Situation des comptes publics et réforme de l'État

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Situation des comptes publics et réforme de l'État ».

M. Thierry Cozic .  - La crise sanitaire a montré que l'État pouvait beaucoup, par la politique budgétaire en particulier. La mobilisation des finances publiques a évité l'explosion du chômage et les faillites en chaîne, et les taux d'intérêt sont restés négatifs pour les échéances à dix ans, faibles pour les emprunts à long terme.

À l'avenir, une forte hausse des investissements publics sera nécessaire pour assurer la transition écologique. Depuis des années, la social-démocratie ne cesse de promouvoir une puissance publique soucieuse du bien commun et de la maîtrise des comptes publics. Partout en Europe - Espagne, Portugal, Allemagne - la social-démocratie a oeuvré pour plus d'équité.

Comme Mark Twain lisant son faire-part de décès dans le journal, la gauche réformiste française pourra répondre : « l'annonce de ma mort est très prématurée. » Ce Lazare social-démocrate sera encore une fois ressuscité, comme en témoigne l'essai d'Henri Weber, qui siégeait sur ces bancs et auquel je souhaite rendre hommage. Conciliant socialisme et liberté, entre l'injustice capitaliste et la tyrannie communiste, la social-démocratie a mis en oeuvre des réformes durant les Trente Glorieuses : protection sociale, extension des congés payés, droits syndicaux qui ont transformé la condition salariale dans les pays développés. La crise venue, notre pays a défendu ces acquis.

Il y a plus de sept ans, nous engagions des réformes sociales, sans « plomber » les comptes publics. Le déficit de 5,1 % en 2011 est proche de celui de 2021. Il était redescendu à 2,9 % en 2017, sous la barre des 3 %, pour la première fois depuis 2007. François Hollande aura fait sortir la France de la procédure disciplinaire lancée par Bruxelles en 2009 pour ses dérapages budgétaires...

Toutes ces réformes n'ont pas empêché des idées radicales de prospérer : certains voudraient inscrire l'interdiction de tout déficit dans la loi ou, mieux encore, dans la Constitution. Bien loin de convaincre les marchés et les investisseurs, de telles lois ne seraient pas forcément appliquées. Prôner une règle d'or tout en refusant de modifier les prélèvements obligatoires, comme le propose la commission Arthuis, est encore pire, empêchant toute politique budgétaire de soutien à l'économie. De surcroît, la France doit envisager la transition écologique et investir dans la santé et l'éducation.

Crise sanitaire et gilets jaunes montrent l'attachement des Français aux services publics. Le problème est leur dégradation, source d'inégalités sociales et territoriales. C'est là toute la différence entre socio-démocrates et socio-libéraux.

L'ambiance est plutôt au libéralisme décomplexé. Nous, socio-démocrates, pensons que la dépense publique doit être consacrée à l'équité sociale, alors que les libéraux ont une vision purement comptable. L'équilibre n'est pas un cap de l'action publique ni l'horizon indépassable des réformes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Au milieu du XIXe siècle, le député Frédéric Bastiat affirmait que rien n'était plus facile que de voter une dépense ; et rien plus difficile que de voter une recette. De prime abord, le projet de loi de finances pour 2022 semble lui donner tort : notre assemblée a voté toutes les recettes et aucune dépense. (Sourires) Mais en ne voulant pas examiner les missions, le Sénat a refusé l'exercice ô combien difficile d'indiquer quelles dépenses devaient être réduites, préférant un rejet global.

Nous sommes invités ce soir à critiquer en bloc pour ne pas entrer dans les détails. Je crains que cela ne desserve in fine notre institution. Notre groupe regrette cette décision. La critique est aisée, l'art est difficile.

M. Jean-François Husson.  - Nous aussi aurions voulu examiner la seconde partie : cela aurait été possible si la copie du Gouvernement avait été meilleure !

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Ce sont vos mots. Quelle crédibilité avons-nous encore sur l'impératif de réduire les dépenses publiques alors que nous refusons d'en débattre ?

Je vais tâcher d'esquisser des pistes. Notre pays est plus endetté que jamais. Voilà quinze ans que la tendance s'aggrave. Il y a trois quinquennats, le ratio dette sur PIB était le même en France et en Allemagne, environ 55 %. Nous sommes à 115 % aujourd'hui, l'Allemagne à 73 %, or nos deux pays ont traversé les mêmes crises.

Il y a un mal français qui fragilise les comptes publics et menace notre souveraineté nationale. Certains en attribuent la responsabilité au Gouvernement actuel, qui a certes accru la dette. Mais il est le seul à l'avoir stabilisée : le déficit était maîtrisé avant la crise sanitaire et le taux d'endettement commençait à baisser. Il est facile d'appeler à réduire les dépenses sans préciser lesquelles.

Il faut remettre les pendules à l'heure sur ce sujet. Durant la crise sanitaire, le Sénat a voté tous les projets de loi de finances sauf le dernier. Nous avons soutenu le « quoi qu'il en coûte ».

Pour relever les défis de la transition écologique et de la révolution numérique, la puissance publique devra soutenir l'innovation. France 2030 fixe des objectifs ambitieux dans des verticales clés de rupture technologique. Il semble contradictoire de réduire les dépenses tout en accentuant l'investissement dans les domaines clés. Il nous revient de relever ces défis, même si nous nous opposerons sur les chemins à emprunter. Il nous faudra bien accepter, le moment venu, de remettre sur le métier l'ouvrage budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je n'irai pas par quatre chemins : je suis inquiet car la situation des comptes publics est critique et le budget 2022 que nous avons rejeté accentue les risques. Depuis 2017 et jusqu'à la crise sanitaire, le Sénat a rappelé au Gouvernement la nécessité d'assainir les comptes publics tant que la croissance le permettait. Albéric de Montgolfier l'a martelé régulièrement, citant John Fitzgerald Kennedy selon qui le meilleur temps pour réparer sa toiture, c'est quand le soleil brille. Malheureusement, le Sénat n'a pas été entendu. Lorsque la tempête de la covid s'est abattue sur l'économie mondiale, la France disposait de marges budgétaires plus limitées que ses voisins.

Quel bilan tirer de ce quinquennat ? Les chiffres sont dans le rouge cramoisi, avec pour 2021 8,2 % de déficit et une dette à 115 % du PIB. Pour 2022, on prévoit 5 % de déficit et 114 % d'endettement.

Certes, ces derniers mois ont été marqués par une embellie économique et un supplément de recettes fiscales, mais celles-ci sont utilisées pour couvrir des dépenses supplémentaires, d'où 260 milliards d'euros de levées de dettes supplémentaires. À l'inverse, ces gains inattendus de croissance auraient dû être employés à réduire notre endettement.

Le Gouvernement a abandonné l'effort de maîtrise de la dépense publique qu'il avait promis, non seulement avec ce budget de campagne qu'il nous a présenté cette année, mais en réalité depuis 2018 et la crise des gilets jaunes. Indépendamment des mesures d'urgence et de relance, que nous avons soutenues, les dépenses primaires ont augmenté de 60 milliards d'euros par rapport à la loi de programmation des finances publiques présentée en début de quinquennat. Excusez du peu !

Dès la présentation du projet de loi de finances en septembre, les dépenses pilotables, hors urgence et relance, dépassaient de 12 milliards d'euros la loi de finances initiale pour 2021, soit une hausse de 4,1 %. Les collectivités territoriales, elles, ont produit les efforts demandés avec des dépenses annuelles en hausse de 0,9 % en volume.

La réforme avortée des retraites, la non-réduction des emplois publics et des contrats aidés supprimés, puis rétablis, illustrent ce renoncement. La réforme de l'État est au point mort. Vous n'avez pas voulu relancer la décentralisation alors que les Français plébiscitent les actions de proximité des collectivités territoriales.

Contrairement à ce que Bruno Le Maire claironne dans les médias, nous ne pouvons nous estimer satisfaits des comptes publics.

Dans le programme de stabilité présenté par le Gouvernement, la stratégie affichée est ambitieuse avec une croissance annuelle de la dépense primaire de 0,4 % par an de 2022 à 2027. Cet objectif semble peu crédible. En effet, nous n'avons pas d'indications sur les moyens envisagés pour y parvenir. Quel est votre plan, monsieur le ministre ?

Comment croire à votre capacité à réformer l'État après l'abandon des promesses du début de quinquennat ? Et pour ce faire, évitez de contourner les corps intermédiaires comme les assemblées d'élus, le Parlement, les organisations professionnelles et syndicales. Les Français attendent de vous le respect de vos engagements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Si nous interrogions les Français sur les comptes publics et la réforme de l'État, trois éléments principaux apparaîtraient : une dette qui inquiète, des impôts injustes et des services publics dégradés.

La situation des comptes publics est issue d'une tendance lourde.

Pourquoi la majorité de nos concitoyens pense-t-elle que les impôts sont injustes ? La suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % les plus aisés et de l'impôt sur la fortune (ISF), qui restera dans l'histoire, y sont pour beaucoup. De plus, selon l'INSEE, les 10 % les plus modestes paient 16,6 % de leurs revenus en taxes diverses, contre 7,6 % pour les 10 % les plus riches : plus on est riche, moins on contribue à proportion de ses revenus.

La part de ces impôts indirects est en augmentation continue dans le budget de l'État depuis près de 30 ans : 53 % des recettes de l'État en 1995 et 60 % aujourd'hui. Cela interroge.

D'où vient que la dette augmente ? Les dépenses augmentent plus vite que les recettes, mais lesquelles ? Les aides aux entreprises sont passées de 60 milliards en 2006 à 140 milliards d'euros avant la crise sanitaire ! Là encore, cela interroge, alors que l'OCDE indique que la contribution des entreprises au budget de l'État a diminué de 64 % entre 2001 et 2018, avant même la baisse de l'impôt sur les sociétés et des impôts de production. Enfin, n'oublions pas le différentiel d'impôt entre petites et grandes entreprises. La réforme de l'État ne devrait-elle pas commencer par le contrôle de ces aides, afin de veiller à ce qu'elles servent l'intérêt général, qu'il s'agisse de lutter contre le chômage ou d'accélérer la transition écologique. Or, il n'en est rien : il s'agit d'un maquis de 2 000 aides et niches diverses, sans contrôle et ni capacité d'action. Il faut réhabiliter la dépense publique, mais pas celle-là, qui est injuste.

Les petites entreprises, les salariés et les précaires ont besoin d'aide. L'État doit se réarmer pour que chaque euro soit efficace ; la situation actuelle révèle deux poids, deux mesures, puisqu'on contrôle les bénéficiaires du RSA à l'euro près mais qu'on ne vérifie pas ce que les multinationales font de l'argent public. Pendant ce temps, les dividendes augmentent et les suppressions d'emplois se poursuivent ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - Les débats relatifs à la réforme de l'État ont pour seule finalité l'assainissement des comptes publics. Jean Rostand écrivait : « Les mauvais effets d'une juste réforme ne condamnent point cette réforme, mais la société. »

L'unique objectif d'équilibre des comptes dévitalise les rapports de la société avec son administration. Depuis 1980, nous endurons les enjeux de modernisation, de démarche qualité, de renouveau du service public avec la circulaire Rocard. En 2007, la Révision générale des politiques publiques (RGPP) confiée à des organismes privés, sans concertation, a marqué l'affaiblissement de l'État au bénéfice du secteur privé. Les méthodes appliquées ont semblé arbitraires ou simplistes. Après la timide modernisation de l'action publique de Hollande, nous assistons maintenant à Action publique 2022.

L'objectif est constant : il s'agit de réaliser des économies, de moderniser, de simplifier et de concrétiser la proximité. Emmanuel Macron prévoyait d'économiser 30 milliards d'euros en 2022. Amélioration de l'information et de l'accueil des usagers, simplification des procédures, développement des échanges électroniques... Comment répondre à ces aspirations sans décentraliser ni favoriser l'esprit d'initiative des agents ?

Tous les libéraux bavardent sur la réduction du nombre de fonctionnaires. De 2007 à 2021, on est passé de 5,26 à 5,57 millions de fonctionnaires, pour 4,3 millions d'habitants de plus. Cette augmentation est donc bien normale.

On ressort les recettes de la RGPP : modernisation et simplification sont associées au tout numérique selon ce Gouvernement. C'est un basculement vers un État plateforme. La définition de Mme de Montchalin est la suivante : « Ce que l'État permettra à d'autres de faire grâce à des relations partenariales ». L'objectif est clair : inventer un service public sans administration, comme l'a dit lui-même Henri Verdier, qui fut directeur interministériel du numérique...

Le Conseil d'État a évoqué « les compétences disruptives pour le service public de l'émergence des plateformes numériques qui le concurrencent directement ».

Le Président de la République veut plateformiser l'État : cela n'est pas étonnant, car il s'agit de transférer les risques aux travailleurs et aux usagers. Le citoyen devient un client, cette réforme sape l'État ; le tout sans bénéfice pour les comptes publics. Ce n'est pas notre vision de la réforme ni notre conception de l'État.

J'ai noté votre inattention, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe centriste aurait préféré examiner le volet dépenses du budget 2022. Cela aurait attiré plus de nos collègues...

Nous avons beaucoup parlé de l'évolution du PIB : de 6 %, la prévision passe à presque 7 %, posant la question d'éventuelles cagnottes... Pour le groupe UC, l'argent de la croissance doit d'abord venir réduire le déficit extrêmement important de l'État.

M. Vincent Segouin.  - Abyssal !

M. Michel Canévet.  - Les crédits de la mission « Défense » augmentent de 1,7 milliard d'euros - ce qui est conforme à la loi de programmation militaire, donc légitime ; de même, la mission « Enseignement scolaire » disposera de 1,7 milliard d'euros de plus. Nous souhaitons une revue des dépenses car les résultats au classement PISA sont décevants - sauf en Bretagne, bien sûr !

Troisième augmentation : les engagements financiers de l'État, pour 1,5 milliard d'euros. Nous sommes très nombreux à être préoccupés par l'évolution de l'endettement dans notre pays, qui atteint 115 % du PIB. Les critères de Maastricht fixaient le maximum à 60 % pour la dette et à 3 % pour le déficit. Nous en sommes bien loin !

L'UC préconise d'instituer une règle d'or. On ne peut indéfiniment augmenter la dette ! (M. Vincent Ségouin approuve.)

Colbert, qui nous surveille depuis le plateau, disait à Louis XIV : « Après les emprunts, il faudra les impôts pour les payer. Et si les premiers n'ont point de bornes, les seconds n'en auront pas davantage. »

M. Jean-François Husson.  - Tout à fait !

M. Michel Canévet.  - Messieurs les socio-démocrates, pensez-y. Les démocrates sociaux, eux, pensent qu'il faut en revenir à l'orthodoxie budgétaire en maîtrisant mieux les dépenses.

Nous devons toutefois balayer devant notre porte : les déficits budgétaires atteignaient 138 milliards en 2009 et 148 milliards en 2010.

L'UC salue les efforts de l'administration des finances publiques, avec la contemporéanisation de diverses prestations, le prélèvement à la source et la refonte en cours du réseau du ministère des Finances, qui montre l'exemple en matière de modernisation.

Il faudra accroître les efforts pour lutter contre la fraude fiscale : les CumEx et les CumCum, qui permettent d'échapper à l'imposition des dividendes, doivent être combattus.

Nous devons aussi nous interroger sur les compétences de l'État, qui devrait se replier sur le régalien. Est-ce à l'État d'instituer un pass Culture ou un Pass'Sport dans une France décentralisée ? De telles actions ne relèvent-elles pas plutôt des collectivités territoriales ?

Idem en matière économique. Cet après-midi, lors des questions d'actualité, le Gouvernement a été interpellé sur les difficultés d'une entreprise en Aveyron : la région, compétente en matière économique, devrait aussi être sollicitée.

Soyons le plus mesuré possible pour les crédits d'impôt. Pour les dons aux associations, pourquoi l'État fait-il l'essentiel de l'effort sur décision du contribuable, à savoir 66 % voire 75 % comme pour Notre-Dame ? Un taux de 50 % serait plus logique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - La crise structurelle de notre système de santé, dénoncée depuis longtemps par les élus et soignants, a été aggravée par le Covid. Malgré les réformes successives, une refonte de notre système de soins s'impose.

En 2020, la sécurité sociale a enregistré un déficit de 40 milliards d'euros : le record de 2010 a été battu de 10 milliards.

Le « quoi qu'il en coûte » a été salutaire et il n'est pas question de le remettre en cause mais le déficit sera encore de 35 milliards en 2021.

Élue locale, médecin, j'appelle à prendre la mesure des déséquilibres actuels. Les dépenses d'assurance maladie ne sont pas des dépenses d'investissement mais des dépenses de répartition récurrentes qui doivent être équilibrées. C'est pourquoi la Cades, financée par la CRDS, a été créée pour rembourser la dette sociale. Or, en 2021, pour 1 000 euros dépensés dans la branche maladie, 130 euros sont financés par de nouvelles dettes à la charge des générations futures. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation.

Les dépenses de santé vont continuer à augmenter. La crise sanitaire s'installe dans la durée et les revalorisations représentent 40 % des dépenses supplémentaires en 2022. Les nouveaux traitements coûtent beaucoup plus cher. Il est impensable dans tous ces domaines de revenir en arrière. Il va donc falloir faire des économies, mais pas sur la qualité des soins.

Nous devons mieux évaluer nos politiques de santé. Cela passe par un PLFSS réformé et, de l'avis général du Sénat, par un recentrage de la sécurité sociale sur ses missions. Le transfert de Santé publique France à l'assurance maladie en 2020 a plombé les comptes de la sécurité sociale, sans compensation de l'État : ce n'est pas normal.

Nous devons aussi lutter contre la fraude et agir pour la suppression des soins redondants, la généralisation du dossier médical partagé et le maintien à domicile.

Les recettes de la sécurité sociale ne peuvent plus reposer exclusivement sur le travail, sinon chaque crise la plongera dans le rouge. Il faut un financement pérenne pour ne pas transmettre une dette colossale aux générations futures.

Nous avons beaucoup entendu parler du projet de « grande sécu » dans la bouche du ministre de la Santé, qui teste sans doute le sujet pour la campagne présidentielle. Cela se traduirait par des cotisations et des frais de gestion en moins pour les ménages, mais 22,4 milliards d'euros, soit 1,5 point de CSG en plus.

Il faut construire un système plus durable. (M. Jean-François Husson applaudit.)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le rapporteur général a consacré son propos aux comptes publics, j'évoquerai la réforme de l'État.

Souvenons-nous : le Président de la République avait promis de réduire le nombre d'agents publics, de supprimer les grands corps et de dématérialiser les démarches.

La première promesse était celle de supprimer 120 000 emplois publics sur le quinquennat, soit 24 000 chaque année -  10 000 pour l'État et 14 000 pour les collectivités territoriales. En cours de quinquennat, il a troqué cet objectif de suppression contre un objectif de stabilité. Les dépenses de personnel n'ont cessé de croître, tant celles de l'État que celles des collectivités territoriales.

C'est la méthode qui pêche. Émilien Ruiz a écrit sur l'obsession française de réduction du nombre de fonctionnaires : autrefois, on voulait repenser l'action de l'État, aujourd'hui on raisonne budget.

Mais ceux qui pourraient nous aider à repenser l'action de l'État, les hauts fonctionnaires, ont justement été pris en grippe par ce gouvernement. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État en 2015, écrivait : « L'intérêt général n'est pas un mot creux, mais le ciment de notre société. Les hauts fonctionnaires doivent contribuer à le promouvoir, mais aussi à l'actualiser et à hiérarchiser les actions qui s'y rattachent. Il nous faut mieux conjuguer le court et le long termes et constamment relier l'action immédiate à une vision prospective et stratégique des politiques à conduire. »

Le Sénat a fait connaître son mécontentement quant à la réforme de la haute fonction publique de l'État. Vouloir cette réforme sans s'attaquer aux 483 taxes et cotisations, aux 3 500 pages du code du travail ou aux 400 000 normes, c'est donner un coup d'épée dans l'eau.

Le programme de dématérialisation des démarches administratives du candidat Macron était ambitieux : toutes devaient pouvoir se réaliser en ligne d'ici 2022 ! Il s'agissait de rendre un meilleur service public, tout en réduisant les dépenses de fonctionnement.

Mais sur les 242 démarches concernées, j'ai pu constater par moi-même que 40 n'étaient pas encore dématérialisées. L'Éducation nationale et la justice sont particulièrement en retard.

La plateforme voxusagers.gouv.fr, qui permettait aux usagers de s'exprimer, a disparu. C'est dommage. J'imagine les commentaires sur les deux bugs qui ont lieu cet automne... (M. Jean-François Husson approuve.)

Si notre pays obtient de bons résultats dans le domaine des données ouvertes et des services publics pour les entreprises, ses performances sont inférieures à la moyenne européenne pour les services aux citoyens et médiocres pour le nombre de formulaires préremplis.

Sauf exception, l'opportunité de repenser l'action publique n'a pas été saisie. Faites une demande de carte grise en France et en Finlande et comparez !

Malgré l'existence d'un secrétariat d'État, les compétences restent éparpillées dans l'administration. Il est possible de gagner en efficacité.

La France a été rétrogradée de la neuvième à la douzième place entre 2017 et 2020 en ce qui concerne l'inclusion numérique. Les mesures annoncées sous le gouvernement Fillon ont été abandonnées. Votre Gouvernement a attendu 2018 pour élaborer une stratégie, sans financement dans un premier temps...

Comme l'a dit la secrétaire générale du Secours populaire, « Ce n'est pas avec des ordinateurs que vous réglerez les problèmes des gens. »

Le 18 octobre dernier, plusieurs start-up françaises ont lancé une initiative sur le cloud souverain, contredisant le pessimisme du Président de la République qui n'imaginait pas un cloud souverain d'ici cinq ans. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Figer l'État, c'est supprimer l'espérance, c'est supprimer l'action. » Ces propos de Jaurès illustrent la nécessité de préserver les moyens des politiques publiques.

Réformer prend du temps. Nous constatons les conséquences néfastes de réformes brutales envisagées dans le seul but de réduire les coûts, comme la RGPP. Opérant des réductions massives d'emploi, elle n'a pas empêché la dépense publique de continuer à augmenter.

Bien sûr, les services publics doivent s'adapter pour répondre aux besoins de la population. Grâce à l'informatique, les démarches en ligne et la dématérialisation simplifient la vie des usagers. L'évolution est souhaitable, mais elle nécessite aussi des moyens humains et ces outils doivent rester au service des citoyens.

En zone rurale, le développement des maisons France services (MFS) peine à répondre aux besoins. L'accompagnement humain n'est pas à la mesure des enjeux. Attention à ce que les écrans ne deviennent pas autant de barrières numériques.

Réformer pour réformer n'a pas de sens en soi : la mère de toutes les réformes, c'est d'assurer l'équité territoriale et la cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Je vous remercie pour vos interventions. Veuillez excuser Olivier Dussopt, en déplacement.

Ce Gouvernement est toujours resté fidèle au principe de sérieux budgétaire qui guide son action. C'est ce qui nous a permis de faire face à la crise. Nous avions ramené le déficit à 2,3 % en 2018, grâce à la maîtrise des dépenses publiques qui n'avaient augmenté que de 0,2 % en volume et baissé de 1,5 point de PIB. Cela nous a permis de baisser les impôts des ménages et des entreprises : le taux de prélèvements obligatoires a atteint un niveau inédit depuis vingt ans.

Ces bons résultats nous ont permis de soutenir massivement l'économie durant la crise et expliquent notre rebond. En 2022, la France aura, avec 6,25 %, la deuxième croissance la plus élevée de l'Europe. En 2021, elle a eu la croissance la plus élevée du continent. Les perspectives s'améliorent. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Notre action ciblée sur les entreprises et les ménages porte ses fruits : l'économie repart. La croissance réduit mécaniquement le déficit et la dette rapportés au PIB - n'est-ce pas, monsieur Savoldelli ?

M. Pascal Savoldelli.  - Je bois vos paroles !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Non, vous bavardez. Le respect, c'est bilatéral...

Le déficit pour 2021 sera cohérent avec notre objectif de 5 % du PIB. Au printemps dernier, nous envisagions une dette publique à 117 % du PIB en 2021 et 116,3 % en 2022 ; ce sera 115,3 % en 2021 et 113,5 % en 2022.

Cette année 2021 est aussi celle de la normalisation : nous avons annulé les excédents de crédits mobilisés par la réserve de précaution (Mme Christine Lavarde proteste) ainsi que 2 milliards d'euros de la mission « Plan de relance ». C'est bel et bien la fin du « quoi qu'il en coûte ».

L'exécution des dépenses sera conforme aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2021, hors indemnité inflation et pertes de recettes liées à la crise sanitaire.

La maîtrise des comptes passe aussi par des outils rénovés. Vous avez trouvé un accord avec les députés sur la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques de MM. Woerth et Saint-Martin, pour améliorer l'encadrement pluriannuel des dépenses publiques.

Sur la réforme de l'État, il s'agit de dessiner une vision d'ensemble de l'action publique, d'où la création, il y a un an et demi, d'un ministère de plein exercice de la transformation publique, confié à Amélie de Montchalin. Nous devons construire l'État de demain avec une action publique plus proche, plus simple et plus efficace.

L'État n'est pas une machine bureaucratique qui tourne sur elle-même. Nous avons mis en place un pilotage par l'impact et les résultats, ce qui permet à Mme Lavarde de nous juger sur pièces. (Sourires) Nous avons également accru la transparence grâce au baromètre des résultats en ligne. Cette transformation va au-delà d'une RGPP comptable.

Nous avons également réformé l'État territorial. Le préfet y occupe une place centrale : il est le pilote d'une action interministérielle unifiée et cohérente. Pour la première fois, une feuille de route interministérielle, signée par le Premier ministre, a été adressée à chaque préfet. En contrepartie, nous réarmons l'État territorial, avec plus de compétences et de marges de manoeuvre. Nous avons mis fin à douze années d'appauvrissement des services déconcentrés. Ainsi le préfet peut déroger à une norme nationale : c'est une révolution. L'action publique devient plus ouverte et bienveillante, plus proche des préoccupations locales.

In fine, la réforme de la fonction publique rebat les cartes : formations, carrières et métiers seront rénovés. Les hauts fonctionnaires commenceront par une expérience opérationnelle dans les territoires avant de rejoindre l'administration centrale. Cette réforme ambitieuse contribuera à la transformation de l'action publique, au bénéfice de tous.

Mme Isabelle Briquet .  - Si la présence de l'État en zone rurale est essentielle, sa mise en oeuvre pose question. Les 1745 MFS permettent un accès aux services publics - trésorerie, caisse d'allocations familiales, caisse locale d'assurance maladie -, mais elles sont portées aux deux tiers par les collectivités territoriales et d'autres acteurs comme La Poste : seules 5 % le sont par l'État, alors que le Gouvernement entendait couvrir tous les cantons en 2022. Le compte n'y est pas : seules 34 sous-préfectures sont labellisées ou en cours, sur les 100 prévues. En outre, la dotation de fonctionnement de 30 000 euros est insuffisante pour l'emploi de deux permanents.

Quand l'État se donnera-t-il les moyens de répondre aux enjeux des services publics dans les territoires ruraux ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Nous assumons que les MFS soient opérées en collaboration avec les collectivités territoriales et portées par elles. On ne peut pas nous reprocher d'être insuffisamment décentralisateurs tout en déplorant que les services publics de proximité ne soient pas portés par l'État.

L'effort de financement est important, mais aussi en outillage, en formation, en organisation des services publics. L'État agit dans ce domaine, mais il nous semble logique que la majorité des MFS soient portées par les collectivités territoriales. Cela renvoie d'ailleurs à d'autres politiques, comme les conseillers numériques ou le déploiement de la fibre, financées par l'État mais opérées par les collectivités territoriales.

M. Jean-François Husson.  - (Frottant son pouce sur son index et son majeur) C'est le financement le problème !

Mme Isabelle Briquet.  - L'État s'était engagé, notamment sur les sous-préfectures et l'accompagnement financier. (M. Jean-François Husson renchérit.) Les 30 000 euros n'y suffisent pas, ce ne sont même pas deux ETP. Le sentiment d'abandon gagne du terrain. Il y va de la cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Qui détient la dette française ? Depuis dix ans, la France emprunte sur les marchés et plus de 70 % de la dette est détenue par des non-résidents, même si, depuis le début de la crise, l'action de la Banque centrale européenne (BCE) a fait passer cette part à 50 %. Au Japon, au Royaume-Uni et aux États-Unis, la majeure partie de la dette nationale est détenue par des nationaux. Quelle est la stratégie du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il est vrai qu'il y a quelques années, la dette française n'était détenue qu'à hauteur de 30 % par des résidents français ; nous sommes passés à 50 %. Désormais, un quart est détenu par des investisseurs étrangers de la zone euro, un quart hors zone euro, un quart par des investisseurs français et un dernier quart par la Banque de France.

Japonais et Américains ont une retraite par capitalisation, ce qui explique l'importance des financements nationaux. Notre choix collectif est différent.

M. Jean-François Husson.  - C'est l'échec de la réforme des retraites !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Il faut certes développer la détention de notre dette par des investisseurs français, en prenant garde toutefois à l'effet sur les taux d'intérêt, comme le montre l'exemple italien. In fine, le seul pouvoir que détient un investisseur étranger est le droit de demander le remboursement de son titre.

La question de l'influence éventuelle de détenteurs étrangers, c'est celle de la dynamique de la dette - d'où la nécessité de réduire le déficit public.

M. Vincent Segouin .  - Les prélèvements obligatoires sont à 43,5 % du PIB, la dépense publique à 55 %. L'écart est financé par la dette, qui atteint 114,5 % du PIB ; son service est le troisième budget de l'État, avec des intérêts très faibles. Jusqu'à quel niveau de dette pouvons-nous aller ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Impossible de répondre à cette question qui fait l'objet de beaucoup de débats entre les macro-économistes. Au Japon, la dette représente bien plus, 200 % du PIB, sans que sa soutenabilité soit remise en cause !

La question de la soutenabilité de la dette est loin d'être évidente, surtout en prenant en compte l'impact de la Banque centrale européenne ou la puissance économique des États-Unis.

Compte tenu de l'évolution des marchés financiers, la dynamique est sans doute plus importante que le stock, c'est pourquoi il est crucial, post-crise, de revenir à une dynamique de réduction de la dette, comme au début du quinquennat.

Je concède que nous n'avons pas totalement tenu nos prévisions... Pas plus que le président Sarkozy en son temps.

Je n'ai pas de réponse à votre question : je laisse les économistes en débattre. Ce qui est certain, c'est qu'il faut réduire la dette.

M. Vincent Segouin.  - La comparaison avec le Japon ou les États-Unis ne tient pas : 100 % de la dette japonaise est détenue par les Japonais, la dette américaine est libellée en dollars. Nous, dans la zone euro, devons être comparés à l'Allemagne - dont la dette s'élève à 68 % de son PIB. Nous allons nous voir dicter notre conduite : l'Allemagne nous recommande ainsi de réformer nos retraites.

Bruno Le Maire disait en 2017 : la France est droguée à la dépense publique. Il n'est pas là ce soir car il a dû faire une overdose. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Paul Toussaint Parigi .  - La France connaît une augmentation des inégalités. En quinze ans, le nombre de nos concitoyens en grande précarité a augmenté de 7 % et dépasse les 5 millions.

À l'heure où l'État envisage de se réformer pour réduire le déficit public, où les entreprises du CAC 40 versent 50 milliards d'euros de dividendes tout en licenciant des milliers de travailleurs, il est temps de faire la transparence sur les aides attribuées sans contrepartie aux entreprises dans le contexte de crise sanitaire.

Votre Gouvernement justifie ses réformes par la nécessité de réduire le déficit, en ciblant toujours les plus fragiles, qu'il s'agisse de l'assurance chômage ou des retraites. Mais prévoit-il de réformer le maquis fiscal des aides aux entreprises ?

Le quoi qu'il en coûte sera-t-il à terme payé par les plus modestes ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - La seule justification de la politique économique du Gouvernement, c'est la croissance. Au Parti socialiste, j'ai participé à des exégèses sans fin sur la politique de l'offre et de la demande. Finalement, je pense comme Deng Xiaoping, peu importe qu'un chat soit blanc ou noir, l'important, c'est qu'il attrape des souris.

Après cinq ans de macronisme, la France a le plus fort taux de croissance de la zone euro, le taux de chômage le plus bas depuis les années 80.

M. Thierry Cozic.  - Grâce aux efforts réalisés entre 2012 et 2017 !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - En matière d'innovation, la France est passée du dix-huitième au onzième rang entre 2016 et 2021.

M. Jean-François Husson.  - Et le déficit commercial ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Tout le reste est littérature. Seul compte le résultat.

M. Jean-François Husson.  - Vous êtes le Vasarely de la finance !

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Emblème de la simplification des démarches administratives, le plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) révèle les intentions de l'État : le tout numérique, guidé par la logique comptable, au détriment de la qualité du service aux usagers.

Les services Titres sont remplacés par les centres d'expertise et de ressources des titres (CERT) qui mettent en oeuvre, non sans mal, la dématérialisation des 24 millions de titres : cartes grises, passeports, permis... Il faudrait 350 ETP supplémentaires, car seulement 71 % des appels sont traités. Les contractuels remplacent les fonctionnaires.

Les points de contact, qui subsistent heureusement, montrent que les téléprocédures ne sont pas adaptées pour les plus fragiles.

Cette déshumanisation des rapports entre État et citoyens engendre un surcoût de 15 millions d'euros par an pour l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et de 40 millions pour les outils informatiques, alors que vous avez supprimé mille postes.

Les dysfonctionnements sont tels que les sites de ministères renvoient vers les offres d'entreprises privées.

La Cimade m'apprend qu'en Dordogne, aucun créneau de délivrance de carte de résident n'a été disponible entre avril 2020 et septembre 2021.

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Le PPNG est un exemple d'erreur qui a été corrigée. L'ensemble des majorités précédentes a commis l'erreur de croire que la numérisation était un déterminisme et que tout le monde s'y convertirait.

Oui, nous avions promis le 100 % dématérialisation ; la vérité, c'est que nous avons ralenti, considérablement. Les problèmes rencontrés par l'ANTS nous ont obligés à traiter la qualité avant la quantité.

La numérisation va dans le sens de l'histoire, mais doit être accompagnée. Nous avons réinjecté de l'humain avec les conseillers numériques. Nous sommes passés à une approche partant du point de vue des usagers, avec à la clé une réduction des délais et une satisfaction accrue des usagers.

Sommes-nous au bout de cette démarche ? Non. Mais il y a eu une transformation dans notre approche.

M. Vincent Capo-Canellas .  - Je profite de ce débat qui nous permet d'échapper aux contraintes du court terme. Pourquoi ne sommes-nous pas capables de créer de l'adhésion autour de la maîtrise de nos dépenses et de la compétitivité de nos entreprises, dont l'insuffisance est à la source du déficit de notre balance extérieure ? Pendant du déficit budgétaire, il reste trop peu évoqué et connu.

Ce sont pourtant les deux faces de l'endettement à la française. Le déficit budgétaire entraîne un déficit extérieur, financé par des capitaux extérieurs, qui entraînent à leur tour la perte de contrôle de notre tissu productif.

En réalité, 40 % de la dépense publique est financée par la dette. Ce sont 155 milliards d'euros. Dans la communication financière, nous avons pris l'habitude de parler en pourcentage du PIB, mais cela crée une forme d'indifférence.

Idem sur le solde du commerce extérieur, structurellement déficitaire, qui montre que les entreprises étrangères rachètent le patrimoine national. Monsieur le ministre, quand allons-nous enfin dire les vrais chiffres aux Français ?

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Vous avez raison : peut-être les milliards parlent-ils plus que les pourcentages. Un déficit public à 8,2 % en 2021, c'est 200 milliards ; 5 % en 2022, c'est 130 milliards. Il suffit de faire un produit en croix.

Je crois toutefois que ces sommes ne parlent plus à personne après la crise. La réduction de la dette est une question de bon sens, non de sémantique. Elle doit s'accompagner d'un exercice de pédagogie.

Mais si l'on parle de réduction des déficits, il faut dire où l'on propose de couper dans les dépenses. Je ne sais toujours pas si la Haute Assemblée s'est accordée sur ce point...

M. Bernard Fialaire .  - Je regrette à nouveau que nous n'ayons pas débattu de tout le projet de loi de finances, ce qui ne grandit pas l'image de notre assemblée.

La dette est un enjeu majeur. Paradoxalement, son volume augmente mais sa charge diminue. Mais à qui emprunte-t-on ? De qui dépendons-nous ?

Vous comptez sur la relance pour le remboursement. Les collectivités territoriales peuvent y participer par leurs investissements, en finançant des infrastructures qui favoriseront le développement économique. Il faut pour cela une réforme culturelle de l'État : les services de l'État doivent aider et non plus bloquer les élus qui portent des projets !

M. Cédric O, secrétaire d'État.  - Je vous rejoins : dans la dynamique de réforme des institutions, la répartition des compétences entre État et collectivités territoriales est centrale. Leur action conjointe permet de déployer des politiques publiques - je citerai à nouveau l'exemple de la fibre.

Nous ne sommes pas guidés par l'idéologie mais par l'efficacité. Ainsi, le projet de loi 3DS fait progresser la décentralisation de la gestion des routes notamment, alors qu'on recentralise le RSA, avec l'accord des collectivités concernées. Il n'y a pas de tendance à sens unique, il s'agit d'adapter.

L'efficacité de l'État central est une question importante, notamment dans sa capacité à agir en partenariat avec les collectivités territoriales. Il faut laisser plus de latitude au terrain et agir moins par la norme et plus par la délégation.

Prochaine séance, mardi 7 décembre 2021, à 14 h 30.

La séance levée à 23 h 5.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 7 décembre 2021

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (texte de la commission, n°253, 2021-2022)

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne (texte de la commission, n°239, 2021-2022)