquement la provocation, indépendamment de son résultat ? Le texte ne le précise pas.

En outre, l'article est redondant avec les articles 24 et 39 de la loi de 1881, ainsi qu'avec les dispositions réprimant le harcèlement, les violences volontaires et la divulgation de données personnelles.

Sa conjonction avec l'article 18 du projet de loi relatif aux principes de la République pose également problème. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Je remercie les orateurs, notamment Mme Assassi pour la cohérence de son plaidoyer.

Mme Éliane Assassi.  - Nous sommes toujours cohérents !

M. Patrick Kanner.  - Pas nous ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Pas tous... mais je ne veux vexer personne ! (Sourires)

L'article X de la déclaration de 1789 énonce que nul ne doit être inquiété pour ses opinions, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi - je le dis en réponse à M. Sueur, dont l'intervention a également été très cohérente.

La décision du Conseil constitutionnel de 1985 précise qu'il revient au législateur de concilier le respect de cette liberté et la sauvegarde de l'ordre public. En 2003, il a précisé sa jurisprudence en citant la liberté d'expression et la liberté de la presse.

Le texte de l'Assemblée nationale était imparfait ; il ne répondait pas aux principes de nécessité et de constitutionnalité et portait atteinte à un article significatif de la Convention des droits de l'homme. Les députés avaient ajouté, dans la précipitation, l'exigence que la volonté malveillante soit manifeste, ce qui ne veut rien dire, et que la mesure s'applique sans préjudice du droit d'informer, ce qui n'a aucune portée.

Pour autant, nous sommes d'accord qu'il faut un article spécifique pour préserver les forces de l'ordre en intervention.

La commission s'est mise au travail pour réécrire l'article, avec le souci de sortir de l'opposition délétère entre liberté de la presse et protection des forces de sécurité. Avec le dispositif précédent, le risque d'autocensure des journalistes était patent.

Il ne sera plus possible de poursuivre quelqu'un sur le fondement de la diffusion des images. En revanche, la provocation avec l'intention de nuire est plus lourdement réprimée. L'article 18 de la loi sur les principes de la République s'adresse quant à lui à tous les citoyens ; il fallait rendre cohérent le quantum de peine applicable.

Il est vrai qu'il est problématique de discuter de ces deux articles presque simultanément...

Mme Éliane Assassi.  - Assurément !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Le nouvel article vise le code pénal et non plus la loi de 1881.

Il se compose de deux parties. La première vise à protéger les forces de l'ordre contre la volonté malveillante de les identifier. L'intention de nuire est ici essentielle : le délit n'est pas constitué si l'image qui permet d'identifier un agent est assortie d'éloges et d'une invitation à lui envoyer des chocolats.

Après avoir consulté d'éminents juristes, je suis sûr que cet article respecte les principes de nécessité et de proportionnalité, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que le Premier ministre a décidé, à juste titre, de saisir sur ce texte.

La deuxième partie, conformément à l'avis de la CNIL, saisie par le président Buffet, punit la constitution de fichiers - images ou autres - visant des fonctionnaires, dans un but malveillant. Il ne s'agit absolument pas de sanctionner la diffusion d'images, comme j'ai pu l'entendre.

Dans le respect des directives européennes, nous appliquons la loi de 1978, avec un quantum de peine adapté. Cet article ne se substitue pas à d'autres articles du code pénal. François Molins nous a transmis à cet égard un mémorandum très complet.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous ne l'avons pas eu.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Notre rédaction répond aux griefs faits à la précédente version, elle est équilibrée et respectueuse de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je ne reviens pas sur les attendus de cet article 24, que j'ai exposés lors de la discussion générale.

Le Président de la République a souhaité confier au Parlement le soin de réécrire cet article en respectant ses buts, qui sont nobles.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est la moindre des choses !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le Gouvernement aurait pu déposer un amendement, monsieur Sueur !

Monsieur Kanner, sur les faits dont j'ai eu à connaître en tant que ministre, il n'y a jamais eu de condamnation pour la divulgation d'informations personnelles sur les policiers, y compris dans votre région. Pourtant, les photos, noms et adresses de policiers de Calais sont accessibles sur un site internet, aujourd'hui logé à l'étranger : vu les commentaires, ce n'est pas pour leur apporter des chocolats à Noël...

Je n'en conclus pas que la justice fait mal son travail mais que l'incrimination est mal définie.

Bien entendu, il n'est pas question d'interdire au journaliste, pourvu ou non d'une carte de presse, de filmer ou de diffuser des images. De fait, il ne le fait pas pour attenter à la vie des policiers et des gendarmes.

Vous vous êtes émus de l'inscription des dispositions initiales dans le code de la presse et visez donc le code pénal. Ce faisant, vous créez une incrimination pénale qui permettra des comparutions immédiates et des gardes à vue, ce que ne permettait pas le texte du Gouvernement.

L'article 39 sexies du code de la presse, modifié en 1995 et en 2009, prévoit déjà une amende de 15 000 euros pour ceux qui révèlent l'identité des fonctionnaires de la police nationale, des militaires, du personnel civil du ministère de la Défense ou d'agents des douanes. Nous n'avons donc pas réinventé l'eau chaude, ni porté atteinte à la démocratie !

Monsieur Sueur, la loi de 1881 est certes une grande loi de la République mais elle a été modifiée des dizaines de fois. À l'époque, il n'y avait ni internet ni réseaux sociaux. Les sénateurs de 1881 étaient sans doute visionnaires, mais ils ne pouvaient pas tout prévoir... C'est pourquoi l'article 24 modifiait initialement le code de la presse.

Les forces de l'ordre sont menacées personnellement. Cela concerne aussi le personnel administratif, comme lors du drame de Magnanville, les conjoints et les enfants.

Nous faisons confiance au Sénat pour améliorer la rédaction de l'article 24, même s'il n'était ni disproportionné ni contraire à la loi de 1881, et reposait sur une base légale de plus de 25 ans. Je précise qu'il est très différent de l'article 18 de la loi sur les principes de la République, dont nous parlerons prochainement. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous voterons pour la suppression de l'article.

Le 24 novembre 2020, le Premier ministre a annoncé son intention de saisir le Conseil constitutionnel sur cet article.

Le droit pénal obéit au principe de légalité des délits et des peines : la loi pénale doit être précise et claire. Ce ne sera pas le cas avec la concomitance de cet article et de l'article 18 du projet de loi sur les principes de la République. Ce chevauchement n'est pas satisfaisant.

Je vous alerte sur ce problème : nous nous apprêtons à voter, à quelques semaines d'intervalle, des mesures différentes pour des situations qui peuvent être analogues. Il faut choisir entre les deux articles, sauf à encourir la censure du Conseil constitutionnel.

M. Alain Richard.  - On verra !

Les amendements identiques nos90 rectifié, 116 et 281 rectifié bis ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°230, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

Les policiers ne bénéficient pas de protection particulière en matière de droit à l'image, hormis lorsqu'ils sont affectés dans les services d'intervention, de lutte anti-terroriste et de contrespionnage spécifiquement énumérés dans un arrêté ministériel et hormis les cas de publications d'une diffamation ou d'une injure à raison de leurs fonctions ou de leur qualité.

La liberté de l'information, qu'elle soit le fait de la presse ou d'un simple particulier, prime sur le droit au respect de l'image ou de la vie privée dès lors que cette liberté n'est pas dévoyée par une atteinte à la dignité de la personne ou au secret de l'enquête ou de l'instruction.

Les policiers ne peuvent donc s'opposer à l'enregistrement de leur image lorsqu'ils effectuent une mission. Il est exclu d'interpeller pour cette raison la personne effectuant l'enregistrement, de lui retirer son matériel ou de détruire l'enregistrement ou son support.

Ils ne peuvent par ailleurs s'opposer à l'éventuelle diffusion de cet enregistrement que dans certaines circonstances particulières.

Est passible d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende toute personne qui empêche l'application de ces dispositions.

Mme Éliane Assassi.  - C'est un amendement de réécriture travaillé avec le Syndicat national des journalistes (SNJ).

La rédaction de la commission des lois laisse perdurer certaines incertitudes, comme les différences avec l'article 18 précité. L'intelligibilité de la loi supposerait des clarifications entre les deux textes. Celui-ci renvoie à la justice la mise en oeuvre du dispositif.

Certains journalistes ne disposent pas de carte de presse, or ils ne sont pas compris dans le dispositif.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par MM. Grand, Burgoa et Wattebled, Mme Joseph, M. Favreau, Mme Pluchet, M. Chatillon, Mme Gosselin, MM. Duplomb, Regnard, Gueret et Milon et Mme Dumont.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 35 quinquies ainsi rédigé :

« Art. 35 quinquies.  -  Sans préjudice du droit d'informer, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, le fait de diffuser sans l'accord de l'intéressé, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, l'image du visage non floutée ou tout autre élément d'identification, autre que son numéro d'identification individuel, d'un agent de la police nationale, d'un militaire de la gendarmerie nationale, ou d'un agent de police municipale lorsque ces personnels agissent dans le cadre d'une opération de police. »

II.  -  Les dispositions de l'article 35 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne font pas obstacle à la communication aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu'elles diligentent, d'images et éléments d'identification d'un agent de la police nationale, d'un militaire de la gendarmerie nationale ou d'un agent de police municipale.

M. Jean-Pierre Grand.  - Cet amendement est motivé non par une volonté d'attenter à la liberté de la presse, mais par le fait que l'article 23 semble difficile à appliquer car il est soumis à une interprétation subjective. Je préfère un régime plus encadré.

Le dogmatisme est vraiment au rendez-vous de nos débats.

Mme Éliane Assassi.  - C'est reparti...

M. Jean-Pierre Grand.  - Armements, drones... Vous rejetez tous les moyens modernes ! Nous n'avons pas à être sur la défensive !

On nous accuse d'atteinte à la liberté, à la démocratie, aux droits de l'homme...

Mme Éliane Assassi.  - Tout à fait !

M. Jean-Pierre Grand.  - Mais parmi nos accusateurs, certains ont défendu des régimes politiques les plus attentatoires aux libertés ! (Protestations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - C'est une obsession !

M. Jean-Pierre Grand.  - Pourquoi devoir nous défendre sur ce point ? Non, il n'est pas choquant d'interdire la diffusion d'images de policiers à 20 heures sur BFMTV, CNews, TF1...

Mme Éliane Assassi.  - Avec des commentaires d'Éric Zemmour ?

M. Jean-Pierre Grand.  - ... sachant que ces agents seront peut-être agressés le lendemain. Je suis sûr que 90 % des Français pensent comme moi ! (Applaudissements de quelques sénateurs Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme Éliane Assassi.  - Et le pluralisme, cela ne vous dit rien ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - D'un texte à l'autre, les incriminations sont différentes car les personnes sont différentes. L'article 18 du projet de loi sur les principes de la République concerne tous les citoyens, cet article 24 ne concerne que les policiers. In fine, nous proposerons si nécessaire des ajustements assurant la complémentarité entre les deux dispositifs.

La rédaction de cet article est pesée au trébuchet et n'interdit pas aux journalistes - ni à toute autre personne - de filmer et de diffuser des images. Le délit concerne la provocation à l'identification, avec intention de nuire.

Monsieur Grand, le droit français empêche le floutage des visages des policiers, hormis pour ceux de certaines unités, comme le RAID. Cette précaution est réservée aux mineurs. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Avis défavorable 

L'amendement n°8 est retiré

L'amendement n°230 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°229, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste.

Alinéas 1 à 3

Supprimer ces alinéas.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement supprime la première partie, trop vague, du dispositif imaginé par la commission des lois, tout en conservant la seconde partie.

M. le président.  - Amendement n°311, présenté par M. Grand.

Alinéa 2

Après les mots :

police nationale

insérer les mots :

, d'un agent des douanes

M. Jean-Pierre Grand.  - Cet amendement étend aux douaniers le dispositif prévu ici. Nous réparons un oubli.

L'amendement n°10 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°175 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold, Guérini, Guiol et Requier et Mme Pantel.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

ou d'un agent de la police municipale

par les mots :

, d'un agent de police municipale, d'un garde-champêtre ou d'un sapeur-pompier

M. Jean-Yves Roux.  - Les gardes champêtres et les sapeurs-pompiers doivent aussi être protégés.

M. le président.  - Amendement n°176 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold, Guérini, Guiol et Requier et Mme Pantel.

Alinéa 3

Après le mot :

concubin

insérer les mots :

, l'ascendant

M. Jean-Yves Roux.  - Les menaces peuvent être dirigées contre les ascendants directs des agents forces de sécurité visés. Mentionnons-les, en sus des conjoints et concubins.

M. le président.  - Amendement n°204 rectifié, présenté par MM. Wattebled et Malhuret.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

mentionnées

par le mot :

mentionnée

M. Dany Wattebled.  - C'est un amendement rédactionnel.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements nos229 et 311. Restons ciblés sur les forces de l'ordre en opérations. J'ai beaucoup de respect pour les douaniers, les sapeurs-pompiers et les gardes champêtres. L'article 18 de la loi pour le respect des principes de la République s'appliquera à d'autres personnels.

Avis défavorable à l'amendement 175 rectifié, mais favorable à l'amendement n°176 rectifié, qui prend en compte les ascendants.

Avis favorable également à l'amendement n°204 rectifié. Je rends hommage à la sagacité de M. Wattebled.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Même avis

L'amendement n°229 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Grand.  - Les douaniers ne sont pas des spectateurs ! Ils sont en première ligne face à la grande délinquance internationale : quand ils interviennent, leur photo est largement diffusée. Dès la sortie de Montpellier, ils sont en grand danger. En face, les délinquants sont armés jusqu'aux dents... Les douaniers mènent des actions communes avec les policiers. Reconsidérez votre position ; je ne comprends pas votre refus.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Les « forces de l'ordre en opération » n'incluent pas les douaniers, c'est ainsi.

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Il faudrait écrire : « opérations de police et opérations douanières ». Je laisse le Sénat décider...

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - Nous pourrions sous-amender pour viser les douaniers en opération.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - M. Grand est très cohérent. Comment départager entre tous ceux qui sont dépositaires de l'autorité publique ? Faut-il établir une liste très détaillée ? L'article 20 du projet de loi Respect des principes de la République fait référence à ces personnes. On nage en pleine confusion ! Nous ne voterons pas cet article.

M. Alain Richard.  - La loi pénale comprend environ 10 000 infractions, mais selon les procureurs, au maximum 200 d'entre elles sont utilisées pour fonder des poursuites.

En raison de cette profusion d'infractions, il est compréhensible que leurs définitions soient parfois voisines... Madame de La Gontrie, je vous rappelle aussi que souvent, une poursuite est engagée pour différents motifs.

M. Grand a raison : les douaniers peuvent aussi être exposés à des situations dangereuses. Nous devons ajouter cette circonstance. La CMP pourra ensuite préciser et caractériser les conditions de service des douanes pour identifier les cas où les agents sont mis en danger. N'arrosons pas trop large !

M. Jean-Pierre Grand.  - Je suis d'accord avec M. Richard. J'accepte de rectifier mon amendement.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°311 rectifié, ainsi rédigé :

Alinéa 2

Après les mots :

police nationale

insérer les mots :

, d'un agent des douanes lorsqu'il est en opération

L'amendement n°311 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'amendement n°175 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°176 rectifié est adopté.

L'amendement n°204 rectifié est adopté.

M. Jérôme Durain.  - Nous voterons contre cet article qui cumule tous les défauts de cette proposition de loi : examen accéléré, rédaction similaire à celle d'un autre texte en cours de navette, procédé exotique à l'Assemblée nationale, car celle-ci n'attend même pas la lecture au Sénat pour réécrire... Cet article était inutile et dangereux ; la commission des lois a repris la main, mais c'est insuffisant ; la disposition reste inutile et imprécise.

Le délit de provocation à l'identification n'est pas applicable : à Magnanville, ce dispositif n'aurait pas empêché le drame. Heureusement, on a épargné la loi de 1881. Mais le climat autour de ce texte empêche les journalistes de travailler dans de bonnes conditions : garde à vue, autocensure... Plus de 200 ont été empêchés par les forces de l'ordre de faire leur travail ces dernières années.

C'est surtout un constat d'échec sur les rapports entre les forces de l'ordre et la population. Un gendarme notait l'échec de la prévention et des techniques de maintien de l'ordre, en raison d'une doctrine d'emploi qui favorise l'escalade : la nasse, le « nous ne sommes pas dans le même camp, madame ! ». Avec les articles 24 et 25, on ne sait pas ce qu'on gagnera en termes de sécurité, mais on voit très bien ce qu'on perdra en termes de libertés... (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)

M. Bruno Retailleau.  - Bien sûr, nous voterons cet article profondément remanié par la commission, dont je salue le travail.

Monsieur le ministre, si le Sénat n'existait pas, il faudrait l'inventer !

M. Antoine Lefèvre.  - Il en était convaincu !

M. Bruno Retailleau.  - L'objectif était nécessaire, mais le dispositif mal né. Défendons les forces de l'ordre dans un moment ultraviolent, alors qu'ils sont pris pour cibles sur les réseaux sociaux. Derrière le lynchage numérique, il y a parfois le lynchage physique. Nous avons trouvé le bon équilibre pour protéger les forces de l'ordre, bouclier de la République, en préservant la liberté d'informer, et sans toucher à la loi fondatrice de 1881. Le Sénat aura fait oeuvre utile pour les forces de l'ordre ! Je suis sûr que vous le soulignerez, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Laménie.  - J'appuie l'intervention de M. Retailleau. Nous sommes tous convaincus que la liberté de la presse est fondamentale. Les violences policières existent, mais elles sont isolées. Les forces de l'ordre risquent leur vie au quotidien pour assurer la sécurité des personnes et des biens - songeons à la vingtaine de décès annuels en service...

Élu d'un département frontalier, je salue l'adoption de l'amendement de M. Grand sur les douanes, complémentaires des forces de l'ordre dans certaines opérations. Toutes les forces de sécurité méritent le respect. Je voterai cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Françoise Gatel.  - Je rêve moi aussi d'un monde sage, fraternel et bienveillant, mais il n'existe pas même si nous nous efforçons de le construire...

Osons nommer les choses. Cet article est la conséquence des violences et de l'instrumentalisation de la liberté pour d'autres buts que l'expression d'une opinion. Je pense aux hommes et aux femmes victimes de l'usage malveillant de leur image.

Certes, il y a eu des erreurs de conception de ce dispositif, mais nos rapporteurs ont trouvé un bon équilibre. Je les félicite de leur créativité juridique. Le Sénat, comme toujours, aura été le garant des libertés. Monsieur le ministre, je suis sûre que vous accompagnerez avec sagesse cette proposition.

Le groupe UC votera cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur Retailleau, la mièvrerie - inhabituelle - avec laquelle vous défendez « le point d'équilibre » trouvé dans cet article m'étonne. Et Mme Gatel en a reversé une louche... (Rires à gauche)

De quel équilibre parle-t-on ? Pour le groupe SER, il est clair qu'il faut respecter intégralement la liberté de la presse ; et ce texte comporte déjà dix articles pour protéger les forces de l'ordre contre toutes les formes d'agression.

Selon vous, le point d'équilibre, c'est la « provocation dans un but d'identification ». Bon courage à ceux qui devront définir les intentions. Du reste, on pourrait s'interroger sur les vôtres, monsieur Retailleau... (Rires à gauche)

M. Patrick Kanner.  - 2022 !

M. Jean-Pierre Sueur.  - La même photo aura-t-elle la même interprétation dans un journal neutre - si tant est que cela existe - et dans un journal d'opinion qui n'est pas pour l'ordre établi ? N'y aurait-il pas une intention de provocation ? Critère gélatineux et inapplicable ! Il n'y a aucun point d'équilibre. C'est une démission du Parlement, car ce sont les juges et la jurisprudence qui définiront l'intention. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur.  - C'est de la provocation à l'incitation !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je remercie bien volontiers le Sénat, monsieur Retailleau. Mon illustre prédécesseur Clemenceau y a fini après l'avoir vilipendé... (Sourires)

M. Bruno Retailleau.  - Il était vendéen !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Je ne suis pas certain que vous y mettiez la même personnalité politique, monsieur Retailleau !

M. Bruno Retailleau.  - J'ai au moins son portrait. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Laurence Rossignol ironisent.)

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Clemenceau appartient à tout le monde...

Sachez-le en tout cas : je suis très attaché au bicamérisme.

Il y a un désaccord de fond sur cet article : c'est la démocratie. Mais l'oxymore « violences policières » n'existe pas pour moi. Quand j'entends parler d'un divorce entre les forces de l'ordre et la population, cela m'énerve profondément. Si nous pouvions nous vanter du même taux d'affection de nos compatriotes que la police et à la gendarmerie, nous serions comblés...

M. Bruno Retailleau.  - Il est de 70%  !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Le divorce est bien plus grand à l'égard des élus et des institutions. Les gendarmes et les policiers sont les enfants du peuple, les soldats de l'an II. Ils sont rarement les fils des patrons du CAC 40. (M. Pascal Savoldelli ironise.)

La violence existe avant tout contre les forces de l'ordre. Les manifestations des gilets jaunes, spontanées, étaient extrêmement violentes, dans des villes de province peu habituées à cela. Je ne remets pas en cause la colère sous-jacente. Mais il n'y a pas eu un mort parmi les manifestants en un an et demi. Il y a eu, en revanche, 3 200 policiers et gendarmes blessés...

Mme Éliane Assassi.  - Et combien chez les manifestants ?

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Dans Le Monde, qui n'est pas mon journal de référence, la Défenseure des droits elle-même salue notre schéma de maintien de l'ordre comme un « large progrès ». Vous qui ne cessez de la citer depuis le début de cette discussion, vous devriez lire son interview... (Protestations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Nous ne lisons pas Le Monde, et vous citez la Défenseure des droits quand cela vous arrange !

M. Gérald Darmanin, ministre.  - Quand on chante la vérité, on ne la chante pas à moitié, disait un célèbre chanteur.

Il n'y a pas d'antinomie entre l'amour de la liberté de la presse et celui des forces de l'ordre, protéger les secondes comme la première est une profonde nécessité - d'autres, dont Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve, l'ont dit avant moi... D'un certain ordre, d'une certaine police, naît la liberté. Je suis très heureux que le Sénat ait suivi le Gouvernement dans sa volonté de protéger les forces de l'ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)

À la demande du groupe SER, l'article 24 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°92 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 248
Contre   97

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 24

M. le président.  - Amendement n°233, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste.

Après l'article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillé et documentée sur l'articulation des forces de sécurité intérieure, les avantages et les inconvénients de chaque type de doctrine au niveau européen, et sur les alternatives à mettre en oeuvre dans notre pays pour pacifier le maintien de l'ordre dans le cadre des manifestations.

M. Pascal Savoldelli.  - Défendu.

L'amendement n°233, repoussé par la Commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.