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Table des matières
Déclaration du Président du Sénat
M. François Bayrou, Premier ministre
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie
Situation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Assassinat d'Aboubakar Cissé (I)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie
Assassinat d'Aboubakar Cissé (II)
M. François Bayrou, Premier ministre
Protection des agents pénitentiaires et de leur famille
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Rapport d'avancement annuel sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Ordre du jour du lundi 5 mai 2025
SÉANCE
du mercredi 30 avril 2025
83e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Cécile Brulin.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Déclaration du Président du Sénat
M. le président. - Avant d'ouvrir notre séance de questions d'actualité au Gouvernement, je souhaiterais évoquer les événements graves qui ont frappé les consciences au cours des derniers jours : le meurtre d'une jeune fille de 15 ans, poignardée jeudi dernier dans sa classe, et les blessures occasionnées à trois de ses camarades, dans un lycée à Nantes, par un autre élève de cet établissement ; le meurtre, non moins odieux, dans le Gard, d'un jeune fidèle de la mosquée de La Grand-Combe, poignardé dans un lieu dédié à la prière. Le Sénat exprime toute sa solidarité à la communauté musulmane. Dernier événement : l'agression d'un rabbin à Orléans devant son jeune fils. L'antisémitisme est une grande cause nationale. Ces faits illustrent l'état de fracturation de notre société.
Au nom du Sénat tout entier, j'assure les familles des victimes de notre profonde sympathie.
Ces crimes, qui s'ajoutent à ceux commis tous les jours dans un monde toujours plus violent, notamment en raison des conflits de tous ordres qui le parcourent, nous interpellent.
Chacun doit pouvoir pratiquer son culte, s'il le souhaite, en toute liberté et en toute sécurité. C'est là le fondement de notre République.
Notre pays doit retrouver le vivre-ensemble qui fait notre communauté nationale. Il n'y a pas de combat plus noble que celui mené contre le racisme et pour la laïcité.
En ces temps difficiles, nous avons aussi accueilli le message de paix envoyé par les obsèques du pape François, qui fut, sa vie durant, un homme de dialogue qui n'a cessé d'appeler à la fraternité.
Mes chers collègues, je vous appelle à un moment de réflexion collective et de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs et membres du Gouvernement se lèvent et observent un moment de recueillement.)
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Scrutin proportionnel
M. Mathieu Darnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, vous avez ouvert lundi dernier une concertation sur l'introduction du scrutin proportionnel. Pourquoi cet empressement ? Pourquoi vouloir de ce poison électoral dans un moment où les Français s'inquiètent pour leur avenir ?
On peut vous reconnaître de la constance, mais sous la Ve République et bien avant, la proportionnelle n'a entraîné qu'instabilité gouvernementale et régime des partis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Yannick Jadot ironise.)
Et de quelle proportionnelle parle-t-on ? Intégrale, départementale ? Quid de la représentation des Français de la ruralité et d'outre-mer ?
Ne faut-il pas plutôt se concentrer sur l'essentiel, un budget sans hausse d'impôts, plus de pouvoir d'achat et de la sécurité pour tous ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. François Bayrou, Premier ministre . - Vous savez à quel point ma réponse est amicale. (Rires à droite et au centre)
M. Yannick Jadot. - Peut-être parce que vous êtes de la même majorité ?
Une voix à droite. - Ça démarre mal !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Non, bien ! Le scrutin proportionnel serait un poison de la démocratie, cause de toute instabilité ? (On le confirme à droite.) C'est par ce scrutin que 75 % des sénateurs sont élus ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC et du GEST)
M. Marc-Philippe Daubresse. - Pas par le même corps électoral !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Et je n'ai pas l'impression d'une instabilité.
Mme Cécile Cukierman. - Rien à voir !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Il y a tout à voir ! (Mme Cécile Cukierman le nie catégoriquement.)
C'est une règle démocratique. Tous les pays de l'Union européenne sans exception ont ce mode de scrutin. (Applaudissements sur quelques travées du GEST)
J'ai en effet décidé d'ouvrir des concertations très larges sur ce sujet.
Vous parlez de ma constance ; il est vrai que j'ai beaucoup milité pour ce changement de nos règles. Pourquoi ? Parce que c'est le scrutin du pluralisme. Dans la société fragmentée, éclatée, archipélisée qu'a décrite M. le Président, Dieu sait combien nous devons apaiser le pluralisme.
Le scrutin majoritaire obéit à une règle simple : tout pour ou tout contre (on le conteste sur quelques travées à droite), et Dieu sait combien nous avons besoin de prises de conscience plus élaborées que des positions clivées.
Enfin, la proportionnelle, c'est la garantie pour tous les citoyens d'être représentés à la mesure de leur engagement et de leur vote.
À la Libération, le général de Gaulle avait choisi la proportionnelle. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC et du GEST ; MM. Roger Karoutchi et Marc-Philippe Daubresse protestent.)
M. Mathieu Darnaud. - Cela n'a pas été concluant, puisqu'en 1958, le même général de Gaulle est revenu dessus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe INDEP ; MM. Franck Menonville et Jean-François Longeot applaudissent également.)
Le mode de scrutin sénatorial est départemental, et les plus petits départements ont un scrutin majoritaire.
Alain disait : « La représentation proportionnelle est un système évidemment raisonnable et évidemment juste ; seulement, partout où on l'a essayée, elle a produit des effets imprévus et tout à fait funestes, par la formation d'une poussière de partis, dont chacun est sans force pour gouverner, mais très puissant pour empêcher. C'est ainsi que la politique devint un jeu des politiques. » (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
Épidémie de chikungunya
M. Stéphane Fouassin . - Avec Viviane Malet, nous attirons votre attention sur la crise sanitaire qui s'aggrave à La Réunion. Chaque jour, le nombre de cas graves de chikungunya augmente.
Le décès d'une personne vaccinée a conduit à suspendre la vaccination pour les plus de 65 ans, ce qui a ravivé la méfiance contre les vaccins.
Des stratégies alternatives, fondées sur des méthodes innovantes, offrent des perspectives : il faut les étudier sérieusement. Le programme Wolbachia, déjà utilisé en Nouvelle-Calédonie en 2019 contre la dengue, pourrait servir aux Antilles et en Guyane en agissant sur les moustiques Aedes aegypti. La technique de l'insecte stérile est une autre solution prometteuse contre Aedes albopictus à La Réunion et à Mayotte.
Dans l'immédiat, il faut distribuer gratuitement des répulsifs, fabriquer des moustiquaires en associant les communes et suspendre les jours de carence pour les personnes contaminées. Nous devons renforcer les structures de santé, au bord de la rupture.
Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir nos concitoyens dans cette épreuve ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Rachid Temal applaudit également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - La lutte contre l'épidémie de chikungunya est un combat collectif. Elle nous oblige. La lutte antivectorielle mobilise 200 agents de l'ARS, 150 militaires et 800 contrats parcours emploi compétences (PEC).
Nous utilisons les répulsifs pour protéger les plus vulnérables, notamment les jeunes mamans et les bébés. Nous distribuons des moustiquaires et nous vaccinons. J'ai une pensée pour la personne décédée, dont l'imputabilité de la mort au vaccin est possible, d'où nos mesures de prévention.
J'ai visité le Cyclotron Réunion Océan Indien (Cyroi) pour évaluer l'utilisation des moustiques stériles ; nous pouvons envisager leur commercialisation en juillet afin d'éviter que la deuxième année d'épidémie ne soit pire encore. Bref, nous nous mobilisons pour soulager notre système de santé et prendre soin de nos compatriotes. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)
ArcelorMittal (I)
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Ce qu'ArcelorMittal fait à Dunkerque et ailleurs est une gifle : des centaines d'emplois supprimés, des fonctions délocalisées, des salariés et leur famille plongés dans l'angoisse. Je leur apporte mon soutien ; je suis sûre du soutien de tout le territoire.
Cette entreprise est accompagnée, soutenue, défendue par l'État, la région et les élus locaux. Or elle licencie massivement, sans scrupules.
C'est l'avenir de l'acier en Europe qui se joue. Nous voulons que ce secteur soit compétitif, décarboné, modernisé et renforcé.
Pendant que les États-Unis, la Chine ou l'Inde protègent leurs industries, en Europe, nous subissons.
Au député Julien Gokel, hier, vous avez répondu qu'un certain nombre de conditions étaient nécessaires au maintien des investissements dans la décarbonation. Lesquelles ? Les salariés ont le droit de savoir, et nous aussi ! Ils sont toujours prêts à se battre, mais ils veulent des engagements clairs et réciproques.
Quelles garanties de l'usage efficace de l'argent public ? Quel cap clair pour l'acier ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du GEST et du groupe SER)
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . - L'annonce de la suppression de 700 emplois par ArcelorMittal est évidemment une mauvaise nouvelle. Mes pensées vont aux salariés et à leur famille. L'État est mobilisé pour les accompagner socialement. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'insurge.)
Ce qui se joue, c'est l'avenir de la filière sidérurgique en France et en Europe. La production d'acier a baissé de 20 % en Europe entre 2018 et 2023. Elle est soumise à une concurrence féroce et déloyale : la Chine subventionne massivement sa filière. (M. Pascal Savoldelli s'exclame.)
Les réponses doivent être élaborées au niveau européen. Nous avons fait des propositions, qui ont été reprises par la Commission européenne (M. Rachid Temal s'exclame), notamment des clauses de sauvegarde, qui entreront en vigueur dans quelque temps.
J'ai rencontré hier la direction d'Arcelor : pour maintenir les emplois, il faut investir, il faut aussi plus de compétitivité. L'État est prêt à soutenir les investissements, dès lors que le groupe aura engagé les dépenses nécessaires. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
M. Rachid Temal. - Ce n'est pas une réponse !
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Et l'argent ?
Mme Marie-Claude Lermytte. - Il faut mettre tous les protagonistes autour de la table : vous pouvez compter sur les élus du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Situation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue)
M. Ahmed Laouedj . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Rachid Temal applaudit également.) Notre pays affronte une crise sanitaire silencieuse, mais profonde, celle de la pénurie de médecins.
Nous avons une solution concrète et immédiate, les Padhue. Ces médecins, présents depuis des années dans nos hôpitaux et nos cabinets, sont pleinement engagés. Ils exercent avec compétence, souvent dans des conditions difficiles. Ce sont vos propres mots, monsieur le ministre !
À l'occasion des épreuves de vérification des connaissances (EVC), sur près de 4 000 postes initialement annoncés, seulement 3 044 postes ont finalement été ouverts : de nombreux candidats, pourtant brillamment admis aux épreuves, se retrouvent aujourd'hui écartés, alors que 20 % des postes ouverts restent vacants - c'est absurde ! Des médecins compétents et indispensables restent sur la touche alors que les déserts médicaux s'étendent chaque jour davantage.
Pourquoi attendre 2026, alors que les Padhue sont disponibles dès à présent ? Pourquoi ne pas valider immédiatement par décret l'intégration de ces professionnels de santé ?
J'associe à ma question Jean-Yves Roux et les praticiens présents en tribune. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et des groupes SER et CRCE-K)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Vous avez raison : les déserts médicaux sont l'une des principales préoccupations de nos concitoyens. C'est pourquoi le Premier ministre, en déplacement dans le Cantal, a annoncé des solutions dès le mois de septembre.
Un point de désaccord cependant : en effet il n'y a pas une, mais des solutions, telles qu'une formation initiale augmentée ou le retour des jeunes Français partis étudier en Roumanie, en Espagne ou en Belgique, ce qui permettra d'installer nos docteurs juniors dans de bonnes conditions.
M. Rachid Temal. - Il faut intégrer les Padhue !
M. Yannick Neuder, ministre. - Il serait hypocrite de ne pas reconnaître le travail des Padhue, qui représentent 30 à 40 % des praticiens hospitaliers.
Nous allons simplifier l'intégration interne par voie réglementaire, les compétences étant mesurées localement par les chefs de pôle dès 2025.
Mais pour passer du mode concours au mode examen, nous avons besoin d'un support législatif. Je compte sur le Sénat et ses propositions de loi. Nous travaillons avec le président Mouiller pour trouver le bon véhicule législatif. Cette solution est attendue par les Français. (M. Rachid Temal manifeste sa perplexité.)
M. Ahmed Laouedj. - Le problème est immédiat et concret. Un chef de service urologie en poste à l'hôpital Cochin a obtenu 18 de moyenne aux épreuves théoriques et est soutenu par le président de l'Association française d'urologie : allons-nous sérieusement lui demander de repasser son concours ? La santé des Français ne peut plus attendre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et sur quelques travées du RDPI et des groupes SER et CRCE-K)
Assassinat d'Aboubakar Cissé (I)
M. Alexandre Ouizille . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je prends la parole au nom du groupe SER pour exprimer notre douleur face à l'assassinat d'Aboubakar Cissé. Nous saluons aussi le changement de position de la présidence du Sénat, qui avait estimé initialement qu'une minute de silence serait une hystérisation. Or un tel moment, c'est un baume pour le coeur.
Une telle barbarie provoque un vertige, qui s'est propagé dans tout le pays : des rassemblements citoyens sont venus dire non au crime commis, non à ce qui est pressenti sous ce crime. Car malgré le mystère du mal, il y a un contexte (murmures à droite) : celui du conditionnement progressif de la société française à la détestation des musulmans. (Protestations à droite)
Tous les jours, des éditorialistes disent que l'islam est incompatible avec la République. Tous les jours, on lit sur les réseaux sociaux - la semaine dernière dans l'Oise - que les noms et les prénoms des médecins seraient trop arabo-musulmans... Il est des essayistes pour disserter sur cette idée empoisonnée qu'il y aurait désormais deux peuples sur le territoire de la République.
Et il est, hélas, des ministres de l'intérieur (huées à droite et applaudissements sur les travées du groupe SER) qui se laissent aller à des propos d'estrade, disant qu'il faut mettre à bas la pratique cultuelle de centaines de milliers de femmes musulmanes dans notre pays, sans faire la distinction entre celles qui exercent leur liberté de conscience et celles qui sont forcées de le faire. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Monsieur le ministre, pouvons-nous enfin compter sur vous ? (La voix de l'orateur est recouverte par les protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur plusieurs travées à gauche)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Je connais trop cette maison pour savoir que le propos doit être mesuré. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Chacun ici mesure le poids des mots utilisés. Le meurtre d'Aboubakar Cissé commis dans le Gard est barbare et inacceptable. Je ne reviens pas sur les faits que chacun connaît. L'auteur présumé s'est rendu à la police italienne. Son retour en France est prévu pour la mi-mai. Naturellement, il sera jugé. Le procureur de la République compétent a indiqué qu'il percevait des signes qu'il s'agirait d'un acte raciste, mais l'enquête permettra d'en savoir plus.
Quant au reste, la position du Gouvernement, comme celle du ministre de l'intérieur et comme celle, je l'espère, de cette maison, est celle de la modération des propos, car le terrain est glissant. Des élus et des personnalités publiques jettent le poison de la division (protestations sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) et d'un communautarisme insupportable. Ils sont nombreux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
J'ai dit que je n'entrerais pas dans la polémique, mais tout de même... Un certain nombre de personnalités utilisent ce fait à des fins électoralistes. (Protestations sur les travées du GEST ; M. Pascal Savoldelli ironise.) Le plus important, c'est l'unité nationale autour de nos valeurs ; le Gouvernement y veillera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
ArcelorMittal (II)
Mme Silvana Silvani . - (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K) À l'automne dernier, ArcelorMittal annonçait la fermeture des sites de Reims et de Denain. En février, il annonçait la délocalisation de 150 emplois supports en Inde. Les syndicats y voyaient le signal d'une restructuration plus lourde, et ils avaient raison. Aujourd'hui, c'est une saignée industrielle qui est engagée : 636 emplois supprimés à Dunkerque, Mardyck, Desvres, Basse-Indre, Mouzon, Montataire, Florange.
Pendant ce temps, ArcelorMittal a engrangé 36 milliards d'euros de profits depuis 2019, racheté pour 12 milliards d'euros d'actions et reçu 298 millions d'aides publiques rien qu'en 2023 !
Cette situation est d'autant plus indécente que l'acier est au coeur des transitions : partout où l'on veut produire, transformer et bâtir, le métal est là.
Sans parler des victimes collatérales, comme les salariés de la centrale DK6 de Dunkerque ; 15 000 salariés en France s'inquiètent pour leur avenir et de la taxation de l'acier carboné en 2030.
Que comptez-vous faire pour contraindre ArcelorMittal à engager la décarbonation des sites, quitte à changer la législation pour contraindre le remboursement des aides publiques perçues par le groupe ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . - Vous avez raison : la sidérurgie est essentielle au maintien de notre souveraineté. Maintenir la production d'acier sur le sol français est une absolue nécessité.
Les salariés concernés - plus de 600 - sont dans l'angoisse : je leur témoigne mon soutien. Les services de l'État seront à leurs côtés. (Mme Cathy Apourceau-Poly ironise.)
Nous devons agir. Que devons-nous faire ? D'abord, travailler avec les acteurs : j'ai échangé avec les élus des sept sites concernés. Hier, j'ai échangé avec la direction d'ArcelorMittal. (M. Pascal Savoldelli s'exclame.)
Il en ressort que, pour engager des investissements, nécessaires, nous devons agir sur plusieurs leviers : protection commerciale,...
M. Pascal Savoldelli. - Ce n'est pas la question !
M. Marc Ferracci, ministre. - ... coûts de l'énergie, aides.
Madame la sénatrice, aucune aide n'est versée sans contrepartie. (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRCE-K)
Mme Cécile Cukierman et M. Fabien Gay. - Vous mentez !
M. Marc Ferracci, ministre. - Les aides sont versées en contrepartie d'investissements. Les 850 millions d'euros d'aides n'ont pas été versés, faute d'investissements. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K) L'ambition, c'est de pérenniser l'ensemble des sites.
Mme Cécile Cukierman. - Vous n'avez pas répondu à la question !
Mme Silvana Silvani. - L'Italie et le Royaume-Uni ont repris le contrôle de leurs aciéries. Et vous ? Vous continuez de croire au mythe du marché autorégulateur ! Il ne s'agit pas de nationaliser dans la débâcle et de revendre dans la prospérité ; il s'agit de faire de la propriété publique un outil de planification, de transition et de souveraineté.
Les moyens existent. Ce qui manque, c'est la volonté de rompre avec cette impuissance organisée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
ArcelorMittal (III)
Mme Christine Herzog . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Croyez-vous à la fatalité ? ArcelorMittal vient d'annoncer 600 suppressions d'emplois en France, dont 200 à Florange, en Moselle. La délocalisation d'emplois supports vers l'Inde et la Pologne, déjà entamée, et l'arrêt des investissements laissent craindre un désintérêt de sa part pour la production d'acier en France.
ArcelorMittal a retardé son projet d'acier décarboné dans son usine à Dunkerque malgré son contrat avec l'État et n'investit plus dans le train à chaud de Florange. En revanche, il investit à plein en Inde et au Brésil, selon un cahier des charges environnemental moins contraignant que dans l'Union européenne.
Nous nous sommes félicités de la transition énergétique de la centrale de Saint-Avold au moment même où l'Inde se félicitait d'une production record d'électricité à base de charbon.
Les objectifs environnementaux sont très contraignants pour les entreprises. L'État doit engager des négociations pour convaincre ArcelorMittal de rester en France. Doit-on sacrifier notre souveraineté sidérurgique ? Dire adieu à nos savoir-faire ? Laisser la France perdre son industrie ? La nationalisation de l'entreprise est-elle sur la table ? Comment sauver notre souveraineté sidérurgique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . - Non, il n'y a pas de fatalité, y compris pour les filières en difficulté, lorsque nous sauvons l'aciérie Hachette et Driout à Saint-Dizier ou la Fonderie de Bretagne à Caudan.
En appuyant sur les bons leviers, on peut obtenir des résultats pour maintenir notre souveraineté industrielle en matière de sidérurgie, indispensable pour beaucoup de filières « aval », dont l'automobile et la défense. (M. Fabien Gay s'exclame.)
J'ai échangé hier avec Arcelor pour comprendre ses décisions.
ThyssenKrupp, en Allemagne, a annoncé 11 000 suppressions d'emplois et des fermetures de site. En France, aucun site ne ferme. C'est notre objectif. Pour cela nous devons mieux protéger nos industries.
Nos objectifs de décarbonation doivent aussi peser sur les exportateurs chinois qui envoient de l'acier en Europe. C'est l'objectif de la révision du mécanisme de taxation carbone aux frontières que nous portons et que la Commission européenne, par la voix du commissaire Séjourné, a reprise dans son plan d'urgence pour l'acier.
Nous devons aussi agir sur les coûts de l'énergie. Nous espérons qu'avec la fin de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), des accords avec les électro-intensifs se concluent. Je suis confiant.
Nous nous appuyons sur la compétitivité et sur la protection - sur ce point, nous devons sortir de la naïveté. (M. François Patriat applaudit.)
Assassinat d'Aboubakar Cissé (II)
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le 25 avril, Aboubakar Cissé, fidèle musulman, était mortellement poignardé. Merci, monsieur le Président, d'avoir changé d'avis et concédé un moment de recueillement. Profanation d'un sanctuaire maculé du sang d'un innocent, duperie haineuse de l'assassin : tout dans cet acte est révoltant. À ses proches, nous adressons nos condoléances émues.
Monsieur le Premier ministre, vous avez à raison qualifié cet assassinat d'islamophobe.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Non, grave erreur.
M. Guillaume Gontard. - Vous avez entendu le sentiment de relégation de nos compatriotes musulmans, et le sentiment, partagé sur ces bancs, que les plus hautes autorités de l'État, à commencer par le ministre de l'intérieur et des cultes, n'ont pas exprimé une émotion à la hauteur (quelques huées sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Akli Mellouli applaudit) ni pris la mesure de la gravité de cet attentat.
L'histoire nous l'apprend : les guerres de religion ne produisent rien d'autre que de la haine. La France a donc inventé la laïcité, grâce à la loi de tolérance et de liberté de 1905.
Monsieur le Premier ministre, vous avez rappelé à l'Assemblée nationale que la loi protège la foi. Qu'allez-vous faire pour que l'on cesse d'instrumentaliser la laïcité afin de stigmatiser l'islam et les musulmans, et pour lutter contre l'islamophobie avant que d'autres drames ne surviennent ? (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K ; protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Roger Karoutchi. - C'est insupportable !
M. François Bayrou, Premier ministre . - Nous le savons tous, il y a là un démon jamais endormi, qui se réveille en temps de crise.
Je cite souvent cette maxime : la loi protège la foi, mais la foi ne fait pas la loi. La tolérance et la compréhension mutuelle sont essentielles. Nous ne sommes pas étrangers les uns aux autres. Tous nos compatriotes - musulmans, juifs, chrétiens, agnostiques, athées ou autres - ont droit de cité. L'idée de devoir de cité mériterait d'être creusée, car nous avons le devoir de construire un destin partagé.
Le drame du Gard est épouvantable. Je suis heureux de voir la détermination unanime sur ces bancs à combattre ce fléau et à construire une cité différente. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP, du RDSE et du RDPI)
Protection des agents pénitentiaires et de leur famille
M. Laurent Somon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La seule réelle prison est la peur et la seule vraie liberté, de se libérer de la peur, selon Aung San Suu Kyi. Les agents pénitentiaires vont-ils devenir les prisonniers de la peur que veulent instaurer les terroristes sous le couvert de l'étendard fallacieux de la défense des prisonniers ?
Les agents pénitentiaires ont subi 66 agressions graves à l'intérieur des établissements en 2023. Depuis le 13 avril, dans 31 départements, on a recensé plus de 60 faits criminels, contre des établissements, mais aussi contre les domiciles et les véhicules des agents, comme à Amiens. Ce terrorisme intolérable est un défi lancé à notre société. Nous devons tous le condamner. Comment prétendre défendre les droits de l'homme quand on s'attaque aux biens et qu'on menace les personnels ?
On le voit : les fouilles et la proposition de loi sur le narcotrafic dérangent une organisation mafieuse.
Monsieur le ministre, quelles consignes avez-vous données aux préfets ? Comment allez-vous débusquer ces terroristes et redonner confiance aux fonctionnaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Depuis le 14 avril, plus de 150 actions ont été commises à Agen, Villepinte, Toulon, Amiens... C'est de toute évidence une riposte à la loi contre le narcotrafic que vous venez de voter.
Le Gouvernement a immédiatement adopté un plan de mobilisation, à l'initiative du garde des sceaux et du ministre de l'intérieur. Dans la nuit du 15 avril, nous avons renforcé la protection des personnes et des biens relevant de l'administration pénitentiaire. Le 17 avril, une instruction pour renforcer la sécurité des sites et des agents pénitentiaires a été diffusée. Notre priorité absolue est la sécurité des agents, dont je salue l'engagement.
Le Parquet national antiterroriste coordonne désormais les investigations. Plus de 30 interpellations ont déjà eu lieu, et des gardes à vue sont en cours. Le Gouvernement est mobilisé pour protéger les prisons, les agents et leur famille. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Somon. - La peur doit changer de camp. Montesquieu disait que la liberté est le droit de faire ce que les lois permettent. Nous devons permettre aux personnels pénitentiaires d'exercer leur métier dans des conditions sereines. L'anonymisation de leur identité dans les procédures est une mesure cardinale. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
ArcelorMittal (IV)
Mme Audrey Linkenheld . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Demain, 1er mai, la mobilisation sociale sera particulièrement forte contre les 600 suppressions de postes annoncées par ArcelorMittal - dont 300 confirmées dans le Nord. Nous serons nombreux à défiler pour témoigner notre solidarité aux salariés et aux élus des sites de Dunkerque, Mardyck, Florange...
Pourquoi ces suppressions de postes, qui s'ajoutent aux plans sociaux en cours ? Pourquoi la suspension d'investissements censés pérenniser l'activité et sur lesquels l'État s'est engagé ? Pourquoi ce manque de transparence d'un industriel aux résultats pas si mauvais et toujours demandeur d'argent public ?
Oui, le marché de l'acier souffre, depuis longtemps. Mais la filière acier, soutenue au plan national et européen, est essentielle. Nos hauts-fourneaux ne doivent pas être sacrifiés. Ils doivent être électrifiés pour faire face aux enjeux écologiques, énergétiques, économiques et préserver notre souveraineté comme nos emplois.
La décarbonation et la modernisation doivent être directement assurées par ArcelorMittal, faute de quoi la France et l'Union européenne devront prendre des mesures fortes pour assurer la production locale d'acier bas-carbone par d'autres moyens, y compris l'entrée au capital ou la nationalisation temporaire.
En ce joli mois de mai où l'on fête le travail et l'Europe, dont la construction a commencé autour de l'acier, pouvez-vous prendre l'engagement que la France fera tout pour que l'acier soit notre histoire, mais aussi notre avenir ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . - La France a été à l'initiative d'un plan d'urgence européen pour la sidérurgie européenne. J'ai réuni l'ensemble des ministres, les représentants des filières et les organisations syndicales, le 17 février dernier, pour trouver les moyens de nous défendre face à une concurrence déloyale - notamment chinoise, massivement subventionnée et très fortement carbonée.
Nous agissons au niveau européen, mais pas seulement.
Je sais Patrice Vergriete et Xavier Bertrand très mobilisés. Le travail ne peut être que collectif. Nous ferons pression sur la Commission européenne. Je rencontrerai le commissaire Stéphane Séjourné dans les prochains jours. Les investissements dans la décarbonation doivent se faire. Pour cela, il faut agir sur la protection commerciale, sur la taxation carbone aux frontières, sur le coût de l'électricité, et sur tous les déterminants de la compétitivité.
Les industriels doivent prendre des décisions : nous créerons les conditions en ce sens. Merci de votre engagement. (M. François Patriat applaudit.)
Professeur Balanche
Mme Agnès Evren . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 1er avril dernier, un maître de conférences a dû interrompre son cours à Lyon II sous les huées de militants cagoulés et masqués d'un groupuscule autoproclamé Anti-France. C'est une triple agression contre la liberté académique, la démocratie et la laïcité.
Monsieur le ministre, vous avez dit votre soutien total au professeur Balanche. Mais, depuis, la présidente de l'université a pris ses distances avec l'enseignant, ses collègues universitaires chipotent, malgré l'évidence, sur le « fantasme » d'un islamo-gauchisme et les sempiternels appels au calme sont dignes du tristement célèbre « pas de vagues ».
L'indépendance de l'université est précieuse, mais les universités ne sont pas des zones de non-droit. Nous attendons une position sans ambiguïté du Gouvernement. Quelles sanctions ont-elles été prises contre ces militants qui ont défié les lois de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Le 1er avril, ce maître de conférences a été interrompu dans son cours. C'est scandaleux et honteux. Nous lui avons apporté notre soutien complet. La présidente a pris les bonnes mesures : protection fonctionnelle, saisine de la justice. (Marques de scepticisme à droite) Elle a eu une expression malheureuse (on ironise à droite), qu'elle a publiquement clarifiée. À son tour, elle a été victime d'un acharnement injustifiable. Il est intolérable que le maître de conférences et la présidente de l'université aient été menacés de mort.
Je ne demande pas qu'il n'y ait pas de vagues, mais qu'il y ait de la retenue. L'université est un lieu de dialogue et de confrontation intellectuelle, encadré par la loi.
M. Max Brisson. - Et les sanctions ? Répondez !
M. Philippe Baptiste, ministre. - Nous sommes extrêmement vigilants sur tous les débordements, antisémites notamment. Nous travaillons aussi aux sanctions qui pourraient être prises et veillons avec le garde des sceaux à ce que les signalements au titre de l'article 40 soient systématiquement traités.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Philippe Baptiste, ministre. - Le cadre disciplinaire sera en outre simplifié grâce à une proposition de loi votée au Sénat, à l'unanimité. (M. François Patriat applaudit.)
M. Max Brisson. - Où en est cette proposition de loi ?
Mme Agnès Evren. - Je n'ai pas eu de réponse sur les sanctions. Ce qui s'est passé à Lyon n'est pas un petit incident : c'est l'offensive concertée d'une extrême gauche intolérante...
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Bravo !
Mme Agnès Evren. - ... et d'un islamisme qui teste tous les jours les limites de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Il faut en finir avec cet équilibrisme et agir avec célérité, clarté et force. Cessons de baisser la tête ! Agissons contre cet obscurantisme qui met à mal les fondements de notre cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
Travail le 1er mai (I)
Mme Annick Billon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Demain, 1er mai, de nombreux boulangers et fleuristes garderont leur rideau baissé - non par choix, mais par crainte d'être verbalisés.
L'an dernier, cinq artisans de Vendée ont été poursuivis pour avoir travaillé un jour férié : ils viennent d'être relaxés par le tribunal de police de La Roche-sur-Yon.
Alors que le flou persiste, le groupe Union Centriste a alerté la ministre du travail dès le mois de mars pour les boulangers, puis en avril pour les fleuristes. Pendant vingt ans, ces professionnels ont travaillé le 1er mai sans difficulté. La situation est ubuesque : un particulier pourrait vendre du muguet sur le trottoir, mais le fleuriste devrait garder boutique close.
Avec Hervé Marseille, nous avons déposé une proposition de loi ouvrant droit à une dérogation pour certains établissements, sans remettre en cause le jour férié et chômé. Nous ne cherchons pas à ouvrir une brèche, mais à combler un vide juridique. Il ne s'agit pas de banaliser, mais de clarifier. Je remercie Mme Vautrin pour son soutien.
La jurisprudence du tribunal de La Roche-sur-Yon sécurise-t-elle les ouvertures de demain ? Dans quel délai notre texte pourra-t-il aboutir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Le 1er mai est un jour férié, chômé et rémunéré : on peut difficilement déroger à cette règle fixée par le code du travail, sauf pour des services essentiels comme les hôpitaux et les Ehpad.
Reste que votre étonnement est largement compréhensible. Nous avons tous été sollicités par des fleuristes et des boulangers de nos circonscriptions qui souhaitent travailler. Ces artisans peuvent travailler eux-mêmes, mais leurs salariés ne le peuvent pas.
Dans une société qui favorise le travail, peut-être faut-il envisager une évolution législative, pour les salariés volontaires. C'est le sens de la proposition de loi que M. Marseille et vous avez déposée et qui sera prochainement inscrite à l'ordre du jour.
Mes collègues Panosyan-Bouvet et Vautrin ont invité les boulangers à se mettre en contact avec leurs organisations professionnelles, elles-mêmes en rapport avec les services de l'État, afin d'éviter la situation que vous avez décrite.
Mme Évelyne Perrot. - Et les fleuristes ?
Mme Annick Billon. - Je remercie le Gouvernement pour son soutien et les artisans qui animent nos centres-villes et nos centres-bourgs. J'espère que, demain, nos concitoyennes et concitoyens seront nombreux à pouvoir acheter leur pain et leur muguet ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)
Relations franco-algériennes
M. Pascal Allizard . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si nos relations avec l'Algérie sont passionnelles, elles se sont depuis plusieurs mois bien dégradées.
Le régime algérien se raidit à notre égard parce qu'il nous sent impuissants et divisés. J'avais cru comprendre des déclarations du Président de la République et du Gouvernement que la coopération reprenait et qu'une nouvelle phase de la relation bilatérale allait s'ouvrir. Mais la réalité est tout autre : placement en détention d'un agent consulaire, expulsions réciproques, rappel de notre ambassadeur.
Face aux blocages et à la désinformation encouragée, voire orchestrée, le Gouvernement fera-t-il enfin preuve d'une plus grande fermeté ? Nous disposons de plusieurs leviers d'action, dont les accords migratoires. Dénoncerez-vous l'accord de 1968 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Dans cette affaire comme dans toutes, nous n'avons qu'une boussole : les intérêts de la France et des Français.
Nous souhaitons entretenir avec l'Algérie un dialogue exigeant et un partenariat d'égal à égal. En particulier, l'Algérie doit respecter ses engagements internationaux en matière de retour de ses ressortissants expulsés. Nous souhaitons reprendre la coopération en matière de défense, de sécurité et de renseignement et, bien sûr, obtenir la libération de notre compatriote Boualem Sansal, injustement condamné.
Tel était le sens de l'échange téléphonique entre les deux chefs d'État et de la visite de Jean-Noël Barrot à Alger.
Mais, pour dialoguer, il faut être deux. Alors que notre justice, indépendante, a décidé d'arrêter des ressortissants algériens pour des activités menées en France, l'Algérie a réagi de manière brutale et disproportionnée en expulsant douze de nos agents. En réciprocité, nous avons expulsé douze diplomates algériens et rappelé notre ambassadeur.
Si l'Algérie accepte de reprendre le dialogue, nous y sommes ouverts. Si elle fait le choix d'une relation dégradée et de l'escalade, nous assumerons un rapport de force en mobilisant une palette de leviers. (M. François Patriat applaudit.)
M. Pascal Allizard. - Je vous remercie pour votre réponse, même si vous n'avez rien dit de l'accord de 1968.
Le désaccord à propos du Sahara Occidental est un prétexte ; il est d'ailleurs plus une conséquence qu'une cause de la dégradation de nos relations avec Alger.
Par ailleurs, l'Algérie est un partenaire important de la Russie en Méditerranée et pourrait le devenir davantage encore en raison du déclin de l'influence russe au Levant. En Afrique francophone, chaque fois que la Russie avance, l'Algérie n'est pas très loin.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Pascal Allizard. - Compte tenu de l'attitude de plus en plus intransigeante d'Alger, le temps est venu de faire passer des messages politiques, sans ambiguïté.
Fiscalité locale (I)
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a huit ans, la majorité promettait monts et merveilles avec la suppression de la taxe d'habitation : du pouvoir d'achat pour les Français sans perte pour les collectivités.
Mais les faits sont têtus : le déficit public atteint 5,8 % du PIB et notre endettement, 113 % ; les collectivités n'ont plus de leviers fiscaux ; le financement des services publics locaux est déséquilibré.
Les collectivités territoriales ne sauraient être ni une variable d'ajustement budgétaire ni un simple guichet de l'État.
Le Président de la République exclut pourtant toute remise en question d'une décision injustifiée dès son origine et dont le maintien relève de l'irresponsabilité. Monsieur le ministre, vous avez évoqué l'idée d'une contribution des citoyens aux services publics locaux : cette proposition a le mérite d'ouvrir le débat sur les ressources des collectivités.
Continuerez-vous, malgré votre lucidité sur l'impasse actuelle, de défendre une mesure que vous savez mauvaise ou redonnerez-vous aux élus l'autonomie financière dont ils ont besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - La suppression de la taxe d'habitation était une promesse de campagne du Président de la République : élu, il a tenu son engagement. (Murmures sur de nombreuses travées à droite et sur certaines travées à gauche)
M. François Patriat. - Très bien !
M. François Rebsamen, ministre. - Nombre de parlementaires envisagent un rétablissement, mais je constate qu'aucune proposition de loi n'a été déposée sur le sujet.
Sous l'autorité du Premier ministre, nous avons entrepris un travail de pédagogie sur l'état gravement dégradé de nos finances publiques. La semaine prochaine, je recevrai les sept associations d'élus pour réfléchir aux mesures envisagées dans ce cadre. Rien n'est arbitré s'agissant du budget.
Comme je le fais depuis longtemps, j'ai indiqué devant votre délégation aux collectivités territoriales que, à mon avis, nous ne pourrons pas continuer longtemps avec un financement des communes reposant sur les seuls propriétaires, qui ne sont parfois que 30 % des habitants. Mon idée, partagée par d'autres, est qu'une contribution soit instaurée à terme, pour que chacun mesure les efforts de service public réalisés par nos communes et qu'un lien soit recréé entre les habitants et la municipalité. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Isabelle Briquet. - La suppression de la taxe d'habitation, erreur budgétaire, a été aussi une faute politique : les collectivités ont été largement privées d'autonomie, tandis que l'État perd chaque année plus de 20 milliards d'euros en compensations. Refuser de le reconnaître, c'est condamner nos collectivités. Il faut agir, en tenant compte du revenu des habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Travail le 1er mai (II)
Mme Pauline Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est la quatrième fois que cette question vous est posée depuis hier, preuve de la ferveur des parlementaires pour défendre les artisans !
À la veille du 1er mai, la polémique gronde dans les territoires. Demain, nos boulangers et fleuristes ne pourront pas faire travailler leurs salariés, lors d'une journée pourtant florissante. Pire, le ministère demandera à ses agents de travailler pour surveiller qu'ils ne travaillent pas : on marche sur la tête...
Chacun pourra installer un étal pour vendre quelques brins de muguet, pendant que nos commerçants feront grise mine.
À l'heure où l'État invite les Français à travailler plus pour soutenir notre économie en berne, voilà qu'il empêche ces salariés, bien souvent volontaires, de travailler en bénéficiant d'une rémunération bonifiée.
Sans attendre l'adoption du texte consensuel déposé notamment par Mme Billon, vos inspecteurs pourraient-ils profiter de cette journée ensoleillée pour acheter fleurs et baguettes, sans contrôles ni verbalisations ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Vous avez mis beaucoup d'enthousiasme dans votre question : avec le même enthousiasme, je vous réponds que nous sommes totalement d'accord avec vous. (Exclamations amusées et applaudissements à droite)
Le 1er mai est un jour férié, chômé et rémunéré. Nous souhaitons tous faire évoluer le code du travail pour permettre aux salariés des boulangers ou des fleuristes de travailler et de contribuer à la croissance du pays.
M. Olivier Paccaud. - C'est une question de liberté !
M. Yannick Neuder, ministre. - Des exceptions sont déjà prévues : hôpitaux, Ehpad, sapeurs-pompiers - je n'ai pas cité les agents du ministère du travail...
Ma collègue Astrid Panosyan-Bouvet a demandé aux fédérations de boulangers de se mettre en rapport avec les services préfectoraux pour éviter des situations ubuesques.
Je crois à la sagesse du Sénat pour ouvrir une voie permettant de travailler davantage sur la base du volontariat, dans l'esprit de la simplification souhaitée par le Premier ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Mme Pauline Martin. - Avant de compter sur nous, nous comptons sur vous !
Fiscalité locale (II)
M. Éric Dumoulin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le ministre Rebsamen a donc lancé ce qui s'appelle un ballon d'essai, sur la création d'une sorte de nouvel impôt local, une contribution « modeste » qui serait demandée à tous les ménages pour financer les services publics des communes.
Cette annonce s'apparente au rattrapage d'un péché originel : la suppression de la taxe d'habitation.
M. Guillaume Chevrollier. - C'est vrai !
M. Éric Dumoulin. - Mal réfléchie et mal financée, cette réforme a déstabilisé l'édifice déjà fragile des finances locales. Communes et départements ont perdu tout ou partie de leur autonomie. Pourtant incomparablement plus vertueuses que l'État, nos collectivités souffrent, tandis que l'État verse chaque année 20 milliards d'euros de compensations. Les locataires ne financent plus les services publics de proximité, ce qui crée un fossé entre les citoyens d'une même ville.
Les collectivités territoriales réalisent 70 % de l'investissement public : il faut les protéger et les accompagner, plutôt que les ponctionner à l'aveugle. S'il est compréhensible qu'elles participent à l'effort de redressement des comptes publics, elles ne doivent pas être la variable d'ajustement des comptes de l'État - ou plutôt de ses mécomptes.
Nos collectivités sont profondément inquiètes à l'approche du budget 2026. On parle d'un doublement, voire d'un triplement, de l'effort demandé cette année. Dans l'attente de l'indispensable remise à plat de la fiscalité locale, pouvez-vous les rassurer, et nous avec elles ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . - Le Gouvernement ne souhaite pas instaurer dans le prochain budget de nouveaux impôts.
M. Patrick Kanner. - Ce n'est pas ce qu'a dit M. Rebsamen...
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Nous sommes très fiers d'avoir rendu 700 euros en moyenne aux Français par la suppression de la taxe d'habitation.
À moyen terme, comme l'a dit mon collègue Rebsamen, le lien entre le contribuable et le service public, entre le citoyen et le maire, pourrait probablement gagner en clarté. Plus largement, nous voulons que les Français comprennent mieux où vont leurs impôts.
La semaine prochaine, le Premier ministre, François Rebsamen, Éric Lombard et moi-même lancerons la conférence de financement des territoires, pour redonner de la prévisibilité. La désynchronisation des agendas entre un maire, élu pour six ans, et la ministre des comptes publics, qui prépare un budget sur un an, est source de beaucoup de malentendus.
Les maires veulent savoir où ils vont, et l'État doit être le garant de notre retour à 3 % de déficit en 2029. Nous y parviendrons par le dialogue et la coconstruction, la remise en question des normes qui créent des dépenses inutiles et la réflexion sur nos ressources humaines, la fonction publique territoriale et le pilotage par les maires eux-mêmes de leurs dépenses. C'est dans cet esprit que nous construirons ensemble une trajectoire pluriannuelle, qui offrira un cadre prévisible et garantira une solidarité financière nationale.
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.
Avis sur des nominations
M. le président. - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n°2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable (20 voix pour, 4 voix contre) à la nomination de M. François Jacq aux fonctions de président du conseil d'administration du Centre national d'études spatiales (Cnes) et un avis défavorable (14 voix pour, 28 voix contre) à la nomination de M. Bernard Fontana aux fonctions de président-directeur général d'EDF.
CMP (Nominations)
M. le président. - Des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.
Rapport d'avancement annuel sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport d'avancement annuel sur le plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029, à la demande de la commission des finances.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . - Il y a trois mois, le Parlement adoptait le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Le compromis trouvé en CMP nous oblige à un suivi renforcé de l'exécution de ce budget, pour respecter les équilibres financiers et budgétaires que vous avez votés, parmi lesquels notre objectif de déficit de 5,4 %. Ce suivi est d'autant plus nécessaire que les aléas et les risques sont décuplés, sous l'effet des crises géopolitique et commerciale.
Le rapport annuel d'avancement nous offre l'occasion de vous rendre compte du respect de la trajectoire de redressement de nos comptes publics et de vous présenter les principes du prochain budget.
Il comporte deux volets : les constats et les corrections. Tel est le sens de la méthode du « quoi qu'il arrive », que nous vous avons présentée en commission et lors du premier comité d'alerte.
La loi de finances pour 2025 est un budget de compromis qui engage un effort courageux pour le redressement de nos comptes. Selon la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), l'objectif de 5,4 % de déficit est impératif, ambitieux et atteignable.
Pour y parvenir, nous avons instauré une gestion renforcée, via trois circulaires du Premier ministre.
Les reports généraux hors relance ont été réduits de moitié, à 4,4 milliards d'euros.
La réserve de précaution est désormais sanctuarisée au niveau interministériel, pour un montant de 8,7 milliards d'euros.
Nous avons lancé une gestion prudentielle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), avec une réserve effective de 1,1 milliard d'euros.
Face aux nouveaux aléas géopolitiques, économiques et financiers, nous avons révisé notre prévision de croissance à 0,7 %, contre 0,9 % initialement.
Nous avons adopté un principe de prudence, à hauteur de 5 milliards d'euros, soit 0,6 % des crédits ouverts en loi de finances. Pour moitié, grâce à des annulations de crédits : 3,1 milliards d'euros en AE et 2,7 milliards en CP. Ces crédits proviennent essentiellement de la réserve de précaution initiale dont le taux est de 5,5 % ; il avait été instamment demandé aux ministères de ne pas compter dessus.
L'autre moitié consiste en un surgel ciblé des crédits : 2,8 milliards d'euros ont été mis de côté pour reconstituer notre mise en réserve initiale.
Un deuxième comité d'alerte se tiendra à la fin du mois de juin ; là encore, nous vous transmettrons l'intégralité des informations dont nous disposons, en toute transparence.
Quelques orientations du PLF pour 2026. Tenir et maîtriser nos dépenses publiques : voilà le premier prérequis pour construire un compromis ensemble, auquel s'ajoutent plusieurs principes.
Premier principe : les dépenses, en particulier de fonctionnement, ne doivent pas progresser plus vite que la croissance économique. Cela peut sembler une tautologie, mais ce n'est souvent pas le cas.
Deuxième principe : les subventions publiques ne doivent pas être considérées comme des droits acquis par les acteurs économiques. Elles ont perdu leur effet déclencheur et sont devenues des effets d'aubaine. L'État doit planifier et ne pas se réduire à un guichet. Le Premier ministre a lancé une refondation de l'action publique : nos actions doivent répondre à une nécessité, non à une habitude.
Troisième principe : l'exigence démocratique. L'intérêt général de la nation doit primer les intérêts particuliers. Les pertes à court terme subies par certains seront acceptées si elles concourent à la croissance et à des gains pour des millions de nos concitoyens.
Quatrième principe : mettre fin à des dépenses qui ne sont plus justifiées, en raison de redondances ou de l'enchevêtrement des compétences. Je pense aussi aux dépenses qui ont trop augmenté : ainsi des arrêts maladie depuis la crise sanitaire.
Nous devons aussi faire oeuvre de transparence sur le coût et la valeur des services publics : ainsi, nos concitoyens trouveront du sens aux impôts qu'ils acquittent et aux bénéfices qu'ils retirent de la dépense publique.
Ces principes devraient nous aider à construire un budget qui ait du sens, en revenant sous la barre des 3 % de déficit en 2029, avec une première marche à 4,6 % en 2026.
Notre méthode : la transparence totale, pour que les parlementaires aient toutes les informations nécessaires sur l'élaboration du compromis, et pour qu'ils puissent pleinement évaluer nos finances publiques.
Le printemps de l'évaluation sera un moment particulièrement important pour faire de cette trajectoire de reprise en main une trajectoire partagée. (M. Jean-François Husson, Mme Élisabeth Doineau et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent.)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - J'ai l'honneur de vous présenter l'état d'avancement de notre plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT), qui établit une perspective sur plusieurs années en vue d'élaborer une trajectoire progressive, équilibrée, soutenue et suivie de nos finances publiques.
Nous avons revu nos prévisions de croissance compte tenu du contexte géopolitique tourmenté - une litote.
Sur le plan intérieur, le scénario de croissance est proche de celui du PLF de janvier dernier. Les dernières enquêtes montrent une bonne tenue de la consommation des ménages et l'adoption de la loi de finances pour 2025 a réduit l'incertitude.
Cependant, la dégradation de l'environnement international entraîne une révision de notre prévision de croissance à 0,7 %, soit 0,2 point de moins. C'est une conséquence de la politique tarifaire américaine, mais aussi des aléas que celle-ci provoque.
Pour notre pays, la croissance a été de 0,1 % au premier trimestre. Une bonne nouvelle : l'acquis de croissance est de 0,4 %. Cela renforce notre objectif de 0,7 %.
Au total, l'environnement international pèserait à hauteur de 0,3 point sur la croissance. L'incertitude affecte nos entreprises et engendre une aversion au risque, d'où des mouvements significatifs sur les bons du Trésor, notamment sur l'écart de taux avec l'Allemagne, même si les choses se sont améliorées ces derniers jours.
Notre trajectoire de dépenses primaires nettes a été amendée par rapport à celle proposée dans le PSMT d'octobre 2024 : il s'agit de prendre en compte le changement de cible pour le déficit, qui passe de 5 % à 5,4 %.
Le nouveau cadre budgétaire européen a créé un nouvel indicateur, le niveau de croissance de la dépense primaire nette, c'est-à-dire hors coût de la dette. Il est plus précis que l'indicateur traditionnel du déficit, particulièrement sensible aux aléas de conjoncture.
Le taux de croissance cumulé des dépenses primaires nettes reste identique à ce qui était prévu initialement : 4,2 %, soit moins que les 4,6 % fixés par le Conseil européen. Ainsi, la trajectoire prévue dans le nouveau cadre de gouvernance européen est bien respectée.
Nous pouvons ainsi réitérer notre engagement à faire passer notre déficit sous la barre des 3 % en 2029 : cela correspond à ce que le Premier ministre a très justement appelé le seuil d'indépendance de la nation.
Nous maintenons notre objectif de 4,6 % de déficit en 2026, comme nous nous y étions engagés l'automne dernier. Nous faisons ce qu'il faut, avec 5 milliards d'économies, pour éviter tout dépassement.
Dans sa conférence de presse sur les finances publiques du 15 avril, le Premier ministre a présenté une nouvelle méthode, celle d'un dialogue poussé entre le Gouvernement, la représentation nationale, les représentants des élus et les partenaires sociaux : ainsi, nous identifierons ensemble les moyens de redresser nos comptes publics.
Le retour à un niveau de déficit public soutenable n'est pas seulement une priorité budgétaire, c'est aussi une priorité politique pour assurer notre crédibilité à l'international, pour garantir notre souveraineté, pour libérer l'investissement et encourager les entreprises.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Présenté il y a deux semaines en conseil des ministres, ce premier rapport d'avancement annuel doit être transmis aujourd'hui même à la Commission européenne. Il porte sur le PSMT 2025-2029 et résulte de la réforme du cadre budgétaire européen, entrée en vigueur il y a un an.
Adopté en conseil des ministres le 23 octobre 2024, débattu au Sénat le 30 octobre, le PSMT a été validé par le Conseil de l'Union européenne le 21 janvier 2025. Sa trajectoire de dépense a toutefois été rectifiée en janvier, pour prendre en compte le changement de cible du déficit entre les gouvernements Barnier et Bayrou. À l'époque, le Sénat n'avait pas eu connaissance du détail de cette révision.
Entre fin 2019 et fin 2024, le PIB a progressé de 1,5 point de moins que celui de la zone euro. Certes, il a augmenté de 4 points de plus que celui de l'Allemagne, mais les performances économiques de la France sont tout de même médiocres depuis six ans.
Pour ce qui concerne la croissance, le Gouvernement revient assez fortement sur le scénario du PSMT présenté fin octobre. Nous sommes passés à une prévision de 0,7 %, contre 1,1 % initialement. En moins de six mois, il y a eu deux révisions à la baisse des prévisions de croissance. Pis : il n'est pas exclu que celles-ci continuent de baisser.
Les prévisions les plus récentes sont plus pessimistes que celles du Gouvernement. Le FMI et le consensus des économistes tablent sur 0,6 % de croissance, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) sur 0,5 %.
Les facteurs de croissance identifiés par le Gouvernement pourraient être moins porteurs que ce que celui-ci envisage.
La croissance serait principalement portée par la consommation des ménages, à hauteur de 1,2 %.
Malgré l'assouplissement de la politique monétaire de la BCE depuis le printemps 2024, l'investissement des ménages reculerait de 0,3 point et celui des entreprises de 0,8 point. La demande privée hors stock contribuerait à hauteur de 0,5 % à la croissance du PIB.
Si l'on suit les prévisions du consensus des économistes ou de l'OFCE, la demande pourrait contribuer légèrement moins à la croissance. Cet écart peut s'expliquer par une prise en compte limitée par le Gouvernement des effets de l'incertitude continuant à régner au niveau national, qui grèverait la croissance de 0,3 point en 2025. La situation politique toujours instable et le manque de visibilité sur les mesures de politique fiscale renforceraient l'attentisme des entreprises.
L'activité ralentit et le chômage augmente, approchant les 8 % selon la Banque de France et l'OFCE.
La consommation publique soutiendrait davantage la croissance que ce qui était prévu initialement, en raison d'une consolidation budgétaire moins marquée entre les objectifs du gouvernement Barnier et la cible actuelle.
Selon le Gouvernement, la contribution du commerce extérieur à la croissance serait nulle. Elle pourrait même être inférieure de 0,1 point. Résultat : les perspectives s'en trouvent réduites. Ce recul est néanmoins une composante de l'assombrissement global du tableau de l'économie mondiale.
L'augmentation des droits de douane américains, renforcée puis finalement contenue, pourrait grever la croissance de 0,3 point en 2025. Cette estimation ne prend en compte que les mesures annoncées jusqu'au 2 avril. Elle est donc peut-être légèrement surévaluée.
Les prévisions de croissance retenues dans le rapport d'avancement sont revues légèrement à la baisse ; c'est un scénario plus réaliste que le maintien des prévisions initiales du PSMT. Mais atteindre la cible de réduction du déficit sera plus difficile en 2025 avec cette croissance moindre.
Revenons au dérapage majeur de 2023, avec un déficit de 5,4 %. La dégradation s'est poursuivie en 2024, à 5,8 %, bien loin des 4,4 % prévus par la loi de finances pour 2024 et des 3,7 % prévus pour 2025 par la loi de programmation des finances publiques (LPFP), adoptée fin 2023.
Soyons clairs : l'objectif de la LPFP est hors d'atteinte, alors même que cette loi n'a que dix-huit mois d'existence ! Je ne le répéterai jamais assez : les années de dégradation 2023 et 2024 ont été terribles pour l'économie française. C'est inacceptable, et cela ne saurait se justifier par la seule situation économique du pays ou par une crise. Il est temps que les responsables politiques de l'époque cessent de clamer que leur pilotage était excellent. Les Français ne comprennent pas cette dérobade qui confine à l'irresponsabilité.
Pour l'année en cours, le Gouvernement prévoit un déficit de 5,4 %, soit un écart de 50 milliards d'euros par rapport à la LPFP.
L'ambition d'un retour du déficit à son niveau de 2023 reste atteignable, grâce à l'annulation de 5 milliards d'euros de crédits par le décret du 25 avril dernier et la mise en réserve d'un montant comparable.
Globalement, l'engagement pris auprès des instances européennes est pour l'instant tenu. En 2025, l'évolution de la dépense primaire nette serait de 0,1 point supérieur à ce que le Conseil recommande, ce qui est inférieur à l'écart de 0,3 toléré par les nouvelles règles européennes.
Nous devons néanmoins demeurer vigilants et volontaristes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances . - Ce PSMT est de meilleur augure que le dernier programme de stabilité (PStab), examiné en avril 2024.
L'an dernier, le PStab prenait acte de la caducité de la LPFP quatre mois seulement après son adoption. Le dérapage de la cible de déficit par rapport à la loi de programmation était de 50 milliards d'euros.
Cette année, le document dont nous débattons donne à voir un spectacle différent.
La prévision de déficit pour 2025 est certes moins ambitieuse que celle du PStab, mais ne s'en éloigne pas trop ; elle demeure la même que celle de l'article liminaire de la loi de finances pour 2025. Cela s'explique probablement davantage par les contraintes des nouvelles règles européennes que par la seule vertu du Gouvernement, puisque s'écarter trop franchement de la trajectoire de dépenses nettes se traduirait par des sanctions.
Pour autant, je ne me réjouis pas trop vite. L'exercice de suivi du PSMT est aussi un exercice de prévision pour l'année en cours car nous en sommes au premier tiers.
La prévision de croissance pour 2025, de 0,7 %, ne cesse de reculer. On peut se demander si elle ne reculera pas davantage au gré des volte-face du président américain. Le FMI prévoit 0,6 %, l'OFCE, 0,5 %.
La revalorisation de la prévision de rendement des impôts me semble imprudente. La prévision de rendement de l'impôt sur les sociétés pour 2025 a ainsi été revue à la hausse de 2 milliards d'euros par rapport à 2024 : c'est un risque, alors que le cinquième acompte rend la prévision particulièrement incertaine. J'appelle à la prudence.
Les chiffres du rapport de suivi sont dans les clous des prévisions du PSMT, mais il est trop tôt pour savoir si ce sera le cas sur l'année.
Si la trajectoire de dépenses nettes effectives est conforme à la prévision, ce sera grâce aux mesures nouvelles en recettes adoptées dans le budget 2025. Car il ne peut y avoir de redressement des comptes publics sans volet recettes substantiel. Les mesures en recettes prises depuis 2017 aboutissent à une perte annuelle de 60 milliards d'euros. Or les nouvelles mesures du budget 2025 étaient temporaires, et le Gouvernement a pour projet d'économiser 40 milliards d'euros dès 2026... Comment espérer tenir nos engagements sans toucher aux recettes ? Madame, monsieur les ministres, pouvez-vous nous éclairer ? (Mme Florence Blatrix Contat et M. Marc Laménie applaudissent.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales . - Ce rapport d'avancement, qui se substitue aux programmes de stabilité, se traduit par un recul de l'information pour le Parlement en ce qui concerne les finances sociales.
En effet, les programmes de stabilité comprenaient, en annexe, un tableau indiquant la capacité de financement prévisionnelle par sous-secteur, en particulier pour les administrations de sécurité sociale - c'était déjà ça. Cette programmation à moyen terme n'existe plus ni dans le PSMT ni dans le rapport d'avancement annuel.
Selon le HCFP, le rapport d'avancement se veut un rapport de suivi du PSMT, il ne peut donc porter que sur les années passées et en cours. C'est un net recul de l'information du Parlement, d'autant qu'il n'existe aucune programmation des finances sociales. Les tableaux pluriannuels annexés à la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ne sont que des prévisions à droit constant, qui prévoient une aggravation du déficit. Allez-vous réintroduire, dans les prochains rapports d'avancement, la répartition du besoin de financement par sous-secteur ? À défaut, peut-on l'intégrer à d'autres documents, comme le rapport économique, social et financier annexé au PLF ?
L'article 18 de la LFSS 2025 a instauré, à l'initiative de notre commission des affaires sociales, un comité de suivi de la réforme des allègements généraux, censé publier un rapport avant chaque PLFSS entre 2026 à 2030. Où en est-on de sa mise en place ? En outre, le tableau page 56 indique que le Gouvernement juge nécessaire d'aller plus loin et de procéder à une réforme globale des allègements généraux, qui renforcera l'efficacité du dispositif et encouragera la mobilité salariale et la productivité des travailleurs autour du Smic. Qu'a-t-il concrètement l'intention de faire ? (MM. Marc Laménie et Vincent Capo-Canellas applaudissent.)
M. Grégory Blanc . - De Borne à Bayrou, les gouvernements ont toujours affiché la même doxa fiscale de non-augmentation des impôts, mais, en pratique, procédé à une hausse du taux de prélèvements obligatoires... Or en bloquant idéologiquement tout débat, et donc toute réforme structurelle sur les recettes, vous empêchez l'État d'être plus efficace et plus juste. C'est de la schizophrénie !
Ceux qui ont bénéficié des aides de l'État pendant le covid n'auront pas à renvoyer l'ascenseur. C'est source de tensions dans le pays à l'heure où il faut rembourser, alors que les taux d'intérêt ont augmenté, que la charge de la dette va doubler entre 2022 et 2030 pour atteindre 20 % des recettes de l'État.
Nous avons besoin d'argent : il faut un débat transparent, pragmatique sur les recettes. Or le PSMT n'a rien documenté sérieusement. Le rendement de la TICPE va baisser d'un tiers entre 2022 et 2030 - comment sera-t-il compensé ? En supprimant les niches fiscales sur le gasoil professionnel et agricole ? En augmentant la TVA ? Nous ne le savons pas.
S'ajoutent les problèmes de calculette de Bercy. Toujours la même séquence depuis trois ans : un budget erroné, puis des arbitrages en catimini après le débat démocratique...
Vos arbitrages ne portent que sur le volet dépenses. Rien sur les réformes structurelles inscrites dans le PSMT. Alors que le budget 2026 s'annonce comme la quadrature du cercle, depuis janvier, tels Soeur Anne, nous ne voyons rien venir. Le Gouvernement appuie à fond sur la pédale du statu quo. Aucun débat sur la réorganisation du pays. Tous les jours, les médias font état de nouvelles idées de réformes, mais aucun projet ne nous est soumis.
Face à l'Himalaya, on refuse à l'alpiniste tout complément nutritionnel, tout en maintenant sa charge ! Nous savons que ça ne passera pas, ce qui pose la question de la sincérité budgétaire. Vous allez au plus facile, en rabotant les budgets d'investissement : transition écologique, recherche et enseignement supérieur, aide au développement... Est-ce ainsi que vous préparez l'avenir ?
Pire, vous empêchez la France d'être au rendez-vous de son défi budgétaire ; en procrastinant, vous renvoyez à d'autres des arbitrages forcément plus douloureux demain. Avec ces non-choix, vous créez les conditions d'une instabilité politique. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Sophie Briante Guillemont applaudit également.)
Mme Florence Blatrix Contat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le groupe SER aborde l'examen de ce rapport d'avancement du PSMT avec lucidité face aux déséquilibres budgétaires et la conviction que les choix doivent servir la justice sociale et la transition écologique.
Derrière les chiffres du déficit, il y a des enjeux concrets : la qualité de nos services publics, le pouvoir d'achat, notre capacité à relever les grands défis du siècle.
À 5,8 % du PIB en 2024, le déficit est bien au-delà des prévisions ; la dette publique dépasse les 110 % du PIB. La Cour des comptes parle de « dérive inédite » et qualifie 2024 « d'année noire ».
C'est le résultat d'une improvisation permanente, incompatible avec une stratégie claire de long terme.
Désormais, l'objectif est de ramener le déficit à 4,6 % en 2026, 3,4 % en 2028 et 2,8 % en 2029. Autant dire que la loi de programmation des finances publiques est largement obsolète.
La charge de la dette est estimée à 53 milliards d'euros en 2025, mais sa trajectoire reste incertaine vu la volatilité des taux d'intérêt, nourrie par les incertitudes internationales.
Reconnaissons que les hypothèses de croissance sont plus réalistes que celles des précédents gouvernements : 0,7 % en 2025, puis 1,2 % et 1,4 % les années suivantes, chiffres légèrement supérieurs au consensus des économistes, selon le HCFP. C'est déjà une première leçon tirée des années passées. Personnellement, je regrette que le Gouvernement adopte une fourchette haute. Rien ne justifie un optimisme excessif.
Les économies annoncées de 40 milliards d'euros d'ici 2026 restent floues. Les mesures concrètes font cruellement défaut et les tableaux de suivi restent désespérément vides. Nous sommes invités à débattre d'une trajectoire dont les fondements restent à bâtir.
Les rares mesures identifiées frappent toujours les mêmes : réformes de l'assurance chômage, de l'assurance maladie, des retraites - autant de reculs sociaux, sous le label « soutien à l'emploi ». L'absence de chiffrage précis des économies attendues empêche toute évaluation.
Le Gouvernement persiste à écarter toute réponse sérieuse pour remédier à la crise qu'il a lui-même créée, comme remettre en cause les dépenses fiscales inefficaces ou faire davantage contribuer les grandes entreprises et les ultra-riches via la taxe Zucman.
Bref, on poursuit la politique menée depuis sept ans : un ni-ni qui se veut équilibré mais qui défend les intérêts des plus puissants en pesant sur ceux qui supportent déjà l'essentiel du fardeau.
La question du partage de l'effort budgétaire entre entreprises et ménages reste en suspens. Le taux de prélèvements obligatoires augmente pour les ménages mais stagne pour les entreprises, ce qui interroge sur l'équité de notre système fiscal. On peut douter de l'efficacité d'une politique de l'offre qui, malgré un endettement record, ne semble pas avoir restauré la confiance des investisseurs.
Rien non plus sur les niches fiscales visées par le Gouvernement.
On lit dans le rapport d'avancement que les collectivités territoriales seraient responsables d'une large part du dérapage. Or leurs dépenses, en fin de cycle électoral, ne sont pas des dérives, mais bien des investissements d'avenir : équipements publics, transition énergétique, services de proximité. Les collectivités territoriales jouent un rôle d'aménageurs du territoire et de remparts sociaux. Cessons d'opposer État et collectivités : le redressement durable des comptes passera par une mobilisation conjointe et un respect de l'autonomie locale.
Quelles sont les marges de manoeuvre de l'État pour réussir la transition écologique et la réindustrialisation du pays ? Après l'abandon de Vencorex, voilà qu'ArcelorMittal supprime des centaines de postes, signe que la désindustrialisation se poursuit, faute d'investissements.
Aucune donnée sur la trajectoire d'investissements nécessaire pour la transition écologique. Pourtant, la dette écologique est irréversible : chaque investissement repoussé nous rapproche du point de non-retour.
Bref, ce rapport d'avancement révèle l'échec d'une politique budgétaire qui creuse la dette sans relancer l'investissement, qui aggrave les inégalités sans redresser les comptes. Cette spirale ne sera brisée que par un changement de cap. Il faut oser investir massivement dans notre appareil productif, notre formation professionnelle, notre défense, dans les transitions écologique et numérique. Cette relance exige une réforme fiscale courageuse, mettant fin aux rentes qui privent l'État des ressources nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Marc Laménie . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le rapport d'avancement du PSMT est un document technique - et je salue le travail du rapporteur général de la commission des finances. C'est un dossier que le Gouvernement soumet à Bruxelles pour montrer que nous faisons preuve de bonne volonté, à défaut de respecter les règles européennes. Celles-ci sont connues : le déficit public annuel ne doit pas dépasser 3 % du PIB et la dette 60 %. Nous en sommes respectivement à 5,8 % et 113 %, c'est dire si le chemin est long. Nous sommes tels Sisyphe qui ne parvient pas à rouler son rocher en haut de la montagne !
Pourtant, en 2023, seize des vingt-sept États de l'Union avaient déficit inférieur à 3 % ; quatre affichaient même un excédent budgétaire.
En 2008, des détracteurs anglo-saxons tenaient le Portugal, l'Irlande, l'Italie, la Grèce et l'Espagne - les fameux « Pigs » - responsables de la crise, en raison de leur manque de sérieux budgétaire. En 2024, le Portugal est en excédent budgétaire pour la deuxième année consécutive. L'Irlande affiche un excédent de 23 milliards d'euros, soit 4,7% de son PIB. L'Italie ne respecte pas les traités mais s'appuie sur une balance commerciale enviable. L'Espagne et la Grèce ont un déficit inférieur à 3 %. Comment ont-ils fait ? Réformes économiques, allégement du poids de l'État, baisse des prélèvements sur le tissu entrepreneurial. Il n'y a pas de fatalité dans la gestion budgétaire. Le mauvais élève d'hier peut montrer l'exemple demain.
Le rapport d'avancement nous apprend que le Gouvernement a engagé des mesures de redressement pour 50 milliards d'euros, afin de ramener le déficit à 5,4 % en 2025. La nécessité d'une baisse des dépenses publiques est désormais évidente, et les Français nous soutiennent. Il ne faut pas arrêter nos efforts ; la marche sera longue et dure, mais c'est à ce prix que nous pourrons, nous aussi, rentrer dans les clous.
Baisser nos dépenses de fonctionnement, c'est rendre des marges de manoeuvre à notre pays pour rembourser sa dette et financer l'éducation, le réarmement, la sécurité, la santé, la transition écologique, le soutien aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC ; M. Jean-François Husson applaudit également.)
M. Stéphane Sautarel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le respect de la trajectoire prévue par le PSMT implique la production d'un rapport d'avancement annuel détaillant les prévisions financières et les réformes envisagées.
La France, en procédure de déficit excessif, doit veiller au respect de cette trajectoire. Présentée jusqu'en 2029, celle-ci permet de respecter le critère de l'évolution de la dépense publique en année seule comme en cumul d'exercices.
Pourtant, la situation de la France reste préoccupante. Elle suppose désormais un effort d'ajustement de 110 milliards d'euros à l'horizon 2029, contre 50 milliards en 2022. Le dérapage du déficit en 2023 et 2024 a conduit à plus que doubler l'effort d'ajustement nécessaire pour repasser sous les 3 %. Le ratio d'endettement dépasserait 125 % du PIB en 2029 et friserait les 130 points dès 2031. En 2029, la charge de la dette atteindra 3,4 % du PIB, l'équivalent du budget de l'éducation nationale et de la défense.
Bref, il faut agir, pour éviter des ajustements plus difficiles encore plus tard. Nous devons amorcer dès 2025 une trajectoire sérieuse de redressement, sans quoi nous subirons une austérité imposée. Il est urgent de restaurer notre crédibilité pour éviter une hausse incontrôlée de la charge de la dette qui augmente sous son propre poids. Nous devons résorber la divergence avec nos partenaires européens. La France reste, hélas, le cancre de l'Europe.
Les réformes présentées par le Gouvernement apparaissent bien insuffisantes. Les efforts budgétaires pour 2025 ne sauraient être reconductibles - la hausse des prélèvements reste temporaire et pèse fortement sur les contribuables. Les efforts sur les dépenses ne sont que des coups de rabot, qui ne ciblent pas les crédits improductifs. Nous dévons répartir les efforts sans obérer l'activité économique.
Les mesures du Gouvernement sont peu documentées, et peu à même de dégager 110 milliards d'euros. La volonté politique est insuffisante, dans cet océan d'incertitudes ; votre impuissance est coupable et nos citoyens ne la comprennent pas.
Vous appelez à un examen des niches fiscales, mais ce travail a déjà été mené, pour des résultats en demi-teinte. Les propositions de réforme sont vagues, non chiffrées, sans étude d'impact : cela n'est pas crédible.
L'urgence est aux réformes structurelles : il faut réguler les dépenses sociales et refonder les liens financiers entre État et collectivités territoriales sans spolier ces dernières, seules à garantir les services publics et à investir pour l'avenir.
Quelle est votre volonté politique ? Faire des choix ou subir, il faut répondre avec justice et courage. Ces débats nous épuisent, et nos concitoyens avec. Après la pédagogie, l'heure des choix est arrivée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Stéphane Fouassin . - Avec ce rapport, le Gouvernement démontre son engagement à restaurer les finances publiques, malgré le contexte économique et international incertain.
Le déficit est en voie d'être réduit à 5,4 % grâce à un effort de maîtrise des dépenses de l'État et des collectivités. L'objectif est clair : passer la barre des 3 % dès 2029. Nous respectons la trajectoire de l'évolution de la dépense primaire nette recommandée par le Conseil européen. Je salue la rigueur du Gouvernement, malgré les incertitudes mondiales. Vous faites preuve de prudence et de méthode.
Cependant, veillons à l'équité territoriale : les ajustements nécessaires ne doivent pas aggraver les fragilités, notamment dans les territoires ultramarins et ruraux. Le Gouvernement a montré sa vigilance sur ce point : amplifions la dynamique.
La démarche de coconstruction doit être poursuivie. La réussite passe par l'adaptation permanente aux réalités locales, l'écoute de nos élus de terrain et l'accompagnement différencié de nos concitoyens.
En tant que médecin, je sais l'importance de lutter contre les déserts médicaux et la pénurie de soignants. L'usage de l'intelligence artificielle pour améliorer les prescriptions, le suivi des patients en affection de longue durée sans médecin traitant vont dans le bon sens. Il faut des réformes concrètes, adaptées aux réalités locales. Un système de santé performant est un système humain et réactif, sur tout le territoire.
De même, les politiques de transition écologique doivent prendre en compte les spécificités locales : il faut une écologie des solutions, respectueuse des contraintes et des atouts de chaque territoire.
Même logique dans les politiques de soutien à l'emploi, pour éviter tout effet d'éviction et garantir que l'effort bénéficie aux plus fragiles. Le travail doit demeurer un levier d'émancipation et de cohésion sociale.
Le Gouvernement doit associer les territoires à l'évaluation et à l'ajustement de ces politiques publiques. La clé est dans la coconstruction. Le groupe RDPI soutient cette trajectoire responsable et ambitieuse.
M. Raphaël Daubet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST) L'état des lieux est sans complaisance. Tant mieux, car la lucidité est le premier pas vers la solution. Il faut désormais une volonté politique, pour sortir la France du surendettement et de la stagnation, pour sortir les Français de la désespérance et de l'anxiété. On ne peut se satisfaire de l'austérité, du serrage de vis et des horizons tristes.
Nous partageons l'objectif d'assainissement de nos finances publiques mais refusons tout fatalisme budgétaire qui figerait notre action. (M. Vincent Delahaye acquiesce.)
D'abord parce que les prévisions sont incertaines, d'autant que l'environnement international aggrave le risque d'erreur. Il y a six mois déjà, je m'inquiétais des erreurs de prévision de croissance : depuis, nous sommes tombés de 1,1 % à 0,7 %.
L'exécutif fait le choix du repli, en annulant plus de 3 milliards d'euros par décret sur les missions Recherche, Économie, Agriculture, Aide au développement. Cette navigation à vue, toujours moins-disante, produit des économies non pérennes et nous prive des réformes structurelles pourtant nécessaires.
On annonce 3 milliards d'euros d'économies par la suppression ou la fusion d'un tiers des agences de l'État ? Le groupe RDSE se réjouit d'avoir eu raison trop tôt, il y a dix ans, avec le rapport de Jacques Mézard sur les autorités administratives indépendantes. Mais là encore, restons prudents.
On en appelle aux efforts de tous, sans toujours se soucier de justice fiscale. On le voit avec la taxation des dividendes, où Bercy, contournant la volonté du législateur, laisse perdurer une pratique frauduleuse !
Le redressement des comptes publics ne peut renoncer au levier des recettes, car la situation budgétaire est directement liée à des baisses de fiscalité. Il n'y a pas d'autre solution que de revenir en partie dessus. La méthode du rabot présente un risque récessif et ne prépare pas l'avenir, alors qu'il nous faut investir dans la recherche et l'innovation.
Ce que dit le rapport est aussi instructif que ce qu'il ne dit pas. Rien sur les recettes, alors que notre modèle social a un coût qu'il faut bien assumer.
Rien sur comment conserver notre capacité de réaction et d'ambition. Or se contenter de gérer la pénurie prépare le déclin. Prenons exemple sur certains de nos voisins européens.
Rien sur les réformes structurelles qui, seules, peuvent rendre la dette soutenable. La charge de la dette augmentera jusqu'en 2028. Or aucune décrue n'aura lieu sans réforme profonde dans les trois ans.
Réformons, travaillons, investissons : l'avenir nous appartient. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Clément Pernot applaudit également.)
M. Michel Canévet . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains) Quel paradoxe : nous examinons ce rapport, préparé il y a six mois et validé par la Commission européenne il y a trois mois.
Le groupe UC est échaudé par la situation des comptes publics que nous avons connue en 2024. La situation est préoccupante. Le déficit n'est pas dans l'épure prévue pour la période 2023-2027. Or les défis sont immenses : transition écologique, sécurité, endettement. Il va nous falloir renégocier notre dette bientôt, ce qui aura des conséquences sur notre capacité à agir.
Il nous faudra du courage pour engager des réformes structurelles. Nous devons réduire notre dépense publique. Les statistiques européennes le montrent. Les Échos nous affublent du bonnet d'âne de la zone euro. Le groupe UC vous fera des propositions.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Des économies !
M. Michel Canévet. - Sur le plan économique, nous misons sur l'encouragement de l'entrepreneuriat. Les acteurs sont entravés par de trop nombreuses contraintes administratives. Il nous faut plus de croissance, pas plus d'impôts. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Pierre Barros . - L'esprit de ce rapport nous préoccupe : à chaque ligne, un renoncement. C'est l'abandon de toute ambition économique, sociale et démocratique.
Depuis 2017, toutes les recettes fiscales baissent - ISF, flat tax, impôt sur les sociétés, fiscalité des dividendes - alors que les aides aux entreprises atteignent entre 180 et 250 milliards d'euros par an. La Cour des comptes confirme que la moitié du déficit vient de la baisse des prélèvements obligatoires. C'est injuste et inefficace. Vous avez fait le choix d'une politique de classe.
En 2026, il faudra trouver 40 milliards d'euros, au détriment des services publics, des dépenses sociales et des collectivités. Vous avez ainsi annulé 3,1 milliards d'euros pourtant destinés aux collectivités territoriales. Que dire ensuite de la suppression de politiques publiques et de la fusion d'agences de l'État ? Le tout sans toucher aux rentes ni aux superprofits, sans examiner l'organisation de notre administration centrale et déconcentrée. Ce n'est pas l'État qui s'ajuste, c'est la société, qui trinque. Le capital reste intouchable. La menace de la dette est brandie pour imposer l'austérité.
C'est incompréhensible pour les Français : vous dites que les caisses sont vides, mais ils découvrent avec stupéfaction une clause de sauvegarde pour l'effort militaire. Pourquoi ne pas l'activer pour la bifurcation écologique, la réindustrialisation ou la justice sociale ? Notre histoire nous enseigne qu'un pays ne tient pas quand les efforts sont déséquilibrés.
Vous annoncez de nouvelles coupes dans l'éducation, le logement social, les mobilités du quotidien. En coupant dans la santé ou les retraites, vous remettez profondément en cause notre modèle social. Est-il bien raisonnable de jeter ainsi de l'huile sur un brasier social en créant la pénurie ?
Vous confortez les plus riches, dont la fortune a été multipliée par cinq depuis 2009. Quelque 100 milliards d'euros de dividendes ont également été distribués aux actionnaires du CAC 40 en 2024. Vous confortez les fractures sociales en faisant fi de l'avis des Français et en refusant tout vote démocratique du budget au Parlement.
D'autres voies existent, fondées sur la justice sociale. Nous voulons un État stratège, qui investisse massivement dans la transition énergétique, la santé et les savoirs. Il nous faut une politique du futur, alors que vous vous contentez d'administrer le passé. Nous refusons ce plan, dans son principe, ses méthodes et ses conséquences. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
Mme Christine Lavarde . - (M. Jean-François Husson et Mme Élisabeth Doineau applaudissent.) Ce débat s'inscrit dans une dynamique positive de contrôle de la dépense publique. Voilà le Parlement davantage mobilisé pour suivre l'exécution de notre budget... C'est une première. La pratique budgétaire évolue dans une bonne direction depuis quelques mois, après deux exercices qui ont complètement dérapé. Le PLF et le PLFSS pour 2025 consacrent un effort historique de 50 milliards d'euros, principalement porté par l'État.
S'ajoute un nouveau cadre de pilotage des comptes publics qui associe enfin les parlementaires des commissions compétentes. Un comité d'alerte a été installé le 15 avril : il faut poursuivre cet élan.
Une crainte, cependant : est-ce que cela a vraiment changé ? L'heure n'est pas à l'autocongratulation. Le budget pour 2025 était le pire, à l'exception de tous les autres. Nous avons le devoir d'agir, pour garantir la soutenabilité de la dette publique, pour renouer avec notre crédibilité internationale et pour répondre aux transitions écologique, numérique et démographique. Nous devons atteindre la cible de consolidation de 110 milliards d'euros en quatre ans.
Vous égrenez les réformes, mais leur documentation demeure lacunaire. De tels éléments de langage n'ont pas permis de rétablir nos comptes. Sans doute allez-vous nous parler de stratégies, de plans pluriannuels, d'instances de suivi, d'assises nationales de dialogue ou de nouvelles méthodes de revue de dépenses ! Mais nulle innovation : entre 1946 et 2017, le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics a procédé à des revues de dépenses. L'IGF a publié des revues particulièrement pertinentes : ne font-elles que caler les très nombreuses portes du navire amiral de Paul Chemetov ?
Votre méthode : coups de rabot non concertés, choix de dernière minute... Le temps n'est plus à la réformette paramétrique heureuse !
Pourquoi ne pas refondre le système français de double couverture, avec une restructuration des complémentaires santé et la création d'un bouclier sanitaire unique ? La sécurité sociale fait mieux que le secteur privé pour moins cher, alors pourquoi persister dans un système de double cotisation et de double remboursement ?
Les dépenses locales ne peuvent être la variable d'ajustement. Le système est devenu incompréhensible. Fiscalité locale, dotations de l'État, mécanismes de péréquation n'ont pas besoin d'une énième conférence des parties prenantes ou d'une vague de contractualisations.
L'architecture de nos finances publiques ne peut plus rester en l'état : la consolidation large qui nous attend doit reposer sur des bases claires et pilotables.
Exemple : à la lecture des documents budgétaires, impossible d'établir un schéma des transferts de l'État aux administrations sociales ou aux collectivités territoriales. Il ne faut pas moins de sept documents pour retracer les 315 milliards des administrations publiques locales...
Dans le R2A, il est écrit que la trajectoire du PSMT sera respectée par les réformes ultérieures du Gouvernement adoptées par le Parlement. Mais nous ne sommes pas une simple chambre d'enregistrement ! Il est inadmissible que le dispositif anti CumCum du rapporteur général, adopté par le Sénat et la CMP, soit détricoté par Bercy sous la pression de certains acteurs financiers.
En 1985, Jacques Delors avait innové avec les entretiens de Val Duchesse, qui ont donné naissance au dialogue social européen. Les organisations patronales avaient accepté le processus, sous la menace du : « négociez, ou nous légiférerons ».
Je paraphraserai Jacques Delors : réformez avec audace, ou nous légiférerons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Jean-François Husson. - Très bien !
M. Vincent Delahaye . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.) Le discours sur le redressement des finances publiques, nous l'avons souvent entendu. Mais, comme Soeur Anne, nous n'avons rien vu venir. Au contraire, la situation s'est dégradée...
On reporte toujours les efforts à plus tard. À l'automne dernier, le gouvernement Barnier a annoncé 5 % de déficit en 2025. Avec François Bayrou, on est passé à 5,4 %. En 2026, ce sera 4,6 %. On ne fait pas beaucoup d'effort cette année, mais il faudra en faire le double l'an prochain !
Le montant des dépenses publiques était de 1 348 milliards d'euros en 2019. Aujourd'hui, c'est 1 670 milliards d'euros, soit plus 25 % en cinq ans - quand certains parlent d'austérité...
Que se serait-il passé si l'on s'en était tenu à l'inflation ? On aurait économisé 120 milliards d'euros en 2024... Si l'on veut corriger l'évolution de nos dépenses publiques, il faut garder ces éléments à l'esprit.
Nous avons d'abord besoin de transparence et d'information. Le rapporteur général a estimé ce matin que la transparence s'était améliorée, mais ce n'est pas descendu jusqu'aux membres de la commission des finances. On gèle 8 milliards d'euros : pourquoi pas 5 ou 15 ? Comment les 40 milliards d'économies seront-ils répartis ?
Il faut aussi de la prudence dans les prévisions - j'y reviendrai. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
M. Michel Canévet. - Bravo !
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Je débuterai en insistant sur la prudence, avec laquelle M. Delahaye a conclu et à laquelle M. Husson a également fait référence. Nous avons révisé les perspectives de croissance deux fois en quelques mois. Pourquoi ? Parce que la motion de censure a coûté 0,2 point de PIB. En outre, nous avons pris en compte le changement d'administration aux États-Unis, car les perspectives de croissance s'y sont assombries.
La situation économique mondiale est extrêmement difficile. Nous espérons accélérer le dialogue avec les États-Unis, mais aussi avec la Chine, qui a un excédent de production à écouler. Hier, avec Mme la ministre, nous étions à Roissy pour évoquer des contre-mesures.
Le président de la commission des finances a évoqué les risques pesant sur les recettes. Nous les suivons mois après mois : nous sommes au niveau prévu, mais restons attentifs.
La rapporteure générale de la commission des affaires sociales a demandé des précisions sur le comité de suivi des allégements généraux : il devrait être mis en place en 2026.
M. Blanc, Mme Blatrix Contat et M. Sautarel ont parlé de flou, d'incertitude, de statu quo... Au contraire ! Nous avons prévu une concertation très large et plus longue qu'à l'habitude. Les travaux du conclave sur les retraites se poursuivent. À partir du 6 mai, nous allons dialoguer avec les associations d'élus locaux pour garantir que les collectivités territoriales, dans le respect de leur autonomie, contribuent à l'effort de stabilisation de la dépense publique. S'agissant de l'État, nous avons interrogé les directeurs d'administration centrale sur leurs priorités, pour faire naître des idées de simplification.
Nous associerons les parlementaires qui le souhaitent à ce dialogue dans les mois qui viennent. L'objectif est de présenter des propositions en juillet, que le Premier ministre arbitrera. Convenez que nous nous y prenons très en avance. Il n'est pas question de déposséder le Parlement de son pouvoir. Le projet de budget sera présenté aux deux assemblées et nous espérons qu'il sera adopté dans les délais prévus.
M. Marc Laménie a évoqué les comparaisons internationales. Quel est le cadre général ? C'est extrêmement simple : notre problème principal est la dette, à 113 % du PIB. Si nous ne tenons pas nos engagements, nous devrons être accompagnés par des intervenants extérieurs, ce qui est inenvisageable pour des raisons de souveraineté.
Pour cela, nous devons protéger notre compétitivité et développer notre économie, donc ne pas augmenter les charges ni les impôts. La solution passe bien par la maîtrise de la dépense. Nous y travaillerons avec Mme la ministre.
On nous parle à juste titre d'équité et de transformation écologique. C'est bien dans nos objectifs.
M. Michel Canévet évoque le courage : il est collectif. Vous serez associés, mais le Gouvernement prendra sa part.
Monsieur Barros, vous évoquez la clause de sauvegarde pour financer l'effort de défense. L'Union européenne le permet, mais nous ne l'activerons pas, car ce serait de la dette supplémentaire.
Enfin, madame Lavarde, merci de souligner l'effort sur les dépenses. Le Parlement continuera d'y être associé.
La retenue à la source me vaut des échanges fréquents et approfondis avec le rapporteur général. J'ai un respect total pour le texte de la CMP. Sur la base d'un avis du Conseil d'État, le Gouvernement a rédigé un mode d'emploi à destination des opérateurs financiers. Dans notre décision, nous avons voulu que les services des impôts puissent sanctionner les opérateurs dont les opérations sont non conformes au droit et à l'intérêt général. Notre texte est sans incidence sur les procédures en cours et les ministres n'interviennent pas.
Les opérations financières peuvent se faire de gré à gré : dans ce cas, on connaît la contrepartie et elle peut être contrôlée. Mais sur les marchés réglementés, l'acheteur est la chambre de compensation. Dans ce cas, pour que les opérations restent domiciliées à Paris, il ne doit pas être fait obligation de connaître la contrepartie. En revanche, s'il y a dissimulation, il sera possible de sanctionner une opération frauduleuse, sur la base de preuves.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . - Merci pour ce débat de grande qualité. Nous partageons beaucoup d'éléments, même si nous avons aussi des différences d'appréciation. C'est bon signe, pour nos futurs compromis.
M. le rapporteur général nous appelle à la vigilance et au volontarisme. C'est bien ce qui nous guide, sous l'autorité du Premier ministre.
Le président Raynal a évoqué l'aléa sur les recettes de l'impôt sur les sociétés. Les 2 milliards d'euros supplémentaires, qui résultent des observations comptables de fin d'année, n'ont pas remis en cause notre prudence.
Vous avez assez peu parlé d'inflation. En la matière, le scénario est très difficile à prévoir. Ce matin, nous avions un taux de 0,8 % en rythme annuel. Les prix du pétrole sont en assez net recul, mais les droits de douane risquent de faire monter les prix.
Rassurez-vous, le décret d'annulation ne procède pas à des coupes claires. Nous avons demandé à l'ensemble des ministères de mettre de côté 0,5 % de leur masse salariale et 5,5 % de leurs dépenses hors masse salariale, d'où une réserve interministérielle de 8,7 milliards d'euros, dont nous annulons 2,7 milliards. Mais nous la remettons à niveau, grâce à 2,8 milliards de surgel de dépenses non engagées. C'est respectueux du Parlement, transparent et sincère. Sinon, on lance les dépenses, puis au milieu de l'année, on arrête tout...
Ce décret d'annulation n'est pas le reflet d'une politique d'austérité générale. Quand les dépenses publiques atteignent 57 % du PIB, ce n'est pas l'austérité ! Santé ou éducation ne sont pas victimes de coupes claires : l'Ondam est à 3,4 % ; l'hôpital dispose de 1 milliard d'euros supplémentaires ; la ministre de l'éducation nationale a annoncé des recrutements et de la formation.
Beaucoup ont évoqué les relations entre l'État et les collectivités territoriales. Nous voulons leur donner de la prévisibilité, en arrêtant cette pièce de théâtre où le premier mardi d'octobre, un chiffre magique sort du chapeau, auquel chacun doit se conformer. C'est ingérable !
De nouveaux maires seront élus l'an prochain : il est de notre devoir de leur donner de la visibilité sur un demi-mandat. Et nous devons réduire les normes pour les collectivités, pour limiter les dépenses contraintes.
Monsieur Sautarel, le mot spoliation ne correspond pas à la réalité. Les Français n'ont qu'un porte-monnaie ! S'il y avait spoliation, les collectivités seraient dans l'incapacité de mener leurs politiques. Or l'immense majorité des communes ont des ressources stables, tout comme les régions et les EPCI. Il y a certes un enjeu pour les départements... L'an dernier, alors que la dépense publique a augmenté de 2 % en volume, c'était 0,7 % pour l'État, 3,1 % pour les collectivités territoriales et 3,6 % pour la sécurité sociale.
Enfin, vous avez été nombreux - surtout à gauche - à nous appeler à retrouver des recettes. Mais les prélèvements obligatoires atteignent 51,3 % du PIB : c'est un record !
M. Pascal Savoldelli. - Pas au niveau européen !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Aucun pays européen n'a plus, sauf peut-être la Suède ou la Finlande... Il serait donc fallacieux de faire croire que c'est la solution. Je suis prête à travailler sur les niches fiscales, mais créer de nouveaux impôts ou les augmenter est exclu.
Monsieur Delahaye, vous avez raison : si nos dépenses de fonctionnement n'avaient pas augmenté plus vite que la croissance, nous aurions un déficit bien plus réduit. C'est un principe sain, que nous souhaitons appliquer.
Nous voulons aussi mieux répartir l'effort. Faire porter les trois quarts de l'effort de réduction du déficit sur l'État, comme cette année, c'est trop !
Les situations de rente minent l'impôt. Si nous supprimons beaucoup de niches, baissons les impôts pour tous et pas seulement pour quelques-uns.
L'organisation de l'État est également un levier pour améliorer la situation. C'est pourquoi nous menons une revue de dépenses, ministère par ministère. Cela concerne les agences et opérateurs, l'État central, l'État déconcentré et aussi les AAI.
Au sein des agences et des opérateurs, nous avons deux leviers d'économies : les dépenses de fonctionnement - les fusions nous permettront d'économiser quelques milliards d'euros -, et les dépenses d'intervention, en supprimant les doublons.
Dernier point sur la méthode : la semaine prochaine, les collectivités ; en juin, la Commission des comptes de la sécurité sociale ; en juillet, les annonces.
Nous croyons à la démocratie sociale. Nous ne lançons pas des ballons d'essai. Dans le cadre du conclave sur les retraites, le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le comité d'orientation des retraites (COR) et les syndicats discutent de plusieurs mesures, dont le fameux abattement qui a fait la une des journaux. Je n'ai pas le projet de le supprimer, mais je n'ai pas à interdire certains débats, car nous leur avons donné carte blanche avec comme objectif le rétablissement de l'équilibre d'ici à 2030. Vigilance et volontarisme nous permettront d'y parvenir, avec l'ensemble des partenaires sociaux, des parlementaires et des forces vives.
Nous n'avons pas le monopole des idées et des solutions. Nous écoutons tous ceux qui veulent contribuer au rétablissement des comptes publics. Viendra ensuite le temps des décisions.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Au travail !
Prochaine séance, lundi 5 mai 2025, à 15 heures.
La séance est levée à 18 h 30.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du lundi 5 mai 2025
Séance publique
À 15 heures et le soir
Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Loïc Hervé, vice-président
Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, Mme Nicole Bonnefoy
1. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession (texte de la commission, n°561, 2024-2025)
2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, sur la profession d'infirmier (texte de la commission, n°558, 2024-2025)