Prévention d'actes de terrorisme et renseignement (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.

Discussion générale

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Voilà près de quatre ans, le Sénat adoptait la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT). Il s'agissait alors, en 2017, de sortir de l'état d'urgence qui n'avait pas vocation à constituer un état permanent.

Cette loi, entrée en vigueur le 1er novembre 2017, a mis en place des outils nouveaux pour lutter efficacement contre le terrorisme tout en préservant les libertés individuelles.

Le présent texte s'inscrit dans le même équilibre. Il combine les lois SILT et Renseignement du 24 juillet 2015.

Notre motivation et notre détermination pour lutter contre le terrorisme sont constantes. Nous renforçons les moyens des services spécialisés - mille postes supplémentaires depuis 2017 et des investissements importants  - et nous traquons sans relâche les ennemis de la République, de la laïcité, des droits des femmes, de la liberté d'expression.

Ce projet de loi n'est pas un point de bascule, bien au contraire : il s'inscrit dans une dynamique dont nous vous avons régulièrement rendu compte.

Je salue le travail de nos forces de sécurité qui, chaque jour, luttent pour la sécurité des Français.

Depuis 2017, le territoire national a été touché par quatorze attentats terroristes islamistes ayant causé 25 morts et 83 blessés. J'ai, bien sûr, une pensée pour toutes ces victimes.

Dans le même temps, depuis 2017, 36 attentats ont été déjoués par nos services, dont trois encore en 2021.

La loi SILT a offert à nos services un cadre législatif efficace et adapté à leur action. L'autorité administrative s'est vu reconnaître des compétences nouvelles, strictement proportionnées à l'état de la menace, toujours sous le contrôle du juge et dans le seul but de prévenir des actes de terrorisme. Il s'agit notamment de la possibilité de mettre en place des périmètres de protection afin d'assurer la sécurité d'un lieu ou d'un événement, de procéder à la fermeture de lieux de culte, de procéder, sous le contrôle du juge, à des visites domiciliaires.

Au 28 juin, 618 périmètres de protection ont été mis en place, huit lieux de culte ont été fermés, 463 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) ont été notifiées et 482 visites domiciliaires réalisées, dont 305 depuis l'attentat contre Samuel Paty.

Les mesures ont toujours été ciblées et menées sous le contrôle du juge. Le Parlement a été informé chaque année, grâce à un rapport d'information.

La technique dite de l'algorithme a fait l'objet d'une utilisation raisonnée et la délégation parlementaire au renseignement a été informée. Cette technique a permis de détecter des contacts, de localiser des individus, d'améliorer nos connaissances sur la manière de procéder des terroristes.

Les mesures dont il vous est proposé de prolonger l'application par ce projet de loi constituent donc des outils opérationnels indispensables pour les services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme.

Au nom de l'efficacité, ces outils doivent être prorogés. C'est indispensable pour assurer la sécurité de notre pays.

Je remercie la commission des lois du Sénat et les membres de la délégation parlementaire au renseignement pour leur travail de qualité sur ces questions. Nous devons continuer d'agir ensemble en responsabilité. (M. François Patriat applaudit.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois .  - Plusieurs dispositions du code de la sécurité intérieure devaient être prorogées, dont certaines mesures de la loi SILT : périmètres de protection, fermeture des lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas), visites domiciliaires et saisies notamment.

Le contrôle parlementaire est important, s'agissant de mesures fortement attentatoires aux libertés.

Ce texte prévoit des ajustements pour limiter la durée de mise en place des périmètres de protection, élargir la fermeture administrative des lieux de culte aux annexes, ou saisir les supports informatiques à l'occasion d'une visite domiciliaire.

En ce qui concerne les Micas, le ministre de l'Intérieur pourra exiger un justificatif de domicile ou de permettre le prononcé d'une interdiction de paraître.

Nous avions proposé de pérenniser ces dispositions plutôt que de les proroger au moment de l'examen de la loi de décembre 2020. Le Sénat avait à cette occasion adopté la plupart des ajustements proposés, qui reprennent la plupart des recommandations formulées par notre commission. Par conséquent, nous ne pouvons que souscrire à la pérennisation de ces dispositions en regrettant d'avoir perdu autant de temps.

La sortie de détention des condamnés pour terrorisme est une question délicate. Il s'agit de 80 personnes par an pendant les trois prochaines années et elles ne bénéficieront pas de mesures d'accompagnement. Le Parlement a adopté le 27 juillet de nouvelles mesures de sûreté, mais le Conseil constitutionnel s'y est opposé. Le suivi de ce public n'est pas satisfaisant, d'autant qu'il représente une réelle menace, comme nous l'a confirmé le parquet national antiterroriste.

Le Gouvernement suggère d'allonger la durée des Micas à deux ans, tout en instaurant une mesure judiciaire plus légère. Nous proposons, quant à nous, de remettre la loi votée en juillet dernier sur le métier, en instaurant une mesure judiciaire à visée de réadaptation sociale mais aussi de surveillance. Nous préférons en effet une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion qui nous semble plus efficace qu'une mesure administrative.

L'article 3 du projet de loi porte la durée des Micas à deux ans. Or le Conseil constitutionnel considère que cette durée est inconstitutionnelle, quelle que soit la gravité de la menace. D'où le débat que nous avons avec le Gouvernement.

La proposition de loi de François-Noël Buffet adoptée par le Sénat le 25 mai est reprise par ce texte.

Sur les données psychiatriques qui figurent à l'article 6, nous avons restreint les possibilités de communication des données ; nous sommes prêts à trouver un compromis.

Enfin, l'article 18 permet aux services de l'État de recourir au brouillage des ondes émises par des drones malveillants, dispositif tout à fait pertinent.

Nous sommes sur une ligne de crête : faire preuve de mesure, de prudence, pour trouver le bon équilibre entre sécurité et liberté. Nous ne pourrons donc accepter des amendements remettant en cause la rédaction mesurée à laquelle nous sommes parvenus, et ce alors que la menace terroriste pèse toujours fortement sur notre pays.