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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage au policier assassiné à Avignon

Décès d'une ancienne sénatrice

Projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l'environnement

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Guy Benarroche

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Jean-Pierre Corbisez

Mme Éliane Assassi

M. Philippe Bonnecarrère

M. Éric Kerrouche

M. Stéphane Ravier

M. Alain Marc

M. Philippe Bas

M. Guillaume Gontard

Mme Nadège Havet

M. Jean-François Longeot

Mme Nicole Bonnefoy

Mme Muriel Jourda

Mise au point au sujet d'un vote

Projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l'environnement (Suite)

Discussion de l'article unique

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article unique

ARTICLE UNIQUE

Mme Nicole Bonnefoy

Mme Marie-Claude Varaillas

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article unique

INTITULÉ DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Interventions sur l'ensemble

M. Patrick Kanner

Mme Nadège Havet

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Guillaume Gontard

M. Guy Benarroche

Mme Françoise Gatel

Mme Éliane Assassi

Mise au point au sujet d'un vote

Ordre du jour du mardi 11 mai 2021




SÉANCE

du lundi 10 mai 2021

91e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Martine Filleul, Mme Corinne Imbert.

La séance est ouverte à 17 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Hommage au policier assassiné à Avignon

M. le président.  - (Mmes et MM. les Sénateurs, ainsi que M. le garde des Sceaux, se lèvent.) Nous avons appris mercredi dernier la mort en intervention d'un fonctionnaire de police en Avignon.

Je tiens, au nom du Sénat tout entier, à réaffirmer notre soutien total aux forces de l'ordre. Nos pensées vont tout particulièrement à la famille de la victime et à ses proches.

Je serai représenté demain à l'hommage national qui lui sera rendu par le Premier ministre. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que le garde des Sceaux, observent un moment de recueillement.)

Décès d'une ancienne sénatrice

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue, Monique Cerisier ben Guiga, ancienne sénatrice représentant les Français établis hors de France de 1992 à 2011, secrétaire du Bureau du Sénat de 2008 à 2011.

Projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l'environnement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, complétant l'article premier de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - J'ai l'honneur de vous présenter ce projet de loi constitutionnelle qui est l'un des aboutissements de la Convention citoyenne pour le climat, exercice inédit et remarquable de démocratie participative dans notre pays.

Parmi les 149 mesures de la Convention figurait la proposition de compléter l'article premier de la Constitution pour renforcer l'engagement et la responsabilité de la France dans la préservation de l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique. Le Président de la République l'a retenue et s'est engagé à faire adopter cette proposition par référendum, en application de l'article 89 de notre Constitution.

Ce texte, adopté par l'Assemblée nationale au terme d'un premier examen circonstancié, est la traduction fidèle de cet engagement. Il inscrit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique à l'article premier de la Constitution.

Je crois savoir que cette rédaction ne convainc par toutes les travées de la Haute Assemblée, et je sais que votre commission des lois propose une autre rédaction. Nous sommes ici pour en débattre.

Pour cela, je souhaite d'abord dissiper quelques malentendus.

D'abord, ce projet de loi constitutionnelle a pour ambition de rehausser la protection de l'environnement au coeur de nos principes constitutionnels. La protection de l'environnement figure dans la Charte de l'environnement, qui a été intégrée au bloc de constitutionnalité en 2005 ; le Préambule de notre Constitution comporte également un renvoi à cette charte. Il n'y aurait donc aucune plus-value à inscrire un renvoi identique à l'article premier, comme le propose la commission des lois.

Au-delà de sa portée symbolique, qui n'est pas à négliger, le projet de loi constitutionnelle comporte deux autres avantages. D'abord, il renforce le poids de la protection de l'environnement dans la conciliation avec les autres principes à valeur constitutionnelle.

Le Conseil Constitutionnel avait déjà, notamment dans son arrêt du 31 janvier 2020, déduit de la Charte de l'environnement que la protection de l'environnement est un objectif à valeur constitutionnelle. Mais, à la différence d'une règle constitutionnelle, il n'emporte qu'une obligation de moyens, et suppose l'intervention du législateur pour sa mise en oeuvre.

Par ce projet de loi constitutionnelle, nous souhaitons consacrer un principe à valeur constitutionnelle qui pourra être invoqué même sans intervention du législateur. Ce rehaussement n'implique cependant pas une hiérarchisation entre les principes constitutionnels : il s'agit de renforcer le poids de la protection de l'environnement dans sa conciliation avec les autres principes constitutionnels.

C'est pour cette raison que le Président de la République a refusé la modification du préambule de la Constitution proposée par la Convention citoyenne pour le climat. La force nouvelle conférée à la protection de l'environnement trouvera sa traduction dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Second avantage, ce projet de loi instaure un principe d'action pour les pouvoirs publics nationaux et locaux. Le Gouvernement veut insuffler la préoccupation environnementale dans chaque politique publique, au niveau national et international. D'où le choix de verbes aussi forts que « garantir » et « lutter ».

Je comprends que, pour votre commission des lois, la principale difficulté porte sur le terme « garantit ». Le Gouvernement a pris note des observations du Conseil d'État, dans son avis du 14 janvier, sur les conséquences de la mise en jeu de la responsabilité des pouvoirs publics ; mais nous avons fait le choix assumé d'une ambition forte qui doit se traduire dans notre texte fondateur.

D'un objectif, nous voulons faire une obligation, d'une ambition, une garantie.

Votre assemblée se montre également préoccupée par les conséquences du texte sur la responsabilité de l'administration. Or, l'État peut déjà voir sa responsabilité engagée en matière environnementale : « l'affaire du siècle » sur laquelle le tribunal administratif de Paris s'est prononcé le 3 février nous l'a récemment rappelé.

Ce texte renforce encore cette responsabilité en créant une quasi-obligation de résultat pour les pouvoirs publics ou, pour le dire autrement, une obligation de moyens renforcée. Cela signifie une charge de la preuve facilitée pour les requérants, et une plus grande difficulté pour l'État à s'exonérer de ses responsabilités. Il ne s'agit pas de condamner les pouvoirs publics à l'inaction, mais au contraire de les obliger à agir. Le Gouvernement assume cette ambition.

Le projet de loi constitutionnelle est équilibré et évite deux écueils : une répétition du droit existant et un statut d'impératif suprême conféré à la protection de l'environnement. Chaque mot de ce texte est pesé et assumé par le Gouvernement. Il est à la hauteur des enjeux à l'heure de la sixième extinction de masse, la première causée par l'humanité.

Il vous revient de nous prononcer. Ensuite, si vous votez ce texte dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale, la proposition sera soumise à référendum, conformément aux engagements du Président de la République et à notre Constitution. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois .  - Le débat sur ce texte a pris une tournure déconcertante, voire irritante.

Nous sommes tous convaincus de la nécessité de préserver la biodiversité et les équilibres climatiques. Comme certains de mes collègues, j'ai siégé au Congrès qui, le 28 février 2005, a adossé à la Constitution la Charte de l'environnement, un texte précurseur, précis, dont l'efficacité juridique est démontrée.

Si de nouveaux instruments juridiques sont nécessaires, nous les voterons, comme nous l'avons fait, à l'unanimité, pour ratifier l'accord de Paris.

Mais ce texte est d'une ambiguïté extraordinaire ; le Gouvernement lui-même semble ne pas en mesurer les effets juridiques. À la vérité, le Gouvernement veut se racheter en nous faisant voter sans filtre cette proposition de la Convention citoyenne pour le climat, alors qu'il n'a pas donné suite à trois autres de ses propositions de révision constitutionnelle.

Nous sommes ainsi contraints d'aborder cet examen à l'envers : alors qu'il conviendrait de s'accorder sur les objectifs à atteindre, puis sur les changements dans le droit en vigueur qu'ils impliquent, avant de rechercher la rédaction qui y contribue le mieux, nous devons commencer par l'exégèse de ce texte, en essayant de discerner comment le juge l'appliquera. Le débat est devenu sémantique, plus que politique.

Dans sa décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a dégagé de la Charte de l'environnement la protection de celui-ci comme objectif à valeur constitutionnelle, en tant que participant de notre patrimoine commun. Or vous vous fondez sur cette décision pour faire valoir qu'il ne fixe pas d'obligation. Cela manque de rigueur. D'abord, un tel objectif s'ajoute aux obligations liées à la Charte ; il ne s'y substitue pas. De plus, les objectifs à valeur constitutionnelle ont une pleine valeur normative.

Vous avez déclaré, monsieur le garde des Sceaux, qu'il était difficile de faire aboutir une QPC sur le fondement de la Charte de l'environnement. Cela n'est pas juste : le droit de vivre dans un environnement préservé peut déjà être invoqué dans le cadre d'une QPC, de même que les droits d'information et de participation prévus à l'article 7 de la Charte. D'autres principes énoncés par celle-ci peuvent également être invoqués en QPC, en tant qu'ils constituent le corollaire du droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé : le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement cité à l'article 2, le principe de prévention à l'article 3 et le principe de réparation à l'article 4.

Le Conseil constitutionnel ne s'est pas encore prononcé sur l'invocabilité en QPC du principe de précaution, mais la solution serait sans doute la même.

Votre rédaction, avec le terme « garantit », faciliterait l'engagement de la responsabilité des pouvoirs publics en leur imposant une quasi-obligation de résultat, mais cette dernière notion n'a aucun contenu défini en droit. Quelle en serait la portée ? Quelle juridiction serait chargée de le faire appliquer ? Bref, à quel régime de responsabilité songez-vous ?

Le Conseil d'État a certes évoqué la notion de quasi-obligation de résultat, mais pour souligner le caractère incertain de ses effets juridiques. S'en prévaloir relève du sophisme.

Autre objectif affiché, celui de rehausser la place de la préservation de l'environnement dans la Constitution. Rehaussement, dites-vous, n'implique pas hiérarchisation. Cette interprétation fait peser un doute sérieux sur les conséquences juridiques de votre proposition. En effet, l'utilisation du terme « garantit » laisse entendre que la protection de l'environnement aurait un poids supérieur dans la conciliation entre les principes constitutionnels.

La commission des lois juge une telle priorité déraisonnable. Les pouvoirs publics doivent avoir la possibilité d'arbitrer en fonction des circonstances.

Nous aurions pu rejeter ce texte, mais nous ne l'avons pas souhaité. Dans un esprit constructif, nous défendons une rédaction plus sûre juridiquement, inspirée des recommandations du Conseil d'État, dans son avis d'extrême prudence.

L'obligation de moyens ou de résultats n'est pas de même nature en droit constitutionnel qu'en droit civil. En outre, la Charte établit, à son article 6, une définition du développement durable en tant que conciliation de la préservation de l'environnement, du développement économique et du progrès social. Le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur cet article pour définir un équilibre.

La commission des lois considère que le verbe « garantir » comporte des risques : aucune certitude ne s'est dégagée de nos auditions quant à son interprétation. Nous avons préféré le terme « préserve », en y ajoutant la mention du climat et en renvoyant à la Charte de l'environnement de 2004, qui a donné lieu à une jurisprudence bien établie. Nous n'avons pas voulu constitutionnaliser le doute que porte le verbe « garantir ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Nous nous apprêtons à endosser le rôle le plus éminent pour un parlementaire, celui de se prononcer sur notre texte fondamental. Le Sénat est attaché à la clarté et à la cohérence de notre édifice normatif. Sans céder à l'activisme juridique, le Constituant doit faire oeuvre de précision, peser chaque mot, légiférer la main tremblante.

L'urgence climatique n'est plus contestée. Les scientifiques sont unanimes. Une centaine de pays font désormais référence à la préservation de l'environnement dans leur texte constitutionnel. La France s'est dotée d'une charte de l'environnement, véritable Constitution environnementale.

Cependant, cette charte n'aborde pas la question climatique. Or, la France a promu la lutte contre le changement climatique au niveau international - en témoigne l'accord de Paris. Cette révision comble ce manque, mais pose des problèmes juridiques. L'usage du terme « garantit » impose des contraintes dont il est difficile de mesurer la portée.

Pour ne pas fragiliser les pouvoirs publics par des contraintes juridiques trop fortes, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a élaboré, en concertation avec la commission des lois, une rédaction alternative qui neutralise les risques pointés par le Conseil d'État et par certains juristes autour du verbe « garantir ».

Le rôle central de la Charte de l'environnement serait réaffirmé, avec une double référence, dans le Préambule et l'article premier de la Constitution.

Ce cadre est plus cohérent et lisible pour l'action publique et pour les entreprises et ne crée pas de hiérarchie entre les principes constitutionnels. Il porte une valeur symbolique forte.

La France serait le premier État du Nord à faire clairement référence au climat dans un texte fondamental, confirmant son rôle moteur dans le monde. C'est une invitation à mener une politique environnementale ambitieuse. Une ambition forte et partagée, conciliant préservation de l'environnement, développement économique et progrès social, sera plus utile que des prescriptions constitutionnelles ambiguës. Il ne faut pas se servir de la Constitution pour se donner bonne conscience.

La proposition du Sénat est équilibrée et apporte une vraie valeur ajoutée dans notre Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Guy Benarroche .  - Événements climatiques, extrêmes, baisse brutale de la biodiversité, perturbation des océans... La liste des conséquences néfastes de l'inaction face à l'urgence climatique est bien longue. Après le succès de la COP21, sommes-nous à la hauteur ? À l'évidence, non.

La Convention citoyenne pour le climat a souhaité une plus grande protection de l'environnement, qui passe par une modification de l'article premier de la Constitution.

Certes, la rédaction proposée a ses limites - les écologistes prônent une rédaction plus complète et défendront des amendements dans ce sens - mais représente une avancée indéniable. Au-delà du symbole, elle oblige les pouvoirs publics, nationaux et locaux, dans leurs actions. Il ne faut pas négliger l'impact supranational : nous espérons que cela sera un outil à l'aune duquel nous définirons les contours des traités internationaux soumis à notre ratification.

Le terme « garantir » est devenu une pomme de discorde. Je suis ébahi par la réaction des rapporteurs : ce mot introduirait une hiérarchisation absolue et contraignante, tout en laissant au juge une trop grande marge d'interprétation...

M. Philippe Bas.  - Exactement !

M. Guy Benarroche.  - Ce qui vous effraie, c'est que le terme comporte une obligation d'action. Je crains que ceux qui adoptent cette posture politique ne soient en retard sur les élus locaux, sur les associations, sur les citoyens sur l'Histoire.

Nous ne sommes pas dupes de ce jeu, certes commencé par le Président de la République, mais auquel vous vous prêtez, en faisant fi de l'urgence. Le Président a rappelé son ambition de soumettre ce texte au référendum, sans dire ce qu'il ferait si le texte adopté différait de celui de la Convention citoyenne...

C'est un enfumage politique : mettez-vous d'accord, quoi qu'il en coûte, nous dit le Président !

Pour le GEST, il s'agit de se mettre d'accord sur un texte, mais pas n'importe lequel. Les écologistes sont les seuls à avoir travaillé sur ce sujet depuis vingt ans. Sans être dupes, nous acceptons d'avancer sur cette ligne. Nous avons le devoir de voter ce texte dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale. La maison continue de brûler... Ce texte n'est pas à la hauteur des enjeux, mais il faut avancer.

Reste que ce semblant de virage écologique n'absoudra pas le Gouvernement de ses renoncements sur le glyphosate, les objectifs d'émissions ou les néonicotinoïdes. Le courage politique, c'est d'accepter qu'une victoire pour l'intérêt général puisse faire l'objet d'une appropriation par certains. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Ce projet de loi constitutionnel est issu d'une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, à laquelle le Président de la République a donné un avis favorable le 29 juin 2020, annonçant également son intention de convoquer un référendum sur le fondement de l'article 89 de la Constitution. L'implication pleine et entière des citoyens sur cet enjeu est en effet essentielle.

Une révision constitutionnelle doit être abordée avec sérieux, rigueur et sens critique. Le texte proposé présente une dimension symbolique forte ; il est très attendu par les citoyens, comme nous l'avons vu hier.

L'obligation qu'il imposera aux pouvoirs publics accompagne l'évolution récente de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et offrira à ce dernier un levier supplémentaire. Seule la moitié des articles de la Charte de l'environnement sont invocables comme fondement d'une QPC ; et le Préambule de la Constitution de 1946 ne l'est pas.

Cette révision constitutionnelle ferait de la France le premier pays européen à inscrire la lutte contre le changement climatique dans sa loi fondamentale.

Je regrette que le débat se soit focalisé sur le choix du verbe. Les juristes que nous avons entendus divergent sur les effets de cette réforme. Mais comment un texte peut-il être à la fois dénué de valeur juridique et dangereux ?

Le verbe « garantir » n'emporte pas de hiérarchie entre les normes ; de plus, il figure déjà à huit reprises dans le bloc de constitutionnalité. Ainsi, je ne pense pas que la garantie du repos et des loisirs qui figure dans le Préambule de 1946 fasse concurrence au progrès social ou au développement économique...

En outre, le juge veille à l'équilibre entre les droits et libertés constitutionnellement garantis en se fondant sur l'intention du législateur. La prééminence de la préservation de l'environnement n'a pas été retenue. Nous ne sommes pas favorables à la proposition de réécriture des rapporteurs, qui n'apporte pas d'effets juridiques nouveaux. Dès lors, comment convaincre nos concitoyens de se rendre aux urnes pour une révision constitutionnelle sans portée ?

Circonscrire les effets de la révision au périmètre de la Charte de l'environnement, un texte vieux de quinze ans, paraît inopportun, alors que la question environnementale ne cesse de s'aggraver.

Pour ces raisons, le groupe RDPI ne votera pas le texte issu des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - L'article unique ne compte qu'une quinzaine de mots - mais ces mots ont déjà fait couler beaucoup d'encre et déchaîné les passions.

Le débat sémantique est intéressant, mais le Sénat ne doit pas s'immiscer dans des querelles juridiques. Il faut aborder ce texte avec un prisme différent : quelle est l'utilité de la révision envisagée ? Quel sera son impact sur la vie quotidienne des Français ? Rendra-t-elle l'action publique plus efficace ?

Cette réforme est-elle nécessaire ? Rien n'est moins sûr, à en croire de nombreux juristes. De fait, il n'existe pas de hiérarchie entre les dispositions constitutionnelles, comme l'ont rappelé le Conseil constitutionnel en 2008 et le Conseil d'État dans son avis de janvier 2021.

Les principes de la Charte de l'environnement sont bien établis et cinq de ses articles sont invocables dans le cadre d'une QPC. La réforme ne leur donnera pas de valeur supplémentaire.

À la vérité, nous pourrions y voir un aveu d'échec, celui d'une incapacité à faire en sorte que la Charte de 2005 n'en reste pas au stade des intentions. Le dérèglement climatique s'aggrave, malgré les engagements de la Conférence de Paris... Selon la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, compte tenu des plans de réduction des émissions adoptés par les États signataires, les émissions ne baisseraient que de 0,5 % d'ici à 2030. Nous sommes très loin des 45 % nécessaires pour contenir à 1,5°C l'augmentation des températures à l'horizon 2100.

Je doute que ce texte nous permette de dépasser notre relative inaction depuis quinze ans.

Si l'objectif est de contraindre l'action des gouvernements, je serais tenté de soutenir la première version du texte. Un recours accru aux QPC ? Tant mieux ! De nouvelles obligations pour l'État ? Tant mieux ! Une multiplication des contentieux ? Tant mieux ! Qu'avons-nous à craindre d'une pression supplémentaire sur l'action publique ?

Si le texte relève surtout du symbole, je m'en accommode, car le symbole compte.

Les récentes condamnations de l'État non assorties d'astreinte, comme la décision du tribunal administratif de Paris de février 2021 sur l'affaire dite du siècle, qui crée un lien de causalité entre le préjudice écologique et le non-respect par l'État de ses engagements internationaux, nous incitent à y aller franchement. Une fois n'est pas coutume, je suis donc plutôt favorable à la rédaction du Gouvernement.

Toutes nos décisions doivent s'orienter vers la préservation de l'environnement. Ce peut être un levier en vue des débats autour du projet de loi Climat. Il faut une bascule radicale dans nos choix.

Cette réforme n'a de sens que si elle se traduit en actes. Elle ne doit pas être incantatoire, mais marquer un point de non-retour. C'est pourquoi je défendrai le principe de non-régression.

Une partie de mes collègues du RDSE défendront la rédaction des commissions.

Le travail accompli par la Convention citoyenne pour le climat doit aboutir maintenant. L'engagement politique doit se doubler d'une ambition pour susciter un espoir. Mais rien n'est pire qu'un espoir déçu... (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du GEST)

Mme Éliane Assassi .  - Dans sa stratégie du « en même temps », le Président de la République a annoncé un référendum tout en reculant sur plusieurs mesures de la Convention citoyenne pour le climat. Les ONG ne s'y sont pas trompées, qui dénoncent l'arbre qui cache la forêt des renoncements.

Au-delà de l'opération de communication, les travaux de la Convention méritent mieux qu'une instrumentalisation, l'artifice du référendum et cette nouvelle manifestation de fétichisme constitutionnel.

Le piège était cousu de fil blanc, ce qui n'a pas empêché la majorité sénatoriale de s'y engouffrer, permettant au Président-candidat de rejeter la faute sur le conservatisme du Sénat. Hier, alors que 115 000 personnes marchaient pour le climat, le Journal du Dimanche annonçait déjà l'abandon du référendum, avant que le Président de la République ne rétropédale.

L'urgence climatique appelle autre chose que gesticulations et manifestations politiciennes. Nous sommes favorables à tout ce qui renforce la souveraineté du peuple, mais pas à un référendum démagogique confinant au plébiscite, comme celui de 1962. Il est à craindre que ce référendum ne fasse les frais de tous les mécontentements. Le choix de cette procédure surprend, au demeurant, de la part de ceux qui méprisent le peuple... Un référendum, nous en avions demandé un sur les retraites et sur la privatisation d'Aéroports de Paris. Là-dessus, silence. Est-il toujours question d'un référendum après les annonces contradictoires du Gouvernement ?

Ce projet de loi, avec ses dix-sept mots, méconnaît gravement notre conception de la démocratie parlementaire : le Parlement n'est pas une chambre d'enregistrement du fait du prince.

Le ministre a évoqué une quasi-obligation de résultats, mais en réalité ce texte n'apporte rien par rapport à l'existant. La Charte de l'environnement a déjà valeur constitutionnelle. Le 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a jugé que le respect du droit à la santé et la protection de l'environnement étaient des objectifs de valeur constitutionnelle. Le 8 décembre 2020, il a ajouté que les limites législatives à la Charte ne pouvaient être justifiées que par des exigences constitutionnelles ou un motif d'intérêt général.

L'État a donc déjà des obligations en matière de lutte contre le changement climatique. Il a récemment fait l'objet d'un recours administratif pour carence fautive dans la mise en oeuvre de ses engagements internationaux.

Le présent texte améliore-t-il l'état du droit ?

D'abord, la simple garantie de l'environnement marque un recul par rapport à la Charte de l'environnement : ne comprenant pas l'objectif d'améliorer ou de réparer, elle ouvre la voie à une régression.

Ensuite, la République n'est pas une personne. L'inscription de cet objectif à l'article premier l'assimile à une valeur qui n'ouvre aucun recours en responsabilité.

Le Conseil d'État lui-même pointe également les manques de la rédaction proposée qui scinde la protection de l'environnement en trois domaines et rompt avec une vision globalisante.

Rien n'empêchera le Conseil Constitutionnel de mettre en balance le droit de l'environnement avec d'autres principes constitutionnels : il n'y a que très peu de droits indérogeables. La jurisprudence future n'est donc nullement garantie. Le Conseil d'État a donc demandé au Gouvernement de préciser les conséquences de sa proposition.

La judiciarisation de l'action en matière environnementale n'est pas le gage d'un réel progrès. Le juge ne peut imposer de nouvelles contraintes sans poser la question de l'adhésion à la norme. Cela rejoint d'ailleurs notre critique de la légitimité du Conseil Constitutionnel.

Le débat sémantique en commission des lois était largement surjoué. Il ressort de l'article 61-1 de la Constitution que les droits et libertés constitutionnels sont garantis - cela ne les empêche pas, hélas, de rester largement fictifs, comme l'égalité entre les femmes et les hommes, l'accès à la santé, l'égal accès à l'éducation ou à la culture ou l'accès à un emploi.

La Charte devrait être complétée par les principes de solidarité écologique, d'utilisation durable des ressources et de non-régression.

La protection de l'environnement a surtout besoin de politiques publiques et de moyens financiers ; bref, que cessent la politique du rabot et les décisions régressives du Gouvernement, comme sur le glyphosate.

Ce texte est un jeu de dupes - nous voterons contre. L'environnement mérite mieux que cette mascarade ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Quel est le sens des propositions de la Convention citoyenne pour le climat ? Une société décarbonée. C'est possible. Comment ? Par la taxe carbone aux frontières de l'Europe.

Le combat environnemental et climatique ne se joue donc pas à l'article premier de la Constitution, mais à l'échelle européenne et internationale. Ce texte illustre un tropisme français : rechercher des principes plus que des solutions.

Première remarque : la bataille des mots n'est pas essentielle.

Agir pour, favoriser, préserver, garantir... Le débat politique doit-il porter sur le choix des mots ? Chacun de ces quatre termes nous a été proposé par le Gouvernement depuis 2018 : le Gouvernement de 2021 ne saurait donc en taxer aucun de conservateur...

Cela ne modifiera pas non plus la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, qui concilie les principes constitutionnels en fonction de l'intérêt général et de la proportionnalité au regard de l'objectif. « Préserver » diminue certes l'incertitude financière, mais je ne crois guère à la judiciarisation ou au contentieux de masse qu'apporterait le verbe « garantir ».

Je crains davantage l'insécurité juridique induite par une modification de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, y compris sur des textes déjà examinés.

Deuxième remarque : nous nous opposons à toute hiérarchie des normes constitutionnelles entre elles. Vous semblez partager notre conviction, monsieur le ministre. Si c'est le cas, défendons notre rédaction !

Le droit est logique et emprunte notamment à la géométrie : si les principes sont sur la même ligne (L'orateur trace du doigt cette ligne dans l'espace) et que vous n'en rehaussez qu'un, vous créez, même malgré vous, une hiérarchie des normes - du fait du principe d'effectivité appliqué par le Conseil Constitutionnel, qui recherche l'effet utile d'une mesure.

La proposition de révision vient contredire l'article 6 de la Charte qui repose sur la conciliation de tous principes de mêmes niveaux, à laquelle nous tenons, car c'est l'essence de la décision politique. Les élus le savent bien : celle-ci est toujours un équilibre identifié après un bilan des coûts et des avantages.

Notre pays a une histoire, incarnée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui protège les « droits naturels inaliénables et sacrés » de l'homme.

Par tradition, la France protège des droits individuels subjectifs. Cette conception est attaquée par les pays d'Europe centrale, notamment, pour qui les droits collectifs doivent primer. La primauté de la protection de l'environnement va à l'encontre de notre conception.

L'amendement proposé par la majorité sénatoriale prend en compte l'attente sociétale tout en préservant l'absence de hiérarchisation et les droits objectifs ; c'est un équilibre réfléchi et robuste, témoignage d'un dialogue sérieux entre les deux assemblées. Le groupe UC le soutient quasi-unanimement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après deux tentatives avortées, la révision se résume finalement à cet article unique, mais il se murmure très fort que le Président de la République y renoncerait avant même que le Sénat ne l'examine -  nouvelle preuve de son mépris. Mais contredisant cet oracle, il indique qu'il n'y aura pas d'abandon... J'ai l'impression de revivre le suspense sur le scrutin de juin !

Nous pourrions, de guerre lasse, ranger nos notes, éteindre la lumière et vaquer à d'autres occupations. Mais nous ne le ferons pas. Malgré la morgue de l'exécutif, le Sénat doit conserver sa dignité et protéger le bicamérisme.

Mépris aussi pour la Convention citoyenne pour le climat, dont toutes les mesures devaient être reprises sans filtre - on sait ce qu'il en fut. Cet ajournement possible du référendum sonne comme une dernière gifle symbolique : avec ce pouvoir, aucun engagement ne tient, tout n'est que question d'opportunité.

En réalité, il n'y a jamais eu volonté de modifier la Constitution, puisque le calendrier électoral rend la tenue du référendum quasiment impossible. Il aurait fallu passer par la voie du Congrès, ce qui permettait une deuxième lecture, loin d'être superflue pour une révision constitutionnelle.

Mais Emmanuel Macron a préféré le référendum ; si son intention était sincère, on pourrait entendre que la révision y gagnerait en portée. Mais c'était par pur calcul politique, et les groupes n'ont pas cédé au piège tendu, limitant leurs amendements par esprit de responsabilité.

Nous aurions pu trouver une rédaction commune avec l'Assemblée nationale, mais les délais ne le permettent pas, Emmanuel Macron le savait bien.

De fait, ce texte n'est qu'un prétexte. Nous pourrions en rire si le sujet n'était pas si important. Bientôt, nous en pleurerons... Nous sommes désormais dans un débat de pharisiens. Or, comme le disait Jean Giraudoux, « Jamais poète n'a interprété la nature aussi librement qu'un juriste la réalité ».

La seule question qui se pose, c'est celle de la volonté politique. Pouvons-nous nous cacher derrière le droit ?

Nous avons choisi de nous concentrer sur les biens communs ; Nicole Bonnefoy y reviendra.

La majorité sénatoriale a estimé que la Charte de l'environnement et la jurisprudence du Conseil constitutionnel étaient suffisantes et a minoré la portée du texte, le conduisant à une aporie qui le condamne.

Le rapporteur spécial pour les Nations-Unies sur les droits de l'homme et l'environnement, M. Boyd, a montré cependant que les conséquences d'une telle réforme n'étaient pas drastiques dans les pays qui y avaient procédé.

La France s'honorerait d'être le premier État du Nord à inscrire la protection de l'environnement à l'article premier de sa Constitution. Les perspectives en termes de changement climatique sont dramatiques : 40 % de la population mondiale serait confrontée à des pénuries d'eau d'ici 2050 ; les températures estivales augmenteraient de six degrés d'ici 2050 ; la recharge des nappes phréatiques diminuerait de 10 % à 25 % ; les populations de vertébrés ont chuté de 68 % en 45 ans...

Or comme le dit Bruno David, président du Museum national d'histoire naturelle : « plus la biodiversité est riche, plus les pathogènes infectent des espèces différentes, et plus ils nous épargnent. Plus nous portons atteinte à la biodiversité et plus la probabilité que des zoonoses se déclenchent augmentera.»

Ce défi collectif mériterait mieux que des calculs politiques dérisoires ! Soit il ne s'agit que de symbole, et cela importe dans la bataille culturelle. Soit cela aura des effets et c'est nécessaire.

Nous souhaitons une réécriture de l'article premier la plus ambitieuse possible. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Éliane Assassi et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)

M. Stéphane Ravier .  - Le Parlement est devancé par la Convention citoyenne pour le climat dont le coprésident n'est autre que le directeur général de Terra Nova - l'organisme qui avait conseillé à François Hollande d'abandonner les classes populaires au profit d'un électorat d'origine étrangère. Nous sommes face à un simulacre de démocratie, un exercice oligarchique. Le peuple français demande une meilleure représentativité et plus de concertations par voie référendaire, non une manipulation pilotée par Terra Nova. Gare à la crise démocratique !

La révision aura des effets juridiques insupportables. Terra Nova et Emmanuel Macron considèrent sans doute la Constitution comme un simple règlement intérieur d'une association loi 1901 - ou 1958... L'écologie n'a rien à voir avec l'écologisme, elle est une exigence transversale, elle appartient à tous, pas aux talibans verdoyants.

On a vu au niveau local de quoi ils étaient capables. L'abus de tofu, de quinoa et de joints a conduit au remplacement des sapins de Noël, du rêve aérien et du Tour de France par la régularisation de tous les clandestins, la légalisation du cannabis et l'ignoble accusation de racisme systémique dans la police, entre autres délires de ces khmers aussi verts à l'extérieur que rouges à l'intérieur.

Les enjeux du XXIe siècle méritent mieux que ces idiots utiles de l'ultra-libéralisme : il faut au contraire valoriser l'écologie intégrale et le localisme, plus pragmatique, qui refuse par exemple de recouvrir nos territoires marins et terrestres d'éoliennes et de panneaux solaires sans considération de l'impact néfaste sur les milieux de vie et sur nos paysages. Signe du temps, les éoliennes sont plus hautes que nos cathédrales : on préfère brasser de l'air que s'enraciner dans la pierre.

Ne cédons pas au lobbying de ceux qui se goinfrent, comme la Chine, qui ne fait rien pour réduire ses taux d'émissions et tire tous les bénéfices des politiques du  tout-renouvelable et du tout-électrique en maitrisant les technologies et exportant les métaux rares. Regardons le nouvel esclavage qui sévit en Asie, en Afrique et dans la péninsule arabique. Justice sociale et justice environnementale sont liées.

Les victimes de l'écolo-gauchisme sont nombreuses, à commencer par nos chefs d'entreprises et nos agriculteurs, victimes du dumping social et environnemental. Fermer Fessenheim, pour des raisons purement politiques, c'est ouvrir une centrale à charbon ou à gaz. On assassine notre compétitivité environnementale et économique.

Le Sénat, chambre de la réalité des territoires, doit défendre une écologie locale et enracinée. Je vous engage à faire l'économie des contradictions !

M. Alain Marc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Avec moins de 1 % de la population, la France émet 1 % des gaz à effet de serre. Elle est reconnue pour son engagement en faveur de l'environnement. Les normes internationales ont évolué et nos citoyens ont pris conscience des enjeux.

La France agit et recherche le meilleur équilibre. Notre Constitution est, comme l'écrit l'un de nos derniers premiers ministres, « une merveille d'équilibre des pouvoirs ».

Le réchauffement climatique s'accélère. Les actions à mener ont toute leur place dans notre Constitution. Le Président Chirac l'avait bien compris, lui qui initiait, le 3 mai 2001, la Charte de l'environnement dans une perspective d'écologie humaniste. C'était une promesse de campagne.

Cependant, on ne doit réviser la Constitution que « d'une main tremblante », pour citer Montesquieu. Il faut en envisager toutes les conséquences.

La protection de l'environnement est désormais un objectif de valeur constitutionnelle, c'est essentiel.

Les élus locaux sont conscients des enjeux. Dans l'Aveyron, la remise en état d'une route à flanc de montagne reliant le causse Noir à l'une des principales villes du département a ainsi été faite dans le respect de la biodiversité. Le droit actuel est contraignant, ce qui est heureux ; l'environnement est déjà pris en compte dans les décisions au quotidien.

Dans la Constitution, chaque mot doit être pesé ; il y a danger quand les conséquences d'un terme ne sont pas clairement cernées. Non, il ne faut pas constitutionnaliser le doute, comme disait François-Noël Buffet !

La rédaction proposée fait courir un risque sur la conciliation entre la préoccupation environnementale et les autres intérêts publics ainsi que les libertés individuelles, comme l'a indiqué le Conseil d'État.

Voyez comment la saisie de la Cour constitutionnelle allemande paralyse l'adoption du plan de relance européen et prive les États membres de ses 750 milliards d'euros ! Des mots trop contraignants ont des effets néfastes.

Nous sommes pour une écologie libérale et réaliste. Les normes sont nécessaires mais doivent demeurer souples.

Enfin, il faut éviter le gouvernement des juges. La Cour de Karlsruhe a ainsi censuré une loi allemande au motif que ses objectifs de protection de l'environnement étaient insuffisants. Certains plaignants ont même regretté qu'elle n'aille pas jusqu'à fixer elle-même ces objectifs !

Nous ne soutenons donc pas la rédaction du Gouvernement. Celle proposée par les commissions nous paraît équilibrée ; le groupe Les Indépendants la votera dans sa très grande majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Philippe Bas .  - Mes chers collègues -  citoyens  - sénateurs, l'écologie est une science, mais elle n'est pas une science exacte -  comme l'économie. De même qu'il y a plusieurs politiques économiques possibles, il y a plusieurs politiques écologiques possibles. C'est le coeur du débat, au-delà des arguties juridiques : personne n'a le monopole de l'écologie !

Qu'un référendum tranche entre les différentes politiques écologiques possibles serait une bonne chose : cela donnerait enfin un cap à notre navire qui faseye... Cela serait de nature à conforter le consensus autour la Charte de l'environnement, qui avait recueilli 531 votes favorables au Congrès en 2005, contre 23 votes défavorables. Cela permettrait d'écarter la piste d'une écologie radicale de la décroissance, dont les Français ne veulent pas. (Protestations sur les travées du GEST)

Le texte défend le Gouvernement est ambigu : nos commissions proposent de sortir de cette ambiguïté, qui ferait coexister dans les dispositions les plus fondamentales de la République deux approches contradictoires de la politique écologique.

La Charte de l'environnement s'inscrit, avec son article 6, dans une politique de développement durable fondée sur la conciliation entre protection de l'environnement, développement économique et progrès social. Cette approche me semble la bonne.

Le présent texte sort de cet équilibre puisqu'il érige en absolu la garantie non pas de la protection, mais de la préservation de l'environnement. Et vous nous le présentez comme un texte d'équilibre ! À vous entendre, nous sortirions de l'obligation de moyens, sans aller jusqu'à l'obligation de résultat. Au fur et à mesure que je vous écoutais, monsieur le garde des Sceaux, l'obscurité s'épaississait dans mon esprit... (Sourires)

M. Bruno Retailleau.  - C'est une performance !

M. Philippe Bas.  - J'en souffre et ferai les efforts nécessaires pour en sortir. (Rires)

Lorsque deux textes à valeur constitutionnelle contradictoires coexistent, la mission impossible - et néanmoins nécessaire - du Conseil constitutionnel est de les concilier. Plaignons-le, plaignons le Parlement, le Gouvernement et les préfets qui auront à les appliquer... Il en résulte que le juge devra aller beaucoup plus loin dans l'interprétation.

Peut-être suis-je vieux jeu, mais je crois à la démocratie. J'ai beaucoup de respect pour le travail et la sincérité des 150 personnes sélectionnées selon les méthodes des instituts de sondage - on notera cependant qu'une enquête faite sur un échantillon de 150 personnes aurait toutes les chances d'être censurée par la commission des sondages. Mais vous avez décidé qu'elles étaient légitimes et le Président de la République a décidé, avant même la remise de leurs conclusions, que celles-ci seraient reprises « sans filtre ».

Le Président n'assume pas ses choix, il est « sans filtre », le Gouvernement suit, « sans filtre », l'Assemblée ne filtre pas davantage... Qui va filtrer ? (Rires) Eh bien, nous allons le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous souhaitons que les Français puissent trancher, nous l'espérons, contre l'écologie dogmatique, radicale et coercitive, l'écologie de la décroissance.

M. Ronan Dantec.  - Contre l'écologie tout court, plutôt !

M. Philippe Bas.  - Nous voulons l'écologie du développement durable, celle de la conciliation, celle de l'article 6 de la Charte de l'environnement, celle de l'équilibre trouvé en 2008.

Nous ne voulons pas un gouvernement de la Convention citoyenne, qui est un comité de Salut public 3.0, non plus qu'un gouvernement des juges. Où est la démocratie dans un tel système ? (On ironise sur les travées du GEST.)

Notre devoir est d'extraire le venin du texte en réitérant le consensus autour de la politique du développement durable. Les Français pourront ainsi se prononcer. (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Patrick Kanner et Jean-Pierre Corbisez applaudissement également.) Pour une sixième République écologique : cet ouvrage de Dominique Bourg a dix ans ; depuis, nous n'avons cessé de défendre cette idée.

Malgré la Charte de l'environnement, notre Constitution n'est pas adaptée à la nécessaire transition écologique. Pire, elle est un frein, comme en témoigne la jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, révolutionnaire à son époque, sacralise la propriété privée et a donc quelque peu vieilli. Il faut écrire collectivement sa version du XXIe siècle. L'évolution inquiète : l'avis alarmé du Conseil d'État et la panique de la droite sénatoriale en sont le vibrant témoignage.

Nous appelons de nos voeux un vote conforme du Sénat et la tenue du référendum. Chers collègues de droite, sortez du côté obscur, réveillez le souvenir du général de Gaulle et ne vous interposez pas contre la volonté populaire ! (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)

Gardez vos arguments pour la campagne référendaire ! Monsieur Bas, ne faites-vous pas confiance aux Français ? Avez-vous peur que le scrutin révèle - comme l'a fait la Convention citoyenne - que quand ils prennent le temps de mesurer l'ampleur du défi, les Françaises et les Français rejoignent les propositions des écologistes ? Aujourd'hui, les pragmatiques sont de notre côté (on ironise à droite) et les idéologues du vôtre ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Le Président de la République sera sans doute soulagé : il a même été jusqu'à faire fuiter le résultat dans le Journal du dimanche... Il aura beau jeu de se défausser de ce renoncement sur le Sénat, mais il ne fera pas oublier tous les autres, et notamment la loi Climat vidée de sa substance par Bercy. Le quinquennat Macron est un quinquennat perdu pour la lutte contre le réchauffement climatique. Seul un quinquennat écologiste pourrait rattraper le retard.

Dans la suite du débat, nous vous donnerons un échantillon de ce que pourrait être la Constitution d'une véritable République démocratique, écologique et sociale - celle que nous proposons aux Françaises et aux Français d'écrire. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Mme Nadège Havet .  - Les députés ont adopté ce texte par plus de 400 voix pour. Même large majorité sur le projet de loi Climat. Cette révision constitutionnelle poursuit le même objectif : agir, plus vite et plus fort, pour sauvegarder la biodiversité. S'ajoute le pilier financer, avec les 30 milliards d'euros supplémentaires que le plan de relance consacre à la transition écologique.

Les sénateurs RDPI partagent l'ambition du Gouvernement et appelle à en bâtir la nouvelle fondation.

La Charte de 2005 fait partie du bloc de constitutionnalité, mais la jurisprudence a atteint sa portée maximale en faisant de la protection de l'environnement un objectif de valeur constitutionnelle. Il faut franchir une nouvelle étape en consultant les Français.

La protection de l'environnement doit irriguer toutes les politiques publiques. Avec la députée Sophie Beaudouin-Hubière, je suis chargée par le Gouvernement d'une mission sur la commande publique comme levier écologique et social ; il faut sécuriser les acheteurs qui font valoir leur engagement environnemental. Nous en débattrons à l'article 15 du projet de loi Climat.

Le Gouvernement a été clair : il s'agit d'instaurer un principe d'action, un dispositif efficace et équilibré, loin du monstre radical que d'aucuns caricaturent.

Par référendum - le premier depuis seize ans ! - les Français diront si nous devons aller plus loin ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-François Longeot .  - Changement de paradigme pour les uns, éco-blanchiment constitutionnel pour les autres : la vérité est sans doute moins manichéenne.

Nous avons vécu un premier âge du constitutionnalisme environnemental : une centaine de pays citent la préservation de l'environnement dans leur norme suprême. La France n'a pas été en reste, en intégrant la Charte de l'environnement au bloc de constitutionnalité dès 2005.

Quinze ans après, on ne peut que constater la dégradation du climat et de la biodiversité, et le bilan en demi-teinte des décisions juridictionnelles prises sur le fondement de cette Charte.

Faut-il dès lors compléter les normes existantes ou inscrire plus explicitement l'action climatique dans la Constitution pour renforcer l'obligation d'agir ?

La question s'était posée en amont de la COP21, puis avec différentes propositions de révision constitutionnelle. Elle a été reprise par la Convention citoyenne pour le climat.

Une révision s'impose-t-elle ? Quels seront les effets concrets de cette seconde vague de constitutionnalisme vert ? Le Gouvernement lui-même a entretenu la confusion sur la portée juridique de son texte.

Ne risque-t-on pas de remettre en cause tout projet -  énergies renouvelables, lignes de train  - susceptible d'avoir une incidence même mineure sur la biodiversité ? Nous renoncerions à la conciliation des principes, essence même du politique !

Nous rejoignons l'analyse de la commission des lois : il ne faut pas faire primer la préservation de l'environnement sur les autres principes constitutionnels. Ces derniers ne se hiérarchisent pas ; ils se concilient. Nous préférons donc suivre le Conseil d'État et conforter la Charte de l'environnement afin d'affirmer la primauté du principe cardinal de développement durable.

Le Constituant ne peut se satisfaire d'une réforme aux effets incertains ni se défausser sur le juge en matière environnementale.

Ce projet de loi permettra-t-il d'agir face à l'urgence climatique, au-delà du symbole ? C'est tout le paradoxe du présent texte, symbolique et pourtant source possible d'insécurité juridique.

Le groupe UC votera ce projet de loi tel qu'amendé par nos deux commissions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Nicole Bonnefoy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous sommes à un moment clé de l'évolution de notre civilisation ; la crise sanitaire marque une rupture. Il y aura un avant et un après.

Le monde de demain défendra des priorités que nous nous fixerons. Les États-Unis de Joe Biden montrent la voie, avec un plan de relance de 5 000 milliards de dollars, à la fois social et écologique, financé par la taxation des multinationales et des plus riches, remettant en cause la théorie du ruissellement et des premiers de cordée.

Répondant à l'appel de 155 personnalités, dont de nombreux prix Nobel, pour faire du vaccin contre la Covid un bien commun mondial, Joe Biden a accepté de lever la propriété intellectuelle sur les vaccins. L'Union européenne veut lui emboîter le pas. C'est une avancée considérable. Il existe en effet des biens « communs » qui doivent être soustraits à la logique du marché, du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre : les vaccins, l'eau, le climat, les biens informationnels. Pour construire un monde socialement plus juste et écologiquement viable, nous devons les protéger.

Le groupe SER avait déposé en mai 2020 une proposition de loi constitutionnelle bien plus ambitieuse, visant à inscrire à l'article premier de la Constitution le principe selon lequel la France s'engage à garantir la préservation des biens communs mondiaux.

Le modèle productiviste et le consumérisme à outrance sont à l'origine de catastrophes climatiques et industrielles aux conséquences désastreuses pour la santé comme l'environnement. La pandémie illustre les dérives de notre modèle de développement : elle a conduit à l'arrêt brutal de pans entiers de notre économie, avec des conséquences socio-économiques dramatiques. Le modèle de croissance infinie, qui fut certes une réponse à la Grande dépression et au défi de la reconstruction, a provoqué une crise écologique et sociale qui menace nos institutions et notre civilisation même. Notre monde n'y survivra pas.

Comme le souligne Mireille Delmas-Marty, il est urgent de nous intéresser au destin commun de l'humanité afin d'éviter la résurgence d'un Empire monde. Il est temps que l'Europe se libère de ses tentations souverainistes.

Comment mieux protéger l'environnement et la biodiversité ? Comment répondre à l'urgence climatique ? Comment protéger la forêt amazonienne ? En en faisant un bien mondial, non appropriable, contribuant au bien-être de tous.

Nous vivons un moment décisif pour l'humanité. La notion de biens communs permet un changement de paradigme. Le Président de la République lui-même, dans son discours du 13 mars 2020, reconnaissait « qu'il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ».

Le groupe SER veut renverser la hiérarchie des valeurs et responsabiliser les acteurs pour que les droits fondamentaux soient considérés comme des biens communs de l'humanité.

C'est le sens de nos deux amendements, qui déclinent notre proposition de loi constitutionnelle de mai dernier.

Le monde d'après ne doit pas être le même « en un peu pire », comme dirait Houellebecq, mais un monde écologiquement soutenable, socialement inclusif et démocratiquement participatif.

L'homme n'est pas au centre de la terre ; il fait partie de la nature, dont il n'est qu'une composante.

Le groupe SER réserve son vote en fonction du sort réservé à ses amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La protection de l'environnement et de la biodiversité - bref, de la nature, pour employer un terme qui n'a plus cours -, la lutte contre le dérèglement climatique sont des objectifs partagés.

Sachant que la France ne produit que 1 % de CO2 mondial, on imagine mal comment elle pourra influer sur le dérèglement climatique - mais soit.

Sachant que l'évolution du climat obéit à des phénomènes naturels sur lesquels nous n'avons aucune prise - je pense au Petit âge glaciaire qui atteignit son apogée en France au XVIIe siècle, ou à l'ère glaciaire qui nous fut promise dans les années soixante-dix - on peut juger que la lutte contre le réchauffement climatique est un objectif un peu présomptueux - mais admettons. (Protestations sur les travées du GEST)

Pour autant, la modification constitutionnelle proposée suscite deux réserves. D'abord, réviser la Constitution n'est pas une mince affaire. Le président Buffet l'a dit : la Charte de l'environnement appartient depuis quinze ans au bloc de constitutionnalité, et a une véritable opérationnalité. Pourquoi modifier la Constitution ? Je n'ose y déceler une manoeuvre électoraliste...

Ma seconde réserve tient au fait qu'au sein de la biodiversité, l'être le plus remarquable, celui qui mérite le plus d'attention, c'est l'homme. (Protestations sur les travées du GEST) L'homme est l'être le plus extraordinaire que la nature ait créé, il suffit d'ouvrir les yeux pour le constater. (Protestations sur les travées du GEST ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Je crois que M. le ministre partage cette opinion, lui qui a récemment préfacé le livre du président de la fédération des chasseurs (on se gausse sur les travées du GEST) et fustigé les ayatollahs de l'écologie. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

Tel n'est pas le cas de ce membre de la Convention citoyenne pour le climat qui nous a affirmé, en commission, que l'homme et la pierre sont faits des mêmes atomes...

Que dira le juge constitutionnel ? Je l'ignore. À l'heure où l'impartialité de la justice a cédé le pas à l'indépendance, qui peut dire s'il ne s'affranchira pas de la volonté du législateur et ne décrétera pas que le développement de l'homme ne prime en rien ?

M. Bruno Retailleau.  - Évidemment !

Mme Muriel Jourda.  - Selon les constitutionnalistes, il n'existe aucune interprétation stable du droit en la matière. Dès lors, ce texte ne serait pas seulement inutile, mais dangereux...

L'homme, cependant, ne peut pas tout, car le pouvoir a pour corollaire la responsabilité - notion sans doute dépassée, dès lors que la démocratie trouve son apogée mais dans le tirage au sort ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Ces notions de pouvoir et de responsabilité se retrouvent dans un texte, la Charte, et dans une notion, le développement durable. Je vous invite à voter le texte de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue à 19 h 50.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Laurent Burgoa.  - Lors du scrutin n°116, M. Le Gleut souhaitait ne pas prendre part au vote.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l'environnement (Suite)

Discussion de l'article unique

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article unique

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par Mme V. Boyer.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 5 de la Charte de l'environnement de 2004 est ainsi modifié :

1° Les mots : « bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques » sont remplacés par les mots : « dont la probabilité de survenue est scientifiquement étayée » ;

2° Le mot : « précaution » est remplacé par le mot : « prudence responsable ».

Mme Valérie Boyer.  - Le principe de précaution est devenu le grand épouvantail utile du débat politique alors que sa définition originelle était plus étroite. Il a constitué une plus-value admirable au service de la protection de l'environnement, mais a aussi entrainé l'interdiction de produits qui ne disposaient d'aucune alternative viable, parfois en l'absence de certitude scientifique sur leur dangerosité. Il faut remettre la connaissance scientifique au coeur du débat public pour rationaliser les débats.

Nous avons besoin d'innovations scientifiques pour agir contre le changement climatique et rendre viable notre modèle économique et industriel. Quand il neige, la précaution consiste à ne pas rouler, la prudence à rouler moins vite... (Exclamations moqueuses sur les travées du GEST) Défendons une prudence avisée et responsable plutôt que de prôner une précaution zélée ! Cet amendement est issu des travaux d'Oser la France. (Exclamations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Quelle référence !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ce principe de prudence responsable viserait un dommage dont la probabilité de survenue est scientifiquement étayée.

L'amendement est satisfait, car le principe de précaution ne vise pas des dommages chimériques. La rédaction de 2005 est équilibrée : lorsqu'il existe une probabilité de dommage, même légère, les pouvoirs publics doivent l'évaluer et prendre des mesures provisoires et proportionnées. Ne touchons pas à cet équilibre. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Cet amendement démontre qu'il n'y a pas toujours d'accord sur les mots... Il constitue une régression par rapport à la Charte. Avis totalement défavorable.

L'amendement n°7 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6 de la Charte de l'environnement de 2004, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ....  -  Par application du principe de non-régression, la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante. »

Mme Éliane Assassi.  - Cet amendement et le suivant montrent que d'autres voies étaient possibles pour renforcer l'assise des principes environnementaux dans le bloc de constitutionnalité. Le principe de non-régression environnementale devrait figurer dans la Charte, ce qui le ferait intégrer le bloc de constitutionnalité : il aurait empêché la réintroduction des néonicotinoïdes.

Cela conduirait à une évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous enverrions ainsi un signal positif à nos concitoyens, notamment à ceux qui ont participé à la Convention pour le climat, et au législateur. À défaut, cette réforme ne sera qu'une gesticulation et une manipulation démagogique sans utilité concrète.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le principe de non-régression est satisfait par la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, notamment par la décision du 10 décembre 2020. Il ne serait pas raisonnable d'aller plus loin. Aucun pays au monde n'a adopté un principe aussi strict.

Dans certains cas, je pense au texte dit « betteraves », il doit être possible de revenir sur des mesures de protection de l'environnement pour des raisons très précises et limitées dans le temps. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - En 2016 comme en 2020, le Conseil constitutionnel a affirmé ce principe que notre droit connaît déjà à l'article 110-1 du code de l'environnement. Avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Comme Mme Assassi, nous sommes favorables à une réaffirmation constitutionnelle de la protection de l'environnement, mais nous ne voterons pas ces amendements car nous voulons que ce projet de loi constitutionnelle aille jusqu'au bout. Nous ne voulons pas être instrumentalisés en votant un amendement qui ne permettrait pas de soumettre le texte au référendum. Allons au bout de ce jeu de dupes entre le Gouvernement et Les Républicains !

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur Benarroche, vous avez raison de dénoncer un jeu de dupes, mais je ne comprends pas votre démarche politique. Il est singulier de prôner des enrichissements de la Charte de l'environnement tout en soutenant ce soir le texte du Gouvernement...

M. Éric Kerrouche.  - Le Conseil constitutionnel n'a pas dégagé de l'article 2 de la Charte le principe de non-régression en matière environnementale. Ce serait une avancée importante. Le vote conforme semblant exclu, nous voterons ces amendements.

M. Joël Labbé.  - Savoir que, de toute façon, le vote conforme n'aura pas lieu me déstabilise. Autant arrêter les frais si tout est couru d'avance ! (Exclamations à droite)

Le principe de non-régression est pourtant fondamental. Nous avions eu ce débat sur les néonicotinoïdes et le Conseil constitutionnel ne nous avait hélas pas suivis.

Je ne prendrai pas part au vote et refuse ce jeu de dupes.

M. Guillaume Gontard.  - Nous souhaitons que le texte de l'Assemblée nationale soit soumis aux électeurs car il nous semble aller dans le bon sens. C'est le sens de notre position. Nous sommes bien d'accord avec vous, Madame Assassi ! (Exclamations et rires à droite)

Ensuite, si la droite décide qu'il n'y aura pas de référendum, il n'y en aura pas.

Mme Éliane Assassi.  - Et la navette ?

M. Fabien Gay.  - J'entends dire que le référendum est enterré. Mais il y a une navette parlementaire ! S'il n'y a pas de vote conforme, le texte reviendra devant l'Assemblée nationale puis devant le Sénat. (M. le ministre le confirme.)

Dans ce jeu vicié, il y a aussi le respect des institutions et de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau.  - Bravo !

M. Fabien Gay.  - Je le dis à nos collègues écologistes : si vous ne voulez pas enrichir le texte, ne déposez pas d'amendement... (Mêmes mouvements)

Nous pourrions nous retrouver sur la non-régression environnementale. Dans les temps compliqués que nous traversons, la gauche gagnerait à s'unir sur de tels sujets. D'ailleurs, nous voterons l'amendement des écologistes qui viendra tout à l'heure.

M. Philippe Bas.  - Le Gouvernement a été bien content de pouvoir revenir sur des décisions environnementales - je pense à la taxe sur le diesel - pendant la crise des Gilets jaunes... Il faut garder la mesure, sauf à risquer de perdre beaucoup plus que les avancées que l'on entend réaliser.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Avant l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 6 de la Charte de l'environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ....  -  Le principe de solidarité écologique appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l'environnement, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés. »

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Satisfait. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

ARTICLE UNIQUE

Mme Nicole Bonnefoy .  - Alors que la pandémie tue, notamment en Inde et au Brésil, notre seule arme pour parvenir à une immunité collective réside dans les vaccins.

Nous devons favoriser l'accès de tous à ces vaccins et en faire un bien commun mondial.

Joe Biden et l'Union européenne s'y sont déclarés favorables. C'est d'autant plus justifié que les laboratoires ont été massivement soutenus par les États, et donc par les contribuables.

D'après les scientifiques, d'autres pandémies surviendront : la France doit se mobiliser pour faire des vaccins et des traitements des biens communs mondiaux ! Nous appelons de nos voeux ce changement de société. (Applaudissement sur les travées du groupe SER)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Nous arrivons au coeur des débats avec cet article unique.

Les commissions des lois et de l'aménagement du territoire proposent de reprendre l'avis du Conseil d'État. Pourtant, les formules retenues manquent d'ambition : le Sénat, ainsi, joue le rôle qu'on attendait de lui en vidant le projet de loi constitutionnelle de sa substance et en le condamnant à une navette permanente. Il a ainsi fait le choix d'être le meilleur alibi du Président de la République pour un renoncement qui aura un goût amer pour les membres de la Convention citoyenne et pour nous autres parlementaires.

Il n'existe pourtant pas de hiérarchie entre les droits et libertés constitutionnels, contrairement à ce qu'affirme la commission des lois. Le terme « garantir » ne pose pas un droit.

En réalité, cette guerre sémantique ne vise qu'à une régression du droit de l'environnement, comme ce fut le cas sur les néonicotinoïdes et la loi ASAP.

Nous ne voterons pas l'article unique.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Folliot.

Supprimer cet article.

M. Philippe Folliot.  - « Charles, réveille-toi, ils sont devenus fous ! » : telle est l'injonction que nous pourrions faire au fondateur de la Vème République. (Murmures désapprobateurs sur plusieurs travées)

Les enjeux environnementaux sont essentiels. Faut-il pour autant changer la Constitution ?

De par sa genèse, ce texte pose problème : les commissions parlementaires auraient-elles moins de légitimité que des citoyens tirés au sort ?

En outre, il ne faut toucher à la Constitution que d'une main très tremblante, pour paraphraser Montesquieu.

Enfin, je ne reviendrai pas sur les conséquences de ce texte ; M Philippe Bonnecarrère l'a très bien démontré.

Nous risquons une judiciarisation de la société néfaste aux projets portés par les collectivités locales.

Cet amendement supprime donc l'article unique.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. La commission des lois préfère réécrire l'article.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois.

Remplacer les mots :

Elle garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique

par les mots :

Elle préserve l'environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l'environnement de 2004

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement réécrit l'article premier pour éviter les effets inconnus du verbe « garantir ». Il s'agit d'établir une articulation claire entre l'article premier de la Constitution et la Charte de l'environnement, mais aussi d'inclure la lutte contre le dérèglement climatique dans les objectifs de cette Charte, car cette dernière ne le mentionne pas. La commission des lois s'y est montrée majoritairement favorable.

M. le président.  - Amendement identique n°3, présenté par M. Chevrollier, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis.  - Cet amendement présente l'avantage juridique de suivre l'avis du Conseil d'État et il invite à des politiques publiques plus ambitieuses sans créer de hiérarchie entre les principes constitutionnels. Enfin, il a une portée symbolique en intégrant la lutte contre le changement climatique dans la Constitution. La France serait ainsi le premier pays du Nord à s'engager dans cette voie.

M. le président.  - Amendement identique n°5 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Marseille, Allizard, Anglars, J.M. Arnaud, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti, Berthet et Billon, MM. J.B. Blanc, Bonne, Bonneau, Bonnecarrère et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Boré et Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier, Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Cadic et Calvet, Mme Canayer, MM. Canévet, Capo-Canellas, Cardoux et Cazabonne, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon et Chauvet, Mme Chauvin, MM. Cigolotti, Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Daubresse et de Belenet, Mmes de La Provôté et Demas, M. S. Demilly, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Di Folco, Dindar et Doineau, M. Duffourg, Mmes Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, M. Favreau, Mme Férat, M. B. Fournier, Mmes C. Fournier, Garnier et Gatel, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin, N. Goulet et Gruny, MM. Guené et Gueret, Mme Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, MM. Hingray, Houpert et Husson, Mmes Imbert, Jacquemet et Jacques, M. Janssens, Mmes Joseph et M. Jourda, MM. Karoutchi, Kern, Klinger et Lafon, Mme Lassarade, MM. Laugier et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, Le Gleut, Le Nay et H. Leroy, Mme Létard, M. Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, Louault, Le Rudulier et Longuet, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli, P. Martin et Maurey, Mme M. Mercier, MM. Mizzon et Moga, Mme Morin-Desailly, M. Mouiller, Mme Muller-Bronn, MM. Nachbar et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Paccaud, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec et Perrin, Mme Perrot, M. Piednoir, Mme Pluchet, M. Poadja, Mme Primas, M. Prince, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Regnard, Reichardt, Rietmann et Rojouan, Mme Saint-Pé, MM. Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mme Tetuanui, M. Vanlerenberghe, Mmes Vérien et Vermeillet et MM. C. Vial et Vogel.

M. Bruno Retailleau.  - On ne perd jamais son temps à lire le journal le dimanche matin. On en a généralement pour son argent... (Exclamations agacées à gauche)

Avant même que le Sénat n'examine ce texte, d'aucuns l'accusaient de bloquer la révision et le référendum. Il faudrait que nous votions conforme un texte issu d'une conférence de 150 citoyens tirés au sort - la démocratie du hasard, de la courte paille !

On ne peut pas reprocher au Sénat de ne pas faire un travail de fond. Nos commissions ont travaillé sérieusement, en prenant en compte la formulation suggérée par le Conseil d'État. D'ailleurs, vous nous proposiez ce terme il y a un an. Ce n'est donc pas une lubie du Sénat. N'introduisons pas, avec le mot « garantir », le virus de la décroissance dans notre Constitution ! (Protestations à gauche) Nos concitoyens veulent que nous conciliions développement économique et respect de l'environnement.

Nous n'abdiquerons pas notre responsabilité de constituant au profit d'un Gouvernement de juges !

Je ne suis pas opposé à un referendum ; j'ai même hâte d'en connaître le résultat ! (Exclamations à gauche tandis qu'on applaudit sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°19 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après le mot :

préservation

insérer les mots :

et l'amélioration constante

M. Guy Benarroche.  - L'objectif d'amélioration constante de l'environnement n'a aujourd'hui qu'une valeur législative, inscrite à l'article 110-1 du code de l'environnement.

Afin de renforcer sa portée juridique et d'élargir son champ d'application, ce principe doit être élevé au rang constitutionnel, dans le but de lui conférer une valeur égale à celles des principes constitutionnels de droits de propriété ou de liberté des entreprises.

La France serait ainsi mieux armée pour se conformer aux objectifs instaurés par l'Accord de Paris et, plus généralement, à ses engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de promotion de la résilience.

Si les amendements précédents n'étaient, par extraordinaire, pas adoptés, nous retirerions le nôtre conformément à nos engagements, afin de ne pas modifier le texte original et d'aller au référendum que M. Retailleau appelle de ses voeux.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Remplacer les mots :

et de la diversité biologique

par les mots :

, de la diversité biologique et de l'ensemble des biens communs mondiaux

M. Patrick Kanner.  - Le Président de la République n'a plus que sa réélection en tête et confond la Constitution avec un tract de campagne...

Les Français, cependant, n'ont pas la mémoire courte et un peu de vernis vert ne fera pas oublier les renoncements sur les néonicotinoïdes, le glyphosate, le chlordécone, la multiplication des accords de libre-échange sans clauses environnementales, l'artificialisation des sols, la poursuite des forages, la limitation des propositions de la Convention, quand elles n'étaient pas effacées.

Mais là, la proposition est reprise sans filtre...

Ce débat est une occasion rare d'enrichir notre arsenal constitutionnel. Un référendum ne saurait se réduire à un plébiscite. Règle verte, non-régression, écocide... Nous aurions pu en débattre, mais le débat est clos. Le Gouvernement veut faire endosser au Sénat la responsabilité de l'échec de la réforme. La dernière année de ce quinquennat est décidément marquée par les manigances et les faux-semblants !

Oui mais non, non mais oui, peut-être, on ne sait pas... Comme pour la levée des brevets sur les vaccins, comme sur cette réforme, le Gouvernement joue une valse à trois temps. Il voudrait plomber cette réforme qu'il ne s'y prendrait pas autrement !

Le vote du texte par les deux assemblées dans des termes différents ne fait pas constitutionnellement obstacle au référendum : celui-ci n'empêche pas la discussion de se poursuivre.

Dans cet amendement, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reprend la proposition de loi de Nicole Bonnefoy examinée le 20 décembre par le Sénat, qui intègre dans la Constitution la notion de biens publics mondiaux. La France en sortirait grandie.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°13, en raison de l'opposition de notre commission au verbe « garantir ». De plus, cet amendement est satisfait par l'article 2 qui introduit l'obligation pour toute personne de « prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ».

Avis également défavorable à l'amendement n°11 : la notion de biens communs mondiaux est encore trop floue pour être intégrée à la Constitution, comme le concluait le rapport d'Arnaud de Belenet sur ce sujet en décembre dernier.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'entends les inquiétudes de certains, qui cherchent la démocratie comme Diogène cherchait la justice. Mais elle est partout dans ce texte. Dans la Convention citoyenne pour le climat d'abord, dont les recommandations doivent être entendues. Le Président de la République les a transmises à l'Assemblée nationale qui, à ce que je sache, compte aussi des juristes. Personne n'a le monopole de l'écologie, certes, mais personne n'a celui de la perfection juridique.

Monsieur Retailleau, monsieur Bas, vous avez-vous aussi proposé une modification de la Constitution sur la laïcité en tenant à vos mots. Souffrez que le Gouvernement tienne aux siens. Que puis-je dire de plus ?

Je suis défavorable à votre amendement n°2 qui vide de sa substance la proposition de la Convention citoyenne pour le climat. Elle deviendrait alors purement symbolique, n'ajoutant rien à la Charte si ce n'est la mention du dérèglement climatique.

Ce renvoi à la Charte se surajoute à celui qui figure dans le Préambule de la Constitution de 1958. De plus, il fragilise le droit environnemental en encadrant la préservation de l'environnement dans les conditions prévues par la Charte, excluant implicitement les autres normes dont le code de l'environnement.

Notre projet apporte au contraire une plus-value grâce à l'emploi du terme « garantir » qui met à la charge de l'État une quasi-obligation de résultat ou, si vous préférez, une obligation de moyens renforcée en matière de préservation de l'environnement. C'est une exigence impérieuse au regard de la situation. Avis défavorable aux amendements identiques nos2, 3 et 5 rectifié. La démocratie suivra son cours avec la navette.

Il est effectivement utile de lire le Journal du Dimanche. J'y ai lu que ma participation à ce débat était inutile, mais je suis venu ! Je crois au débat parce que la démocratie m'importe.

Avis également défavorable aux amendements nos13 et 11. Je me suis déjà exprimé sur le principe de non-régression.

Quant à l'idée d'inscrire dans la Constitution les biens communs mondiaux...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est beau !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - C'est beau, mais ce n'est pas assez précis.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous ne méconnaissons pas le code de l'environnement, mais il y a la hiérarchie des normes : la Constitution est supérieure à la loi, qui est supérieure au règlement, qui est supérieur au décret. Par définition, la Constitution couvre l'ensemble des dispositions.

M. Alain Richard.  - Et elle ne cite jamais de loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - En effet. Nos doutes sur les conséquences du mot « garantir » ont été renforcés par nos auditions, et surtout l'avis du Conseil d'État, qui est d'une grande clarté à cet égard.

M. Éric Kerrouche.  - La Convention citoyenne pour le climat ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité. N'ayons pas de condescendance pour cette forme de consultation citoyenne. Cette procédure vient compléter la démocratie parlementaire et il convient de le prendre au sérieux.

Ne nous laissons pas prendre au piège de la procédure : ce que laisse entendre le Gouvernement, c'est que le Président de la République pourrait arrêter la navette en rendant le Sénat responsable de l'échec.

Quant au gouvernement des juges, nous nous sommes tous félicités que le juge constitutionnel prenne toute sa compétence en donnant à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen une valeur constitutionnelle, en dégageant des principes de valeur constitutionnelle et des principes particulièrement nécessaires à notre temps. Il s'est ainsi fait le garant de nos libertés.

L'amendement de la majorité sénatoriale et des commissions minore l'effet du texte, sous prétexte des effets néfastes du verbe « garantir ». Or vous le savez bien, il n'a pas la force que vous lui prêtez - sinon l'égalité entre hommes et femmes serait assurée depuis longtemps ! La querelle sémantique permet d'éviter de débattre du fond. Nous ne voterons pas ces amendements.

Mme Esther Benbassa.  - Le Sénat s'apprête à vider ce texte de sa substance, alors que la situation est des plus préoccupantes, voire menaçante. Notre responsabilité est de trouver des solutions et de les appliquer. Rien ne semble pouvoir arrêter la destruction de la planète, que ni le profit ni les dividendes ne pourront sauver. Les jeunes l'ont compris et manifestent par dizaines de milliers pour obtenir des changements.

On trahit la Convention citoyenne pour le climat en refusant de « garantir » et de « lutter contre », d'affirmer la primauté de l'écologie sur l'économie ! Le projet est dans l'impasse. Il n'y aura pas de référendum... Le président Macron a sûrement d'autres préoccupations en tête. L'écologie ne sert qu'à verdir les bulletins de temps à autre. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Ronan Dantec.  - Je suis un peu déçu par ce débat, qui manque quelque peu de souffle au regard des enjeux. Nous voyons beaucoup de calculs politiciens... Beaucoup d'interventions reviennent à dire que l'économie et la société française ne sont pas capables de garantir la préservation de l'environnement.

Lire le journal, c'est intéressant, mais il faut aussi lire le Préambule de la Constitution de 1946 : « Le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. » Il ne vise pas seulement les Français.

Or la dégradation de l'environnement est devenue une des grandes atteintes aux droits de l'Homme. Renouons avec l'universalisme qui est l'essence de 1789 et du Préambule de 1946 ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Thomas Dossus.  - Nous ne voterons pas cette version du texte édulcorée par la droite. Que pèsent les risques d'instabilité juridique par rapport au chaos climatique ? Les études économiques ont prouvé que le coût de l'inaction est supérieur à celui de l'action. Le temps est venu d'un cadre juridique clair, avec une obligation de réussite. C'est ce que permet le terme « garantir ».

Depuis des mois, la majorité sénatoriale accuse les élus écologiques de défendre une idéologie totalitaire, nous caricaturant en despotes de la piste cyclable... Vous aviez l'occasion d'un recours au peuple (Interruptions à droite) pour avoir enfin un débat démocratique sur l'avenir de notre République. Vous pouviez faire trancher ce choix de société par les Français, mais vous préférez le renoncement. Le GEST ne votera pas cette nouvelle formulation. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Guillaume Gontard.  - Le terme « garantit » implique une obligation de moyens contraignants. C'est une avancée importante qu'il faut soutenir, surtout lorsqu'on affirme que l'écologie n'est pas le fait d'un parti. Mais certains préfèrent défendre une somme d'intérêts privés plutôt que l'intérêt général. M. Retailleau a raison : nous devons débattre du sujet. Rejetons donc les amendements des rapporteurs et allons au référendum.

M. Guy Benarroche.  - Le moment où l'on refuse d'avancer est toujours grave et signifiant.

Cet amendement illustre les contradictions de votre raisonnement. La majorité sénatoriale dit vouloir rectifier les incertitudes juridiques du texte, mais oublie qu'il reviendra toujours au juge d'arbitrer entre différents objectifs constitutionnels.

De plus, on ne peut pas reprocher à la fois au texte d'être trop incertain et trop prescripteur. Deux médecins, trois avis, a-t-on coutume de dire...

Le terme « garantit » ne fait pas consensus parmi les constitutionnalistes. Au pire, il serait inutile. En réalité, il vous fait peur, comme la référence à des propositions issues de la démocratie participative. Si vous voulez une formulation plus sobre, c'est que la rédaction d'origine est plus percutante.

En empêchant l'adoption du texte en des termes identiques à ceux de l'Assemblée nationale, le référendum est compromis. De la sobriété, nous passons à l'abstinence. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jean-Yves Leconte.  - On peut certes avoir des doutes sur la rédaction du Gouvernement, mais ce qui est sûr, c'est que, avec les amendements des commissions, on ne fera plus rien. Philippe Bas l'a reconnu en commission : une fois retiré le venin du texte, il ne reste plus grand-chose...

La Charte de 2005 a été un progrès, mais elle ne suffit pas, comme l'affaire dite du siècle le montre. ?uvrons à la préservation des biens communs - climat, santé, eau - comme le groupe SER le propose !

Cet enjeu n'a pas de frontières : nous devons trouver ensemble des solutions. Soyez fidèles à notre histoire universaliste et innovez ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le rapporteur, pourquoi donc présentez-vous cet amendement n°2 ? Je comprends vos arguments contre l'emploi du terme « garantit ». Mais vous proposez d'écrire que la France « agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l'environnement de 2004 ». Or la Charte de l'environnement a déjà valeur constitutionnelle : vous nous proposez donc d'écrire dans la Constitution qu'il faut respecter la Constitution... Cela s'appelle une aporie ! Éclairez-moi, car je n'ai pas entendu un seul argument en faveur de cette rédaction.

Préserver les biens communs de l'humanité, comme l'ont évoqué Nicole Bonnefoy et Patrick Kanner, est une belle idée. Elle est dans la continuité de tous ceux qui défendent des politiques sociales et progressistes depuis deux siècles. Le but de la politique est le bien commun. Plutôt que l'aporie proposée par l'amendement du rapporteur, écrivons quelque chose de fort.

Mme Éliane Assassi.  - Je tiens à clarifier la position du groupe CRCE, qui préfère renforcer la Charte de l'environnement.

Certains oublient que l'article premier de la Constitution définit d'abord des valeurs, pas des principes d'action ou des politiques sectorielles. Il définit le rôle des pouvoirs publics et leurs relations entre eux. Il nous paraît donc préférable de compléter la Charte de l'environnement pour lui donner sa pleine puissance.

M. Alain Richard.  - Je m'exprimerai à titre personnel sur ces amendements. Je ne comprends pas les objectifs mêmes de cette révision constitutionnelle, qui est proclamatoire et peu productive.

La lutte pour la biodiversité et contre le réchauffement climatique est multiforme, négociée et exige un approfondissement scientifique constant. Le code de l'environnement ne contient pas une seule règle de fond : il n'est fait que de procédures, assorties de multiples dérogations pour permettre la mise en oeuvre de projets de protection de l'environnement, notamment en matière d'énergie et d'épuration.

Vouloir résumer en un mot l'ensemble de ces politiques serait contre-productif et contraindrait nos politiques industrielles, agricoles et d'aménagement.

La biodiversité encore mal connue. Lisez la littérature scientifique : les zones d'incertitude sont considérables. Ne nous méprenons pas sur le rôle d'une Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Labbé.  - Nous sommes en situation de péril ; l'urgence est scientifiquement prouvée. La Charte de l'environnement a été un progrès à l'époque, mais depuis 2004 la situation continue à se dégrader.

Les jeunes générations ont besoin de symboles et de projets collectifs alors que 50 % de nos concitoyens ne s'intéressent plus à la politique. De plus en plus de jeunes couples ne veulent plus d'enfants. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut se remettre en question et aller vers une nouvelle société. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Joël Bigot et Mme Nicole Bonnefoy applaudissent également.)

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos2, 3 et 5 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°117 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 216
Contre 123

Le Sénat a adopté.

Les amendements nos13 et 11 n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Guiol, Mme Pantel et M. Requier.

Compléter cet article par les mots :

, et ses conséquences

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Le rapport de la délégation à la prospective du Sénat, présenté par Ronan Dantec et Jean-Yves Roux en mai 2019 et intitulé « Adapter la France aux dérèglements climatiques à l'horizon 2050 : urgence déclarée », souligne la nécessité pour la France « de se préparer à absorber un choc climatique inévitable » lié à l'aggravation des risques naturels, à l'apparition de maladies, au stress hydrique, aux dangers pour l'agriculture et l'alimentation.

Adopté à l'unanimité, il préconise des mesures d'accompagnement des territoires, d'adaptation du bâti, d'évolution de notre modèle agricole.

Cet amendement précise dans la Constitution que la lutte contre le dérèglement climatique suppose une lutte contre ses conséquences qui menacent la vie quotidienne de nos concitoyens.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Lutter contre la cause, c'est lutter aussi contre les effets. La précision n'est pas indispensable. De plus, il n'est pas opportun d'introduire des mesures trop indéterminées.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Compléter cet article par les mots :

, dans le respect des limites planétaires

M. Guy Benarroche.  - Il est nécessaire d'introduire une quantification des objectifs environnementaux de notre pays.

Proposé en 2009 par une équipe internationale, ce concept de limites planétaires est déjà utilisé par des grands groupes industriels privés pour confronter leur impact sur l'environnement à la capacité de notre planète à l'absorber.

Notre société ne doit pas évoluer au détriment de notre planète. Ainsi, cette inscription dans la Constitution imposerait d'inscrire dans le droit des limites chiffrées d'émission de CO2, de destruction forestière, de limites de pêche, etc.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement me semble superflu. Avis défavorable. (On ironise sur les travées du GEST.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Mêle avis.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle garantit aux générations présentes et à venir le droit de vivre dans un environnement sain et sûr.

M. Guy Benarroche.  - Nous demandons de consacrer dans la Constitution le droit des générations actuelles et futures à vivre dans un environnement sain.

Les atteintes à la biodiversité et à l'environnement pourraient, à terme, entraîner la destruction de l'humanité. La France doit mettre en oeuvre les politiques environnementales nécessaires pour limiter l'impact des activités humaines à un niveau permettant à l'humanité de disposer des fonctions essentielles de la biosphère. Nous n'héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants. Le comité des droits de l'homme des Nations unies a, le 30 octobre 2018, dit ses craintes quant aux effets de la dégradation de l'environnement.

Le droit à un environnement sain est inscrit dans la Charte de l'environnement. Renforçons sa portée juridique en l'érigeant en principe constitutionnel à l'article premier de la Constitution.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le Préambule de la Charte de l'environnement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle assure un haut niveau de protection de l'environnement selon le principe de non-régression.

M. Guy Benarroche.  - Après satisfait et superflu, j'attends le troisième S... (Sourires)

Le principe de non-régression protège les droits des générations futures en renforçant les exigences écologiques lors des prises de décision. Il crée une obligation positive, notamment pour le législateur, de ne pas dégrader les avancées écologiques.

En dépit de l'urgence climatique, certaines décisions sont moins-disantes au niveau environnemental. Il est essentiel d'affirmer qu'à défaut de faire plus, on ne peut plus se permettre de faire moins. (Mme Esther Benbassa applaudit.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable comme sur l'amendement n° 9. L'article 2 de la Charte est clair sur ce point.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Avis défavorable : je n'ai pas, moi non plus, changé d'avis depuis l'examen de l'amendement n°9.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par MM. Guiol, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Lozach et Mizzon, Mme Varaillas et M. Iacovelli.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le premier alinéa du même article 1er est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle reconnait la diversité de ses territoires et assure leur cohésion par un développement social, économique et environnemental équilibré. »

M. André Guiol.  - A la proposition du Président de la République d'inscrire dans l'article premier de la Constitution notre engagement en faveur de l'environnement, doivent être associés l'ensemble de nos concitoyens et des territoires, qu'ils soient urbains, péri-urbains ou ruraux. Il existe un lien intime et subtil qui relie environnement et territoires. La cohésion des territoires doit être le moteur de la transition écologique.

Souvenons-nous d'Hubert Reeves : si l'homme gagne sa guerre contre la nature, il est perdu !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui présente une rédaction complexe.

Quels seraient les effets juridiques de la reconnaissance de la diversité des territoires ? La proposition de loi constitutionnelle de MM. Bas et Larcher y faisait référence en 2015, mais c'était explicitement pour qu'ils soient bien représentés au sein de notre assemblée.

La nécessité d'assurer la cohésion des territoires me semble satisfaite par l'article 6 de la Charte de l'environnement. Cet objectif n'est au demeurant pas suffisamment défini pour avoir valeur constitutionnelle. La solidarité entre les Français est déjà garantie par la Constitution.

Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis pour les mêmes raisons.

M. André Guiol.  - Cet amendement est soutenu par une centaine de maires de petites communes.

L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article unique, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article unique

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le quinzième alinéa est complété par les mots : « , de la protection du sol et de la garantie de la sécurité et de l'autonomie alimentaires » ;

2° ° Après le dix-septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La loi détermine les mesures garantissant le respect des biens communs par l'encadrement du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre. »

L'amendement n°12 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l'article 39 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les projets et propositions de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat sont accompagnés d'une évaluation de leur impact climatique, dont les modalités sont définies par une loi organique. »

M. Guy Benarroche.  - La France ne dispose pas de moyens pour piloter et mesurer l'impact des lois au regard de l'objectif carbone fixé pour 2050. Il est indispensable d'intégrer une évaluation des impacts climatiques dans le processus de conception des politiques publiques.

Le Haut Conseil pour le climat, dans un rapport publié le 18 décembre 2019, recommandait de mettre en place l'évaluation climatique des projets et propositions de loi.

Cette évaluation permettrait d'instaurer un principe d'irrecevabilité climatique, applicable aux lois et aux investissements publics jugés incompatibles avec l'Accord de Paris et la stratégie nationale bas carbone.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - Je suis déçu !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'étude d'impact existe déjà pour les projets de loi. Avons-nous la capacité de les mener pour les propositions de loi ? Cela parait difficile et peu adapté. Les études d'impact sur les projets de loi, enfin, peuvent être de toute nature. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le titre XI bis de la Constitution, il est inséré? un titre ainsi rédigé? :

« Titre ...

« Le Défenseur de l'environnement

« Art. 71-....-Le Défenseur de l'environnement veille a? la préservation de l'environnement par l'État, ses collectivités territoriales, ses établissements publics, ses organismes investis d'une mission de service public ainsi que par toute autre personne.

« Il veille au respect de cette préservation et du principe de non-régression associé.

« Il veille a? ce que les politiques publiques respectent les limites qui conditionnent l'habitabilité? de la terre pour les générations actuelles et futures.

« Il rend public, a? ce titre et lorsqu'il l'estime nécessaire, des avis sur les projets et les propositions de loi ainsi que sur les évaluations qui les accompagnent avant leur discussion au Parlement.

« Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne estimant que la préservation de l'environnement est menacée. Il peut se saisir d'office.

« La loi organique définit les attributions et les modalités d'intervention du Défenseur de l'environnement. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assiste? par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions.

« Le Défenseur de l'environnement est nommé? par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.

« Le Défenseur de l'environnement rend compte de son activité? au Président de la République et au Parlement. »

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement, qui reprend une demande de plusieurs associations, crée, sur le même modèle que le défenseur des droits, un défenseur de l'environnement. (On ironise à droite.) C'est le défenseur des droits ou le défenseur de l'environnement qui vous fait cet effet ?

Cette autorité constitutionnelle indépendante veillerait au respect par l'État et ses administrations de l'engagement écologique. L'action du défenseur des droits est très utile, nous l'avons observé ces derniers temps.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. L'idée est intéressante. Le Gouvernement a confié à une députée, Cécile Muschotti, une mission temporaire sur le sujet.

Il pourrait être utile de créer un mécanisme de médiation. Le droit de l'environnement étant très complexe, il est toujours préférable de réduire le nombre de contentieux. La commission est moins convaincue par la création d'une instance consultative. N'oublions pas qu'il existe un Conseil économique, social - et environnemental - que nous avons réformé il y a quelques semaines. Rappelons aussi que le défenseur des droits pourrait défendre, plus qu'il ne le fait actuellement, le droit de vivre dans un environnement sain.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Le Premier ministre a confié une mission à Mme Muschotti pour définir le contour d'un futur défenseur de l'environnement. Son rapport sera rendu à l'été ; attendons ses conclusions. Retrait ou avis défavorable.

Nul besoin, en outre, de l'inscrire dans la Constitution.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

INTITULÉ DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par Mme V. Boyer.

Compléter cet intitulé par les mots :

, de la biodiversité, du climat et de nos paysages naturels.

Mme Valérie Boyer.  - Cet amendement ajoute les notions de « biodiversité, de climat et de paysages naturels » à des fins de lisibilité et d'une plus grande cohérence avec les modifications prévues par le texte.

La biodiversité est définie par la Convention sur la diversité biologique comme « la variabilité des êtres vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces, ainsi que celle des écosystèmes »

Face aux écologistes hors-sol qui opposent écologie et écosystèmes, défendons nos paysages, une écologie du bon sens, dans le respect de notre territoire, de son identité et de ses spécificités. (M. Ronan Dantec hoche la tête d'un air désolé.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement n'aura aucun effet juridique. En outre, nous avons cité la « diversité biologique » et non la biodiversité, pour être en cohérence complète avec la Charte.

La protection des paysages, enfin, depuis la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, relève de la défense du patrimoine, non de l'environnement. Nos paysages sont au demeurant fort peu naturels, mais bien plutôt les produits de l'histoire. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°8 est retiré.

Interventions sur l'ensemble

M. Patrick Kanner .  - Quel gâchis ! Une grande cause soutenue par les Français va exploser en vol ce soir ! (Mme Françoise Gatel proteste.) À qui la faute ? Sûrement à l'exécutif qui, avec un cynisme assumé, n'a pas pris les voies et moyens pour arriver à un vote conforme, espérant que le référendum n'ait pas lieu.

La manipulation de l'opinion et l'instrumentalisation du Parlement ne sont pas à votre honneur, monsieur le garde des Sceaux, ni à celui du chef de l'État.

Ce crash est aussi dû à la droite sénatoriale qui s'est engouffrée dans le piège avec délectation. (M. Loïc Hervé proteste.)

Devant une telle situation, nous vous laisserons dos à dos en nous opposant à ce texte. (On ironise sur les travées du groupe UC.) La protection de l'environnement et des biens communs méritait mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Nadège Havet .  - Dans certains cas, le Sénat bénéficie d'une forme de dernier mot, notamment lorsqu'il s'agit de modifier la Constitution. Il a choisi une rédaction sans portée juridique sous prétexte d'une incertitude sur celle de l'Assemblée nationale.

Dans ce référendum que nous souhaitons tous, soutenir le oui équivaudrait à tenter de convaincre nos compatriotes de voter un texte sans portée juridique...

Notre groupe votera majoritairement contre la version sénatoriale, insuffisamment protectrice de l'environnement.

Je regarderai ce soir avec nostalgie les photos de notre planète si belle et si fragile, prises par Thomas Pesquet depuis l'espace... (Applaudissements sur les travées du groupe du RDPI)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - A l'heure où la légalité de nos institutions est parfois menacée, le tirage au sort est une mauvaise idée. Nous déplorons solennellement une reprise « sans filtre » des textes qui affaiblit nos institutions. Vous soumettez au Parlement un texte qui n'a pas vocation à évoluer : quelle conception du débat parlementaire !

Les rumeurs de l'Élysée le montrent : il n'y aura pas de référendum ; ce texte est un moyen facile de donner des gages aux conventionnels, tout en vous défaussant sur le Sénat. C'est une manipulation grossière !

La droite républicaine défend une écologie de progrès, (on ironise sur les travées du groupe SER) qui soit en accord avec le développement économique et le progrès social, dans l'esprit de l'article 6 de la Charte de l'environnement.

Je salue le travail de nos deux rapporteurs, qui ont levé toute ambiguïté juridique. Nous ne voulions pas « constitutionnaliser le doute » et laisser au juge constitutionnel un trop fort pouvoir d'appréciation.

Nous voterons ce texte. La balle est dans le camp du Gouvernement et de la majorité : à eux de prouver que tout cela n'était pas un jeu cynique aux dépens du Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Gontard .  - Je regrette ce qui ressemble à un énorme gâchis. Si nous modifions la Constitution, c'est bien pour cela serve à quelque chose !

La droite craint que la rédaction de l'Assemblée nationale conduise à une obligation de résultat ; nous l'espérons, au contraire ! Comme l'a dit Jean-Pierre Sueur, si vous étiez contre cette révision, il fallait le dire clairement et voter contre. Nous aurions pu ainsi consulter les Français sur l'opportunité d'un cadre contraignant.

Des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, le Président de la République n'en a gardé que 14, dont celle-ci. Mais il savait très bien que le référendum n'aurait pas lieu : ce jeu de dupes est très regrettable.

M. Guy Benarroche .  - (Protestations à droite contre l'intervention d'un deuxième orateur du même groupe) Le monde est en danger et nous devons le sauver.

Nous avons perdu une occasion d'avancer sur un enjeu essentiel. La majorité gouvernementale et la droite sénatoriale sont complices dans cette opération d'enfumage.

Le GEST votera contre ce texte, qui tente de faire échec au recours au peuple. Les Français jugeront !

Nous voterons contre le résultat de vos positions caricaturales, contre un texte qui ne prend pas la mesure de l'urgence climatique. Nous aurions voulu voter pour un texte qui établisse une garantie. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Françoise Gatel .  - Personne, ici, n'a le monopole de l'environnement. Nombre d'élus locaux le protègent dans les territoires.

Le modèle de développement durable place l'homme en son centre. Je suis très attachée à la démocratie participative mais il faut avoir le même respect pour le Parlement et ses élus. N'instrumentalisez pas nos votes en nous taxant de conservateurs et de massacreurs de l'environnement !

Mme Esther Benbassa.  - C'est pourtant vrai !

Mme Françoise Gatel.  - C'est faux. (M. Philippe Bas renchérit.) Simplement, nous n'acceptons pas votre modèle extravagant et caricatural ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains ; protestations sur les travées du GEST)

Mme Éliane Assassi .  - Démocratie participative et démocratie représentative se nourrissent l'une l'autre. Il ne s'agit pas de les opposer.

Je me félicite du travail de la Convention citoyenne pour le climat ; mais je dénonce la récupération politique qu'on en a faite. Chacun veut se l'approprier...

Ce qui a été écrit dans un journal dominical - qui n'est pas l'Humanité Dimanche (Rires) - illustre cette volonté d'instrumentaliser. Tout a été fait ce week-end pour plomber ce débat. Nous n'avons pas été dupes. Mon groupe était contre la rédaction du Gouvernement ; il est contre sa réécriture par la majorité sénatoriale.

Le projet de loi sur le climat sera l'occasion d'un vrai débat de fond sur ce que chacun propose.

Le projet de loi constitutionnelle est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°118 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 212
Contre 124

Le Sénat a adopté.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Alain Marc.  - Lors du scrutin public n°117, Mme Colette Mélot et M. Jean-Louis Lagourgue souhaitaient s'abstenir.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Prochaine séance, demain, mardi 11 mai 2021, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 40.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 11 mai 2021

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires de séance : MM. Loïc Hervé et Pierre Cuypers

- Projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (texte de la commission, n°533, 2020?2021)