« L'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l'attention »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « L'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l'attention ».

Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe UC .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) L'amélioration de la prise en charge du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est essentielle. Les symptômes provoquent des troubles durables et constituent un vrai handicap invisible pour 5 % des enfants et 2,5 % des adultes. Mais ce trouble est sous-diagnostiqué et mal connu. Le retard d'accompagnement est patent.

Le diagnostic, complexe, crée une errance médicale. D'où la proposition de loi que j'avais initialement déposée, pour une meilleure formation des professionnels et un meilleur accompagnement. Un proverbe chinois dit qu'il vaut mieux allumer une bougie que maudire l'obscurité. Je remercie Annick Jacquemet d'avoir mené des auditions sérieuses sur ce sujet. Pour certaines associations, les concertations n'ont pas été assez précoces et j'ai été surprise par une certaine concurrence. Simone Veil nous rappelait qu'aussi longtemps qu'on s'entend, qu'on partage, on vit ensemble, et surtout, on avance ensemble.

Les répercussions de ce trouble dans les sphères familiale et scolaire sont importantes. Les parents sont douloureusement frappés par le comportement de leur enfant et le regard des autres sur ce qu'ils perçoivent comme un mal élevé. Une fois le diagnostic posé, le soulagement laisse place à un parcours du combattant. Accompagner demande du temps et accentue les inégalités. Certains parents doivent renoncer à leur vie professionnelle.

Les enfants peuvent souffrir de dépression, de harcèlement, d'angoisses, de décrochage scolaire. Malgré les efforts des parents et des enseignants, les demandes d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) ne sont pas souvent acceptées. Tous les parents ne peuvent scolariser leur enfant dans des structures spécialisées.

Suicide, délinquance, addictions, les risques sont très importants. Dans la population carcérale, la prévalence est de 26 % !

Malheureusement, dans la majorité des cas, le diagnostic n'est pas établi dans l'enfance ni l'adolescence, alors qu'il existe des mesures psychologiques, éducatives et sociales. En matière de soins, je m'inscris contre la mouvance américaine d'un recours excessif aux médicaments.

Les plateformes de coordination et d'orientation pour les 7-12 ans prévues par le Gouvernement ne sont pas encore opérationnelles. Je regrette tant d'années perdues pour les familles. Les délais d'admission dans les établissements médico-sociaux peuvent dépasser une année. L'accompagnement immédiat n'est pas possible, les soins sont alors réduits.

Les retards à la prise en charge conduisent à de nombreux troubles et les inégalités territoriales sont importantes. Il faut améliorer l'accès au soin et le diagnostic du TDAH.

Nous devons intervenir précocement, en favorisant l'inclusion scolaire, en améliorant la formation des professionnels et des professeurs.

L'accès aux équipes pluridisciplinaires, une fois le diagnostic posé, est crucial. Des enfants mieux traités sont des adultes épanouis et moins dépendants de l'aide publique.

Il est anormal que ces enfants soient mis de côté en France. J'espère que ce débat favorisera leur meilleure reconnaissance et prise en charge. Allons vers la société inclusive, sans privilège, ni exclusivité, ni exclusion, appelée de ses voeux par Charles Gardou.

Mme Laurence Cohen .  - Je salue le travail de nos deux collègues du groupe UC sur la proposition de loi relative à la prise en charge du TDAH. La proposition de loi n'étant pas encore mûre, elle a été remplacée par ce débat. Je souhaite qu'il soit le début d'un travail législatif fructueux.

Le TDAH concernerait entre 3 et 5 % des enfants de 6 à 14 ans. Quelque 2 millions de Français dont 800 000 enfants seraient touchés, et rarement diagnostiqués. Un tiers de ces enfants ont des difficultés d'apprentissage et de langage et 25 % souffrent de dyslexie contre 6 % en moyenne. La mémoire leur fait défaut, prendre des notes est difficile, toute planification pose problème. Ils traitent les informations avec lenteur.

Ces enfants pâtissent d'un déficit de prise en charge par des équipes pluridisciplinaires. La pénurie d'orthophonistes, par exemple, retarde le diagnostic. Levez le numerus clausus, pudiquement appelé « quota ».

La pédopsychiatrie est sinistrée et manque de moyens, mais rien ne se passe. Les établissements connaissent des fusions, ce qui éloigne encore plus les soins.

Nous devons renforcer la formation des enseignants et des AESH au TDAH. Les AESH connaissent un grand malaise : ce sont des femmes en grande précarité, avec des salaires de misère à 800 euros ! Depuis l'instauration des pôles inclusifs localisés, les AESH doivent accompagner de plus en plus d'élèves. Il leur faudrait un vrai statut de fonctionnaires. Madame la ministre, comptez-vous le leur accorder ?

Le 21 mai dernier, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a plaidé pour une meilleure prise en compte du reste à charge. De nombreux frais s'imposent aux familles ayant un enfant TDAH. Ils devraient être pris en charge par l'assurance maladie.

Je souhaite vous faire part de deux revendications de la Coordination nationale TDAH Adultes : reconnaître ce trouble en affection longue durée (ALD) et former les professionnels de santé au diagnostic et au traitement.

Enfin, il faut financer la recherche sur les effets à long terme de la Ritaline. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je devais initialement être rapporteure de la proposition de loi. À ce titre, j'ai reçu des messages de parents racontant leur détresse et j'ai été très touchée par ces fragments de vie, appels au secours et témoignages de fierté.

Bien loin de se réduire à une simple hyperactivité, le TDAH est une importante source de mal-être quotidien, qui touche plus de 2 millions de personnes. La souffrance est difficile à qualifier. Ce n'est pas vraiment une maladie, le trouble est compliqué à évaluer et les symptômes sont proches de ceux d'autres affections telles que la précocité intellectuelle. Il s'agit d'une association de symptômes, qui est qualifiée de TDAH quand ils s'accumulent.

Ce trouble est mal reconnu et nos mécanismes de protection sociale le laissent dans un angle mort. Certes, le TDAH se traite et l'on peut vivre avec, mais c'est un enjeu de santé publique.

Chez les adultes TDAH, le risque d'addiction est deux à trois fois plus important que chez les autres. La prévalence du TDAH dans la popularisation carcérale serait de 26 %. Très souvent, le diagnostic n'est pas établi. C'est pourtant un impératif.

Nicolas Sarkozy avait envisagé un dépistage massif chez les enfants ; il s'était heurté à des réticences contre ce qui était perçu comme un outil de lutte contre la délinquance. Mais ce pourrait être une mesure sanitaire excellente.

Des marges de progression demeurent en termes de repérage et de prise en charge. Le retard de la recherche française est important. Le Gouvernement avait envisagé des mesures dans le cadre de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous nous les détaillerez.

Il faudrait créer un forfait d'intervention précoce et inclure ce trouble dans une stratégie globale. La plateforme 7-12 ans n'est pas encore opérationnelle, non plus que le plan handicap de façon générale, dont les textes d'application n'ont été pris qu'en septembre dernier.

En outre, le plan, doté de 350 millions d'euros depuis 2018, a ses limites. Il appuie ses efforts de coordination sur les ressources existantes tels que les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Or, selon un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2018, les délais d'admission peuvent parfois dépasser un an. Les parents sont impuissants face à l'errance médicale entre écoles inadaptées et médecins ne voyant que des enfants mal élevés, et face aux coûts des soins chez de rares spécialistes.

Allons plus loin. La stratégie nationale améliore la formation des professionnels, qu'il faut poursuivre. Sur le plan des connaissances, la difficulté du savoir pratique sur les troubles du neurodéveloppement devra s'homogénéiser. Cinq centres d'excellence sont prévus, ainsi que des collaborations internationales. Le TDAH devra être bien pris en compte. L'expérimentation de l'autorégulation du TDAH menée dans une trentaine d'écoles est prometteuse. Le chantier de l'adaptation du travail en classe reste largement ouvert.

En conclusion, nous restons mobilisés auprès des associations, y compris celles que nous n'avons pu auditionner.

Madame la ministre, comment adapter notre protection sociale ? Il ne faut plus laisser personne dans l'errance. Comment rendre plus attractifs les métiers autour des TDAH ? Comment assurer un principe d'égalité et prendre en charge les frais des familles ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Véronique Guillotin .  - (Mme Jocelyne Guidez applaudit.) C'est avec une pointe de regret que le RDSE a appris la transformation de la proposition de loi en débat car cela aurait été l'occasion de faire bouger les lignes. Le nombre de sollicitations qui nous parviennent des associations illustre en tout cas l'intérêt du sujet.

Les troubles du neurodéveloppement se caractérisent par une grande variété de situations et de comportements. Mal connus, ils sont pourtant au deuxième rang des troubles de pédopsychiatrie : 5 % des enfants et 2,5 % de la population générale. Se posent également des questions de sécurité et de santé publique, en raison du risque accru d'accidents ou d'addictions.

Je partage le constat du retard français, comme sur l'autisme. La formation du personnel éducatif est insuffisante. L'école inclusive implique de mettre le paquet sur la connaissance de tous les handicaps.

En amont, un repérage précoce du TDAH est crucial pour empêcher des conséquences très dommageables sur la vie familiale, sociale, scolaire et professionnelle. Le diagnostic nécessite l'intervention de plusieurs professionnels de santé : le forfait intervention précoce diminue le reste à charge pour la consultation de psychologues, neuropsychologues ou psychomotriciens, mais il demeure insuffisant.

Obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psycho-social (CMPP) est un parcours du combattant, parfois de plusieurs mois : certains se tournent alors vers des services non remboursés, d'où des inégalités sociales. Or, ce trouble répandu et mal connu exige une offre publique en quantité et qualité.

Pourtant, l'accompagnement des parents, leur sensibilisation, sont une partie de la solution. Ainsi, les écrans jouent un rôle dans les troubles du comportement ; un accompagnement éducatif permet d'éviter une prise en charge plus lourde ensuite. Il ne faut pas coller d'étiquette sur le front de très jeunes enfants si de simples mesures éducatives suffisent à corriger le trouble. L'État et les collectivités territoriales ont un rôle crucial à jouer auprès des familles.

Après le Covid, notre système de santé doit faire l'objet d'une réflexion de fond. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP et UC)

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La prise en charge des millions de Français souffrant de TDAH est un sujet majeur et méconnu. Je suis triste ce soir. J'aurais souhaité que nous légiférions pour ces familles, minées au quotidien, qui sont en attente.

La proposition de loi de Jocelyne Guidez était certes imparfaite mais nous aurions pu l'amender pour aider les familles, du Calvados et d'ailleurs. L'école gagnerait à être plus douce envers ces enfants trop souvent considérés comme perturbateurs. Oui, c'est triste : tous les jours, des parents amènent leur enfant à l'école la boule au ventre, espérant qu'il ne reviendra pas avec une énième punition, qu'il ne sera pas isolé voire harcelé.

Nous avons tous, comme parlementaires, reçu des témoignages de familles attendant une telle proposition de loi. C'est un rendez-vous manqué.

Certes, la loi pour l'égalité des chances des personnes handicapées a permis de reconnaître ce trouble, mais beaucoup reste à faire.

Je centrerai mes propos sur la situation des plus jeunes. Tout d'abord, on ne connaît pas leur nombre ni leur parcours scolaire : beaucoup agissent de sorte que leurs troubles apparaissent plus légers qu'ils ne le sont. Mais cette compensation ne dure qu'un temps et ils finissent par décrocher, parfois tombent dans la dépression à l'adolescence.

Pour connaître ces troubles, il faut recueillir la parole de ceux qui en sont victimes et comprendre leurs difficultés au quotidien. Les familles sont trop souvent pointées du doigt, culpabilisées. Surtout, il faut lutter contre les amalgames : les enfants TDAH ne sont pas autistes, et ce n'est pas un effet de mode d'être diagnostiqué TDAH. De même, je regrette une stratégie nationale englobant autisme et troubles du neurodéveloppement, c'est une source de confusion.

Ensuite, le diagnostic. Beaucoup de familles ne comprennent pas que leur enfant n'est pas forcément indiscipliné mais qu'il souffre simplement de TDAH. Illettrisme, conduites à risque, accès difficile au marché du travail : il faut réfléchir à ce qui permettra d'éviter des années d'errance, des années perdues. Je comprends la défiance des familles envers les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), souvent d'obédience psychanalytique et dont le personnel est insuffisamment formé à ce type de situations.

Le bilan de diagnostic, pluridisciplinaire, a souvent un coût trop élevé. Les plateformes d'orientation sont peu connues. Surtout, on manque de professionnels spécialisés, dont les psychomotriciens, les orthophonistes, les ergothérapeutes... Certaines MDPH refusent en outre de reconnaître le TDAH. Cette disparité entre départements est un problème.

Enfin, je veux évoquer l'école, où l'enfant passe huit heures par jour. Il faut une vraie montée en compétence des enseignants, pas une simple sensibilisation. Il en va de même pour les AESH. L'enseignant a un rôle majeur à jouer dans la détection -  non le diagnostic ! Il devrait pouvoir repérer des signes et orienter la famille vers des spécialistes. Il reste trop de disparités entre écoles et classes, beaucoup repose encore sur la bonne volonté de l'enseignant.

Pour conclure, un avis favorable a été rendu par la commission de transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS), pour l'administration de Ritaline LP aux plus de 18 ans. Je termine sur cette note positive. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe UC)

M. Xavier Iacovelli .  - « Hyperactif » : ce terme réducteur est souvent employé pour des enfants turbulents ou distraits, alors que c'est une pathologie avec des implications pour la famille et l'enfant, bref une réalité complexe. Ce débat permettra d'envoyer un signal à ces personnes en mal de reconnaissance : « vous n'êtes pas seules », leur disons-nous.

Le TDAH est encore peu connu : la difficulté réside dans le diagnostic. On ne peut pas facilement dire qu'un enfant est atteint ou non ; le diagnostic ne repose pas sur une prise de sang. La Fédération TDAH rappelle qu'il se déduit de symptômes persistants, dans différents environnements. Selon la HAS, ce syndrome associe déficit d'attention, hyperactivité motrice et impulsivité.

Le TDAH toucherait 2 millions de personnes dont 800 000 enfants. Il est source de souffrances et de frustration. Repérage et prise en charge sont donc fondamentaux pour en atténuer les effets.

Un retard de diagnostic peut être dommageable sur le plan psychologique : l'enfant perd confiance en lui et se renferme ; il redouble une classe alors qu'un accompagnement permettrait peut-être une scolarité correcte ; sur le plan familial, les parents ne savent plus comment comprendre et appréhender leurs enfants ; sur le plan social enfin, les enfants TDAH ont plus de difficultés relationnelles que les autres. Leur vie entière peut en être affectée.

Une société inclusive est la priorité du Gouvernement, d'où la stratégie nationale autisme et troubles du neurodéveloppement dès 2018, avec des avancées sur le repérage et le parcours de bilan et d'intervention précoce.

Le diagnostic, avec de nombreux professionnels de santé, est fait avant 7 ans sans avance de frais par les familles. Vous avez entendu les élargir aux 7-12 ans, car l'école élémentaire rend les signes du TDAH plus visibles. Cela permettra, avec les 9 millions d'euros prévus à cet effet, d'améliorer le quotidien des enfants et des familles. Le livret pédagogique que vous venez de publier aidera aussi à mieux orienter les parents.

Telles sont les avancées concrètes récentes. Il faut poursuivre ces efforts. Je me réjouis de ce débat - j'aurais moi aussi préféré une proposition de loi - et je remercie le groupe UC, avec Mmes Guidez et Jacquemet, de mettre ce sujet en lumière.

Nous avons tous reçu des témoignages, nous avons tous, parmi nos enfants ou dans notre entourage, des personnes atteintes de TDAH. La formation du personnel éducatif et des professionnels de la petite enfance est un sujet majeur pour une prise en charge effective. J'espère que ce débat démontrera notre implication : la journée TDAH, qui a eu lieu pour la première fois le 12 janvier 2021, sera une occasion d'améliorer la situation.

Madame la ministre, quel est le bilan de ces trois ans de mise en oeuvre de la stratégie nationale ?

M. Daniel Chasseing .  - Je félicite Jacqueline Guidez et Annick Jacquemet pour avoir déposé et rapporté la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des TDAH, ainsi que pour leur travail approfondi d'auditions.

Ce texte, auquel j'étais favorable, a été rejeté par la commission pour renforcer la concertation avec les associations.

Les troubles dont nous parlons ont des conséquences importantes sur la vie de l'enfant et de l'adulte, avec notamment le risque de décrochage scolaire et de désinsertion professionnelle.

Le délai moyen de diagnostic est de deux à trois ans avec beaucoup d'errances, alors que le diagnostic précoce est crucial : le manque de personnel médical et paramédical, orthophonistes, psychomotriciens, est patent.

Les CAMSP et les CMPP se trouvent souvent démunis.

Pour une école inclusive il faut renforcer la formation des auxiliaires de vie scolaire et leur présence toute la journée auprès de l'enfant. Les élèves concernés sont parfois exclus, laissant les parents en grande souffrance.

La stratégie nationale pour l'autisme et les troubles du neurodéveloppement de 2018 vise à améliorer l'information des professionnels, coordonner les soins et diminuer le reste à charge. Pour autant, il faut améliorer la prise en compte des TDAH.

L'article 3 de la proposition de loi prévoyait deux consultations de dépistage obligatoire, mais je rappelle qu'il existe, en plus du bilan de santé à 3 ans, un bilan de santé à 6 ans. Or selon la Cour des comptes, seulement 18 % des visites prévues ont eu lieu, faute de médecins scolaires. Avant d'ajouter des visites obligatoires, il faut remédier à cette pénurie...

J'ajoute un mot sur les élèves à haut potentiel, dit surdoués, dont certains présentent ce TADH. Certains pays combinent dépistage précoce et scolarité adaptée. La solution française, faire sauter des classes, n'est pas idéale. Mieux vaudrait adapter la scolarité sans brûler d'étape.

Pour conclure, je remercie le groupe UC de nous offrir cette occasion de débattre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les écologistes se félicitent qu'un débat TADH remplace la proposition de loi qui en est à l'origine. Le sujet mérite notre intérêt au vu du désarroi des familles, mais le législateur ne doit pas devenir prescripteur normatif en partant d'approches théoriques et cliniques qui ne représentent pas toutes les pratiques de soin ou d'éducation.

Le dépistage précoce du TDAH inscrit sur le carnet de santé, la possibilité pour un généraliste de porter un diagnostic après seulement quelques heures de formation aboutissent à des préconisations qui escamotent les présupposés théoriques sur lesquels elles s'appuient.

D'après un neuropsychiatre, un quart des élèves d'une classe présenterait des troubles de l'attention. Faudrait-il les dépister comme on dépiste une déficience visuelle ? Les tenants d'une certaine vision portent l'idée d'un enfant-symptôme et évaluent les dysfonctionnements du cerveau sans jamais s'intéresser aux ressources mobilisables par l'enfant. Le diagnostic posé, on déploie des thérapies cognitivo-comportementales, venues des États-Unis et qui tendent à devenir hégémoniques. Mais les psychologues cliniciens défendent la pluralité des approches. Ce que certains spécialistes et éducateurs mettent en avant est l'approche polyfactorielle, avec des facteurs internes liés à l'enfant et externes liés à son environnement, y compris la surstimulation des écrans. Cela nous invite à une politique de prévention.

Les TDAH font l'objet de multiples approches : ce n'est pas aux pouvoirs publics de trancher. Les professionnels doivent débattre, sans s'accuser mutuellement de déni, déni de la prédisposition ou déni de la place de l'environnement. Un dépistage précoce n'est pas neutre alors que des travaux cliniques alertent contre le surdiagnostic et la surmédicalisation.

La France a prudemment limité la prescription de neurostimulants aux pédopsychiatres hospitaliers. L'ouvrir à la médecine de ville risque d'augmenter la médicalisation. Les CMPP ont par ailleurs vu leurs moyens péricliter... Et que dire des médecins scolaires et psychologues affectés sur plusieurs écoles ?

Il faut identifier les difficultés sans enfermer l'enfant ; et lui proposer des solutions adaptées.

Enfin, il faut mettre fin à la destruction de dispositifs pluridisciplinaires, essentiels pour que chaque enfant construise son chemin d'émancipation. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.  - Je souhaitais préciser certaines choses. C'est la première stratégie pour l'autisme et les troubles du neurodéveloppement qui prend en compte le TDAH.

L'engagement du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap a été élargi aux 7-12 ans, car c'est souvent à l'entrée en élémentaire que le TDAH se repère. Ce sont les associations qui nous ont alertés. Notre travail de co-construction a porté ses fruits.

Il est important de prendre en compte ce trouble : merci de porter ce débat. Il faut faire tomber le poids qui pèse sur les familles, qui doivent toujours expliquer les adaptations nécessaires. D'où l'intérêt d'une portabilité des adaptations, de l'enfance jusqu'à l'âge adulte.

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) À quelques heures du comité interministériel du handicap, ce débat est l'occasion de réaffirmer notre soutien aux familles concernées.

Il fait suite à une proposition de loi de Jocelyne Guidez - que je remercie. Si la proposition de loi n'est pas examinée dans l'immédiat, elle nous permet d'aborder un sujet mal connu : le TDAH et plus largement les troubles du neurodéveloppement.

Le TDAH associe trois dimensions cliniques : l'inattention, l'impulsivité et l'hyperactivité. Selon la HAS, il concerne 5 % des enfants et adolescents et 2,5 % des adultes, soit 2 millions de personnes. Il a des répercussions sur l'apprentissage, sur la vie personnelle, professionnelle et sociale.

Je salue la rapporteure Annick Jacquemet, qui a découvert le sujet et a élargi sa réflexion aux troubles du neurodéveloppement. Car le TDAH fait partie des troubles du neurodéveloppement au même titre que les troubles du spectre de l'autisme, les troubles du développement intellectuel, les troubles dys. Les personnes qui en sont atteintes peuvent présenter d'autres troubles. Chaque trouble est spécifique. Je souhaite que le futur texte traite des troubles du neurodéveloppement dans leur ensemble, car les enjeux sont les mêmes en matière de diagnostic, de scolarité, d'insertion.

Au Gouvernement de se saisir du sujet. Des objectifs ont été définis en 2018 au sein de la stratégie nationale pour l'autisme, mais les résultats restent timides. Les familles ont un besoin urgent de réponse. Elles sont trop souvent démunies, faute de diagnostic précoce et de prise en charge. Les professionnels de l'enfance doivent être formés pour repérer des signaux propres aux troubles du neurodéveloppement, de même que les personnels de l'Éducation nationale, pour les aider dans leurs apprentissages.

Une meilleure prise en charge doit aussi être envisagée, car le reste à charge pour les familles est très élevé. La reconnaissance par les MDPH reste un sujet important, de même que la possibilité de bénéficier d'un accompagnement humain.

La future proposition de loi devra répondre à ces problématiques. Le groupe Les Républicains est prêt à y travailler. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le TDAH est une maladie neurologique complexe qui concerne principalement les enfants et les adolescents. Il toucherait entre 5 et 7 % d'entre eux, et persisterait dans 70 % des cas à l'âge adulte.

Son repérage est complexe, car il n'est associé à aucun signe neurologique ou physique et peut être associé à d'autres troubles du neurodéveloppement.

La construction du diagnostic est complexe ; les symptômes peuvent être aggravés par les écrans.

Ce trouble est à l'origine d'une altération des relations avec l'entourage et de l'apprentissage scolaire. Il nécessite une prise en charge médicale lorsque les symptômes deviennent source de souffrance. Une prise en charge de psychothérapie et de rééducation est prescrite en première intention. Parfois, le méthylphénidate peut être prescrit. Cette molécule est moins prescrite en France qu'aux États-Unis, car elle entraîne des effets secondaires importants. Toutefois, les prescriptions s'envolent, et le nombre de boîtes vendues est passé de 26 000 en 1998 à plus de 600 000 en 2014.

La prise en charge du TDAH doit être la plus précoce possible.

Nous pourrions y travailler en améliorant d'abord le repérage. Seuls 14 % des troubles du neurodéveloppement seraient repérés par les professionnels de santé de première ligne. Ceux-ci peuvent bénéficier d'une formation par internet. C'est un début, mais des plateformes ne sauraient compenser le manque chronique de pédiatres et de pédopsychiatres.

Dès le repérage, les patients devraient bénéficier d'une meilleure prise en charge. Or 15 à 17 % des adolescents atteints sont orientés vers des structures pour adultes, faute de structures spécialisées.

Le TDAH ne disparaît pas subitement à 18 ans. Quid des adultes, chez qui le trouble est sous-diagnostiqué ? Là encore, les délais de consultation sont très longs et l'accès aux soins inégal.

Les conséquences du TDAH durent tout au long de la vie : instabilité professionnelle, accidents, addictions, qui peuvent conduire au suicide. Les psychiatres et pédopsychiatres ne sont pas assez nombreux pour prendre en charge ces patients et les outils actuels sont insuffisants.

La pratique sportive dès le plus jeune âge n'est pas la solution miracle, mais elle peut aider et a le mérite d'être facile à mettre en oeuvre.

Je remercie Jocelyne Guidez et Annick Jacquemet pour leur travail, en attendant une traduction législative et réglementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le TDAH est encore méconnu et douloureux pour les familles. C'est un enjeu de santé publique, car il concerne 5 % des enfants et 2,5 % des adultes. Ce trouble neurobiologique ne disparaît pas avec l'âge. Les adultes atteints sont davantage l'objet de suspensions de permis de conduire, d'accidents et d'arrestations que le reste de la population ; ils présentent un risque accru d'addiction, de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires.

Des dispositifs existent. L'assurance maladie peut prendre en charge un parcours de bilan et d'intervention précoce. Les plateformes d'orientation et de coordination doivent être étendues aux enfants jusqu'à 12 ans. Les professionnels de santé de premier recours peuvent repérer les symptômes, orienter les familles et participer au suivi.

Malgré des progrès indéniables, les familles vivent parfois une errance, faute de diagnostic. Les délais d'attente pour un rendez-vous atteignent dix-huit mois ! Or un diagnostic précoce limite les conséquences sur la vie d'adulte, car l'enfant peut apprendre à vivre avec son trouble, voire éviter le développement de comorbidités psychiatriques.

Seule une petite partie des 5 % d'enfants concernés bénéficiera d'un diagnostic précoce, d'un suivi optimal et donc et d'une vie d'adulte normale. Les autres seront traités sans succès pour trouble bipolaire, dépression ou addiction ; certains se retrouveront en prison du fait de leur impulsivité.

La proposition de loi proposait deux consultations obligatoires de dépistage des troubles du neurodéveloppement, remboursées, à l'instar des examens bucco-dentaires de prévention. On ne peut qu'y souscrire.

Madame la ministre, qu'envisage le Gouvernement pour améliorer le diagnostic précoce du TDAH et ainsi offrir une trajectoire de vie normale aux personnes atteintes de ce trouble ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État, chargée des personnes handicapées .  - J'ai plaisir à débattre ce soir avec vous d'un sujet prioritaire pour le Gouvernement. Je remercie le groupe UC d'avoir demandé ce débat. Je connais l'engagement de Jocelyne Guidez sur ce sujet. Sa proposition de loi reposait sur trois piliers : l'amélioration de la formation des acteurs au contact des enfants et des adultes atteints de TDAH, l'établissement d'un diagnostic précoce et différents dispositifs de repérage et de prise en charge.

Vous proposez la prise en compte du TDAH dans la formation des professionnels et l'accès au repérage, au diagnostic et au remboursement des soins. Néanmoins, le TDAH ne donne pas forcément lieu à une reconnaissance au titre du handicap.

Depuis 2017, des stratégies nationales sont déployées. Nous avons veillé à ce que les besoins du TDAH soient traités dans la stratégie nationale autisme et troubles du neurodéveloppement 2018-2022. Celle-ci vise tout d'abord à structurer une recherche d'excellence, et les TDAH seront bien pris en compte dans le groupement d'intérêt scientifique.

Le diagnostic a été amélioré avec la création des plateformes d'orientation et de coordination, accompagnée d'un forfait précoce pour la prise en charge des interventions de psychomotriciens, ergothérapeutes ou psychologues non conventionnés, sans reste à charge pour les familles : 12 000 enfants en ont profité.

Nous avons créé un guide de repérage des signaux d'alerte pour orienter les familles vers les plateformes.

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, nous avons consacré 9 millions d'euros supplémentaires au déploiement des plateformes pour les 7-12 ans. Plus de 20 000 enfants avec un trouble du neurodéveloppement ont été repérés par 76 plateformes. Un guide de repérage pour cette tranche d'âge sera testé. Il sera renseigné par les enseignants et les médecins.

Une consultation dédiée aux troubles de l'enfant a été créée, avec une rémunération jusqu'à 70 euros pour le médecin traitant.

Des actions spécifiques sont menées avec l'Éducation nationale, comme le livret de parcours inclusif pour la portabilité des adaptations.

J'entends vos préoccupations concernant les familles. La stratégie nationale pour les aidants déploie par exemple des dispositifs de répit pour les parents d'enfants atteints de TDAH. Une enquête Ipsos sera menée pour évaluer le dispositif et le reste à faire.

Nous continuons de travailler avec les associations à une déclinaison sur le terrain, dans chacun des territoires, au plus près des personnes.

Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe UC .  - Merci pour ce débat constructif et enrichissant. Je remarque un accord général sur son bien-fondé. Je remercie Mme Cluzel pour son engagement.

La prévention a un coût, mais ne pas faire de la prévention a aussi un coût, humain et social. Il est donc judicieux d'investir aujourd'hui pour que toute la société soit demain plus apaisée.

Il est temps de former les enseignants à ce trouble qui affecte 5 % des enfants, temps d'accorder une égalité des chances réelle et d'assurer un travail en classe respectueux des différences.

À toutes les associations, à toutes les familles, je dis que le combat pour garantir des ressources, développer des centres experts ne se termine pas ce soir.

Avec le soutien de la commission des affaires sociales, nous restons mobilisés. La création d'une mission d'information permettrait d'entendre des médecins, des neuroscientifiques, des associations afin de dégager des solutions pour la prise en charge des TDAH.

Il est temps de faire de la solidarité et du vivre-ensemble une priorité. L'attente des parents, épuisés, est très forte.

Ils ont témoigné. « Mon enfant est découragé, il est devenu le bouc émissaire de toute une classe. Je ne souhaite pas que mon enfant soit médicamenté pour pallier un manque de moyens. Nous sommes les parents oubliés de la République, nos enfants sont maltraités par le système éducatif. Personne ne peut imaginer ce que nous subissons, les préjugés, le sentiment d'être incompris, démunis, rejetés. »

À cela s'ajoute une bataille permanente pour faire connaître le TDAH.

Que de temps et d'énergie gagnés si un dépistage systématique était organisé à l'école primaire ! Une main tendue serait pour ces familles une bouée de sauvetage. Évitons-leur les addictions et la dépression.

Je connais bien le quotidien de ces enfants, puisqu'un de mes petits-fils bénéficie d'un suivi pluridisciplinaire hebdomadaire. Mais tous les enfants n'ont pas la même chance.

Une volonté politique solide est nécessaire. Les associations ont déblayé le terrain. Avec Annick Jacquemet, nous pensons que ce combat n'enlèvera rien à la cause des troubles autistiques.

Winston Churchill, une des personnalités sur lequel le diagnostic a été porté a posteriori, disait : « Le succès est d'aller d'échec en échec, sans perdre son enthousiasme ».

Nous continuerons à être à l'écoute de toutes les associations. Vous pouvez compter sur notre engagement. (Applaudissements sur toutes les travées)

Prochaine séance demain, jeudi 3 février 2022, à 10 h 30.

La séance est levée à 21 heures.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 3 février 2022

Séance publique

À 10 h 30 et à 14 h 30

Présidence :

M. Georges Patient, vice-président

Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires :

M. Joël Guerriau - Mme Françoise Férat

1. Questions orales

2. Débat sur le thème : « Quelle réglementation pour les produits issus du chanvre ? » (Demande du GEST)

3. Débat sur le thème : « Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur ? » (Demande du groupe CRCE)

4. Débat sur l'évaluation de l'opportunité et de l'efficacité des aides versées au titre du plan de relance dans le cadre de la crise sanitaire (Demande du groupe SER)