Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi (Conclusions de la CMP)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La CMP réunie le 9 novembre dernier est parvenue à un accord. Le Sénat s'est attaché à donner du sens à ce projet de loi, au-delà de la prorogation des règles d'assurance chômage. Je salue mon co-rapporteur Olivier Henno et Marc Ferracci, rapporteur de l'Assemblée nationale, avec qui les échanges ont été à la fois sincères et exigeants.

À l'article 1er, la CMP a adopté une rédaction de compromis. Comme le prévoyait le texte initial, le Gouvernement sera autorisé à prendre par décret en Conseil d'État les mesures d'application du régime d'assurance chômage jusqu'au 31 décembre 2023, ainsi qu'à prolonger jusqu'au 31 août 2024 l'application du bonus-malus sur les contributions d'assurance chômage.

Mais le texte conserve le principe, introduit par le Sénat, d'une concertation des partenaires sociaux sur la gouvernance de l'assurance chômage et les conditions d'équilibre du régime. Des négociations porteront sur l'opportunité de maintenir le document de cadrage qui date de 2018.

La contracyclicité de l'indemnisation, que le Gouvernement souhaitait mettre en oeuvre par décret, a également été maintenue.

Le Sénat avait introduit deux articles pour supprimer l'allocation chômage en cas de refus de CDI à l'issue, respectivement, d'un CDD et d'un intérim. Tenant compte du risque juridique associé à un traitement différencié des deux situations, la CMP a adopté, à l'article 1er bis AA, une rédaction de compromis prévoyant dans les deux cas une suppression des allocations après deux refus.

Elle a également clarifié l'articulation avec le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE).

Le Sénat estime avoir été entendu sur ce point ; en revanche, nous serons attentifs à ce que l'application de ce texte ne donne pas lieu à une usine à gaz, comme on peut le lire dans la presse. Madame la ministre, la balle est dans votre camp.

À l'article 2, malgré les évolutions substantielles introduites par le Sénat, la CMP est revenue à la rédaction de l'Assemblée nationale sur le bonus-malus qui apporte une transparence bienvenue aux employeurs. Après deux ans, il conviendra de faire un bilan du dispositif.

À l'article 4, le Sénat a souhaité ouvrir plus largement la validation des acquis de l'expérience (VAE). La CMP a conservé cet apport et a maintenu la précision que le groupement d'intérêt public (GIP) national doit tenir compte des besoins de qualification des territoires.

En revanche, la CMP est revenue sur les deux membres supplémentaires du GIP et la présidence par un président de conseil régional. Il n'est en effet pas nécessaire que la loi fige la gouvernance.

Ce texte reflète notre ambition de redonner une chance au paritarisme et d'adapter les règles de l'assurance chômage à la situation économique. Je vous propose donc de l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels .  - Je vous prie d'excuser l'absence d'Olivier Dussopt. Je me félicite de l'accord trouvé avec l'Assemblée nationale, qui s'explique par la qualité des débats.

Je remercie tous les parlementaires qui ont oeuvré à ce compromis au service de l'intérêt général. Ce texte équilibré est une étape supplémentaire vers le plein emploi. Je salue le travail exigeant de vos rapporteurs, Mme Puissat et M. Henno.

Ce projet de loi donne au Gouvernement la possibilité de prolonger l'indemnisation du chômage pour quatorze mois, et le dispositif du bonus-malus jusqu'au 31 août 2024.

À la faveur d'un amendement adopté au Sénat et retenu par la CMP, l'indemnisation pourra varier en fonction de la situation sur le marché du travail. Cela montre la volonté des rapporteurs de sécuriser, soutenir et encourager notre réforme.

Olivier Dussopt réunira les partenaires sociaux le 21 novembre prochain pour conclure la concertation entamée le 17 octobre. La modulation de l'indemnisation soutiendra notre activité économique, sachant que 30 % des entreprises renoncent à une partie de leur activité en raison des pénuries de main-d'oeuvre.

Contrairement à ce que l'on entend parfois, la réforme ne pénalisera pas les plus fragiles : elle ne fera pas diminuer le nombre de personnes ouvrant des droits à l'assurance chômage, et ne revient pas sur les conditions d'affiliation minimale.

L'abandon de poste vaudra désormais présomption de démission. Jusqu'à présent, ces règles n'étaient pas formalisées, et l'abandon de poste était considéré par défaut comme une faute grave ne donnant pas droit à des indemnités de licenciement. La nouvelle procédure explicitera les causes sous-jacentes : ainsi la démission s'imposera après une mise en demeure si le salarié cesse d'exécuter son contrat de travail sans prévenir ; mais elle sera écartée en cas de justification - afin notamment de prendre en compte des motifs de santé ou de sécurité.

Nous prenons également acte de la volonté des législateurs d'encadrer les refus de proposition d'embauche en CDD faisant suite à un intérim ou à un CDD. Vous avez précisé que le CDD doit être conforme au profil de l'offre raisonnable d'emploi tel que défini dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), ce qui est bienvenu. Cette discussion a permis un débat intéressant sur les conditions d'attractivité des métiers et les nouveaux comportements sur le marché du travail, notamment des jeunes.

Vous avez intégré les centres de gestion de la fonction publique territoriale à la réflexion sur l'accès à l'assurance chômage des agents des collectivités territoriales démissionnaires. En effet, dans certains cas, les collectivités territoriales sont amenées à payer le montant des indemnités, ce qui peut les mettre en difficulté. Olivier Dussopt s'est engagé à rechercher des solutions.

Vous avez confirmé la volonté du Parlement de refondre la VAE, afin de la rendre plus simple et sécurisante, en conciliant objectifs nationaux et stratégies locales. Nous allons ainsi refonder un nouveau service public dans la logique d'universalité portée par la majorité sénatoriale. Soyons fiers d'avoir ouvert en grand les portes de la VAE.

Ce projet de loi apporte de nombreuses avancées sur le chemin du plein emploi. Le Gouvernement est par conséquent favorable à l'adoption des conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble de ce texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement. En conséquence, le vote sur les amendements et sur les articles est réservé.

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 1er BIS AA

Mme le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission.

Alinéa 6, seconde phrase

Remplacer le mot :

employeur

par les mots :

entreprise utilisatrice

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Avis favorable.

ARTICLE 4

Mme le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission.

Alinéa 24

Remplacer les mots :

les actions d'accompagnement prévues à l'article L. 6423-1

par les mots :

un accompagnement

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.  - Avis favorable.

Interventions sur l'ensemble

M. Emmanuel Capus .  - Atteindre le plein emploi est un objectif économique : c'est plus de ressources et moins de dépenses, ce qui permet d'équilibrer le régime. Mais c'est surtout un objectif social : mieux vaut un travail que des allocations pour trouver sa place dans la société, et le pouvoir de négociation augmente quand le marché du travail est tendu.

La réforme de l'assurance chômage est un axe incontournable pour atteindre cet objectif. Il faudra aussi réformer les retraites, ajuster la politique de l'apprentissage, développer la formation professionnelle et recadrer la formation continue. Le groupe Les Indépendants soutiendra ces réformes.

Mais la priorité était la réforme de l'assurance chômage. D'abord pour des raisons de calendrier, car il fallait prolonger les règles en vigueur. La majorité sénatoriale souhaitait anticiper un retour au paritarisme de gestion ; je crois pour ma part qu'il faut laisser du temps aux partenaires sociaux. La prolongation jusqu'au 31 décembre 2023 donne de la lisibilité aux acteurs et permet d'anticiper les nouvelles modalités de négociation.

La version de la CMP est claire : les partenaires sociaux devront chercher à équilibrer les finances du régime. Je me félicite que cet amendement porté par le Sénat ait été retenu.

Je comprends les réserves sur la présomption de démission en cas d'abandon de poste, mais je crains que les exceptions introduites n'alimentent le risque de contentieux pour les PME.

La CMP a trouvé un compromis modéré sur les refus de CDI en fin de CDD ou d'intérim. La situation désespère autant les employeurs que les demandeurs d'emploi à la recherche d'un CDI. L'assurance chômage doit rester un filet de sécurité pour les salariés involontairement privés d'emploi.

Sur la contracyclicité du bonus-malus, c'est au Gouvernement d'agir. Mon groupe votera ce texte, dont nous espérons qu'il garantira l'équilibre financier du régime et engagera le désendettement de l'Unédic. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur le banc des commissions)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.) Après l'amendement « retraites » de la majorité sénatoriale, ce projet de loi néolibéral marque un nouveau recul pour les droits des travailleurs, en affaiblissant la capacité des demandeurs d'emploi à négocier des conditions d'emploi dignes.

La suppression des allocations après deux refus de CDI à l'issue d'un CDD, en plus d'être une usine à gaz, alimente une logique du soupçon perpétuel : les chômeurs sont soupçonnés de préférer le chômage au travail.

Opposer prestations et travail n'a aucun sens, mais cette petite musique fait son chemin. Avec un effet de loupe sur quelques cas très minoritaires, on justifie le durcissement de l'accès à l'assurance chômage pour réduire les marges de manoeuvre des demandeurs d'emploi et les contraindre à accepter des emplois de piètre qualité.

C'est ce qu'on observe au Canada, modèle affiché de votre réforme : les demandeurs d'emploi voient leur carrière bloquée par ce système.

Le texte donne un blanc-seing au Gouvernement, désormais libre de moduler l'assurance chômage après un simulacre de concertation avec les partenaires sociaux.

Tout à son objectif d'atteindre 5 % de chômage, le Gouvernement refuse de questionner les causes réelles des tensions dans certains secteurs. Répétons-le, seulement 6 % des trois millions d'offres déposées à Pôle emploi étaient non pourvues en 2021. Et, pour ces offres, les trois quarts des recruteurs reconnaissaient que les conditions offertes pouvaient décourager.

La réforme aggravera la précarité de nombreux chômeurs. Les allocations ne sont pas une désincitation au travail : on ne gagne pas plus au chômage qu'en activité ! (Mme Michelle Meunier approuve.)

Selon l'Unédic, l'allocation moyenne est inférieure au seuil de pauvreté. Sept chômeurs indemnisés sur dix reçoivent une allocation durant moins d'un an, et près de la moitié des bénéficiaires occupent un travail en parallèle. De plus, selon la Dares, le taux de non-recours serait compris entre 25 et 42 %.

Pour les deux millions de personnes entrant dans le halo du chômage, cette réforme ne change rien, mais elle vous permet de ramener le chômage à des aléas moraux, à des comportements individuels. Vous refusez ainsi de considérer les causes structurelles que sont la dégradation des conditions de travail et la perte de sens. Comme le souligne le sociologue Charles Wright Mills, l'enjeu est collectif et non individuel : « L'énoncé correct du problème, écrit-il, réclame l'examen préalable des institutions économico-politiques de la société et non plus des seuls caractères propres aux individus. »

Ce projet de loi aurait pu servir la cause du travail et des travailleurs ; il profite au patronat qui se lamentera ensuite de la faible motivation des travailleurs. Il ne résoudra pas la crise de l'attractivité. Le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Martin Lévrier .  - Ce n'était pas inéluctable : ce mois-ci, le taux de chômage a reculé de 0,1 point, et 84 000 emplois privés ont été créés au troisième trimestre. Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, le taux de chômage est passé de 10 % à 7,3 %. Le plein emploi n'est plus une utopie.

Au cours de l'examen du texte, le nombre d'articles est passé de cinq à quinze. Deux ont été adoptés conformes ; il en restait treize, signe que l'accord en CMP n'était pas acquis d'avance.

Je salue le travail des rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale. Notre route est droite et la pente s'adoucit.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales.  - C'est beau !

M. Martin Lévrier.  - Tout en conservant les grandes lignes du texte, la CMP a repris les apports du Sénat sur la gouvernance de l'assurance chômage, l'incitation à accepter un CDI en cas de tensions sur le marché du travail, et la reconnaissance de la VAE.

Elle a également acté l'ouverture d'une négociation interprofessionnelle sur les équilibres financiers de l'assurance chômage et l'opportunité de revoir le document de cadrage.

Concernant les refus d'offres de CDI, les risques juridiques ont été pris en compte, et je me réjouis que la réforme de 2019 ait réduit la part des contrats courts dans les embauches. Cependant, je ne suis pas convaincu par le durcissement des règles, qui laisse penser que seul un CDI garantit la sécurité de l'emploi. En effet, plus de la moitié des CDI sont rompus dans les deux ans, preuve que la flexibilité gagnant-gagnant est une meilleure solution.

Enfin, la CMP a confirmé l'ouverture de la VAE à toute personne dont l'expérience est en lien avec la certification, comme les proches aidants et les bénévoles dans les associations.

L'article 4, enrichi par le Gouvernement et les parlementaires, concrétise la création d'un véritable service public de la formation, avec l'objectif de passer de 30 000 à 100 000 VAE par an.

Le RDPI votera ce texte, fruit d'un bicamérisme équilibré. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur le banc des commissions)

Mme Monique Lubin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'examen de ce projet de loi aura été l'occasion pour le Gouvernement de montrer qu'il n'est ni de gauche ni de gauche. Le groupe SER était en désaccord avec la réforme de 2018 ; c'est peu dire que nous sommes opposés à ce texte qui la radicalise en tournant le dos au paritarisme et aux droits des travailleurs.

La contracyclicité a été un désastre au Canada ; cette instabilité arbitraire promet des difficultés dans les plus brefs délais.

Le texte a été durci par l'Assemblée nationale : tout salarié abandonnant son poste sera considéré comme démissionnaire. Or aucune donnée chiffrée n'étaye une telle mesure qui relève plutôt du préjugé et ignore les raisons de ce phénomène, souvent inhérentes au mauvais management ou aux conditions de travail.

Devant les prud'hommes, la charge de la preuve incombera au salarié ; la procédure sera difficilement opérante. Elle comporte en réalité plus de risques juridiques pour l'employeur qu'elle ne le sécurise, car le régime de la démission devient équivoque.

La majorité sénatoriale a encore aggravé le texte et le Gouvernement a suivi. Les demandeurs d'emploi ne sont plus considérés comme des citoyens bénéficiant d'une assurance, mais comme des profiteurs se laissant aller à la paresse. Les amendements ne sont basés sur aucune étude rigoureuse donnant assise aux choix politiques. C'est une certaine vox populi qui donne le ton...

Le choix de sanctionner une personne refusant un CDI trois fois est désastreux. Imaginons une personne de 50 ans dont l'entreprise ferme, et qui perd un salaire correspondant à trente ans d'ancienneté - cela arrive tous les jours. Arrivant en fin de droits, cette personne accepte un CDD pour un emploi en deçà de ses attentes légitimes, mais refusera un CDI. La situation peut se répéter avant qu'une opportunité ne puisse se proposer à nouveau. À cet âge, n'est-il pas légitime de disposer de temps pour trouver un emploi compatible avec son état de santé ? Qui sommes-nous pour inscrire dans le marbre des dispositions mettant en difficultés des gens dont nous ne connaissons pas la vie ?

Nous ne pouvons ramener les demandeurs d'emploi à une seule réalité basée sur des préjugés. Il y aurait eu de belles choses à faire pour aller vers une assurance chômage négociée par les partenaires sociaux, dotée de fonds propres, et ouvrant des droits à ceux qui en sont exclus. Nous nous opposerons à ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et du GEST)

Mme Éliane Assassi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER) Une petite heure a suffi pour que le Gouvernement et la majorité sénatoriale se mettent d'accord pour organiser non pas le retour au plein emploi, mais bien la reprise en main de l'assurance chômage par le Gouvernement. Avec l'article 1er, nouvelle étape dans l'étatisation, celui-ci fixera seul la durée d'indemnisation selon la situation de l'emploi : au vert, la durée sera réduite de 25 % ; à l'orange, la réduction sera de 15 % ; au rouge, la durée sera maintenue.

Un demandeur d'emploi inscrit à partir de février 2023 verra donc ses droits réduits à 18 mois, contre 24 mois précédemment. Pour les plus précaires, cela passera de 6 à 4 mois. Les seniors seront indemnisés durant 28 mois, contre 36 auparavant. Les disparités géographiques et sociales seront considérables.

Cette loi est un coup de force contre la démocratie sociale. La droite sénatoriale a obtenu des régressions sociales : les salariés abandonnant leur poste seront ainsi considérés comme démissionnaires et perdront le bénéfice de l'assurance chômage. Bravo ! Ni le ministère du travail, ni Pôle emploi ne disposent de données sur la question pour justifier cette procédure déséquilibrée, inadaptée à la justice prud'homale.

Par ailleurs, après avoir financé pour des milliards d'euros les exonérations de cotisation sociale sur les contrats courts, le Gouvernement pénalise ceux qui refusent un CDI après plusieurs CDD ou missions d'intérim. Le rapporteur de l'Assemblée nationale Marc Ferracci lui-même a reconnu que l'abandon de poste et le refus de CDI n'étaient pas des phénomènes massifs. Pourquoi pénaliser des comportements minoritaires ?

Vous inversez le sens de la protection sociale en protégeant les employeurs.

Cette attaque contre les droits des travailleurs donne un avant-goût des mauvais coups que prépare le Gouvernement, qui peut compter sur la droite sénatoriale pour disposer d'une majorité parlementaire.

Le groupe CRCE a un autre projet, celui d'une véritable sécurité sociale professionnelle. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Monique Lubin applaudit également.)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et sur le banc des commissions) Je remercie Mme Puissat pour nos échanges amicaux et fraternels, et le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Ferracci, pour les échanges « parfois virils mais corrects », qui ont permis d'aboutir à un texte équilibré. Il répond aux tensions actuelles sur le marché du travail. Faute de personnel, nos restaurants doivent fermer plus tôt !

Ce texte ne défend pas une position morale, il est pragmatique : il faut des incitations plus fortes au travail, et pas seulement de meilleures rémunérations. Nous avons été animés par la valeur travail. Nous défendons le paritarisme, c'est l'ADN de la majorité sénatoriale : c'est le pilier du modèle français de protection sociale, qui est rétif à l'étatisation.

L'assurance chômage doit protéger des accidents de la vie mais non de toutes les situations : un abandon de poste est une démission ; on ne peut refuser un CDI plusieurs fois après des CDD ou des missions d'intérim. C'est dans l'intérêt même des assurés, qui financent le système, car l'argent ne tombe pas du ciel !

Les règles du CDI intérimaire ont été assouplies. L'amendement de Philippe Bas a été conservé pour l'indemnisation des anciens agents des collectivités territoriales. Idem pour l'amendement de Catherine Procaccia qui sécurise la représentation des organisations syndicales dans l'enseignement privé.

Le Sénat avait souhaité donner un nouveau souffle à la VAE en la rendant plus accessible. Nous sommes sortis d'une approche par statut pour l'ouvrir à toute personne dont l'activité est en lien avec la certification. Les missions du GIP devront tenir compte des besoins des territoires, comme nous l'avons souhaité.

L'article 4 bis a été maintenu pour une expérimentation permettant de compléter formation en alternance et VAE. Nous n'avons pas fini de parler de cette question, qui ne concerne pas seulement les proches aidants, mais plus largement la formation tout au long de la vie. Au Danemark, plus de 30 % des habitants se forment jusqu'à 65 ans. Alors que l'on s'interroge sur le travail des seniors, la VAE doit permettre d'aller plus loin sur cette question.

Nous voterons pour ce texte utile. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et sur le banc des commissions)

Mme Guylène Pantel .  - Lorsque ce texte est arrivé, nous avons trouvé le choix du titre ingénieux : qui serait contre le plein-emploi ? Nous avons saisi rapidement qu'il s'agissait de la première étape d'une réforme d'ampleur du marché du travail. Plus de transparence aurait été bienvenue ; cela aurait permis des débats plus sereins.

Nous souhaitons toutefois saluer l'implication de chacun afin que le chômage de masse ne soit plus une fatalité.

L'article premier conserve le système d'assurance chômage, le temps d'organiser la négociation. Le Gouvernement disposera ainsi d'une base pour fixer les règles d'indemnisation en fonction de la situation économique. Mais nous sommes toujours vigilants face à un possible détricotage de l'assurance chômage.

M. Dussopt s'est engagé à ne pas modifier les conditions d'affiliation, ce qui est une bonne nouvelle. La règle des six mois sur les vingt-quatre derniers mois sera maintenue.

L'assimilation de l'abandon de poste à une démission répond sans doute aux préoccupations du terrain. Les salariés concernés pourront contester leur démission devant les prud'hommes, mais le jugement devra être rapide pour que le salarié ne soit pas délaissé.

L'absence d'indemnisation en cas de refus de deux CDI après deux CDD ou missions d'intérim, introduite par le Sénat, nous semble être une usine à gaz.

En revanche, nous nous félicitons des mesures concernant la VAE, qui n'est pas suffisamment répandue.

Les droits sociaux doivent être préservés, et le dialogue social doit être pérenne. Au RDSE, nous sommes partagés sur la capacité de cette réforme à répondre aux besoins. Fidèles à notre tradition de liberté de vote, nous voterons individuellement.

Mme Chantal Deseyne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'accord trouvé en CMP a permis au Sénat d'élargir l'ambition du texte. Nous avons rétabli le paritarisme mis à mal par la loi de 2018. Le texte issu de la CMP prévoit l'ouverture d'une négociation interprofessionnelle l'année prochaine, qui portera sur les conditions de l'assurance chômage et sur l'équilibre financier du régime. Les partenaires sociaux devront décider si le document de cadrage issu de la réforme de 2018 est pertinent.

Le projet de loi a permis d'engager une réflexion sur la gouvernance de l'assurance chômage. Le Sénat s'est attaché à garantir les droits des demandeurs d'emploi. Nous avons validé le dispositif introduit par l'Assemblée nationale assimilant les abandons de postes à des démissions. Sauf motif légitime, l'arrêt volontaire du travail ne doit pas donner lieu à une indemnisation.

La commission des affaires sociales avait prévu que les allocations ne puissent être ouvertes pour un salarié ayant refusé un CDI après trois CDD. Mme Puissat et M. Henno, en accord avec les députés, ont fixé à deux le nombre de refus acceptables. Il s'agit de faire respecter la nature assurantielle du régime d'assurance chômage, qui ne s'applique que pour les personnes involontairement privées d'emploi.

Ces dispositions devraient rapidement entrer en application. Il vous appartiendra, madame la ministre, d'accompagner les chefs d'entreprise pour éviter une surcharge administrative.

Vous devrez mettre en oeuvre la modulation des durées d'indemnisation selon la conjoncture. Nous serons attentifs à vos conclusions le 21 novembre prochain.

Je souligne les apports du Sénat concernant les expérimentations sur le CDD multiremplacement.

Nous regrettons que la CMP n'ait pas conservé le bonus-malus concernant les contrats courts. Il faudrait de revoir leur taux de taxation, mais les députés de la majorité ne l'ont pas souhaité.

Nous avons ouvert à tous le service public de la VAE prévu, en simplifiant les procédures.

L'ambition première du texte était d'assurer la continuité de notre régime au-delà de novembre, et non de garantir le plein-emploi. Nous l'avons étoffé en défendant le paritarisme. Le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

À la demande des groupes Les Républicains et UC, le projet de loi, modifié par les amendements de la commission, est mis aux voix par scrutin public.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°56 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption 242
Contre   91

Le projet de loi est définitivement adopté.