SÉANCE

du mercredi 7 mai 2025

86e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. François Bonhomme, M. Mickaël Vallet.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Sargasses en Guadeloupe

M. Dominique Théophile .  - (M. Bernard Buis applaudit.) Le RDPI tient à rappeler les conditions inhumaines dans lesquelles Cécile Kohler et Jacques Paris sont détenus en Iran. Nous leur adressons, ainsi qu'à leurs proches, tout notre soutien. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

En 2018, Nicolas Hulot a constaté, en Guadeloupe, les ravages des sargasses. Il s'était engagé, au nom de l'État, à ce que les algues soient ramassées dans un délai maximum de 48 heures après échouement. Sept ans plus tard, cet engagement n'est toujours pas tenu.

Le phénomène s'aggrave. En 2025, nos côtes sont submergées, les sargasses fermentent et libèrent de l'hydrogène sulfuré et de l'ammoniaque, provoquant troubles respiratoires et lésions oculaires. Ce n'est plus une nuisance, c'est un empoisonnement. À Capesterre-de-Marie-Galante, le collège Nelson Mandela a été évacué, les riverains désertent leurs logements et les commerces ferment. Les moyens déployés sont dérisoires face à l'ampleur du sinistre.

La situation a empiré. Aux Saintes et à la Désirade, on manque de bras et de camions pour évacuer plusieurs centaines de tonnes par semaine. Le préfet manque de moyens. Il faut une stratégie nationale d'intervention.

Le ramassage sous 48 heures est une exigence sanitaire. Une réponse interministérielle concrète est indispensable Ne répétons pas l'erreur du chlordécone. Ce serait une deuxième faute historique, face à une pollution invisible depuis Paris mais bien réelle. Madame la ministre, j'attends une réponse à la hauteur des discours. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Je me joins à votre hommage à nos deux compatriotes retenus en Iran dans des conditions intolérables.

Je mesure l'ampleur du problème des sargasses et je connais vos engagements : vous avez mené une mission d'étude et organisé une conférence internationale en 2019 sur le sujet.

Ce fléau est amplifié par le dérèglement climatique. C'est un enjeu économique, sanitaire, social, dévastateur pour le tourisme, la pêche et la santé des habitants. C'est pourquoi nous agissons, avec le plan Sargasses 2, mis en oeuvre de 2022 à 2025, pour gérer la détection en amont des sargasses jusqu'à leur traitement une fois échouées. Des expérimentations de relargage en mer sont en cours ; elles sont suivies avec attention pour éviter de potentiels effets sur la biodiversité ou sur les territoires voisins. Cette question sera discutée lors du prochain comité interministériel de la mer. L'objectif est de disposer d'un plan de lutte et de gestion post-2025, avec un soutien aux filières de valorisation et un déploiement élargi de la collecte en mer et du relargage.

Nous prendrons en compte vos travaux et ceux de la mission flash de Mickaël Cosson et Olivier Serva. Vous pouvez compter sur mon engagement. La protection de nos concitoyens est une de mes priorités. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. le président.  - Je remercie Dominique Théophile qui a assumé la vice-présidence pendant dix-huit mois, avec un réel souci de la qualité de nos débats. (Applaudissements)

Commande publique dans le numérique

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - L'École Polytechnique, le Cnam, l'Éducation nationale, des ministères régaliens voire des opérateurs d'importance vitale ont choisi des solutions numériques américaines, pour des centaines de millions d'euros, pour la gestion de données sensibles, y compris de santé.

Lors du sommet Choose Europe for Science (murmures ironiques sur les travées du groupe Les Républicains), le Président de la République a rappelé que l'absence de cloud souverain européen était une erreur stratégique, participant de notre vassalité.

Mi-mars, j'ai alerté les ministres de Montchalin et Chappaz. Votre courrier conjoint aux tutelles et le contrat stratégique de filière « logiciels et solutions numériques de confiance » vont dans le bon sens - mais passons des paroles aux actes !

Nous manquons de chiffres fiables sur l'achat public numérique. Cela interroge sur l'appropriation de l'article 31 de la loi Sécuriser et réguler l'espace numérique (Sren), d'autant que la donnée est duale par nature. Le contexte géopolitique rend vitale notre protection, car avec les solutions américaines s'applique l'extraterritorialité de la législation Fisa (Foreign Intelligence Surveillance Act). Or 82 % des requêtes sont exploitées à des fins d'intelligence économique. Cessons d'être naïfs.

À quand l'audit de la chaîne de la commande publique numérique et l'obligation de justifier du choix de toute solution non européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification .  - La commande publique est un levier stratégique de souveraineté et de résilience. Derrière ces 170 milliards d'euros de dépenses publiques par an se cachent des enjeux de souveraineté et d'indépendance, notamment en matière de défense et de numérique.

Le Gouvernement suit avec intérêt les travaux de la commission d'enquête du Sénat. Une mission de l'IGF a été lancée sur les pratiques des centrales d'achat public, avec un rapport prévu d'ici juin.

Comme vous, je pense que nous devons arrêter d'être les grands naïfs de la mondialisation. L'argent public doit être mis au service de notre souveraineté économique.

Avec les ministres de Montchalin et Chappaz, nous assumons un pilotage plus exigeant pour faire de la commande publique un levier de transformation stratégique. Près de 145 millions d'euros ont été engagés dans les solutions cloud, sur les recommandations de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et sur la base de la doctrine cloud de confiance.

Les acteurs français ont capté 65 % des marchés du cloud, pour 90 millions, et même 95 % des marchés pour l'État central.

La loi Sren impose le recours au label SecNumCloud ou un équivalent européen pour l'utilisation de données sensibles dans l'administration, fruit d'un engagement clair en faveur de la souveraineté.

Le projet de loi Simplification modifiera les seuils d'accès à la commande publique. Comptez sur mon action. (Applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP ; M. François Patriat applaudit également.)

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Merci. Nos données et nos euros doivent rester, autant que possible, à la maison. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Prisons

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Nous avons récemment salué les nouvelles recrues et agents de l'École nationale d'administration pénitentiaire d'Agen (Enap). Les violences à leur encontre sont inacceptables.

Je m'inquiète des conditions dans lesquelles ces personnels exercent leur mission. À Gradignan, avec 210 % de surpopulation, on ne sait plus où poser un matelas. Ce n'est pas en faisant payer leur hébergement aux détenus que l'on trouvera la solution.

La surpopulation stresse les agents et détourne le sens de la peine carcérale. Si la prison est une sanction légitime, elle doit aussi préparer la réinsertion, grâce aux collectivités, aux associations, à France Travail.

Au lendemain d'une forte mobilisation des services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip), les chantiers sont immenses. Je connais votre énergie à construire de nouvelles prisons, mais n'oublions pas la rénovation de l'existant. Prévoyez-vous un plan pluriannuel ? Que faites-vous pour la santé mentale et physique, vu le manque de psychiatres et de soignants ? La réhabilitation ne doit pas être le parent pauvre de la détention. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je connais votre attachement à ces sujets et aux agents pénitentiaires, monsieur Masset.

Notre administration pénitentiaire est attaquée par des voyous, par des narcotrafiquants, du fait de notre travail collectif. La loi contre le narcotrafic que vous venez de voter doit empêcher de nouvelles affaires Amra - le 14 mai, le Président de la République rendra hommage aux deux agents pénitentiaires lâchement assassinés au péage d'Incarville.

Cette réaction des narcotrafiquants est la preuve que le nouveau régime carcéral extrêmement difficile, inspiré du modèle italien, les touche. Nous le devons à notre courage collectif de changer les choses.

Sur les 15 000 places de prison annoncées en 2017, 5 000 ont été construites, 5 000 sont en cours de travaux et 5 000 restent à construire.

J'ai annoncé la construction - trois fois plus rapide et deux fois moins chère - de prisons modulaires, car la surpopulation carcérale nuit tant au travail des agents qu'à la réinsertion des détenus. Je sais que votre département est candidat. (M. Christian Cambon s'exclame.)

Les crédits votés pour les rénovations pénitentiaires sont intégralement préservés - plusieurs centaines de millions. Merci au Premier ministre de son arbitrage, dans un contexte budgétaire difficile.

Nous rattrapons les difficultés, et soutenons les agents pénitentiaires qui font un travail formidable. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Michel Masset.  - Merci. Gardons en mémoire les propos de Robert Badinter : « Sauf à tourner le dos à l'idéal républicain, la conception de la prison doit être, bien sûr, la sanction, mais aussi, l'amendement et la réinsertion. » (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Relations entre l'Élysée et Matignon

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Entre l'Élysée et Matignon, c'est à qui dégainera le premier : budget d'austérité, contribution des retraités, nouveau mode de scrutin législatif... Vous brandissez l'arme référendaire comme un joker politique à chaque blocage, un aveu d'impuissance de l'exécutif. Entre un président qui veut consulter sur le temps scolaire et un Premier ministre qui annonce un référendum sans en avoir le pouvoir constitutionnel, qui gouverne ? Ou plutôt, gouvernez-vous toujours ensemble ?

O tempora, o mores ! Autrefois, on parlait de couacs ; aujourd'hui, de polyphonie, mais il s'agit d'une cacophonie politique érigée en méthode de travail d'un gouvernement d'autoentrepreneurs.

Une voix à droite.  - Très bien !

M. Patrick Kanner.  - Ce ballet institutionnel donne l'image d'un pouvoir à court d'idées et de majorité, déjà à bout de souffle.

Pendant ce temps, les Français ne demandent pas de référendum, mais veulent simplement se projeter : finir le mois, se loger, se soigner...

Par deux fois, en responsabilité, nous n'avons pas censuré. Mais, monsieur le Premier ministre, vous n'êtes pas là pour durer, mais pour agir. Votre objectif est-il de durer ou de répondre enfin aux attentes de Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. François Bayrou, Premier ministre .  - Je trouve votre question extrêmement éclairante sur certaines faiblesses françaises. (Rires sur plusieurs travées)

Mme Laurence Rossignol.  - On aimerait que la réponse soit éclairante !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Votre constat est gravement fautif. Lorsque vous dites que le Gouvernement a pour responsabilité de donner des moyens à tous les acteurs de la société, vous oubliez que, tous courants politiques confondus, nous avons créé une situation dans laquelle les ressources et le patrimoine du pays... (Protestations à gauche ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

Il ne sert à rien de vous agiter. Nous avons accumulé une dette de 3 300 milliards d'euros, 3 300 fois mille millions d'euros. Si l'on ne fait rien, ...

M. Rachid Temal.  - Mais vous ne faites rien !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - ... la charge annuelle de la dette atteindra 100 milliards d'euros, soit l'addition des budgets de l'éducation et de la défense nationales. Ceux qui laissent faire cela sont des irresponsables. (Protestations à gauche) Ceux qui, chaque fois qu'ils montent à la tribune, demandent de nouvelles dépenses trahissent l'intérêt du pays.

M. Rachid Temal.  - Et la réponse ?

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Le Premier ministre et le Président de la République travaillent ensemble.

Mme Silvana Silvani.  - Ce n'est pas clair...

M. François Bayrou, Premier ministre.  - La preuve, lorsque nous évoquons les projets de référendum : selon l'article 11 de la Constitution, ils sont décidés par le Président de la République sur proposition du chef du Gouvernement ; chacun est donc dans son rôle.

Que nous manque-t-il ? Que les Français prennent conscience de la gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons !

M. Rachid Temal et Mme Dominique Estrosi Sassone.  - C'est la faute des Français !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Si nous n'y arrivons pas, nous échouerons : pas seulement ce gouvernement, mais tous les suivants.

C'est la raison pour laquelle nous voulons tenir les engagements budgétaires et ouvrir un chemin qui permettra enfin à la France de se décharger d'une dette excessive. C'est la responsabilité du Gouvernement, et il l'assumera ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et de nombreuses travées des groupes INDEP et UC ; M. Bruno Sido applaudit également.)

M. Patrick Kanner.  - Vous êtes à Matignon depuis cinq mois, mais vous soutenez Macron depuis quatre-vingt-seize mois.

M. François Patriat.  - Moi aussi !

M. Patrick Kanner.  - On ne peut pas tordre la Constitution comme vous le faites ; son article 47 indique que le budget relève exclusivement du Parlement ! (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées à droite)

Ce n'est pas par un référendum que vous pourrez évacuer votre responsabilité. Il ne faut pas brutaliser le Parlement. Ce référendum sur la situation des finances publiques est une ineptie ! (Applaudissements à gauche)

Situation sanitaire à La Réunion

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - La Réunion connaît une épidémie de chikungunya. Plus de 100 000 personnes ont été infectées, mais ni l'État ni les ARS n'ont tiré de leçons des épidémies précédentes. Nos alertes ont été accueillies avec indifférence. Il y a des failles. Le chikungunya provoque des douleurs pendant plusieurs jours, qui peuvent revenir. Le 20 avril, un bébé est décédé ; la transmission du virus de la mère à l'enfant a des conséquences graves ; les bébés sont placés sous morphine. Les autorités sanitaires actuelles portent la lourde responsabilité de séquelles, parfois irréversibles.

La HAS a retiré les plus de 65 ans du programme de vaccination à la suite de formes graves provoquées par le vaccin chez trois personnes. Comment la dangerosité du vaccin n'a-t-elle pas été mieux évaluée ?

Nous ne sommes pas des cobayes ! Rien n'est fait pour lutter contre les ruptures de stocks de produits répulsifs, ni pour contrôler leur prix. Les jours de carence entraînent une perte de revenu. Allez-vous les suspendre, comme pendant le covid, pour ne pas pénaliser les malades et lutter contre la propagation du virus ?

Les moyens d'action efficaces sont connus : la prévention, l'information, la lutte contre les gîtes larvaires ! Quand allez-vous prendre au sérieux la santé des Réunionnais ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Il me faudrait plus de deux minutes pour répondre à toutes vos attaques démagogiques !

Je me suis rendu à La Réunion à deux reprises, et je vous ai invitée. Pour supprimer les gîtes larvaires, nous avons mobilisé 150 militaires, 800 parcours emploi compétences (PEC), 200 agents de l'ARS. Les répulsifs figurent dans le bouclier qualité-prix. Les campagnes d'information mobilisent tous les élus. Je me suis rendu dans le service de réanimation. J'ai rencontré la maman du bébé décédé.

Nous avons été l'un des premiers pays au monde à proposer la vaccination. Si nous n'avions pas fait, vous nous l'auriez reproché de la même façon ! (Mme Catherine Vautrin renchérit.)

Notre médecine est basée sur les preuves. Toutes les études de sécurité ont été faites. Je ne peux vous laisser dire que nous utilisons le peuple de La Réunion comme cobaye. Vous utilisez la maladie pour faire de la démagogie ! (Murmures désapprobateurs à gauche)

Cette situation difficile, avec 175 000 cas, nous oblige. La solidarité nationale doit être exemplaire, comme l'engagement des soignants et des élus. Nous faisons le maximum pour soulager les Réunionnais. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

Visite à Paris du président syrien

M. Loïc Hervé .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC) La France reçoit aujourd'hui le président syrien, pour sa première visite en Europe depuis sa prise de pouvoir.

Une voix à gauche.  - C'est une honte !

M. Loïc Hervé.  - Ancien d'Al-Qaïda et de Daech, Ahmed al-Charaa ne cesse, depuis l'accession au pouvoir de sa coalition islamiste, de donner à la communauté internationale des gages de respectabilité.

Oui, il faut discuter avec le nouveau pouvoir syrien, y compris en rouvrant notre représentation diplomatique à Damas. Mais en recevant Ahmed al-Charaa en visite officielle, la France fait un énorme cadeau au nouveau régime syrien, en l'institutionnalisant et le notabilisant.

M. Pierre Ouzoulias.  - Exactement !

M. Loïc Hervé.  - En amont de cette visite, quels éléments concrets ont-ils convaincu la France de la bonne foi de ses interlocuteurs syriens ? Le mois dernier, notre collègue Nathalie Goulet vous a demandé s'il fallait faire confiance à al-Charaa, alors qu'Alaouites et chrétiens étaient victimes d'exactions. Les choses ont-elles fondamentalement changé ? Des ONG font état d'infractions graves aux droits de l'homme, et des combats visent les Druzes.

En aval, qu'attend-on de cette visite, y compris sur le plan économique, dans le cadre de la reconstruction de la Syrie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Sur ce sujet, nous défendons nos intérêts et la sécurité des Français avec la plus grande lucidité.

Engager un dialogue, faire de la diplomatie, ce n'est pas signer un chèque en blanc ; c'est faire état de nos exigences et juger sur les actes.

Lors de la visite de Jean-Noël Barrot à Damas, nous avons demandé aux autorités de transition en Syrie de lutter contre la dissémination des armes chimiques, ce qui a été partiellement fait ; d'engager un dialogue avec les Kurdes, nos alliés indéfectibles dans la lutte contre le terrorisme, ce qui a été fait ; et d'ouvrir le gouvernement pour qu'il soit le plus représentatif possible, ce qui a été fait.

Le Président de la République veut aujourd'hui aller plus loin : il faut que les responsables des massacres inacceptables commis contre les Alaouites et les Druzes soient traduits en justice et que notre coopération se poursuive dans la lutte contre Daech.

Si la Syrie s'effondrait, ce serait un tapis rouge déroulé pour le retour de Daech. La responsabilité de la France, historique, est d'engager le dialogue avec les autorités syriennes. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Loïc Hervé.  - Nous sommes un certain nombre à rentrer de Jordanie et du Liban. Nous y avons constaté que les attentes à l'égard de la France sont fortes, s'agissant notamment de la protection des minorités chrétiennes, alaouites, druzes et yézidies. Cette protection est fondamentale, et cela doit être rappelé aujourd'hui au président syrien. (Applaudissements nourris au centre et à droite ; on applaudit également sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE-K.)

Initiative « Choose Europe for Science » (I)

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Perspectives en santé environnementale, Santé et pollution, Obstétrique et gynécologie : trois exemples de revues universitaires victimes de l'administration Trump.

En réponse à cette guerre contre les sciences, le Président de la République a lancé Choose Europe for Science, pour accueillir les chercheurs américains dans les universités françaises et européennes. Franchement, formidable !

Oui, nous devons redonner une place centrale à la recherche et ouvrir nos portes à celles et ceux qui concourent à la démocratie par la science, la circulation des idées, le combat contre les fake news et l'innovation - rien de plus, rien de moins.

Mais voilà... Un silence assourdissant entoure les sciences humaines et sociales : seront-elles les grandes oubliées de cet accueil humaniste ? Ce sont pourtant elles que Trump attaque plus particulièrement, parce qu'elles s'intéressent aux personnes racisées, aux pollutions, au genre et à l'histoire LGBT. Les chercheurs qui travaillent sur ces sujets seront-ils accueillis ? La liberté académique sera-t-elle défendue contre toute chasse aux sorcières visant les prétendus tenants du wokisme, les désobéissants au genre originel ou celles et ceux qui veulent que les Gazaouis survivent ?

L'indépendance de la science sera-t-elle garantie, par le biais notamment du maintien des agences scientifiques de l'État : Office français de la biodiversité, Ademe, Santé publique France ?

Enfin, aurons-nous un plan d'investissement à la hauteur ? Comment faire avec seulement 100 millions d'euros ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser Philippe Baptiste, à l'Assemblée nationale pour l'examen de la proposition de loi sénatoriale sur la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.

Oui, le programme Choose Europe for Science est une grande opportunité pour la France et l'Europe. Nous offrons la possibilité aux chercheurs sur qui pèsent des menaces aux États-Unis de venir travailler chez nous, ce qui renforcera notre potentiel de connaissances et contribuera à la reconstruction de notre souveraineté économique et industrielle.

L'Union européenne a annoncé 500 millions d'euros sur la période 2025-2027. Le Président de la République a confirmé un engagement français de 100 millions d'euros supplémentaires.

Le succès est au rendez-vous : déjà 40 000 connexions sur la plateforme Choose France et 770 comptes créés.

La liberté académique est notre promesse, et nous la tiendrons. Nous assurerons aux chercheurs accueillis une liberté intégrale pour leurs travaux.

Dans le cadre de la loi de programmation pour la recherche, 6 milliards d'euros ont déjà été versés aux laboratoires, notamment pour des augmentations salariales. D'ici à 2030, nous aurons consacré 19 milliards d'euros à notre recherche. (M. François Patriat applaudit.)

Référendum sur les finances publiques

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons découvert ce week-end, par voie de presse, votre idée que les Français soient consultés par référendum sur « un plan d'ensemble avec un objectif clair » pour les finances publiques. Il s'agit de réduire notre dépendance à la dette et de revenir sous les 3 % de déficit en 2029.

Cette notion de « plan d'ensemble », famélique dans votre interview, doit être précisée ; c'est le moment de le faire.

L'article 47 de la Constitution, évoqué dans une précédente question, confie au Parlement le soin de voter les lois de finances - c'est même une de ses prérogatives majeures. Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. François Bayrou, Premier ministre .  - Je connais votre souci de l'équilibre des finances publiques. Nous savons que leur situation est profondément dégradée, depuis des décennies.

Depuis le début du XXIe siècle, toutes les familles politiques représentées sur vos travées ont été peu ou prou associées au gouvernement ; toutes ont éludé cette question, parce qu'il était plus facile de laisser filer les déficits que de prendre des décisions drastiques. Tous les ministres ont demandé des dépenses supplémentaires, ou au moins constantes. Là est la cause de notre situation. (Murmures désapprobateurs à gauche)

Ma conviction, c'est que c'est du côté des citoyens que se trouve la clé du retour à l'équilibre.

M. Hussein Bourgi.  - N'importe quoi...

M. Yannick Jadot.  - C'est les vacances !

M. François Bayrou, Premier ministre. - Il ne s'agit pas de faire adopter un budget par référendum. (On ironise à gauche et sur certaines travées à droite.)

M. Hussein Bourgi.  - Encore heureux !

M. François Bayrou, Premier ministre. - Ce serait du reste impossible. Mais il est tout à fait possible d'imaginer - mais nous n'en sommes pas encore là - un texte cadre qui permette aux Français de prendre la pleine mesure de la situation.

M. Hussein Bourgi.  - Ils la connaissent très bien.

M. François Bayrou, Premier ministre. - Non : vous la leur dissimulez tout le temps ! (Protestations à gauche) Vous expliquez depuis des décennies que les gouvernements successifs sont méchants parce qu'ils ne donnent pas assez d'argent aux causes qui vous intéressent. (Mêmes mouvements)

Je suis prêt à envisager avec vous, monsieur le président, et les sénatrices et les sénateurs qui le voudront, quel genre de consultation nous pourrions mettre en place, dans le cadre de l'article 11 de la Constitution, qui prévoit une décision du Président de la République sur proposition du Gouvernement.

J'en suis persuadé : si nous ne sortons pas des sentiers battus, nous ne trouverons pas de réponse. Il faut une prise de conscience profonde de nos concitoyens, de leur famille, de leur association, de leur entreprise ; tous doivent sentir à quel point ils sont engagés dans ce drame.

Sans cela, l'habituelle mécanique reprendra le dessus : constamment baisser les prélèvements et dépenser plus. Cela s'appelle creuser le déficit.

Mme Laurence Rossignol.  - Nous sommes pour la justice fiscale !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - On peut faire des déficits si l'on n'a pas de dette. On peut faire de la dette si l'on n'a pas de déficits. Mais, avec une masse jamais atteinte de dette comme de déficits, on est dans l'impasse.

Seule la prise de conscience des Français nous permettra de trouver un chemin. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes UC et INDEP et sur des travées du RDPI ; M. Bruno Sido applaudit également.)

M. Jean-François Husson.  - Sortir des sentiers battus ? Ici, nous sommes sortis de la tranchée il y a deux ans, en proposant 7 milliards d'euros d'économies. (On renchérit à droite.) Le gouvernement de l'époque, que vous souteniez, les a balayées d'un revers de la main.

Certes, cette situation est le résultat de plusieurs décennies. Mais, en sept ans, la dette a augmenté de 1 000 milliards d'euros, le tiers du stock actuel. (Applaudissements nourris à droite et sur de nombreuses travées à gauche ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Ce qui irrite les Français par-dessus tout, c'est l'absence de reconnaissance de leur part de responsabilité par les uns et les autres. (M. François Bayrou désigne de la main la partie droite de l'hémicycle.) Non ! Je n'accepte pas que vous montriez du doigt, notamment, notre majorité, qui a été audacieuse. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-François Husson.  - Nous continuerons d'être loyaux et exigeants, mais respectez le Parlement et travaillez en bonne intelligence avec la majorité sénatoriale. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Michel Arnaud et Franck Menonville applaudissent également.)

Désindustrialisation

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Près de 400 000 demandeurs d'emploi supplémentaires, un chômage des jeunes en hausse de 44 %, 70 000 emplois perdus en un an, plans sociaux qui se multiplient, enseignes de distribution qui tombent une à une : pour éviter des années noires pour l'emploi, le basculement dans la précarité de nombreuses familles et la désespérance des jeunes, nous devons stopper l'hémorragie et réindustrialiser.

Ce n'est pas vous faire offense, monsieur le ministre de l'économie, que de redouter que la hiérarchie des priorités gouvernementales ne soit en décalage avec ces urgences. Plutôt que de disserter sur la proportionnelle, nous voudrions débattre d'une loi spéciale pour la réindustrialisation supprimant des boulets normatifs, notamment dans l'automobile, voir adoptée la proposition de loi de Daniel Gremillet, pour que l'énergie redevienne l'un de nos avantages compétitifs, et que la France se dote à nouveau d'une politique de l'emploi.

Ce n'est pas non plus vous faire offense que de constater qu'il y a urgence à passer des paroles aux actes. Nous approuvons sans réserve les discours gouvernementaux sur l'effort massif en faveur de la défense, mais le Groupement des industries françaises aéronautiques (Gifas) fait état d'un recul de 33 % des commandes dans l'aéronautique militaire.

Ce n'est pas vous faire offense davantage que de constater que notre tempo n'est pas le bon, en France et en Europe. On ne peut sérieusement attendre 2028 pour imposer des droits de douane sur les petits colis Temu ou mettre des années à enquêter sur les pratiques commerciales chinoises, orthogonales avec le droit de la consommation.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Il est urgent de changer de braquet ! C'est ce que nous attendons de vous, et nous serons au rendez-vous pour vous soutenir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Notre économie résiste bien dans cet environnement difficile.

Toutefois, je vous rejoins : nous devons donner la priorité à l'industrialisation. C'est pourquoi le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, met au rang de ses priorités l'amélioration de notre compétitivité et de notre attractivité.

Avec Clara Chappaz, j'étais avant-hier aux Émirats arabes unis pour poursuivre les engagements pris par le Président de la République lors du Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, engagements qui s'élèvent à 109 milliards d'euros.

En matière d'énergie, le parcours parlementaire de la proposition de loi de M. Gremillet se poursuivra cet été. Le nouveau PDG d'EDF a pour mission de signer des accords avec les industriels électro-intensifs, pour leur permettre d'être compétitifs, et d'accélérer la construction de six EPR. (M. Yannick Jadot proteste.)

Dans le domaine de la défense, 40 milliards d'euros d'ordres seront donnés cette année par le ministère des armées, quatre fois plus qu'en 2017.

Acier, aluminium, automobile : en lien avec l'Union européenne, Marc Ferracci et moi-même bataillons pour protéger la production en France dans ces secteurs stratégiques.

Nous sommes au combat, et nous continuerons ! (M. François Patriat applaudit.)

Opérations militaires israéliennes

Mme Corinne Narassiguin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Fabien Gay applaudit également.) L'État d'Israël n'a plus qu'un seul objectif : raser Gaza et éradiquer tout un peuple. (Murmures sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ce massacre met à mal les fondements de notre humanité.

Après son annonce de projet de conquête du territoire palestinien et le déplacement de la plupart de la population de la bande de Gaza, le gouvernement israélien franchit une nouvelle étape dans sa volonté d'effacer la Palestine, avec un risque génocidaire.

Après l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, nous avons toujours défendu le droit d'Israël à assurer sa sécurité.

M. Roger Karoutchi.  - Très modérément !

Mme Corinne Narassiguin.  - Mais le choix de Netanyahou de piétiner le droit international met en danger sa propre population. Les milliers d'Israéliens qui manifestent chaque jour le savent. Surtout, la population palestinienne n'a pas à payer pour les crimes du Hamas. L'aide humanitaire est bloquée depuis deux mois. Les Nations unies et les associations dénoncent le massacre d'innocents et les violations constantes du droit international.

Au-delà des incantations, quelle est l'action de la France ? Quand reconnaîtrons-nous enfin l'État palestinien ? Comptez-vous demander la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies ? (Applaudissements à gauche ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Depuis l'attaque barbare du 7 octobre, la France n'a cessé d'oeuvrer pour trouver un cessez-le-feu, la libération inconditionnelle des otages, la défense du droit international humanitaire et la relance d'un dialogue politique pour aboutir à deux États souverains.

La rupture du cessez-le-feu est un retour en arrière dramatique pour toutes les populations de la région. C'est pourquoi nous travaillons, avec les Américains, les Égyptiens et les Qataris pour remettre les parties autour de la table.

Nous soutenons l'initiative des pays arabes pour reconstruire la bande de Gaza, dans une gouvernance qui ne pourra inclure le Hamas, groupe terroriste.

Le plan du gouvernement israélien de conquête de Gaza et de déplacement des populations est une impasse absolue, pour la paix et la sécurité d'Israël et de toutes les populations de la région.

En juin, une conférence avec l'Arabie saoudite devra permettre d'enclencher la reconnaissance de la Palestine et une dynamique de reconnaissance mutuelle d'Israël et de ses voisins. Vous pouvez compter sur la France, un des pays européens les plus engagés. (M. Thomas Dossus le réfute ; M. François Patriat applaudit.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Il y a l'Espagne aussi.

Mme Corinne Narassiguin.  - Juin, c'est trop tard ! C'est maintenant que la France doit reconnaître la Palestine, sans contrepartie et sans condition, et que les criminels de guerre doivent être jugés par la Cour pénale internationale. Sinon, tout un peuple disparaîtra dans notre silence coupable. (Applaudissements à gauche)

Agression d'un élu en Gironde

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En Gironde, Anthony Rolland, conseiller municipal de Gauriaguet, a été violemment agressé, alors qu'il tentait de mettre fin à un rodéo urbain. Selon le parquet, il a été roué de coups jusqu'à perdre connaissance. Je lui réaffirme tout mon soutien, ainsi qu'au maire de Gauriaguet.

En mars 2024, le Parlement a adopté la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, qui aligne les sanctions sur celles applicables en cas de violences contre les forces de l'ordre.

Selon le Cevipof, 28 % des maires ne souhaitent pas se représenter aux prochaines élections municipales, et 30 % sont indécis. Face à la multiplication de ces actes violents, les élus demandent un accompagnement renforcé et un vrai statut de l'élu local. Il faut des sanctions exemplaires, y compris pour les mineurs.

Quelles mesures comptez-vous mettre en place pour endiguer ces violences et combattre le sentiment d'impunité de ces adolescents ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je pense aussi au maire de Libourne, Philippe Buisson. Près de 2 000 plaintes concernant les élus ont été recensées ; elles sont en augmentation, hélas. Dans l'affaire de Gauriaguet, deux des quatre auteurs sont actuellement en garde à vue et l'auteur de l'infraction contre Philippe Buisson, qui a dit souhaiter « tirer une balle dans la tête » du maire, a été interpellé.

Depuis le début de l'année, plus de 4 200 opérations de lutte contre les rodéos ont été menées, en hausse de 12 %.

Le Centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calaé) a permis de mettre en place des mesures. Je vous remercie d'avoir rappelé la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux, dont je connais un peu l'auteur... Un texte relatif au statut de l'élu sera prochainement examiné par le Parlement. Le Gouvernement met en place une stratégie nationale de prévention de la délinquance, qui vise notamment les 51 % de mineurs qui sont à l'origine de ces violences.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Nous souhaitons agir le plus précocement possible. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Florence Lassarade.  - Les jeunes provoquent, pour rencontrer l'autorité. Les élus doivent également comprendre qu'ils ne doivent pas agir seuls.

Financement de l'islam politique par l'Union européenne

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Si vous avez aimé la délégation de la gestion d'Erasmus à l'organisation Al Sharq, liée aux Frères musulmans, ainsi qu'à deux universités islamiques, Skopje et Gaziantep, qui ont applaudi aux massacres du 7 octobre, si vous avez aimé les financements par milliers des associations Enar et Islamic Relief, vous allez adorer la nouvelle production européenne, le Coran européen (Mme Nathalie Goulet brandit un ouvrage) : 10 millions d'euros pour nous dire combien le Coran est indispensable à l'Europe des Lumières. S'y ajoutent 10 millions d'euros pour les sciences occultes dans l'Islam, en vertu d'un accord de novembre 2024.

Questions écrites, questions orales, rappels au règlement, courriers, rien n'y fait... Le Gouvernement ne diminue pas les subventions à l'Union européenne pour éviter ces dérives. La Cour des comptes européenne s'interroge pourtant sur 7,5 milliards d'euros de subventions...

Des mesures seront-elles enfin prises pour que le contribuable cesse d'entretenir ces associations proches des Frères musulmans ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Je salue votre engagement constant, madame Goulet, et partage ce combat. (M. Yannick Jadot ironise.)

L'Union européenne est une union de valeurs : démocratie, État de droit, liberté, laïcité. Pas un euro du contribuable européen ne doit aller à la promotion de l'islam radical. Tel est le combat que nous menons à Bruxelles. (Marques de scepticisme à droite.)

Vous avez raison : la Commission européenne continue de manquer de vigilance sur la transparence des fonds européens. (Exclamations ironiques à droite) L'an dernier, nous avons obtenu la possibilité de suspendre l'attribution de fonds européens aux bénéficiaires incitant à la haine, à la discrimination ou à la violence. Mais ce règlement est encore largement inappliqué, par manque de rigueur de la Commission européenne et de certaines agences. C'est pourquoi je promeus une initiative auprès de la Commission pour un meilleur contrôle des financements européens. Il faut une procédure de filtrage rigoureuse, à l'instar du contrat d'engagement républicain (CER) qui existe en France.

J'ai fait de ce combat contre l'islam politique l'une de mes priorités. (MM. François Patriat et Loïc Hervé applaudissent.)

Mme Nathalie Goulet.  - Le rapport de la Cour des comptes européenne est accablant. Le rapport sur les Frères musulmans demandé par Gérald Darmanin a été remis à Bruno Retailleau : où est-il passé ? L'exemple jordanien montre que nous devons cesser de faire preuve de naïveté ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

Carte de l'éducation prioritaire

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'école est la mère des batailles, avait dit un ancien Premier ministre. Or elle se porte mal : manque d'attractivité, baisse de niveau, violences, harcèlement...

Hier, la Cour des comptes a rendu un rapport intitulé : « L'éducation prioritaire, une politique à repenser » - à méditer ! L'éducation prioritaire, c'est 21 % des élèves, 25 % des enseignants, 2,6 milliards d'euros de budget spécifique. Des efforts ont été récemment réalisés : dédoublement des classes, augmentation des primes des personnels. Mais les résultats sont très mitigés : le déterminisme social reste beaucoup plus fort en France que chez nos voisins et 70 % des enfants issus de milieux défavorisés sont hors éducation prioritaire.

Plus que l'égalité des droits, la République, c'est l'égalité des chances. L'éducation prioritaire est censée la renforcer, en vain.

Alors que depuis dix ans, les prédécesseurs de Mme la ministre - absente - en parlent, ne serait-il pas temps de réviser la carte de l'éducation prioritaire, d'en revoir les critères -  qui excluent la ruralité  - et d'introduire de la progressivité dans les aides ?

Last but not least (on apprécie la formule), ...

M. le président.  - C'est du vieux français !

M. Olivier Paccaud.  - ... n'est-il pas temps de passer d'une logique de réseau d'éducation prioritaire à une logique d'écoles d'éducation prioritaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Très bien !

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - La ministre de l'éducation nationale aurait voulu vous remercier de mettre votre puissance rhétorique, qui s'appuie y compris sur la langue de Shakespeare...

M. Olivier Paccaud.  - Yes !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - ... au service du plus beau combat : la naissance ne peut pas être un verdict.

Le rôle de l'éducation prioritaire doit en effet être revisité sur la base du travail de la Cour des comptes, mais aussi de celui réalisé au sein du ministère de l'éducation nationale.

Le dédoublement des classes a commencé à produire des effets positifs. La révision de la carte de l'éducation prioritaire, qui date de 2014, doit être mise à l'ordre du jour, en lien avec les parlementaires et les élus locaux.

M. Olivier Paccaud.  - Je m'en félicite, car la procrastination n'est jamais la solution. Espérons que la fameuse phrase d'Henri Queuille - « il n'est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout »  - ne soit pas la devise du ministère de l'éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Initiative « Choose Europe for Science » (II)

M. David Ros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Lundi, le Président de la République a annoncé à la Sorbonne, dans son discours « Choisir l'Europe, choisir la France pour la science », une enveloppe de 100 millions d'euros. Cette initiative est à saluer, mais elle doit être précisée. Cette annonce ambitionne la renaissance d'une Europe des Lumières, du savoir et de la connaissance. Elle poursuit la démarche d'accueil impulsée sous la présidence de François Hollande, notamment le programme Pause (programme national d'accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil), et complète celle du CNRS et des universités.

Cependant, cette annonce se heurte à l'annulation de 500 millions d'euros de crédits du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et de 225 millions d'euros du programme France 2030. Pourtant, le Gouvernement annonce 100 millions d'euros sur ce même programme. Comment est-ce possible ? Expliquez-le-nous !

Comment faire pour que la France, de terre d'accueil, ne devienne pas une terre de lamentations ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Vous avez raison, accueillir ces chercheurs représente une opportunité formidable, à l'heure où les libertés académiques sont menacées, grâce au programme Choose Europe for Science, que vous avez cité dans la langue de Molière. (Sourires)

L'augmentation du budget des universités a été décidée par l'ensemble des groupes parlementaires : il s'agit de 300 millions d'euros, et ce montant est bel et bien confirmé. Outre les 6 milliards d'euros que j'évoquais tout à l'heure, les 19 milliards d'euros dont fait partie le programme France 2030 sont bien confirmés, jusqu'en 2030.

Le Gouvernement est animé des mêmes intentions que vous. Si certains pays veulent éteindre les lumières, l'Europe et la France sont bien là pour continuer à les laisser éclairer une partie du monde. (M. François Patriat applaudit.)

M. David Ros.  - Avec une telle ambition, et alors que le Premier ministre a dit que le Gouvernement n'était pas méchant, je suis sûr que nous obtiendrons les crédits nécessaires dans le prochain PLF.

Après le programme Pause, il s'agit désormais d'accélérer. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe SER)

Syrie et Gabon

M. Jean-Marc Ruel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Faut-il recevoir des terroristes à l'Élysée ? La réponse est oui pour le Président de la République. En effet, Emmanuel Macron reçoit aujourd'hui Ahmed al-Charaa, nous renvoyant à la tente de Kadhafi dans les jardins de l'hôtel Marigny en 2007.

Plusieurs voix à gauche. - Sarkozy !

M. Jean-Marc Ruel.  - Rappelons les faits d'armes de celui qui s'est proclamé président à titre provisoire : il est l'un des chefs de Daech, fondateur d'al-Nosra... Pedigree sulfureux pour une véritable star du djihadisme mondial, dont le nom est présent sur la liste des terroristes. Emmanuel Macron a dû demander une exemption de quelques heures à l'ONU pour qu'il puisse se déplacer à Paris.

Ahmed al-Charaa dit avoir remisé son turban de djihadiste. On peut douter de son repentir face aux massacres contre les minorités alaouites et druzes et alors qu'il nomme des proches à des postes de pouvoir et que des passeports syriens ont été distribués aux djihadistes.

Le recevoir, c'est trahir les morts, les minorités et tous ceux qui espéraient un autre avenir pour le Levant.

Un regret personnel : samedi dernier, à Libreville, le président Brice Oligui a été intronisé président du Gabon, après une transition réussie. Des liens avaient été noués, notamment au Sénat, avec le président Larcher. Le Président de la République était grandement attendu à Libreville : je mets en perspective ce rendez-vous manqué avec l'accueil, ce jour, d'Ahmed al-Charaa.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe .  - Vous m'interrogez sur deux sujets différents.

J'ai eu l'honneur de représenter la France et le Président de la République au Gabon ; j'ai transmis un message d'amitié et de respect d'Emmanuel Macron au président Oligui, après une transition réussie, ainsi qu'une invitation en visite officielle à Paris. Nous sommes aux côtés du peuple gabonais.

J'en viens à la visite d'Ahmed al-Charaa en France. Nous n'avons qu'une seule boussole : la sécurité des Français. Lutte contre la diffusion des armes chimiques, dialogue avec nos alliés kurdes afin de lutter contre le terrorisme, intégration des différents groupes dans le gouvernement syrien : les engagements ont été respectés.

Il faut désormais aller plus loin, dans un dialogue exigeant, sans naïveté, pour s'assurer que les responsables des massacres contre les communautés chrétiennes, alaouites et druzes soient traduits en justice et, enfin, pour approfondir notre coopération dans la lutte contre Daech.

Une Syrie qui s'effondrerait, ce serait un tapis rouge offert à Daech.

Filière hydrogène

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.) En 2018 et en 2020, le Gouvernement a présenté une stratégie ambitieuse pour l'hydrogène décarboné, voulant faire de la France un leader dans ce domaine. Les objectifs quantitatifs ont été revus à la hausse en 2023 et de nombreux acteurs économiques se sont lancés dans la production, tel H2X Ecosystems, dans le Finistère, ou Forvia. En Allemagne, le Gouvernement a annoncé 19 milliards d'euros d'investissements dans une autoroute hydrogène. Espagne et Suède ambitionnent une production d'hydrogène très compétitive.

Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) inquiète la filière ; il ne montre aucune volonté de la soutenir. Quelle est votre position sur le sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme .  - La France s'est dotée en 2020 d'une première stratégie hydrogène, au service de notre souveraineté énergétique et industrielle. Depuis, l'État a soutenu 150 projets, comme l'installation d'usines à Fos-sur-Mer et au Havre.

Nous attendons 8 000 emplois directs dans les cinq prochaines années, mais la mise en oeuvre prend du temps. Nous devons cependant produire notre hydrogène en France. Pour cela, Marc Ferracci a présenté le 16 avril une révision de la stratégie, fondée sur quatre orientations : l'installation d'électrolyseurs capables de produire 8 gigawattheures en 2035 ; la maîtrise de l'hydrogène sur toute la chaîne de valeur ; le déploiement d'infrastructures de transport d'hydrogène pour connecter producteurs et consommateurs ; la garantie d'accès aux conditions nécessaires au développement de la filière hydrogène en France, grâce à un volet formation.

C'est une opportunité forte qui répond aux enjeux de décarbonation, d'emploi et de souveraineté énergétique. (M. François Patriat, Mme Véronique Guillotin et M. Jean-Marc Ruel applaudissent.)

M. Michel Canévet.  - De nombreux acteurs, notamment en Bretagne, méritent que le Gouvernement les soutienne. Nous avons connu une production excédentaire d'électricité l'année dernière et l'hydrogène peut servir au stockage. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Prochaine séance, lundi 12 mai 2025, à 15 heures.

La séance est levée à 16 h 20.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 12 mai 2025

Séance publique

À 15 heures, le soir et la nuit

Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires : M. Fabien Genet, Mme Véronique Guillotin

1Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'organisation et aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours (texte de la commission, n°579, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)

2Proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues, présentée par Mme Marie-Carole Ciuntu (texte de la commission, n°594, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)

3. Proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°577, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)