Rapport d'avancement annuel sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport d'avancement annuel sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029, à la demande de la commission des finances.

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Il y a trois mois, le Parlement adoptait le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Le compromis trouvé en CMP nous oblige à un suivi renforcé de l'exécution de ce budget, pour respecter les équilibres financiers et budgétaires que vous avez votés, parmi lesquels notre objectif de déficit de 5,4 %. Ce suivi est d'autant plus nécessaire que les aléas et les risques sont décuplés, sous l'effet des crises géopolitique et commerciale.

Le rapport annuel d'avancement nous offre l'occasion de vous rendre compte du respect de la trajectoire de redressement de nos comptes publics et de vous présenter les principes du prochain budget.

Il comporte deux volets : les constats et les corrections. Tel est le sens de la méthode du « quoi qu'il arrive », que nous vous avons présentée en commission et lors du premier comité d'alerte.

La loi de finances pour 2025 est un budget de compromis qui engage un effort courageux pour le redressement de nos comptes. Selon la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), l'objectif de 5,4 % de déficit est impératif, ambitieux et atteignable.

Pour y parvenir, nous avons instauré une gestion renforcée, via trois circulaires du Premier ministre.

Les reports généraux hors relance ont été réduits de moitié, à 4,4 milliards d'euros.

La réserve de précaution est désormais sanctuarisée au niveau interministériel, pour un montant de 8,7 milliards d'euros.

Nous avons lancé une gestion prudentielle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), avec une réserve effective de 1,1 milliard d'euros.

Face aux nouveaux aléas géopolitiques, économiques et financiers, nous avons révisé notre prévision de croissance à 0,7 %, contre 0,9 % initialement.

Nous avons adopté un principe de prudence, à hauteur de 5 milliards d'euros, soit 0,6 % des crédits ouverts en loi de finances. Pour moitié, grâce à des annulations de crédits : 3,1 milliards d'euros en AE et 2,7 milliards en CP. Ces crédits proviennent essentiellement de la réserve de précaution initiale dont le taux est de 5,5 % ; il avait été instamment demandé aux ministères de ne pas compter dessus.

L'autre moitié consiste en un surgel ciblé des crédits : 2,8 milliards d'euros ont été mis de côté pour reconstituer notre mise en réserve initiale.

Un deuxième comité d'alerte se tiendra à la fin du mois de juin ; là encore, nous vous transmettrons l'intégralité des informations dont nous disposons, en toute transparence.

Quelques orientations du PLF pour 2026. Tenir et maîtriser nos dépenses publiques : voilà le premier prérequis pour construire un compromis ensemble, auquel s'ajoutent plusieurs principes.

Premier principe : les dépenses, en particulier de fonctionnement, ne doivent pas progresser plus vite que la croissance économique. Cela peut sembler une tautologie, mais ce n'est souvent pas le cas.

Deuxième principe : les subventions publiques ne doivent pas être considérées comme des droits acquis par les acteurs économiques. Elles ont perdu leur effet déclencheur et sont devenues des effets d'aubaine. L'État doit planifier et ne pas se réduire à un guichet. Le Premier ministre a lancé une refondation de l'action publique : nos actions doivent répondre à une nécessité, non à une habitude.

Troisième principe : l'exigence démocratique. L'intérêt général de la nation doit primer les intérêts particuliers. Les pertes à court terme subies par certains seront acceptées si elles concourent à la croissance et à des gains pour des millions de nos concitoyens.

Quatrième principe : mettre fin à des dépenses qui ne sont plus justifiées, en raison de redondances ou de l'enchevêtrement des compétences. Je pense aussi aux dépenses qui ont trop augmenté : ainsi des arrêts maladie depuis la crise sanitaire.

Nous devons aussi faire oeuvre de transparence sur le coût et la valeur des services publics : ainsi, nos concitoyens trouveront du sens aux impôts qu'ils acquittent et aux bénéfices qu'ils retirent de la dépense publique.

Ces principes devraient nous aider à construire un budget qui ait du sens, en revenant sous la barre des 3 % de déficit en 2029, avec une première marche à 4,6 % en 2026.

Notre méthode : la transparence totale, pour que les parlementaires aient toutes les informations nécessaires sur l'élaboration du compromis, et pour qu'ils puissent pleinement évaluer nos finances publiques.

Le printemps de l'évaluation sera un moment particulièrement important pour faire de cette trajectoire de reprise en main une trajectoire partagée. (M. Jean-François Husson, Mme Élisabeth Doineau et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent.)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - J'ai l'honneur de vous présenter l'état d'avancement de notre plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT), qui établit une perspective sur plusieurs années en vue d'élaborer une trajectoire progressive, équilibrée, soutenue et suivie de nos finances publiques.

Nous avons revu nos prévisions de croissance compte tenu du contexte géopolitique tourmenté -  une litote.

Sur le plan intérieur, le scénario de croissance est proche de celui du PLF de janvier dernier. Les dernières enquêtes montrent une bonne tenue de la consommation des ménages et l'adoption de la loi de finances pour 2025 a réduit l'incertitude.

Cependant, la dégradation de l'environnement international entraîne une révision de notre prévision de croissance à 0,7 %, soit 0,2 point de moins. C'est une conséquence de la politique tarifaire américaine, mais aussi des aléas que celle-ci provoque.

Pour notre pays, la croissance a été de 0,1 % au premier trimestre. Une bonne nouvelle : l'acquis de croissance est de 0,4 %. Cela renforce notre objectif de 0,7 %.

Au total, l'environnement international pèserait à hauteur de 0,3 point sur la croissance. L'incertitude affecte nos entreprises et engendre une aversion au risque, d'où des mouvements significatifs sur les bons du Trésor, notamment sur l'écart de taux avec l'Allemagne, même si les choses se sont améliorées ces derniers jours.

Notre trajectoire de dépenses primaires nettes a été amendée par rapport à celle proposée dans le PSMT d'octobre 2024 : il s'agit de prendre en compte le changement de cible pour le déficit, qui passe de 5 % à 5,4 %.

Le nouveau cadre budgétaire européen a créé un nouvel indicateur, le niveau de croissance de la dépense primaire nette, c'est-à-dire hors coût de la dette. Il est plus précis que l'indicateur traditionnel du déficit, particulièrement sensible aux aléas de conjoncture.

Le taux de croissance cumulé des dépenses primaires nettes reste identique à ce qui était prévu initialement : 4,2 %, soit moins que les 4,6 % fixés par le Conseil européen. Ainsi, la trajectoire prévue dans le nouveau cadre de gouvernance européen est bien respectée.

Nous pouvons ainsi réitérer notre engagement à faire passer notre déficit sous la barre des 3 % en 2029 : cela correspond à ce que le Premier ministre a très justement appelé le seuil d'indépendance de la nation.

Nous maintenons notre objectif de 4,6 % de déficit en 2026, comme nous nous y étions engagés l'automne dernier. Nous faisons ce qu'il faut, avec 5 milliards d'économies, pour éviter tout dépassement.

Dans sa conférence de presse sur les finances publiques du 15 avril, le Premier ministre a présenté une nouvelle méthode, celle d'un dialogue poussé entre le Gouvernement, la représentation nationale, les représentants des élus et les partenaires sociaux : ainsi, nous identifierons ensemble les moyens de redresser nos comptes publics.

Le retour à un niveau de déficit public soutenable n'est pas seulement une priorité budgétaire, c'est aussi une priorité politique pour assurer notre crédibilité à l'international, pour garantir notre souveraineté, pour libérer l'investissement et encourager les entreprises.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - Présenté il y a deux semaines en conseil des ministres, ce premier rapport d'avancement annuel doit être transmis aujourd'hui même à la Commission européenne. Il porte sur le PSMT 2025-2029 et résulte de la réforme du cadre budgétaire européen, entrée en vigueur il y a un an.

Adopté en conseil des ministres le 23 octobre 2024, débattu au Sénat le 30 octobre, le PSMT a été validé par le Conseil de l'Union européenne le 21 janvier 2025. Sa trajectoire de dépense a toutefois été rectifiée en janvier, pour prendre en compte le changement de cible du déficit entre les gouvernements Barnier et Bayrou. À l'époque, le Sénat n'avait pas eu connaissance du détail de cette révision.

Entre fin 2019 et fin 2024, le PIB a progressé de 1,5 point de moins que celui de la zone euro. Certes, il a augmenté de 4 points de plus que celui de l'Allemagne, mais les performances économiques de la France sont tout de même médiocres depuis six ans.

Pour ce qui concerne la croissance, le Gouvernement revient assez fortement sur le scénario du PSMT présenté fin octobre. Nous sommes passés à une prévision de 0,7 %, contre 1,1 % initialement. En moins de six mois, il y a eu deux révisions à la baisse des prévisions de croissance. Pis : il n'est pas exclu que celles-ci continuent de baisser.

Les prévisions les plus récentes sont plus pessimistes que celles du Gouvernement. Le FMI et le consensus des économistes tablent sur 0,6 % de croissance, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) sur 0,5 %.

Les facteurs de croissance identifiés par le Gouvernement pourraient être moins porteurs que ce que celui-ci envisage.

La croissance serait principalement portée par la consommation des ménages, à hauteur de 1,2 %.

Malgré l'assouplissement de la politique monétaire de la BCE depuis le printemps 2024, l'investissement des ménages reculerait de 0,3 point et celui des entreprises de 0,8 point. La demande privée hors stock contribuerait à hauteur de 0,5 % à la croissance du PIB.

Si l'on suit les prévisions du consensus des économistes ou de l'OFCE, la demande pourrait contribuer légèrement moins à la croissance. Cet écart peut s'expliquer par une prise en compte limitée par le Gouvernement des effets de l'incertitude continuant à régner au niveau national, qui grèverait la croissance de 0,3 point en 2025. La situation politique toujours instable et le manque de visibilité sur les mesures de politique fiscale renforceraient l'attentisme des entreprises.

L'activité ralentit et le chômage augmente, approchant les 8 % selon la Banque de France et l'OFCE.

La consommation publique soutiendrait davantage la croissance que ce qui était prévu initialement, en raison d'une consolidation budgétaire moins marquée entre les objectifs du gouvernement Barnier et la cible actuelle.

Selon le Gouvernement, la contribution du commerce extérieur à la croissance serait nulle. Elle pourrait même être inférieure de 0,1 point. Résultat : les perspectives s'en trouvent réduites. Ce recul est néanmoins une composante de l'assombrissement global du tableau de l'économie mondiale.

L'augmentation des droits de douane américains, renforcée puis finalement contenue, pourrait grever la croissance de 0,3 point en 2025. Cette estimation ne prend en compte que les mesures annoncées jusqu'au 2 avril. Elle est donc peut-être légèrement surévaluée.

Les prévisions de croissance retenues dans le rapport d'avancement sont revues légèrement à la baisse ; c'est un scénario plus réaliste que le maintien des prévisions initiales du PSMT. Mais atteindre la cible de réduction du déficit sera plus difficile en 2025 avec cette croissance moindre.

Revenons au dérapage majeur de 2023, avec un déficit de 5,4 %. La dégradation s'est poursuivie en 2024, à 5,8 %, bien loin des 4,4 % prévus par la loi de finances pour 2024 et des 3,7 % prévus pour 2025 par la loi de programmation des finances publiques (LPFP), adoptée fin 2023.

Soyons clairs : l'objectif de la LPFP est hors d'atteinte, alors même que cette loi n'a que dix-huit mois d'existence ! Je ne le répéterai jamais assez : les années de dégradation 2023 et 2024 ont été terribles pour l'économie française. C'est inacceptable, et cela ne saurait se justifier par la seule situation économique du pays ou par une crise. Il est temps que les responsables politiques de l'époque cessent de clamer que leur pilotage était excellent. Les Français ne comprennent pas cette dérobade qui confine à l'irresponsabilité.

Pour l'année en cours, le Gouvernement prévoit un déficit de 5,4 %, soit un écart de 50 milliards d'euros par rapport à la LPFP.

L'ambition d'un retour du déficit à son niveau de 2023 reste atteignable, grâce à l'annulation de 5 milliards d'euros de crédits par le décret du 25 avril dernier et la mise en réserve d'un montant comparable.

Globalement, l'engagement pris auprès des instances européennes est pour l'instant tenu. En 2025, l'évolution de la dépense primaire nette serait de 0,1 point supérieur à ce que le Conseil recommande, ce qui est inférieur à l'écart de 0,3 toléré par les nouvelles règles européennes.

Nous devons néanmoins demeurer vigilants et volontaristes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - Ce PSMT est de meilleur augure que le dernier programme de stabilité (PStab), examiné en avril 2024.

L'an dernier, le PStab prenait acte de la caducité de la LPFP quatre mois seulement après son adoption. Le dérapage de la cible de déficit par rapport à la loi de programmation était de 50 milliards d'euros.

Cette année, le document dont nous débattons donne à voir un spectacle différent.

La prévision de déficit pour 2025 est certes moins ambitieuse que celle du PStab, mais ne s'en éloigne pas trop ; elle demeure la même que celle de l'article liminaire de la loi de finances pour 2025. Cela s'explique probablement davantage par les contraintes des nouvelles règles européennes que par la seule vertu du Gouvernement, puisque s'écarter trop franchement de la trajectoire de dépenses nettes se traduirait par des sanctions.

Pour autant, je ne me réjouis pas trop vite. L'exercice de suivi du PSMT est aussi un exercice de prévision pour l'année en cours car nous en sommes au premier tiers.

La prévision de croissance pour 2025, de 0,7 %, ne cesse de reculer. On peut se demander si elle ne reculera pas davantage au gré des volte-face du président américain. Le FMI prévoit 0,6 %, l'OFCE, 0,5 %.

La revalorisation de la prévision de rendement des impôts me semble imprudente. La prévision de rendement de l'impôt sur les sociétés pour 2025 a ainsi été revue à la hausse de 2 milliards d'euros par rapport à 2024 : c'est un risque, alors que le cinquième acompte rend la prévision particulièrement incertaine. J'appelle à la prudence.

Les chiffres du rapport de suivi sont dans les clous des prévisions du PSMT, mais il est trop tôt pour savoir si ce sera le cas sur l'année.

Si la trajectoire de dépenses nettes effectives est conforme à la prévision, ce sera grâce aux mesures nouvelles en recettes adoptées dans le budget 2025. Car il ne peut y avoir de redressement des comptes publics sans volet recettes substantiel. Les mesures en recettes prises depuis 2017 aboutissent à une perte annuelle de 60 milliards d'euros. Or les nouvelles mesures du budget 2025 étaient temporaires, et le Gouvernement a pour projet d'économiser 40 milliards d'euros dès 2026... Comment espérer tenir nos engagements sans toucher aux recettes ? Madame, monsieur les ministres, pouvez-vous nous éclairer ? (Mme Florence Blatrix Contat et M. Marc Laménie applaudissent.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales .  - Ce rapport d'avancement, qui se substitue aux programmes de stabilité, se traduit par un recul de l'information pour le Parlement en ce qui concerne les finances sociales.

En effet, les programmes de stabilité comprenaient, en annexe, un tableau indiquant la capacité de financement prévisionnelle par sous-secteur, en particulier pour les administrations de sécurité sociale - c'était déjà ça. Cette programmation à moyen terme n'existe plus ni dans le PSMT ni dans le rapport d'avancement annuel.

Selon le HCFP, le rapport d'avancement se veut un rapport de suivi du PSMT, il ne peut donc porter que sur les années passées et en cours. C'est un net recul de l'information du Parlement, d'autant qu'il n'existe aucune programmation des finances sociales. Les tableaux pluriannuels annexés à la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ne sont que des prévisions à droit constant, qui prévoient une aggravation du déficit. Allez-vous réintroduire, dans les prochains rapports d'avancement, la répartition du besoin de financement par sous-secteur ? À défaut, peut-on l'intégrer à d'autres documents, comme le rapport économique, social et financier annexé au PLF ?

L'article 18 de la LFSS 2025 a instauré, à l'initiative de notre commission des affaires sociales, un comité de suivi de la réforme des allègements généraux, censé publier un rapport avant chaque PLFSS entre 2026 à 2030. Où en est-on de sa mise en place ? En outre, le tableau page 56 indique que le Gouvernement juge nécessaire d'aller plus loin et de procéder à une réforme globale des allègements généraux, qui renforcera l'efficacité du dispositif et encouragera la mobilité salariale et la productivité des travailleurs autour du Smic. Qu'a-t-il concrètement l'intention de faire ? (MM. Marc Laménie et Vincent Capo-Canellas applaudissent.)

M. Grégory Blanc .  - De Borne à Bayrou, les gouvernements ont toujours affiché la même doxa fiscale de non-augmentation des impôts, mais, en pratique, procédé à une hausse du taux de prélèvements obligatoires... Or en bloquant idéologiquement tout débat, et donc toute réforme structurelle sur les recettes, vous empêchez l'État d'être plus efficace et plus juste. C'est de la schizophrénie !

Ceux qui ont bénéficié des aides de l'État pendant le covid n'auront pas à renvoyer l'ascenseur. C'est source de tensions dans le pays à l'heure où il faut rembourser, alors que les taux d'intérêt ont augmenté, que la charge de la dette va doubler entre 2022 et 2030 pour atteindre 20 % des recettes de l'État.

Nous avons besoin d'argent : il faut un débat transparent, pragmatique sur les recettes. Or le PSMT n'a rien documenté sérieusement. Le rendement de la TICPE va baisser d'un tiers entre 2022 et 2030 - comment sera-t-il compensé ? En supprimant les niches fiscales sur le gasoil professionnel et agricole ? En augmentant la TVA ? Nous ne le savons pas.

S'ajoutent les problèmes de calculette de Bercy. Toujours la même séquence depuis trois ans : un budget erroné, puis des arbitrages en catimini après le débat démocratique...

Vos arbitrages ne portent que sur le volet dépenses. Rien sur les réformes structurelles inscrites dans le PSMT. Alors que le budget 2026 s'annonce comme la quadrature du cercle, depuis janvier, tels Soeur Anne, nous ne voyons rien venir. Le Gouvernement appuie à fond sur la pédale du statu quo. Aucun débat sur la réorganisation du pays. Tous les jours, les médias font état de nouvelles idées de réformes, mais aucun projet ne nous est soumis.

Face à l'Himalaya, on refuse à l'alpiniste tout complément nutritionnel, tout en maintenant sa charge ! Nous savons que ça ne passera pas, ce qui pose la question de la sincérité budgétaire. Vous allez au plus facile, en rabotant les budgets d'investissement : transition écologique, recherche et enseignement supérieur, aide au développement... Est-ce ainsi que vous préparez l'avenir ?

Pire, vous empêchez la France d'être au rendez-vous de son défi budgétaire ; en procrastinant, vous renvoyez à d'autres des arbitrages forcément plus douloureux demain. Avec ces non-choix, vous créez les conditions d'une instabilité politique. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le groupe SER aborde l'examen de ce rapport d'avancement du PSMT avec lucidité face aux déséquilibres budgétaires et la conviction que les choix doivent servir la justice sociale et la transition écologique.

Derrière les chiffres du déficit, il y a des enjeux concrets : la qualité de nos services publics, le pouvoir d'achat, notre capacité à relever les grands défis du siècle.

À 5,8 % du PIB en 2024, le déficit est bien au-delà des prévisions ; la dette publique dépasse les 110 % du PIB. La Cour des comptes parle de « dérive inédite » et qualifie 2024 « d'année noire ».

C'est le résultat d'une improvisation permanente, incompatible avec une stratégie claire de long terme.

Désormais, l'objectif est de ramener le déficit à 4,6 % en 2026, 3,4 % en 2028 et 2,8 % en 2029. Autant dire que la loi de programmation des finances publiques est largement obsolète.

La charge de la dette est estimée à 53 milliards d'euros en 2025, mais sa trajectoire reste incertaine vu la volatilité des taux d'intérêt, nourrie par les incertitudes internationales.

Reconnaissons que les hypothèses de croissance sont plus réalistes que celles des précédents gouvernements : 0,7 % en 2025, puis 1,2 % et 1,4 % les années suivantes, chiffres légèrement supérieurs au consensus des économistes, selon le HCFP. C'est déjà une première leçon tirée des années passées. Personnellement, je regrette que le Gouvernement adopte une fourchette haute. Rien ne justifie un optimisme excessif.

Les économies annoncées de 40 milliards d'euros d'ici 2026 restent floues. Les mesures concrètes font cruellement défaut et les tableaux de suivi restent désespérément vides. Nous sommes invités à débattre d'une trajectoire dont les fondements restent à bâtir.

Les rares mesures identifiées frappent toujours les mêmes : réformes de l'assurance chômage, de l'assurance maladie, des retraites - autant de reculs sociaux, sous le label « soutien à l'emploi ». L'absence de chiffrage précis des économies attendues empêche toute évaluation.

Le Gouvernement persiste à écarter toute réponse sérieuse pour remédier à la crise qu'il a lui-même créée, comme remettre en cause les dépenses fiscales inefficaces ou faire davantage contribuer les grandes entreprises et les ultra-riches via la taxe Zucman.

Bref, on poursuit la politique menée depuis sept ans : un ni-ni qui se veut équilibré mais qui défend les intérêts des plus puissants en pesant sur ceux qui supportent déjà l'essentiel du fardeau.

La question du partage de l'effort budgétaire entre entreprises et ménages reste en suspens. Le taux de prélèvements obligatoires augmente pour les ménages mais stagne pour les entreprises, ce qui interroge sur l'équité de notre système fiscal. On peut douter de l'efficacité d'une politique de l'offre qui, malgré un endettement record, ne semble pas avoir restauré la confiance des investisseurs.

Rien non plus sur les niches fiscales visées par le Gouvernement.

On lit dans le rapport d'avancement que les collectivités territoriales seraient responsables d'une large part du dérapage. Or leurs dépenses, en fin de cycle électoral, ne sont pas des dérives, mais bien des investissements d'avenir : équipements publics, transition énergétique, services de proximité. Les collectivités territoriales jouent un rôle d'aménageurs du territoire et de remparts sociaux. Cessons d'opposer État et collectivités : le redressement durable des comptes passera par une mobilisation conjointe et un respect de l'autonomie locale.

Quelles sont les marges de manoeuvre de l'État pour réussir la transition écologique et la réindustrialisation du pays ? Après l'abandon de Vencorex, voilà qu'ArcelorMittal supprime des centaines de postes, signe que la désindustrialisation se poursuit, faute d'investissements.

Aucune donnée sur la trajectoire d'investissements nécessaire pour la transition écologique. Pourtant, la dette écologique est irréversible : chaque investissement repoussé nous rapproche du point de non-retour.

Bref, ce rapport d'avancement révèle l'échec d'une politique budgétaire qui creuse la dette sans relancer l'investissement, qui aggrave les inégalités sans redresser les comptes. Cette spirale ne sera brisée que par un changement de cap. Il faut oser investir massivement dans notre appareil productif, notre formation professionnelle, notre défense, dans les transitions écologique et numérique. Cette relance exige une réforme fiscale courageuse, mettant fin aux rentes qui privent l'État des ressources nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le rapport d'avancement du PSMT est un document technique - et je salue le travail du rapporteur général de la commission des finances. C'est un dossier que le Gouvernement soumet à Bruxelles pour montrer que nous faisons preuve de bonne volonté, à défaut de respecter les règles européennes. Celles-ci sont connues : le déficit public annuel ne doit pas dépasser 3 % du PIB et la dette 60 %. Nous en sommes respectivement à 5,8 % et 113 %, c'est dire si le chemin est long. Nous sommes tels Sisyphe qui ne parvient pas à rouler son rocher en haut de la montagne !

Pourtant, en 2023, seize des vingt-sept États de l'Union avaient déficit inférieur à 3 % ; quatre affichaient même un excédent budgétaire.

En 2008, des détracteurs anglo-saxons tenaient le Portugal, l'Irlande, l'Italie, la Grèce et l'Espagne - les fameux « Pigs » - responsables de la crise, en raison de leur manque de sérieux budgétaire. En 2024, le Portugal est en excédent budgétaire pour la deuxième année consécutive. L'Irlande affiche un excédent de 23 milliards d'euros, soit 4,7% de son PIB. L'Italie ne respecte pas les traités mais s'appuie sur une balance commerciale enviable. L'Espagne et la Grèce ont un déficit inférieur à 3 %. Comment ont-ils fait ? Réformes économiques, allégement du poids de l'État, baisse des prélèvements sur le tissu entrepreneurial. Il n'y a pas de fatalité dans la gestion budgétaire. Le mauvais élève d'hier peut montrer l'exemple demain.

Le rapport d'avancement nous apprend que le Gouvernement a engagé des mesures de redressement pour 50 milliards d'euros, afin de ramener le déficit à 5,4 % en 2025. La nécessité d'une baisse des dépenses publiques est désormais évidente, et les Français nous soutiennent. Il ne faut pas arrêter nos efforts ; la marche sera longue et dure, mais c'est à ce prix que nous pourrons, nous aussi, rentrer dans les clous.

Baisser nos dépenses de fonctionnement, c'est rendre des marges de manoeuvre à notre pays pour rembourser sa dette et financer l'éducation, le réarmement, la sécurité, la santé, la transition écologique, le soutien aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC ; M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le respect de la trajectoire prévue par le PSMT implique la production d'un rapport d'avancement annuel détaillant les prévisions financières et les réformes envisagées.

La France, en procédure de déficit excessif, doit veiller au respect de cette trajectoire. Présentée jusqu'en 2029, celle-ci permet de respecter le critère de l'évolution de la dépense publique en année seule comme en cumul d'exercices.

Pourtant, la situation de la France reste préoccupante. Elle suppose désormais un effort d'ajustement de 110 milliards d'euros à l'horizon 2029, contre 50 milliards en 2022. Le dérapage du déficit en 2023 et 2024 a conduit à plus que doubler l'effort d'ajustement nécessaire pour repasser sous les 3 %. Le ratio d'endettement dépasserait 125 % du PIB en 2029 et friserait les 130 points dès 2031. En 2029, la charge de la dette atteindra 3,4 % du PIB, l'équivalent du budget de l'éducation nationale et de la défense.

Bref, il faut agir, pour éviter des ajustements plus difficiles encore plus tard. Nous devons amorcer dès 2025 une trajectoire sérieuse de redressement, sans quoi nous subirons une austérité imposée. Il est urgent de restaurer notre crédibilité pour éviter une hausse incontrôlée de la charge de la dette qui augmente sous son propre poids. Nous devons résorber la divergence avec nos partenaires européens. La France reste, hélas, le cancre de l'Europe.

Les réformes présentées par le Gouvernement apparaissent bien insuffisantes. Les efforts budgétaires pour 2025 ne sauraient être reconductibles - la hausse des prélèvements reste temporaire et pèse fortement sur les contribuables. Les efforts sur les dépenses ne sont que des coups de rabot, qui ne ciblent pas les crédits improductifs. Nous dévons répartir les efforts sans obérer l'activité économique.

Les mesures du Gouvernement sont peu documentées, et peu à même de dégager 110 milliards d'euros. La volonté politique est insuffisante, dans cet océan d'incertitudes ; votre impuissance est coupable et nos citoyens ne la comprennent pas.

Vous appelez à un examen des niches fiscales, mais ce travail a déjà été mené, pour des résultats en demi-teinte. Les propositions de réforme sont vagues, non chiffrées, sans étude d'impact : cela n'est pas crédible.

L'urgence est aux réformes structurelles : il faut réguler les dépenses sociales et refonder les liens financiers entre État et collectivités territoriales sans spolier ces dernières, seules à garantir les services publics et à investir pour l'avenir.

Quelle est votre volonté politique ? Faire des choix ou subir, il faut répondre avec justice et courage. Ces débats nous épuisent, et nos concitoyens avec. Après la pédagogie, l'heure des choix est arrivée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Stéphane Fouassin .  - Avec ce rapport, le Gouvernement démontre son engagement à restaurer les finances publiques, malgré le contexte économique et international incertain.

Le déficit est en voie d'être réduit à 5,4 % grâce à un effort de maîtrise des dépenses de l'État et des collectivités. L'objectif est clair : passer la barre des 3 % dès 2029. Nous respectons la trajectoire de l'évolution de la dépense primaire nette recommandée par le Conseil européen. Je salue la rigueur du Gouvernement, malgré les incertitudes mondiales. Vous faites preuve de prudence et de méthode.

Cependant, veillons à l'équité territoriale : les ajustements nécessaires ne doivent pas aggraver les fragilités, notamment dans les territoires ultramarins et ruraux. Le Gouvernement a montré sa vigilance sur ce point : amplifions la dynamique.

La démarche de coconstruction doit être poursuivie. La réussite passe par l'adaptation permanente aux réalités locales, l'écoute de nos élus de terrain et l'accompagnement différencié de nos concitoyens.

En tant que médecin, je sais l'importance de lutter contre les déserts médicaux et la pénurie de soignants. L'usage de l'intelligence artificielle pour améliorer les prescriptions, le suivi des patients en affection de longue durée sans médecin traitant vont dans le bon sens. Il faut des réformes concrètes, adaptées aux réalités locales. Un système de santé performant est un système humain et réactif, sur tout le territoire.

De même, les politiques de transition écologique doivent prendre en compte les spécificités locales : il faut une écologie des solutions, respectueuse des contraintes et des atouts de chaque territoire.

Même logique dans les politiques de soutien à l'emploi, pour éviter tout effet d'éviction et garantir que l'effort bénéficie aux plus fragiles. Le travail doit demeurer un levier d'émancipation et de cohésion sociale.

Le Gouvernement doit associer les territoires à l'évaluation et à l'ajustement de ces politiques publiques. La clé est dans la coconstruction. Le groupe RDPI soutient cette trajectoire responsable et ambitieuse.

M. Raphaël Daubet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST) L'état des lieux est sans complaisance. Tant mieux, car la lucidité est le premier pas vers la solution. Il faut désormais une volonté politique, pour sortir la France du surendettement et de la stagnation, pour sortir les Français de la désespérance et de l'anxiété. On ne peut se satisfaire de l'austérité, du serrage de vis et des horizons tristes.

Nous partageons l'objectif d'assainissement de nos finances publiques mais refusons tout fatalisme budgétaire qui figerait notre action. (M. Vincent Delahaye acquiesce.)

D'abord parce que les prévisions sont incertaines, d'autant que l'environnement international aggrave le risque d'erreur. Il y a six mois déjà, je m'inquiétais des erreurs de prévision de croissance : depuis, nous sommes tombés de 1,1 % à 0,7 %.

L'exécutif fait le choix du repli, en annulant plus de 3 milliards d'euros par décret sur les missions Recherche, Économie, Agriculture, Aide au développement. Cette navigation à vue, toujours moins-disante, produit des économies non pérennes et nous prive des réformes structurelles pourtant nécessaires.

On annonce 3 milliards d'euros d'économies par la suppression ou la fusion d'un tiers des agences de l'État ? Le groupe RDSE se réjouit d'avoir eu raison trop tôt, il y a dix ans, avec le rapport de Jacques Mézard sur les autorités administratives indépendantes. Mais là encore, restons prudents.

On en appelle aux efforts de tous, sans toujours se soucier de justice fiscale. On le voit avec la taxation des dividendes, où Bercy, contournant la volonté du législateur, laisse perdurer une pratique frauduleuse !

Le redressement des comptes publics ne peut renoncer au levier des recettes, car la situation budgétaire est directement liée à des baisses de fiscalité. Il n'y a pas d'autre solution que de revenir en partie dessus. La méthode du rabot présente un risque récessif et ne prépare pas l'avenir, alors qu'il nous faut investir dans la recherche et l'innovation.

Ce que dit le rapport est aussi instructif que ce qu'il ne dit pas. Rien sur les recettes, alors que notre modèle social a un coût qu'il faut bien assumer.

Rien sur comment conserver notre capacité de réaction et d'ambition. Or se contenter de gérer la pénurie prépare le déclin. Prenons exemple sur certains de nos voisins européens.

Rien sur les réformes structurelles qui, seules, peuvent rendre la dette soutenable. La charge de la dette augmentera jusqu'en 2028. Or aucune décrue n'aura lieu sans réforme profonde dans les trois ans.

Réformons, travaillons, investissons : l'avenir nous appartient. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Clément Pernot applaudit également.)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains) Quel paradoxe : nous examinons ce rapport, préparé il y a six mois et validé par la Commission européenne il y a trois mois.

Le groupe UC est échaudé par la situation des comptes publics que nous avons connue en 2024. La situation est préoccupante. Le déficit n'est pas dans l'épure prévue pour la période 2023-2027. Or les défis sont immenses : transition écologique, sécurité, endettement. Il va nous falloir renégocier notre dette bientôt, ce qui aura des conséquences sur notre capacité à agir.

Il nous faudra du courage pour engager des réformes structurelles. Nous devons réduire notre dépense publique. Les statistiques européennes le montrent. Les Échos nous affublent du bonnet d'âne de la zone euro. Le groupe UC vous fera des propositions.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Des économies !

M. Michel Canévet.  - Sur le plan économique, nous misons sur l'encouragement de l'entrepreneuriat. Les acteurs sont entravés par de trop nombreuses contraintes administratives. Il nous faut plus de croissance, pas plus d'impôts. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Barros .  - L'esprit de ce rapport nous préoccupe : à chaque ligne, un renoncement. C'est l'abandon de toute ambition économique, sociale et démocratique.

Depuis 2017, toutes les recettes fiscales baissent - ISF, flat tax, impôt sur les sociétés, fiscalité des dividendes - alors que les aides aux entreprises atteignent entre 180 et 250 milliards d'euros par an. La Cour des comptes confirme que la moitié du déficit vient de la baisse des prélèvements obligatoires. C'est injuste et inefficace. Vous avez fait le choix d'une politique de classe.

En 2026, il faudra trouver 40 milliards d'euros, au détriment des services publics, des dépenses sociales et des collectivités. Vous avez ainsi annulé 3,1 milliards d'euros pourtant destinés aux collectivités territoriales. Que dire ensuite de la suppression de politiques publiques et de la fusion d'agences de l'État ? Le tout sans toucher aux rentes ni aux superprofits, sans examiner l'organisation de notre administration centrale et déconcentrée. Ce n'est pas l'État qui s'ajuste, c'est la société, qui trinque. Le capital reste intouchable. La menace de la dette est brandie pour imposer l'austérité.

C'est incompréhensible pour les Français : vous dites que les caisses sont vides, mais ils découvrent avec stupéfaction une clause de sauvegarde pour l'effort militaire. Pourquoi ne pas l'activer pour la bifurcation écologique, la réindustrialisation ou la justice sociale ? Notre histoire nous enseigne qu'un pays ne tient pas quand les efforts sont déséquilibrés.

Vous annoncez de nouvelles coupes dans l'éducation, le logement social, les mobilités du quotidien. En coupant dans la santé ou les retraites, vous remettez profondément en cause notre modèle social. Est-il bien raisonnable de jeter ainsi de l'huile sur un brasier social en créant la pénurie ?

Vous confortez les plus riches, dont la fortune a été multipliée par cinq depuis 2009. Quelque 100 milliards d'euros de dividendes ont également été distribués aux actionnaires du CAC 40 en 2024. Vous confortez les fractures sociales en faisant fi de l'avis des Français et en refusant tout vote démocratique du budget au Parlement.

D'autres voies existent, fondées sur la justice sociale. Nous voulons un État stratège, qui investisse massivement dans la transition énergétique, la santé et les savoirs. Il nous faut une politique du futur, alors que vous vous contentez d'administrer le passé. Nous refusons ce plan, dans son principe, ses méthodes et ses conséquences. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Christine Lavarde .  - (M. Jean-François Husson et Mme Élisabeth Doineau applaudissent.) Ce débat s'inscrit dans une dynamique positive de contrôle de la dépense publique. Voilà le Parlement davantage mobilisé pour suivre l'exécution de notre budget... C'est une première. La pratique budgétaire évolue dans une bonne direction depuis quelques mois, après deux exercices qui ont complètement dérapé. Le PLF et le PLFSS pour 2025 consacrent un effort historique de 50 milliards d'euros, principalement porté par l'État.

S'ajoute un nouveau cadre de pilotage des comptes publics qui associe enfin les parlementaires des commissions compétentes. Un comité d'alerte a été installé le 15 avril : il faut poursuivre cet élan.

Une crainte, cependant : est-ce que cela a vraiment changé ? L'heure n'est pas à l'autocongratulation. Le budget pour 2025 était le pire, à l'exception de tous les autres. Nous avons le devoir d'agir, pour garantir la soutenabilité de la dette publique, pour renouer avec notre crédibilité internationale et pour répondre aux transitions écologique, numérique et démographique. Nous devons atteindre la cible de consolidation de 110 milliards d'euros en quatre ans.

Vous égrenez les réformes, mais leur documentation demeure lacunaire. De tels éléments de langage n'ont pas permis de rétablir nos comptes. Sans doute allez-vous nous parler de stratégies, de plans pluriannuels, d'instances de suivi, d'assises nationales de dialogue ou de nouvelles méthodes de revue de dépenses ! Mais nulle innovation : entre 1946 et 2017, le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics a procédé à des revues de dépenses. L'IGF a publié des revues particulièrement pertinentes : ne font-elles que caler les très nombreuses portes du navire amiral de Paul Chemetov ?

Votre méthode : coups de rabot non concertés, choix de dernière minute... Le temps n'est plus à la réformette paramétrique heureuse !

Pourquoi ne pas refondre le système français de double couverture, avec une restructuration des complémentaires santé et la création d'un bouclier sanitaire unique ? La sécurité sociale fait mieux que le secteur privé pour moins cher, alors pourquoi persister dans un système de double cotisation et de double remboursement ?

Les dépenses locales ne peuvent être la variable d'ajustement. Le système est devenu incompréhensible. Fiscalité locale, dotations de l'État, mécanismes de péréquation n'ont pas besoin d'une énième conférence des parties prenantes ou d'une vague de contractualisations.

L'architecture de nos finances publiques ne peut plus rester en l'état : la consolidation large qui nous attend doit reposer sur des bases claires et pilotables.

Exemple : à la lecture des documents budgétaires, impossible d'établir un schéma des transferts de l'État aux administrations sociales ou aux collectivités territoriales. Il ne faut pas moins de sept documents pour retracer les 315 milliards des administrations publiques locales...

Dans le R2A, il est écrit que la trajectoire du PSMT sera respectée par les réformes ultérieures du Gouvernement adoptées par le Parlement. Mais nous ne sommes pas une simple chambre d'enregistrement ! Il est inadmissible que le dispositif anti CumCum du rapporteur général, adopté par le Sénat et la CMP, soit détricoté par Bercy sous la pression de certains acteurs financiers.

En 1985, Jacques Delors avait innové avec les entretiens de Val Duchesse, qui ont donné naissance au dialogue social européen. Les organisations patronales avaient accepté le processus, sous la menace du : « négociez, ou nous légiférerons ».

Je paraphraserai Jacques Delors : réformez avec audace, ou nous légiférerons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.) Le discours sur le redressement des finances publiques, nous l'avons souvent entendu. Mais, comme Soeur Anne, nous n'avons rien vu venir. Au contraire, la situation s'est dégradée...

On reporte toujours les efforts à plus tard. À l'automne dernier, le gouvernement Barnier a annoncé 5 % de déficit en 2025. Avec François Bayrou, on est passé à 5,4 %. En 2026, ce sera 4,6 %. On ne fait pas beaucoup d'effort cette année, mais il faudra en faire le double l'an prochain !

Le montant des dépenses publiques était de 1 348 milliards d'euros en 2019. Aujourd'hui, c'est 1 670 milliards d'euros, soit plus 25 % en cinq ans -  quand certains parlent d'austérité...

Que se serait-il passé si l'on s'en était tenu à l'inflation ? On aurait économisé 120 milliards d'euros en 2024... Si l'on veut corriger l'évolution de nos dépenses publiques, il faut garder ces éléments à l'esprit.

Nous avons d'abord besoin de transparence et d'information. Le rapporteur général a estimé ce matin que la transparence s'était améliorée, mais ce n'est pas descendu jusqu'aux membres de la commission des finances. On gèle 8 milliards d'euros : pourquoi pas 5 ou 15 ? Comment les 40 milliards d'économies seront-ils répartis ?

Il faut aussi de la prudence dans les prévisions -  j'y reviendrai. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

M. Michel Canévet.  - Bravo !

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je débuterai en insistant sur la prudence, avec laquelle M. Delahaye a conclu et à laquelle M. Husson a également fait référence. Nous avons révisé les perspectives de croissance deux fois en quelques mois. Pourquoi ? Parce que la motion de censure a coûté 0,2 point de PIB. En outre, nous avons pris en compte le changement d'administration aux États-Unis, car les perspectives de croissance s'y sont assombries.

La situation économique mondiale est extrêmement difficile. Nous espérons accélérer le dialogue avec les États-Unis, mais aussi avec la Chine, qui a un excédent de production à écouler. Hier, avec Mme la ministre, nous étions à Roissy pour évoquer des contre-mesures.

Le président de la commission des finances a évoqué les risques pesant sur les recettes. Nous les suivons mois après mois : nous sommes au niveau prévu, mais restons attentifs.

La rapporteure générale de la commission des affaires sociales a demandé des précisions sur le comité de suivi des allégements généraux : il devrait être mis en place en 2026.

M. Blanc, Mme Blatrix Contat et M. Sautarel ont parlé de flou, d'incertitude, de statu quo... Au contraire ! Nous avons prévu une concertation très large et plus longue qu'à l'habitude. Les travaux du conclave sur les retraites se poursuivent. À partir du 6 mai, nous allons dialoguer avec les associations d'élus locaux pour garantir que les collectivités territoriales, dans le respect de leur autonomie, contribuent à l'effort de stabilisation de la dépense publique. S'agissant de l'État, nous avons interrogé les directeurs d'administration centrale sur leurs priorités, pour faire naître des idées de simplification.

Nous associerons les parlementaires qui le souhaitent à ce dialogue dans les mois qui viennent. L'objectif est de présenter des propositions en juillet, que le Premier ministre arbitrera. Convenez que nous nous y prenons très en avance. Il n'est pas question de déposséder le Parlement de son pouvoir. Le projet de budget sera présenté aux deux assemblées et nous espérons qu'il sera adopté dans les délais prévus.

M. Marc Laménie a évoqué les comparaisons internationales. Quel est le cadre général ? C'est extrêmement simple : notre problème principal est la dette, à 113 % du PIB. Si nous ne tenons pas nos engagements, nous devrons être accompagnés par des intervenants extérieurs, ce qui est inenvisageable pour des raisons de souveraineté.

Pour cela, nous devons protéger notre compétitivité et développer notre économie, donc ne pas augmenter les charges ni les impôts. La solution passe bien par la maîtrise de la dépense. Nous y travaillerons avec Mme la ministre.

On nous parle à juste titre d'équité et de transformation écologique. C'est bien dans nos objectifs.

M. Michel Canévet évoque le courage : il est collectif. Vous serez associés, mais le Gouvernement prendra sa part.

Monsieur Barros, vous évoquez la clause de sauvegarde pour financer l'effort de défense. L'Union européenne le permet, mais nous ne l'activerons pas, car ce serait de la dette supplémentaire.

Enfin, madame Lavarde, merci de souligner l'effort sur les dépenses. Le Parlement continuera d'y être associé.

La retenue à la source me vaut des échanges fréquents et approfondis avec le rapporteur général. J'ai un respect total pour le texte de la CMP. Sur la base d'un avis du Conseil d'État, le Gouvernement a rédigé un mode d'emploi à destination des opérateurs financiers. Dans notre décision, nous avons voulu que les services des impôts puissent sanctionner les opérateurs dont les opérations sont non conformes au droit et à l'intérêt général. Notre texte est sans incidence sur les procédures en cours et les ministres n'interviennent pas.

Les opérations financières peuvent se faire de gré à gré : dans ce cas, on connaît la contrepartie et elle peut être contrôlée. Mais sur les marchés réglementés, l'acheteur est la chambre de compensation. Dans ce cas, pour que les opérations restent domiciliées à Paris, il ne doit pas être fait obligation de connaître la contrepartie. En revanche, s'il y a dissimulation, il sera possible de sanctionner une opération frauduleuse, sur la base de preuves.

Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics .  - Merci pour ce débat de grande qualité. Nous partageons beaucoup d'éléments, même si nous avons aussi des différences d'appréciation. C'est bon signe, pour nos futurs compromis.

M. le rapporteur général nous appelle à la vigilance et au volontarisme. C'est bien ce qui nous guide, sous l'autorité du Premier ministre.

Le président Raynal a évoqué l'aléa sur les recettes de l'impôt sur les sociétés. Les 2 milliards d'euros supplémentaires, qui résultent des observations comptables de fin d'année, n'ont pas remis en cause notre prudence.

Vous avez assez peu parlé d'inflation. En la matière, le scénario est très difficile à prévoir. Ce matin, nous avions un taux de 0,8 % en rythme annuel. Les prix du pétrole sont en assez net recul, mais les droits de douane risquent de faire monter les prix.

Rassurez-vous, le décret d'annulation ne procède pas à des coupes claires. Nous avons demandé à l'ensemble des ministères de mettre de côté 0,5 % de leur masse salariale et 5,5 % de leurs dépenses hors masse salariale, d'où une réserve interministérielle de 8,7 milliards d'euros, dont nous annulons 2,7 milliards. Mais nous la remettons à niveau, grâce à 2,8 milliards de surgel de dépenses non engagées. C'est respectueux du Parlement, transparent et sincère. Sinon, on lance les dépenses, puis au milieu de l'année, on arrête tout...

Ce décret d'annulation n'est pas le reflet d'une politique d'austérité générale. Quand les dépenses publiques atteignent 57 % du PIB, ce n'est pas l'austérité ! Santé ou éducation ne sont pas victimes de coupes claires : l'Ondam est à 3,4 % ; l'hôpital dispose de 1 milliard d'euros supplémentaires ; la ministre de l'éducation nationale a annoncé des recrutements et de la formation.

Beaucoup ont évoqué les relations entre l'État et les collectivités territoriales. Nous voulons leur donner de la prévisibilité, en arrêtant cette pièce de théâtre où le premier mardi d'octobre, un chiffre magique sort du chapeau, auquel chacun doit se conformer. C'est ingérable !

De nouveaux maires seront élus l'an prochain : il est de notre devoir de leur donner de la visibilité sur un demi-mandat. Et nous devons réduire les normes pour les collectivités, pour limiter les dépenses contraintes.

Monsieur Sautarel, le mot spoliation ne correspond pas à la réalité. Les Français n'ont qu'un porte-monnaie ! S'il y avait spoliation, les collectivités seraient dans l'incapacité de mener leurs politiques. Or l'immense majorité des communes ont des ressources stables, tout comme les régions et les EPCI. Il y a certes un enjeu pour les départements... L'an dernier, alors que la dépense publique a augmenté de 2 % en volume, c'était 0,7 % pour l'État, 3,1 % pour les collectivités territoriales et 3,6 % pour la sécurité sociale.

Enfin, vous avez été nombreux - surtout à gauche - à nous appeler à retrouver des recettes. Mais les prélèvements obligatoires atteignent 51,3 % du PIB : c'est un record !

M. Pascal Savoldelli.  - Pas au niveau européen !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Aucun pays européen n'a plus, sauf peut-être la Suède ou la Finlande... Il serait donc fallacieux de faire croire que c'est la solution. Je suis prête à travailler sur les niches fiscales, mais créer de nouveaux impôts ou les augmenter est exclu.

Monsieur Delahaye, vous avez raison : si nos dépenses de fonctionnement n'avaient pas augmenté plus vite que la croissance, nous aurions un déficit bien plus réduit. C'est un principe sain, que nous souhaitons appliquer.

Nous voulons aussi mieux répartir l'effort. Faire porter les trois quarts de l'effort de réduction du déficit sur l'État, comme cette année, c'est trop !

Les situations de rente minent l'impôt. Si nous supprimons beaucoup de niches, baissons les impôts pour tous et pas seulement pour quelques-uns.

L'organisation de l'État est également un levier pour améliorer la situation. C'est pourquoi nous menons une revue de dépenses, ministère par ministère. Cela concerne les agences et opérateurs, l'État central, l'État déconcentré et aussi les AAI.

Au sein des agences et des opérateurs, nous avons deux leviers d'économies : les dépenses de fonctionnement - les fusions nous permettront d'économiser quelques milliards d'euros -, et les dépenses d'intervention, en supprimant les doublons.

Dernier point sur la méthode : la semaine prochaine, les collectivités ; en juin, la Commission des comptes de la sécurité sociale ; en juillet, les annonces.

Nous croyons à la démocratie sociale. Nous ne lançons pas des ballons d'essai. Dans le cadre du conclave sur les retraites, le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le comité d'orientation des retraites (COR) et les syndicats discutent de plusieurs mesures, dont le fameux abattement qui a fait la une des journaux. Je n'ai pas le projet de le supprimer, mais je n'ai pas à interdire certains débats, car nous leur avons donné carte blanche avec comme objectif le rétablissement de l'équilibre d'ici à 2030. Vigilance et volontarisme nous permettront d'y parvenir, avec l'ensemble des partenaires sociaux, des parlementaires et des forces vives.

Nous n'avons pas le monopole des idées et des solutions. Nous écoutons tous ceux qui veulent contribuer au rétablissement des comptes publics. Viendra ensuite le temps des décisions.

M. Jean-François Husson, rapporteur général.  - Au travail !

Prochaine séance, lundi 5 mai 2025, à 15 heures.

La séance est levée à 18 h 30.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 5 mai 2025

Séance publique

À 15 heures et le soir

Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, Mme Nicole Bonnefoy

1Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession (texte de la commission, n°561, 2024-2025)

2Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, sur la profession d'infirmier (texte de la commission, n°558, 2024-2025)