SÉANCE

du mercredi 5 janvier 2022

39e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Esther Benbassa, M. Pierre Cuypers.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Déclarations du Président de la République

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) J'aurais préféré vous souhaiter la bonne année, mais depuis cette interview sidérante et désolante hier, les mots du Président de la République sont dans tous les esprits. Je ne prononcerai pas ces mots, car ils n'ont pas droit de cité dans une conversation civile. Aucune urgence sanitaire ne justifie des propos d'une telle brutalité, d'une telle indignité.

M. Xavier Iacovelli.  - Et Sarkozy alors ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau.  - Aucun Président de la République ne doit dénier à ses compatriotes la qualité de citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

Celui qui vous parle est vacciné, a voté le passe sanitaire et votera le passe vaccinal malgré les provocations calculées du Président.

M. Jean-François Husson.  - Honteuses !

M. Bruno Retailleau.  - Mais dans une France morcelée, archipélisée, faut-il ajouter à la division et à la discorde ?

Alors que le débat public est de plus en plus pollué par la violence, faut-il y répondre par une autre violence ?

Vous qui avez été maire, cher Jean Castex, je m'adresse à l'homme que vous êtes (on s'agace sur les travées du RDPI) : auriez-vous utilisé ces mots ? (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, et sur quelques travées du groupe UC)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Je vous souhaite ainsi qu'à tout le Sénat une très bonne année, chaleureusement et sincèrement. Je ne suis pas surpris de la question, mais je répondrai sur le fond. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous savez bien que ces termes auxquels vous faites allusion ont déjà été prononcés dans notre histoire politique. (Protestations et quelques huées sur les travées du groupe Les Républicains)

Alors que notre pays est à nouveau confronté à une vague de grande ampleur, nous avons une difficulté avec nos concitoyens qui ne sont pas vaccinés. (Protestations et interpellations sur les travées du groupe Les Républicains)

Faire progresser la vaccination est l'impérieuse nécessité.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Vous braquez les non-vaccinés ! La situation est encore pire !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Comme vous, je me rends régulièrement dans les services de soins critiques. Ce qu'a dit le Président de la République, je l'entends partout ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; on s'indigne sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais si ! Nos concitoyens sont exaspérés (interruptions sur les travées du groupe Les Républicains) parce qu'on leur impose des contraintes dont d'autres ont fait le choix de s'affranchir.

Cher président Retailleau, vous avez dit que vous voteriez la prochaine loi. Les propos du Président de la République sont en parfaite cohérence avec celle-ci. (Vives protestations de dénégation et d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains)

Le projet de loi va transformer le passe sanitaire en passe vaccinal... (interruptions sur les travées du groupe Les Républicains) et je regrette qu'on se serve de tout motif... (bronca sur les travées du groupe Les Républicains) pour polémiquer.

Nous avons besoin de ce projet de loi, qui est un outil majeur pour lutter contre la pandémie qui galope. (La voix de l'orateur est couverte par les clameurs.) J'ai consulté tous les groupes parlementaires et il y a un consensus, même s'il n'est peut-être pas total. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Roger Karoutchi.  - Nous ne parlons pas du texte !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - J'ai besoin de ce texte pour faire progresser la vaccination ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bruno Retailleau.  - Monsieur le Premier ministre, vous avez répondu à côté. Emmanuel Macron avait dit, la main sur le coeur et la larme à l'oeil, qu'il avait changé. Ces mots ne sont pas un dérapage de plus, mais l'outrage de trop ! (Applaudissements nourris et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey, Mme Sonia de la Provôté et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)

Respect des Français non vaccinés

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je vous présente mes meilleurs voeux, monsieur le Premier ministre ; vous en avez bien besoin, en ce début d'année compliqué... (Rires)

Le Sénat a toujours répondu présent lorsqu'il s'agissait de prendre des mesures difficiles.

M. Jean-François Husson.  - Très juste !

M. Hervé Marseille.  - Avec, certes, des observations, des critiques, et sans être toujours écoutés, nous avons voté les mesures nécessaires : l'état d'urgence, le confinement, le couvre-feu, le passe sanitaire. Nous abordons le passe vaccinal dans le même esprit.

Mais l'exposé des motifs du projet de loi sur le passe vaccinal a changé il y a quelques heures : il s'agissait, me semblait-il de protéger la population française, pas d'en montrer du doigt une partie. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Le Parlement n'a pas vocation à « ennuyer » une partie de nos concitoyens. Si la vaccination est un devoir moral, les personnes non vaccinées n'ont pas enfreint de loi. Cela ne relève que de leur conscience.

Le Président de la République doit garantir l'union nationale, le rassemblement. Votre Gouvernement va-t-il passer du triptyque tester, tracer, isoler à une politique consistant à ennuyer les Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - La politique du Gouvernement est constante (rires à droite) et cohérente. Qui outrage et fracture la Nation ? (Cris d'indignation sur les travées du groupe Les Républicains) Qui oblige les soignants et les services d'urgence à faire des choix ? Une infime minorité de personnes ! Elles ne dérogent certes pas à la loi, mais être citoyen comporte aussi des devoirs. Nous le leur rappelons. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous continuerons à prôner la vaccination et le « aller vers ». (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Du reste, l'annonce du passe vaccinal a conduit à une augmentation de la primo-vaccination.

Mme Sophie Primas.  - Et alors ?

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Nous serons bientôt à 92 % de couverture vaccinale, un record mondial ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Il faut appeler un chat un chat et responsabiliser nos concitoyens en nous donnant les moyens de mieux lutter contre cette pandémie. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Mesures sanitaires et sociales fracturant la société

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le peuple mérite autre chose que des insultes, des clivages et des incitations à la haine.

Alors que le variant Omicron frappe le pays, le forfait patient-urgences de 19,60 euros est entré en application le 1er janvier. C'est un non-sens sanitaire. Ce droit d'entrer aux urgences est très pénalisant pour les 9 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté et les 3,8 millions qui ne disposent pas de mutuelle.

La priorité n'est-elle pas de lutter contre les déserts médicaux, où l'impossibilité d'obtenir un rendez-vous médical le soir ou le week-end conduit les patients vers les urgences ?

Allez-vous abandonner cette mesure antisociale par nature ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Les tensions sur le système hospitalier sont anciennes, et la crise du Covid les a amplifiées. Au-delà des grandes déclarations, nous voulons objectiver la situation des urgences. Olivier Véran l'a fait en lançant une enquête auprès de 1 100 établissements à la fin de l'année dernière. Il apparaît que la baisse du nombre de lits est d'environ 5 %, avec une concentration en chirurgie, mais qu'elle est compensée par l'ambulatoire.

Mme Éliane Assassi.  - Et le forfait urgences ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - J'y viens. Il y a des problèmes dans plusieurs secteurs. L'activité des urgences pédiatriques en Seine-Saint-Denis a été suspendue. Nous continuons à soutenir les soignants, notamment en doublant la majoration des heures supplémentaires.

Le forfait patient-urgences était une simplification nécessaire ; elle a été conduite en lien avec les associations de patients. Elle ne constituera pas un reste à charge supplémentaire.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Une fois de plus, vous noyez le poisson en répondant à côté. Vos discours nourrissent les divisions, alors que la priorité devrait être la solidarité. Vous remplacez un ticket modérateur à 7,90 euros par un forfait à 19,60 euros qui sera imposé à tous, y compris les malades en affection longue durée, voilà la réalité. Vous créez donc deux catégories de patients : ceux qui auront les moyens de se soigner et les autres, qui devront renoncer aux soins.

Vous avez le devoir et la responsabilité politique de garantir la solidarité nationale ; vous n'en prenez pas le chemin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du GEST ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Emploi et accompagnement des entreprises

M. Julien Bargeton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je souhaite à tous, et en particulier au Gouvernement, une bonne année 2022. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains.)

Au début de la crise, certains annonçaient 230 000 destructions d'emploi. Nous en sommes loin aujourd'hui : le chômage est à 8 %, le taux le plus bas depuis quinze ans, et le taux d'emploi à 66 %, ce qui est très satisfaisant.

Chiffre un peu moins connu, il y a eu 420 000 nouveaux CDI en novembre 2021, un total jamais atteint depuis 2006, et un niveau plus élevé que celui des contrats courts.

Il y a plusieurs raisons à cela : l'augmentation du travail des femmes, encouragé par la loi pour l'égalité professionnelle, l'embellie économique, les mesures ciblées pour les jeunes, la réforme de l'assurance-chômage et les mesures de désincitation aux contrats courts. Madame la ministre du travail, est-ce conjoncturel ou structurel ? Comment encourager la tendance favorable aux contrats de longue durée ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - Je remercie M. Bargeton de mettre en lumière nos excellents résultats en matière de chômage. (Marques d'ironie à gauche) Ce n'est pas le fruit du hasard mais celui des réformes d'ampleur que nous avons menées, ainsi que des mesures de protection inédites comme l'activité partielle.

Nous avons massivement investi pour les jeunes, avenir de notre pays, notamment en réformant l'apprentissage : nous avons ainsi révolutionné l'entrée dans le monde du travail. Avec le contrat d'engagement jeune, chacun peut être accompagné pour trouver sa place sur le marché du travail.

Deuxième axe, la formation tout au long de la vie, pour l'adaptation des compétences et la reconversion professionnelle. Nous disons aux demandeurs d'emploi de longue durée : osez ! Le chômage n'est pas une fatalité.

Nous avons lancé le plan de réduction des tensions de recrutement, doté de 1,4 milliard d'euros, qui vient s'ajouter au plan d'investissement dans les compétences.

Nous avons réformé l'assurance chômage, car nous voulons valoriser le travail qui émancipe. C'est pourquoi il doit toujours payer plus que le chômage.

C'est l'ensemble de ces réformes qui explique ces résultats exceptionnels en matière d'emploi, malgré deux années de crise. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Obligation vaccinale

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Votre gestion de la vague actuelle est un échec, car vous avez trop laissé circuler le virus.

Le groupe SER porte de longue date deux propositions. D'abord, la vaccination de tous par l'obligation vaccinale universelle, un devoir des uns envers les autres et envers les soignants. Le chef de l'État s'est refusé à cette position de principe forte, préférant s'enferrer dans la vulgarité.

Deuxième proposition, réduire la circulation du virus dans les écoles, qui a été aggravée par des protocoles improbables. Alors que l'épidémie y flambait en novembre, le ministre de l'éducation nationale a même osé les alléger !

Allez-vous enfin accepter de discuter de l'obligation vaccinale et des moyens de contrôle, de façon apaisée, et cesser de mener votre politique inefficace dans les écoles ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Catherine Apourceau-Poly et Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Il y a un an tout juste, il y avait 23 000 vaccinés ; nous en sommes à 53 millions. Plus de 90 % des Français ont reçu au moins une injection, alors qu'il y a un an, 63 % n'en voulaient pas. Ce résultat est dû à des mesures efficaces.

L'Autriche, l'Allemagne, la Grèce ont fait le choix de l'obligation vaccinale, sans que l'on constate une augmentation de la vaccination.

Au contraire, le passe sanitaire, puis l'annonce du passe vaccinal, ont conduit à une forte augmentation des primo-vaccinations. Nous en sommes à 40 000 par jour, soit un doublement par rapport à décembre.

Nous avons fait le choix le plus efficace, qui nous permet de vivre aussi normalement que possible. Il y a un an, il y avait dix fois moins de cas, mais 30 % d'hospitalisations en plus. Notre politique a porté ses fruits. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. Bernard Jomier.  - Non, le passe vaccinal n'entraîne pas d'augmentation des primo-vaccinations ! Ce qui est efficace, c'est un langage de clarté et de vérité, plutôt que la confusion qui règne, où le ministre de la santé parle d'obligation vaccinale déguisée tandis que le Président de la République se livre à une surenchère regrettable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jérôme Bascher applaudit également.)

Friches de vignes

Mme Nathalie Delattre .  - Aléas climatiques, taxes, confinements, déconsommation : les années se suivent et se ressemblent pour la filière viticole. Conséquence : les friches viticoles se multiplient, or elles sont des foyers potentiels de nouvelles maladies comme la flavescence dorée, portée par la cicadelle.

Pour éviter le dépérissement, il faut traiter ou arracher. C'est obligatoire dans certains cas, mais il n'y a aucun moyen de sanction et les moyens de contrôle sont insuffisants. Les syndicats de viticulteurs sont inquiets. Dans le Bordelais, plus précisément dans le Blayais, les services de l'État ont entrepris, avec la profession, un travail de chiffrage.

La baisse du nombre de viticulteurs est constante. Nos vignerons doivent pouvoir exercer leur métier, mais il faut aussi sanctionner les manquements. L'État est parfois incapable de retrouver les propriétaires de parcelles abandonnées. Que comptez-vous faire pour accompagner les vignerons et garantir leur survie ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. René-Paul Savary applaudit également.)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - La viticulture est une part de notre patrimoine culturel, territorial, gastronomique.

Il est vrai que les vignes laissées en friche se multiplient avec des conséquences territoriales et sanitaires. C'est un vrai sujet de préoccupation, qui doit d'abord être traité, si j'ose dire, à la racine, en accompagnant les producteurs. L'année 2021 a été noire mais, que ce soit pour la taxe Trump, la crise du Covid, ou l'incroyable épisode de gel au mois d'avril, nous avons toujours su trouver une solution.

Seconde priorité, lutter contre les maladies, en particulier la flavescence dorée. En 2021, nous avons rénové, en lien avec les professionnels, le cadre réglementaire, pour encourager les arrachages.

Vous avez raison : il est parfois difficile d'identifier les propriétaires pour mettre en oeuvre l'obligation d'arrachage. Je suis prêt à étudier toutes les propositions. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Stratégie vaccinale du Gouvernement

M. Guillaume Gontard .  - Pour cette nouvelle année, je forme un voeu de concorde. Plus que jamais, il faut rassembler face à la pandémie et au dérèglement climatique.

Nous sommes fatigués. Après deux ans de pandémie, le système de santé est exsangue. La situation est tendue, on le voit particulièrement en Guadeloupe. Le climat économique et social est explosif et précaire. Or la bête immonde se nourrit de la peur, de la colère et de la frustration.

Votre responsabilité, ainsi que celle du Président de la République, est plus grande que jamais. Les propos du Président dans Le Parisien sont ceux d'un homme qui trépigne d'impatience, qui ne sait plus exercer sa fonction et s'égare dans des propos puérils. L'heure n'est pourtant pas à la joute électorale... Vous avez aussi souhaité maintenir la présidence française de l'Union européenne, malgré l'élection présidentielle.

Rassurez-nous, et dites-nous que votre stratégie vaccinale ne se réduit pas à emmerder les non-vaccinés. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Face à cette nouvelle vague, nous savons que la vaccination demeure la première arme. Mais il se trouve toujours et encore des responsables pour affirmer qu'il y aurait plus de vaccinés que de non vaccinés en réanimation. La réalité est que la vaccination protège.

Nous continuerons à renforcer les mesures de freinage, en suivant notre ligne pragmatique, cohérente et équilibrée.

La réussite passe par la responsabilité civique individuelle de chacun, et la grande majorité de nos concitoyens ont su se montrer parfaitement responsables en se faisant vacciner.

Nous continuerons, inlassablement, dans cette direction. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Guillaume Gontard.  - Que le vaccin protège, cela ne fait aucun doute. Mais derrière l'écran de fumée des propos déplacés du Président, vous n'avez plus de stratégie sanitaire. Vous n'êtes pas capable de convaincre les populations de Seine-Saint-Denis, des quartiers Nord de Marseille, des outre-mer. Ce ne sont pas des repaires d'irresponsables, mais les territoires les plus pauvres de la République : les retards de vaccination, c'est votre échec !

L'enjeu, ce n'est pas de vacciner quatre millions de Français, mais de vacciner quatre milliards d'êtres humains. Profitez de l'occasion historique qu'est la présidence française de l'Union européenne pour lever les brevets sur les vaccins ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE)

Ségur de la santé pour tous les établissements sociaux et médico-sociaux

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La crise sanitaire a révélé des situations de précarité dans les secteurs sanitaire et médico-social. Si les avancées du Ségur de la santé sont accueillies avec satisfaction, de nombreux professionnels de l'accompagnement continuent de souffrir d'un manque de reconnaissance.

Les foyers occupationnels et d'hébergement, gérés par les départements, n'ont reçu aucune information sur les revalorisations annoncées début novembre par le Premier ministre. Par ailleurs, de nombreux personnels des maisons d'accueil spécialisées et des instituts médico-éducatifs, financés par les ARS, sont exclus des revalorisations dont bénéficie la totalité des agents des Ehpad. Quant à l'aide sociale à l'enfance et aux maisons de l'enfance à caractère social, elles ne bénéficient d'aucune revalorisation.

Résultat : certains directeurs d'association gérant plusieurs structures sont confrontés à des inéquités salariales difficiles à justifier auprès des personnels, qui sont de plus en plus nombreux à vouloir changer d'établissement pour bénéficier de conditions plus favorables.

Alors que la Conférence des métiers de l'accompagnement vient d'être reportée, quelle est votre feuille de route pour étendre les revalorisations à l'ensemble des personnels des établissements financés par les départements et les ARS ? L'État doit financer le traitement équitable de tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie .  - Avec le Ségur de la santé, nous actionnons deux leviers : l'investissement dans les infrastructures, pour plus de 9 milliards d'euros, et le renforcement de l'attractivité des métiers, pour 8 milliards d'euros annuels.

La mission Laforcade a ouvert la voie à une première extension, en février dernier, aux structures rattachées à un établissement public de santé ou à un Ehpad. Un deuxième accord d'extension est intervenu en octobre dernier, pour les structures non rattachées à un établissement public. Tous les personnels non médicaux des établissements financés par l'assurance maladie sont donc revalorisés.

Depuis le 1er janvier dernier, 66 000 professionnels du handicap et de l'accompagnement sont concernés, y compris dans les résidences autonomie.

Au total, l'effort lié à ces revalorisations se monte à 10 milliards d'euros par an.

Le Premier ministre a annoncé la tenue prochaine d'une Conférence des métiers de l'accompagnement pour fixer un cap et une méthode partagée avec toutes les parties prenantes. Une mission sur l'éclatement conventionnel, qui complexifie la tâche, a été confiée à l'inspection générale des affaires sociales.

Nous entendons poursuivre la transformation d'un secteur essentiel à la solidarité nationale et à la cohésion sociale, mais qui a été trop longtemps oublié. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Traitement des enfants face à la covid-19

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Gouverner, c'est prévoir. Pourtant, depuis quelques jours, nous assistons plutôt à un manque d'anticipation !

Dimanche matin, nous apprenons dans la presse les nouvelles mesures d'isolement. Le lendemain, dans la presse toujours, les parents d'élève et les enseignants ont pris connaissance du nouveau protocole sanitaire. Mardi matin, les enseignants ont appris, à la radio, qu'ils devraient accueillir les enfants de soignants en cas de fermeture de classe.

Quid des enfants de moins de trois ans ? D'après l'ARS, le protocole du 15 décembre dernier continue de s'appliquer. Mais comment expliquer qu'un enfant de trois ans scolarisé en maternelle, lorsqu'il est cas contact, puisse revenir à l'école avec un test négatif, mais qu'un autre du même âge, s'il est accueilli en établissement de petite enfance, doit rester isolé pendant dix-sept jours ? Les familles ne comprennent plus.

Une note de la Direction générale de la santé, datée d'il y a trois jours, prévoit une seule catégorie, les enfants de moins de douze ans vaccinés ou non, et l'application du protocole en vigueur dans les écoles.

Allez-vous faire preuve d'un peu de bon sens ?

M. Jean-François Husson.  - Ça va être difficile !

Mme Christine Lavarde.  - Les familles ont besoin d'être éclairées ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - Depuis deux ans, c'est le bon sens qui nous guide, de même que le pragmatisme - et une certaine forme d'humilité. (Murmures à droite et sur certaines travées à gauche)

Nous nous sommes efforcés d'assurer au maximum la scolarité des enfants et l'accueil des plus petits : c'est un motif de fierté pour notre pays. De même, nous nous sommes toujours concertés avec les différents acteurs, notamment de la petite enfance.

Les enfants cas contact peuvent rester en classe avec un test antigénique ou PCR négatif à J+0, puis des autotests négatifs à J+2 et J+4. (Marques d'ironie à droite)

M. Jean-François Husson.  - Fastoche !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État.  - Les autotests nasopharyngés étant interdits pour les enfants de moins de trois ans, il est nécessaire d'élaborer des règles adaptées. Le protocole, en cours de concertation avec les fédérations des crèches et des assistantes maternelles, sera finalisé d'ici à la fin de la semaine.

Mme Christine Lavarde.  - La détresse des parents est grande, et les élus locaux en première ligne pour y répondre. Gouverner, c'est prévoir, disais-je. L'adage se termine ainsi : ne rien prévoir, c'est courir à sa perte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Place de l'agriculture dans la PFUE

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans le cadre du pacte vert européen, une taxonomie ouvre droit à des taux d'emprunt préférentiels pour certains secteurs. Il s'agit de soutenir les investissements massifs nécessaires à la réduction de 55 % de nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 et au respect de la neutralité carbone en 2050.

Pour l'agriculture française, qui a un rôle majeur à jouer dans cette transition, les enjeux sont considérables. Les investissements liés à la stratégie « De la ferme à la fourchette », volet agricole du pacte vert, doivent pouvoir être réalisés à des coûts minimisés.

À l'ouverture de la PFUE, quelle est l'ambition de la France en matière de finances durables pour l'agriculture ? Allez-vous proposer de nouveaux critères d'éligibilité, en faveur de quelles filières et avec quelle prise en compte des services environnementaux ? Notre plan stratégique national, dont nous ne savons pas grand-chose, intégrera-t-il cet enjeu déterminant pour la compétitivité durable de l'agriculture française ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Oui, la politique agricole européenne doit inclure un volet très important de financement et d'investissement. Car la transition, je l'ai toujours dit, ne passe pas par des injonctions, mais par l'investissement. Notre plan stratégique national, qui sera rendu public dans les prochaines heures ou les prochains jours, prévoit de nombreux outils en la matière.

Au-delà de la PAC, la question du carbone est essentielle : soit on procède par injonction, soit on crée un cadre permettant aux agriculteurs de valoriser économiquement le carbone qu'ils captent.

La France a trois priorités au plan européen : un engagement politique autour de la PAC, car la souveraineté alimentaire est la première de toutes, la réciprocité des normes et l'action en matière de carbone.

M. Franck Montaugé.  - Ces réponses sont intéressantes, mais vous ne m'avez pas répondu sur un point capital : oui ou non, les investissements des agriculteurs français entreront-ils dans la taxonomie verte européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Taxonomie verte européenne

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est avec anxiété que nous avons pris connaissance du projet d'acte délégué de la Commission européenne sur la taxonomie verte.

En effet, ce projet est en retrait par rapport à la résolution européenne adoptée par notre assemblée le 7 décembre dernier. Le nucléaire n'est pas considéré comme une activité durable, mais comme une activité transitoire... Songez qu'il est mis sur le même plan que le gaz naturel, alors qu'une centrale nucléaire émet 6 grammes de CO2 par kilowattheure et une centrale au gaz 418 grammes !

C'est une aberration du point de vue de l'objectif de neutralité carbone et un sérieux revers vis-à-vis de notre partenaire allemand.

L'énergie nucléaire serait soumise à information spécifique et intégrée dans la taxonomie avec un décalage d'un an. Les rénovations de centrale seraient éligibles jusqu'en 2040 et les constructions jusqu'en 2045, alors que les besoins d'investissement vont bien au-delà.

Comment le Gouvernement compte-t-il obtenir un traitement plus favorable de l'énergie nucléaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, chargée de l'industrie .  - Il y a quelques mois, je m'étais engagée devant vous à oeuvrer, avec Bruno Le Maire, Barbara Pompili et Clément Beaune à l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte européenne. C'est désormais chose faite.

Le texte proposé par la Commission européenne - je dis bien : proposé - reconnaît clairement le nucléaire comme une énergie bas-carbone et sûre. Il nous permet de financer nos projets dans le cadre de la finance durable. C'est une étape décisive pour la filière nucléaire et ses 220 000 professionnels ! (Mme Sophie Primas le conteste.)

Le nucléaire garantit une énergie stable et bon marché. Il joue un rôle décisif pour notre indépendance énergétique, surtout dans le contexte actuel de renchérissement du gaz et de l'électricité. Nous lui devons, par exemple, d'avoir sur notre sol les deux derniers sites européens de production d'aluminium.

Nous poursuivons la stratégie de transition fixée par le Président de la République, qui repose sur deux pieds : les énergies renouvelables et le nucléaire. Nous investissons massivement en faveur des unes comme de l'autre.

M. François Bonhomme.  - Et la question ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée.  - En particulier, 1 milliard d'euros est prévu dans le cadre du plan de relance pour les technologies les plus innovantes en matière de SMR. Nous avons, dès aujourd'hui, tous les moyens pour financer les projets. (M. François Patriat applaudit.)

M. Daniel Gremillet.  - Considérer le nucléaire comme une énergie transitoire a des conséquences en matière de financement. C'est une provocation, car il y va de notre indépendance énergétique, un élément de la colonne vertébrale européenne.

Les financeurs vont être dissuadés de s'engager, les jeunes chercheurs de se former. Nous le paierons cher en termes de compétitivité et de pouvoir d'achat.

Où est le retour en grâce du nucléaire, annoncé cet automne par le Président de la République ? La PFUE commence bien mal ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

Accueil des élèves d'enseignants non remplacés

M. Arnaud de Belenet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le protocole sanitaire appliqué à l'école depuis deux jours vise une réactivité et une agilité renforcées. Mais une disposition pose problème.

Les enfants des classes dont les enseignants ne sont pas remplacés ne sont plus répartis dans d'autres classes ; ils ne sont tout simplement plus accueillis. De quoi emmerder tous les parents, vaccinés ou non, pour reprendre le choix lexical du moment...

La vie des familles concernées est fragilisée, la continuité pédagogique et sociale rompue. Les parents ne peuvent travailler, ce qui perturbe l'économie.

Un cas non pas d'école, mais bien réel : hier, un professeur n'a pas été remplacé, ce qui a touché vingt-cinq familles ; une assistante maternelle, contrainte de garder ses propres enfants, n'a pu prendre en charge le fils d'un autre enseignant, lequel est donc resté chez lui et n'a pas été remplacé. Résultat : vingt-cinq autres familles touchées...

Je comprends l'intention de limiter le brassage, mais comment allez-vous faire avec, potentiellement, 30 % d'absents à la fin du mois ? Les mêmes enfants sont mélangés en famille, sur les temps périscolaires, dans les activités associatives. La répartition dans d'autres classes est traçable.

Le remplacement de chaque professeur absent serait la meilleure solution, mais peu d'absents sont remplacés - ce n'est pas nouveau. Les recrutements annoncés ne suffiront pas.

Monsieur le ministre, vous qui êtes soucieux de maintenir l'école ouverte, quand allez-vous supprimer cette règle de non-accueil ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - Faut-il le brassage des élèves dont le professeur est absent ?

Vous soulignez bien les inconvénients de la situation qui se serait produite si nous n'avions pas mené, depuis le début de la crise, une grande politique d'école ouverte. De fait, la France est le pays occidental qui a maintenu le plus ses écoles ouvertes. C'est un motif de fierté pour nous tous, un motif de reconnaissance aussi envers les professeurs, les personnels de direction et les agents des collectivités territoriales.

Je ne nierai pas que ce mois de janvier est difficile. Mais le conseil scientifique ne prévoit pas, heureusement, 30 % d'absents. Le pic d'absence est difficile à prévoir, mais il ne devrait pas dépasser 15 %. Nous déployons des moyens pour porter notre capacité de remplacement de 9 à 12 ou 15 %.

Cette semaine, le taux d'absence constaté est de 7 %. Nous sommes donc en mesure de remplacer, même s'il y a des exceptions. Nous pouvons donc maintenir la politique d'école ouverte, qui correspond au désir de tous.

Si nous avions décidé de brasser les élèves, on nous l'aurait reproché. Quoi qu'on fasse, certains disent que c'est trop, d'autres trop peu...

Cet équilibre est issu des recommandations des autorités sanitaires. Je suis prêt à le reconsidérer dans un dialogue avec elles en fonction de l'évolution de la crise. Mais, aujourd'hui, il permet de concilier école ouverte et sécurité sanitaire maximale. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Arnaud de Belenet.  - Je salue votre effort de pédagogie, mais j'espère que vous généraliserez très vite la dérogation accordée aux soignants à l'ensemble des parents. (Applaudissements sur des travées du groupe UC)

Place de la France en Afrique

M. Cédric Perrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En ce début d'année, je forme des voeux de bienveillance et de tolérance envers tous les Français.

Le Gabon, qui n'a jamais été une colonie britannique, va adhérer au Commonwealth. D'autres pays se détournent de nous, au profit d'autres partenaires jugés plus flexibles en termes économiques, géopolitiques et de développement. Je pense au Cameroun, au Rwanda et au Togo, voire au Maroc, qui se sentirait étriqué dans la francophonie.

L'Hexagone perd du terrain, notamment au profit de la sphère anglophone.

Une autre preuve de notre affaiblissement, plus inquiétante encore, est l'irruption au Mali de la société privée russe Wagner, qui arrive à faire oublier ses échecs et ses exactions dans d'autres pays africains alors que notre pays est de plus en plus décrié dans la zone sahélienne.

Des décennies d'intervention sous mandat international et d'aide au développement sont balayées par une diplomatie d'observation. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour réinvestir le champ informationnel ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je ne partage pas votre point de vue. Depuis plusieurs mois, toutes les initiatives majeures prises en faveur du continent africain, et avec les Africains, l'ont été par la France. (Murmures à droite)

Le 18 mai dernier, une très grande partie des chefs d'État africains ont été réunis à Paris sur l'initiative du Président de la République autour du plan de relance économique du continent.

Nous luttons avec les Africains contre la pandémie : voyez les dons, la création de hubs de production au Cap et au Sénégal, la collaboration avec Avat, le Covax de l'Union africaine.

Ce n'est pas l'aventure de Wagner qui fera oublier l'action de la coalition internationale pour le Sahel. Au reste, les services de Wagner sont payants -  les Maliens ne sont peut-être pas au courant, mais leurs voisins le savent.

Dans le cadre de la PFUE, nous lancerons les 17 et 18 février prochains un New Deal avec l'Afrique. La semaine prochaine, je réunirai mes homologues européens en présence de Moussa Faki, président de la Commission de l'Union africaine.

Oui, la France est respectée, reconnue et attendue en Afrique ! (M. François Patriat applaudit.)

Situation à la frontière russo-ukrainienne

M. Jean-Yves Leconte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les 9 et 10 janvier, à Genève, de hauts responsables de la Russie et des États-Unis discuteront de la sécurité en l'Europe, de notre sécurité -  sans nous.

Les tensions s'accroissent aux frontières de l'Ukraine, dont l'intégrité territoriale a déjà été violée par la Russie. Moscou bloque les initiatives du format Normandie, initié en 2014 par la France et l'Allemagne et exclusivement européen.

Aujourd'hui, le président russe pose des conditions nouvelles, qui portent atteinte au droit de chaque État européen de définir lui-même sa politique étrangère et de sécurité et qui violent le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Moscou et Washington s'apprêtent à parler de nous sans nous. Nous voici donc revenus à l'avant-1989 : l'Europe de Yalta, divisée et mise sous tutelle. Pourtant, de Charles de Gaulle à François Mitterrand, notre politique étrangère a toujours visé à sortir l'Europe de ses fractures et de ses dépendances.

En 1989, les peuples européens ont gagné le droit de dire : rien sur nous sans nous. Nous ne pourrons rien construire en Europe si un seul pays ne dispose pas de sa totale liberté.

Alors que débute la PFUE, comment envisagez-vous de défendre l'autonomie stratégique face au risque d'un retour en arrière majeur ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je partage votre diagnostic sur le moment stratégique actuel.

Dans les jours qui viennent, nous entrerons dans une séquence majeure : dialogue entre la Russie et les États-Unis à Genève, discussions entre la Russie et l'OTAN à Bruxelles, discussions à Vienne dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

La Russie a mis sur la table sa conception des paramètres de la sécurité européenne.

Nous ne devons pas refuser la discussion avec ce pays, mais ce dialogue doit se tenir sur la base de paramètres que nous jugeons conformes à nos intérêts collectifs de sécurité. Or plusieurs des propositions russes ne sont pas compatibles avec l'accord d'Helsinki de 1975.

En outre, les Européens doivent être pleinement impliqués dans les discussions sur la sécurité européenne. L'affirmation de cette position sera à l'ordre du jour de la réunion des ministres des affaires étrangères et de la défense de l'Union européenne qui se tiendra dans quelques jours à Brest.

Enfin, nous devons maintenir la fermeté nécessaire sur la mise en oeuvre des accords de Minsk. Hormis la Russie, tout le monde reconnaît la nécessité des discussions en format Normandie -  c'est aussi la position des États-Unis. Une nouvelle atteinte à l'intégrité territoriale de l'Ukraine risquerait d'avoir des conséquences massives.

Réforme du corps diplomatique

Mme Catherine Dumas .  - La suppression des grands corps de l'État au profit d'un corps unique d'administrateurs, voulue par le Président de la République, vient de connaître sa première traduction : la création de l'Institut national du service public.

Les 800 membres des corps de conseiller des affaires étrangères et de ministre plénipotentiaire sont légitimement inquiets.

Issus de l'ENA ou du prestigieux concours d'Orient, ces serviteurs de l'État embrassent la carrière diplomatique par vocation. Le métier de diplomate n'est pas celui de préfet ou d'inspecteur général des finances. Être diplomate, c'est posséder des compétences de négociation et une expérience de terrain construites au fil des années.

Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer le maintien du concours du cadre d'Orient, qui fait la réputation du plus vieux service diplomatique au monde ? Pouvez-vous préciser si les ambassadeurs continueront d'être nommés sur votre proposition ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Oui, l'engagement des diplomates est un choix de vie ; la diplomatie est un métier, fondé sur des compétences rares et construites dans la durée.

J'ai veillé à l'articulation de la réforme de la haute fonction publique souhaitée par le Président de la République avec ces nécessités. J'ai obtenu à cet égard l'entier soutien du Premier ministre.

Le concours d'Orient sera maintenu, et le ministère en maîtrisera les modalités d'organisation ; ses lauréats s'inscriront dans une filière professionnelle clairement identifiée.

La revalorisation des carrières des secrétaires des affaires étrangères sera renforcée. Les conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires qui choisiront de ne pas devenir administrateurs de l'État ne seront pas pénalisés. Les agents, de tout statut, ayant fait le choix de la diplomatie doivent pouvoir mener toute leur carrière au Quai d'Orsay.

Les métiers de la diplomatie sont ainsi préservés, en cohérence avec la réforme voulue par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Catherine Dumas.  - L'inquiétude est partagée sur toutes les travées de cet hémicycle. Nous refusons la dérive vers une politisation des nominations d'ambassadeurs. Nous possédons le deuxième réseau diplomatique au monde : alors que les crises internationales se multiplient, gardons-nous de l'affaiblir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Impact du prix de l'énergie sur les collectivités territoriales

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis plusieurs mois, le marché de l'énergie est en tension. De 69 euros au printemps dernier, le prix du kilowattheure est passé à 168 euros début octobre ! Et la hausse s'est encore poursuivie.

Le Gouvernement a mis en place un bouclier tarifaire à destination des particuliers, à travers le chèque inflation. Mais rien n'est prévu pour soutenir les communes et intercommunalités, nombreuses à renouveler en ce moment leur contrat d'approvisionnement en électricité.

Les coûts s'envolent : dans les Hautes-Alpes, la communauté de communes de Champsaur-Valgaudemar a vu la facture énergétique de son centre aquatique passer de 180 000 à 840 000 euros ! Intenable, évidemment.

La situation est d'une gravité exceptionnelle pour les finances des collectivités territoriales. Comme citoyens, les Français subissent des fermetures d'équipements publics ; comme contribuables, des hausses de prélèvements.

Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir les collectivités territoriales, frappées durement par la hausse, non maîtrisable, des coûts de l'énergie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics .  - Le secteur de l'énergie connaît une inflation importante partout en Europe et dans le monde.

Le bouclier tarifaire que nous avons mis en place ne se résume pas à l'indemnité inflation. Le principal outil de protection des consommateurs est la baisse temporaire de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité à partir du 1er février prochain.

Les collectivités territoriales, lorsqu'elles sont consommatrices finales d'énergie, bénéficieront de cette baisse, comme elles bénéficient des tarifs réduits liés à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique.

Depuis le début de cette crise, nous veillons à préserver les ressources des collectivités territoriales. C'est ainsi que nous avons créé un filet de protection en matière de recettes fiscales et domaniales et mis en place une compensation des pertes de recettes pour les régies.

Collectivités territoriales, particuliers et acteurs économiques sont confrontés à l'augmentation des prix de l'énergie. C'est pourquoi nous mettons en place des moyens d'accompagnement importants, de l'ordre de 12 à 15 milliards d'euros par an.

M. Jean-Michel Arnaud.  - En pratique, les collectivités territoriales, dont beaucoup sont en train de renégocier leur contrat d'approvisionnement, ne voient pas la traduction de ces dispositifs. Les tarifs proposés, rédhibitoires, menacent le maintien des services publics !

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 16 h 50.