Quelle action de la France pour prendre en compte l'enjeu environnemental ?

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle action de la France pour prendre en compte l'enjeu environnemental ? ».

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En août 2021, le Président de la République twittait que le rapport du Giec était sans appel, que la France resterait « du côté de ceux qui agissent ». Mais ce volontarisme apparent se heurte à l'action trop timorée de l'exécutif.

C'est ce qu'illustre le jugement du tribunal administratif de Paris qui a reconnu la responsabilité de l'État dans l'Affaire du Siècle et l'a condamné pour préjudice écologique.

Une étude de Rexecode d'octobre 2021 montre aussi que l'ensemble des crédits affectés au plan de relance, reconduits pendant dix ans, ne suffiraient pas à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre en deçà de 321 millions de tonnes de CO2 en 2030, c'est-à-dire plus que l'objectif de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) inscrit dans la loi.

Pourtant, l'État a tous les outils  - réglementaires pour contraindre et politiques et économiques pour inciter : taxes pigouviennes, marché des droits à polluer, subventions à l'innovation...

L'énergie est le principal poste de fiscalité verte.

Mais la question de l'acceptabilité sociale demeure, on l'a vu avec les bonnets routes et les gilets jaunes. Selon le Credoc, en 2021, moins d'un quart des Français est prêt à payer plus de taxes sur les carburants, le gaz ou le fioul pour lutter contre le réchauffement climatique.

Surtout, les Français attendent plus de transparence sur l'utilisation qui est faite des recettes fiscales. Dans Fiscalité carbone et finance climat, un contrat social pour notre temps, Jean-Charles Hourcade et Emmanuel Combet concluent qu'une taxe carbone doit aller de pair avec une baisse des impôts de production et des charges sociales, afin de favoriser la redistribution. Un groupe de travail dirigé par Michel Rocard était arrivé à cette conclusion dès 2009.

Bruno Le Maire a reconnu que le sujet de la fiscalité affectée était central.

Le financement de la transition écologique passe aussi par une réorientation d'une partie de l'épargne privée. L'État a un rôle à jouer pour inciter les investisseurs particuliers réduisant la prime de risque. Enfin, il faut agir au niveau international, car la distorsion de concurrence favorise les délocalisations et la fuite de carbone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le débat est vaste et pose une bonne question. Parle-t-on de notre politique nationale ou internationale ? Les deux sont liées. Il nous faut nos propres objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de protection de la biodiversité pour être crédibles.

Après l'échec de la COP de Glasgow, l'instauration d'une taxe carbone aux frontières est nécessaire. Elle incitera la Chine à décarboner son économie avant 2030. Mais ce ne sera faisable que si l'Europe tient son objectif de réduction de 55 % des gaz à effet de serre pour 2050.

La loi Climat et résilience est loin de l'objectif européen : les intérêts immédiats de court terme l'emportent sur l'intérêt général de long terme, y compris sur ces bancs. La loi de finances pour 2022 en est l'illustration.

La future stratégie énergie-climat, dont le socle sera la loi de programmation Énergie climat, sera la feuille de route nationale. Elle se déclinera dans la SNBC, dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, dans le plan national d'adaptation au changement climatique.

Il reste deux ans pour tout remettre à plat. Le débat ne pourra se résumer à la confrontation entre pro et anti-nucléaire : il ne faudra occulter aucun sujet. J'ai noté, chez l'oratrice précédente, le soutien de la droite à une hausse de la taxe carbone !

Les opérateurs de l'État -  Ademe, Cerema, Météo-France et autres - voient leurs effectifs se réduire année après année. Nous devons impérativement engager des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. Les acteurs doivent se parler, élaborer des stratégies communes.

C'est au niveau des collectivités territoriales que se joue une grande partie de la transition. C'est pourquoi le Sénat propose d'affecter une part de TICPE aux collectivités territoriales ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) ou un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) - une forme de dotation climat des collectivités.

Les émissions de gaz à effet de serre sont liées à notre vie quotidienne : se déplacer, se loger, se nourrir. Nos concitoyens sont prêts à faire des efforts s'ils sentent qu'il y a un cadre cohérent. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

M. Gérard Lahellec .  - Nous avons beaucoup parlé d'écologie cette année ; le point d'orgue a été la COP26 de Glasgow, même si elle n'a pas eu des résultats à la hauteur des attentes.

La France a un rôle original et déterminant à jouer pour hisser l'Europe et les sociétés humaines à la hauteur des enjeux.

Pour réussir, elle doit avoir trois ambitions politiques majeures. D'abord, il faut faire de l'écologie une grande question populaire. Ensuite, nous avons besoin d'un vaste programme d'investissements publics. Enfin, il faut repenser la manière d'aborder la dette et le pacte dit de stabilité européen.

Il faut s'orienter vers des politiques plus justes socialement et plus avantageuses sur le plan pécuniaire. L'écologie serait vécue comme profitable si les bonnes pratiques en matière de mobilité étaient valorisées.

Nous avons besoin d'une grande ambition publique en matière d'investissements. Or en cinq ans, les agences de l'eau ont perdu 220 postes, Météo-France plus de 400 postes, et le Cerema voit son pronostic vital engagé. Les 300 millions d'euros destinés à la rénovation des lignes de desserte fine du territoire ne suffiront pas.

La décision de la Commission européenne de suspendre le pacte de stabilité et de croissance jusqu'à la fin 2022 est une opportunité de le réviser. Les investissements qui concourent à l'amélioration énergétique et à la baisse des émissions de CO2 pourraient être exclus du calcul du déficit public. Soyons audacieux dans notre action ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mmes Annie Le Houerou et Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

M. Jean-François Longeot .  - Ces dernières années ont été celles de la prise de conscience de l'enjeu environnemental. Les prochaines devront être celles de l'action.

Sans doute, on ne peut pas dire que rien n'a été fait. La crise sanitaire a accéléré la prise de conscience de la nécessité d'une société plus résiliente, et le plan de relance est résolument tourné vers la transition écologique.

La loi Climat et résilience, traduction des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, vise une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. L'Union européenne demande 55 %.

Entre les lignes de l'étude du BCG, on voit que les lois votées sous ce quinquennat ne suffiront pas à combler l'écart entre la réalité et les objectifs.

Le budget 2022 contenait un nouveau budget vert. Nous appelons à en accentuer la portée et à en améliorer la méthode : 92 % des dépenses sont considérées comme neutres, faute de moyens de calculer leur bilan environnemental.

Nous devons rattraper notre retard en matière de développement des énergies renouvelables, notamment marines, et rehausser notre ambition en matière de rénovation énergétique des bâtiments, secteur qui représente 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre.

La tarification du carbone doit être abordée dans une logique de justice sociale. La nécessaire augmentation du prix ne peut se faire au détriment des plus vulnérables. L'exemple allemand -  redistribution des recettes de la taxe à travers la baisse du prix de l'électricité, mise en place d'un forfait énergie - est éclairant.

Au niveau européen, l'heure est à l'élaboration d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières robuste. Nous comptons sur la présidence française de l'Union européenne pour avancer.

L'OCDE dénonce un écart entre les objectifs climatiques et les résultats. La France, condamnée pour progrès insuffisants, doit mettre en oeuvre une stratégie globale.

Elle pourrait passer par la suppression de certaines niches fiscales, par une concentration sur les secteurs les plus énergivores comme le transport ou le logement, par de nouveaux instruments comme les paiements pour services agro-environnementaux.

Il est indispensable de réduire l'écart entre objectifs et réalisations. Un réchauffement de 2,3°C en fin de siècle est bien trop élevé.

Si la France, un des principaux contributeurs de l'Accord de Paris, si l'Europe ne tiennent pas leurs engagements, qui le fera ? Notre pays a un rôle historique à jouer.

Nous devons accélérer la transition. Cette grande mutation est source d'opportunités, de redistribution et d'une souveraineté renforcée. Notre pacte politique,  économique et social en sera conforté ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Pierre Médevielle applaudit également.)

M. Éric Gold .  - Le RDSE se réjouit de ce débat, faute d'examen du projet de loi de finances. Pour l'heure, l'environnement n'est pas au coeur de la campagne présidentielle. C'est à se demander si tous les candidats ont pris la mesure de la situation...

L'Accord de Paris prévoit de limiter la hausse des températures de 1,5°C, or nous allons vers 2,7°C à la fin du siècle. Une telle trajectoire se traduira dès 2050 par un dépassement des seuils critiques, une pénurie en eau, un effondrement des rendements agricoles, une fonte des glaciers.

Nos modes de production et de consommation doivent être revus. La pandémie n'a entraîné qu'une baisse des émissions de 5,4 % malgré l'arrêt du pays. On ne peut se contenter de planter des arbres pour compenser le CO2. Il faut agir rapidement et drastiquement.

Dans le projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement présente l'impact des différentes mesures sur le climat. Pour tenir nos engagements, il faudrait que l'immense majorité de nos dépenses soient écologiquement vertueuses. Ce n'est pas le cas.

Le secteur public dans toutes ses composantes doit se mettre en ordre de bataille. De ce point de vue, je regrette la nouvelle baisse de 3 millions d'euros du budget du Cerema, qui accompagne pourtant les collectivités territoriales. Météo-France aussi subit de nouvelles réductions de postes, et les autorisations d'engagement pour la politique de prévention des risques diminuent...

Fin 2020, la France accusait un retard de quatre points sur l'objectif européen de développement des énergies renouvelables.

Le GIEC demande une baisse rapide des émissions, et ce, à grande échelle. Il faut promouvoir la sobriété environnementale au niveau international.

La COP26 à Glasgow et l'accord entre les États-Unis et la Chine ravivent l'espoir d'une négociation diplomatique, alors que les États-Unis sont responsables de 25 % des émissions de gaz à effet de serre, et que la Chine, très dépendante du charbon, voit ses émissions augmenter de manière exponentielle...

La France doit être le porte-étendard de la cause climatique. Chacun doit prendre sa part de ce défi global. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles », disait Paul Valéry. La maison brûle et nous restons sidérés. La loi Climat adoptée en 2021 aurait été appropriée il y a vingt ans. L'État a été condamné deux fois dans l'Affaire du siècle. À la COP26, notre pays n'a pas été ambitieux.

L'albatros, exceptionnel oiseau pélagique, n'a qu'un oisillon chaque année. Sa coquille a perdu 34 % d'épaisseur depuis les années 1950, entraînant des morts précoces. En cause, les insecticides et polluants comme le DDT et les PCB. D'autre part, l'estomac de l'oisillon est rempli de plastique, d'où des morts prématurées. Cette espèce qui a survécu à la cinquième extinction est menacée aujourd'hui par une pollution chimique persistante et par la pollution plastique.

Pour réparer le monde, il faut des mesures drastiques. Notre consommation de vêtements a bondi de 40 % en quinze ans. Dans le Lot, il y a 200 000 moutons. La laine n'est pas utilisée pour le textile. Pourtant, elle est naturelle, douce, chaude, biodégradable, noble. Les microfibres plastiques des vêtements synthétiques importés d'Asie se disséminent dans la nature : on les retrouve dans les eaux de l'Arctique, dans l'air au Pic du Midi.

Il faut produire et consommer localement. Cela implique une réindustrialisation de notre pays et un changement de nos habitudes de consommation. Il faut favoriser le recyclage et le réemploi. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réflexion sur nos modes de vie, sur notre rapport au vivant.

Tant qu'un yaourt fera 5 000 kilomètres, nous étoufferons sous des canicules. Tant que prévaudra la logique « ma voiture est plus grosse que la tienne », le niveau des océans continuera de s'élever.

Le recours au fret ferroviaire est une nécessité absolue.

Il faut réparer plus rapidement les effets des catastrophes naturelles, par exemple dans la vallée de la Roya. Une loi devrait lever les freins réglementaires et permettre une reconstruction résiliente.

La contrainte n'est pas la seule méthode, mais doit avoir toute sa place et les pouvoirs publics doivent l'assumer. Ceux qui subiront les conséquences de notre inaction sont déjà nés.

Réintroduisons l'éducation manuelle au collège. Nos enfants porteront un autre regard sur la consommation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Pierre Médevielle .  - En 1970, à Chicago, Georges Pompidou définissait la nature comme un cadre précieux et fragile. En 1971, il créait le premier ministère chargé de la protection de la nature.

Cinquante ans plus tard, notre pays doit poursuivre son action face à l'urgence climatique. Le constat est largement partagé. Notre environnement est sérieusement dégradé et il est urgent d'agir. Certaines zones de notre planète sont déjà si détériorées que leurs habitants n'ont d'autre choix que de les quitter, et ces vagues migratoires risquent de s'amplifier.

La difficulté majeure est de réussir notre transition. Notre groupe croit en une écologie libérale : nous devons soutenir les solutions innovantes, car notre décarbonation passera par l'innovation dans l'industrie, le transport, l'énergie, la construction ou le numérique. Notre consommation doit être sobre et circulaire. Il faut s'adapter, plutôt que de régresser.

La COP26 n'a pas été à la hauteur, mais saluons les avancées sur le méthane et le charbon. La France joue un rôle de premier plan dans le travail sur le paquet vert européen ; elle devra agir durant la présidence du Conseil. Avec la stratégie Farm to Fork, notre souveraineté climatique est en jeu. N'opposons pas l'écologie au reste du prisme !

Au niveau national, des innovations nucléaires peuvent être déployées, les énergies renouvelables - surtout le solaire - aussi.

Il y a ensuite l'axe local : donnons aux acteurs territoriaux les moyens d'agir, légaux, pragmatiques, financiers.

En particulier, l'action des villes est un enjeu crucial. Les mauvaises pratiques, comme l'éclairage nocturne excessif, doivent être dépassées.

Mais l'action de la France, c'est la nôtre, celle de tous. À chacun d'agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Jean-François Longeot et Bruno Belin applaudissent également.)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il faut traduire politiquement l'urgence dont parlent les scientifiques. Vaste programme... aurait dit le Général.

Le défi environnemental est sans précédent. Quittons le pessimisme défaitiste, agissons concrètement. La convergence des transitions écologique et numérique doit être une priorité de notre action environnementale. C'était le sens de la proposition de loi que j'avais défendue avec Patrick Chaize, Jean-Michel Houllegatte et de nombreux collègues. Le numérique représente 10 % de la consommation mondiale d'électricité et 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et cette proportion devrait doubler ces prochaines années. Les politiques publiques doivent se mobiliser.

Nous voulons un numérique vertueux du point de vue environnemental. Je crois au génie humain, à l'innovation pour lutter contre le changement climatique.

Ayons le courage de mettre en oeuvre les bonnes décisions. Je me félicite que les députés aient adopté notre proposition de loi, qui prévoit notamment une sensibilisation des enfants et des jeunes à l'impact environnemental du numérique et à la sobriété numérique. Notre texte a également renforcé le délit d'obsolescence programmée et l'obsolescence logicielle. Nous appelions aussi au verdissement des datas centers.

La nouvelle loi nous aidera à conserver le leadership de la transition écologique. L'action européenne doit être claire et unanime et la présidence française sera l'occasion d'avancer dans les négociations entre les membres de l'Union. Agissons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La convention citoyenne pour le climat a formulé 149 propositions en partant des attentes des Français.

Or les 96 membres de la convention qui ont, début 2021, évalué la prise en compte de leurs conclusions n'ont donné au Gouvernement qu'une note de 3,3 sur 10. Seules 10 propositions ont été pleinement insérées dans la loi Climat et résilience.

La convention aurait pu être une occasion unique de progresser. Cette première expérience de la démocratie participative reste comme un échec.

Depuis les gilets jaunes, qui ont fait reculer la fiscalité environnementale, et les refus locaux opposés aux implantations d'équipements d'énergie renouvelable, l'acceptabilité des décisions est apparue comme un enjeu crucial. Il faut une large concertation démocratique, éclairée et transparente.

En matière de bouquet énergétique, il est consternant que nos concitoyens soient mis devant le fait accompli - privatisations des acteurs hier, relance du nucléaire sans réflexion globale aujourd'hui.

Sur le plan local, seuls les produits co-construits aboutissent. C'est le cas des Ailes de Taillard, dans la Loire.

Les spécificités territoriales doivent être prises en compte. L'écologie ne doit pas être dissociée de la justice sociale !

Quel bilan tirez-vous de la convention citoyenne pour le climat ? Ne pensez-vous pas qu'une concertation est nécessaire sur le bouquet énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. François Calvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Rapporteur pour avis des crédits de la transition écologique et du climat, j'ai constaté les retards importants pris par la France, en queue du peloton européen notamment pour le développement des énergies renouvelables. Nous aurons besoin de ces énergies, même en relançant le nucléaire. En particulier, il faut accroître largement les moyens du fonds chaleur dès l'année prochaine.

En matière de pollution de l'air aussi, nous devons faire mieux. Les contributions des entreprises diminuent : comment assurer le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (Aasqa) tout en maintenant leur autonomie ?

Quant à la gouvernance de la transition énergétique, les moyens du Haut Conseil pour le climat restent insuffisants. Le recours à un cabinet de conseil privé pour évaluer les divers textes est tout bonnement scandaleux. Quelle indépendance pour de telles études ?

Il faut mieux accompagner les collectivités territoriales via un fléchage de la TICPE, mais le refus du Gouvernement est catégorique.

Quel contraste entre le « Make our planet great again » et la réalité de l'action menée ! Cela nous affaiblit au plan international.

En agissant plus, notre pays pourrait mieux faire entendre sa voix, exprimer sa vision singulière et universelle. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Ronan Dantec s'étonne que le groupe Les Républicains n'applaudisse pas son orateur.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Merci de nous donner une nouvelle occasion de débattre de ces sujets cruciaux. Le réchauffement climatique et l'érosion de la biodiversité le montrent : la planète souffre. Nous devons faire preuve de responsabilité et d'ambition.

L'enjeu écologique infuse désormais dans l'ensemble de nos politiques publiques. Je suis heureuse de constater dans toutes vos interventions la mobilisation du Parlement. La prise de conscience est unanime, je m'en félicite.

Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, 30 milliards d'euros sont destinés à la croissance verte. Le plan France 2030 fait une très large place aux investissements à visée environnementale, production d'énergie décarbonée et d'hydrogène, véhicules électriques et hybrides, avions bas carbone, etc.

Les collectivités territoriales se mobilisent, elles aussi, - je pense notamment à l'instauration des zones à faibles émissions (ZFE) dans les grandes villes. Nous devons préserver nos espaces naturels et agricoles de l'artificialisation. Nos façons d'acheter, de consommer, sont à réexaminer. La réduction des déchets, notamment plastiques, est vitale contre la perte de biodiversité.

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour l'économie circulaire (AGEC), qui impose 20 % de vrac, instaure une dynamique. Nous avons interdit par décret l'emballage plastique de nombreux fruits et légumes.

Les pouvoirs publics doivent sanctionner, quand il le faut, en cas de mise en danger de l'environnement ou d'écocide, des délits que nous avons créés. Nous avons renforcé l'échelle des peines. La loi Climat et résilience impulse une transformation profonde dans nos modes de consommation, de production, de déplacement, dans la justice, l'urbanisme, l'aménagement du territoire.

Les énergies fossiles représentent aujourd'hui 63 % de notre consommation énergétique. Quel que soit le scénario retenu, le travail important effectué par RTE le montre : il faudra sortir des énergies fossiles d'ici 2050.

Nous y parviendrons notamment par la sobriété et la rénovation énergétiques. Le développement des énergies renouvelables, complétées par le nucléaire, permettra le verdissement de notre mix. Il devra être accéléré.

Quant aux industries, 7 milliards d'euros ont, dans le plan de relance, été prévus pour l'hydrogène décarboné, et le plan France 2030 comprend encore 1,9 milliard d'euros : je vous rappelle les annonces du Président de la République le 16 novembre dernier à Béziers.

L'effort en faveur de la décarbonation est sans précédent.

Sur le plan européen, nous entendons améliorer la mise en oeuvre du Pacte vert durant la présidence française de l'Union européenne. Nous voulons avancer aussi sur les négociations entre les États membres, avec comme priorités le renforcement du marché du carbone européen ou le verdissement des transports. La France a été l'un des premiers pays à annoncer une date de fin de commercialisation pour les véhicules thermiques, 2040 ; et nous partageons avec la Commission européenne une échéance à 2035 désormais.

La transition doit être juste. Nous ne pouvons pas laisser les Français sans accompagnement. Les combats contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité sont jumeaux. Renforçons donc nos politiques, y compris pour fixer des mécanismes d'ajustement carbone aux frontières.

L'environnement est au coeur de notre action diplomatique, notamment avec les « One planet summits ». La COP26 a permis d'aboutir sur le marché mondial du carbone, et même si, sur d'autres points, l'accord a déçu, c'est historique !

La France, l'Union européenne, les États-Unis et d'autres ont conclu un accord unique pour la sortie du charbon en Afrique du Sud, pour 8 milliards de dollars.

Nous avons des engagements forts contre la déforestation. Nous souhaitons que la COP15 biodiversité soit un moment aussi fédérateur que le fut la COP21 sur le climat.

Un gros travail international est mené pour assurer la cohérence qui est la clé de la légitimité de nos politiques. Des moyens sans précédent ont été accordés au fil des lois de finances. Nous sommes au rendez-vous de l'urgence !

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La prévention des risques nationaux majeurs est un enjeu essentiel. Après Xynthia et Alex, les événements extrêmes vont se multiplier. Les catastrophes naturelles deviennent notre lot quotidien.

J'alerte le Gouvernement sans relâche sur ces sujets. Hélas, le fonds Barnier a été plafonné, donc amputé, et réintégré dans le budget général. Les 700 millions d'euros de réserves et les 230 millions d'euros de crédits auraient dû être consacrés intégralement à des actions de prévention et d'indemnisation, ce ne sera pas le cas en 2022.

Certaines dépenses liées à la tempête Alex ne sont prises en charge ni par les assurances, ni par la DSIL, ni par ce fonds, comme Mme Estrosi Sassone l'a expliqué ce matin. Accepterez-vous un travail avec les parlementaires sur une loi d'urgence, à quelques jours de la CMP Catastrophes naturelles ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - D'ici à 2050, le coût annuel des catastrophes naturelles pourrait augmenter de 50 %. Il fallait donc renforcer le fonds Barnier, porté à 235 millions d'euros en 2022 au lieu de 131 millions d'euros précédemment.

D'autres outils sont mobilisés : les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), dont la durée d'élaboration sera divisée par deux ; les procédures environnementales, accélérées ; la création d'une procédure d'urgence civile pour une meilleure réactivité.

Sur le retrait-gonflement des argiles, la loi ELAN impose une carte sur les territoires concernés.

Le plan Antilles, le plan Séisme complètent ces mesures, avec le financement d'abris anti-cycloniques ou anti-submersion comme en Polynésie française.

M. Didier Mandelli.  - Les choses évoluent dans le bon sens, mais il reste beaucoup à faire, nous l'avons vu lors du déplacement de notre commission dans les Alpes-Maritimes.

M. Jacques Fernique .  - Les collectivités territoriales sont en première ligne face aux catastrophes naturelles. Les plans Climat et les volets Énergie-climat des Sraddet déterminent l'action des territoires, mais, faute de financement, ils risquent de rester lettre morte. La DSIL n'y suffira pas.

Le Sénat propose depuis 2017 d'avancer en ce sens, en vain. Bercy refuse. Heureusement la Commission européenne propose de flécher 100 % des recettes des enchères de quotas carbone vers les politiques environnementales.

Ne faudrait-il pas avancer sur la dotation climat que le Sénat et les collectivités territoriales vous demandent ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Joël Bigot applaudit également.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les collectivités territoriales sont en première ligne. Une politique étatique n'a de sens que si elles s'en saisissent. L'État les appuie dans leurs domaines de compétence, comme la mobilité, l'énergie, la rénovation des bâtiments. La DSIL a connu une augmentation sans précédent avec 1 milliard d'euros de DSIL verte ; le fonds chaleur renouvelable a été porté à 350 millions d'euros par an ; dans le plan de relance, 1 milliard d'euros va à la rénovation des bâtiments publics. À cela s'ajoute l'aide à la mobilité bas carbone. Le fonds Friches a été à nouveau abondé. Les moyens de l'économie circulaire sont augmentés.

Nous présenterons bientôt un rapport au Parlement sur la conformité des Sraddet à la politique environnementale. Et 6,8 milliards d'euros sont fléchés par l'État et ses opérateurs vers les actions des collectivités territoriales en faveur du climat.

M. Jacques Fernique.  - Madame la ministre, vous me répondez investissement, mais les collectivités territoriales ont également besoin de crédits de fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Fabien Gay .  - La Guyane abrite 60 % de la biodiversité française. Comment lutter contre l'orpaillage illégal, dont le mercure détruit la biodiversité et empoisonne les peuples autochtones ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Une enveloppe est dédiée à cette action dans le budget pour 2022. Je crois qu'elle répondra à votre préoccupation. Les sites à sécuriser sont si vastes que la mobilisation des forces de l'ordre et les moyens logistiques doivent être renforcés. L'enveloppe est sans précédent : 3,5 millions d'euros au sein du programme 113.

M. Fabien Gay.  - Merci de votre réponse, mais il faudra plus que de l'argent. Saluons les forces de l'ordre - 300 policiers de l'opération Harpie face à 10 à 20 000 garimpeiros... Il faudra surtout une coopération diplomatique avec le Suriname et le Brésil.

J'étais il y a peu sur le fleuve Kourou, pollué par le mercure : les autochtones y pêchent pour vivre et survivre. Dix microgrammes par gramme de cheveu sont déjà jugés inquiétant par l'OMS. Or il y a dix ans, on était déjà à 12-14 microgrammes ! Ce sont de 8 à 10 tonnes de mercure qui sont libérés dans l'Amazonie chaque année. Il y a urgence à agir ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et du GEST et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Pierre-Antoine Levi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les émissions de la France ont baissé de 20 % depuis 1990, mais pour parvenir à la neutralité carbone en 2050 il faudra faire beaucoup plus.

L'heure du bilan carbone de ce quinquennat a sonné. Les conclusions du Boston Consulting Group, missionné par le Gouvernement, étaient optimistes, mais c'était avant le relèvement des exigences européennes, à moins 55 % pour 2050. Comment y ferons-nous face ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - La France a été condamnée à agir pour des faits concernant le quinquennat précédent. Selon le Boston Consulting Group début 2021, si les lois et les plans adoptés sont mis en oeuvre, les objectifs pour 2030 seront atteints.

Il serait restrictif de ne prendre en compte que le budget du ministère de la Transition énergétique. Il y a un important volet de transition agroenvironnemental, un volet de stratégie nationale et internationale contre la déforestation, par exemple.

En 2023, nous prévoyons une loi Énergie climat pour programmer la trajectoire.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Merci pour votre réponse. Nous nous réjouissons du lancement de nouveaux réacteurs nucléaires, afin de parvenir à la neutralité carbone.

M. Pierre Louault.  - Très bien !

M. Éric Gold .  - Alors que le bâtiment représente 27 % des gaz à effet de serre émis en France, le succès de MaPrimeRénov' est bienvenu. L'extension à tous les propriétaires, le recours à la dématérialisation et la réduction des délais y contribuent.

Mais les travaux concernent trop souvent des monogestes : à 86 %, ils portent sur une isolation simple, changement des fenêtres ou du chauffage. Et seules 5 % des rénovations sont contrôlées, selon le rapport de la Cour des comptes.

La pérennisation de cette subvention sur le long terme doit enfin être garantie bien au-delà du plan de relance, alors que les passoires thermiques seront interdites à la location en 2028.

Comment financer des rénovations complètes et éviter un saupoudrage inefficace ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Nous avons effectivement mis en place un dispositif d'incitation à la rénovation thermique accessible à tous, mais modulé selon les revenus des ménages.

Les financements continueront à couvrir toutes les rénovations, gestes de travaux et bouquets de travaux, aux côtés des rénovations performantes et globales, pour 2 milliards d'euros en 2022. Le devoir de réaliser 55 % de gains énergétiques après travaux est une incitation forte à la rénovation globale.

M. Éric Gold.  - Un guichet unique serait aussi opportun.

M. Joël Bigot .  - Depuis le début du quinquennat, je ne cesse de vous demander des comptes sur l'hémorragie de l'expertise au sein du ministère de la Transition écologique. Votre recours au Boston Consulting Group l'illustre !

En 2022, la baisse est limitée à 400 équivalents temps plein (ETP), élection présidentielle oblige, mais le chiffre n'est pas neutre. L'Ademe et le Cerema ne sont pas en reste - alors que ce dernier reçoit des missions nouvelles. Un rapport récent du Conseil général de l'environnement et du développement (CGEDD) démontre la nécessité d'endiguer la destruction de la ressource humaine. Votre budget supprime 40 emplois et subtilise plusieurs millions d'euros à cet opérateur de pointe.

Comment mettre fin à cette politique schizophrène, alors que les collectivités territoriales ont un besoin criant d'ingénierie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Les opérateurs de l'État ont participé à la baisse d'effectifs pour limiter l'endettement public. Nous avons retrouvé un schéma d'emploi positif concernant pour nombre d'entre eux, parcs nationaux, agences de transition énergétique, Ademe, Société du Grand Paris, ANAH. Pour douze opérateurs, c'est une stabilisation. Pour huit d'entre eux, il y a une baisse, mais beaucoup moins sévère que les années précédentes. Un signal a été donné : la priorité va aux opérateurs de l'environnement.

M. Joël Bigot.  - Vous confirmez donc les suppressions d'emplois. Mais lorsque facialement le nombre d'ETP est préservé, certains postes sont pourvus par des emplois temporaires, et le terme des contrats précède la fin de la mission !

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Le photovoltaïque fait plutôt consensus - contrairement à certaines autres énergies renouvelables. Des agriculteurs, des entreprises, des particuliers investissent.

Cependant, dans l'Aisne, beaucoup de bâtiments sont classés et beaucoup de dossiers sont paralysés par l'avis de l'Architecte des bâtiments de France (ABF), en contradiction avec ce qui est dit dans les réunions de préfecture.

Il serait intéressant qu'une charte nationale ou départementale indique clairement aux porteurs quels types de projets seront acceptés.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - Avec 12,6 gigawatts installés aujourd'hui, nous sommes très loin de l'objectif ; il nous faudra accélérer et multiplier par trois d'ici 2028 notre capacité en ce domaine.

Il importe effectivement de veiller à l'intégration paysagère des installations et à l'absence d'impact environnemental, pour favoriser l'acceptabilité.

Des bonus sont prévus pour le photovoltaïque au sol sur des terrains dégradés, car c'est dans leur cas une réponse idéale ; à l'inverse, les terrains agricoles, naturels ou forestiers doivent être préservés.

Les avis des ABF sont précieux pour la préservation du patrimoine. Et la prime d'intégration paysagère incite à l'installation du photovoltaïque dans des conditions qui concilient les divers enjeux.

La séance est suspendue quelques instants.