SÉANCE
du mardi 13 mai 2025
88e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. François Bonhomme, M. Mickaël Vallet.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Sécurité des professionnels de santé (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
Explications de vote
Mme Silvana Silvani . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Annie Le Houerou applaudit également.) Mardi dernier, nous avons examiné la proposition de loi de nos collègues centristes. Nos débats l'ont montré : nous condamnons unanimement les violences contre les professionnels de santé et nous avons apporté notre soutien aux victimes. Les violences contre les agents du service public de santé sont inacceptables et intolérables.
Chaque jour, 65 professionnels de santé sont victimes d'agressions physiques ou verbales.
Le centre hospitalier régional universitaire de Nancy n'échappe pas à la règle : en 2023, près de 500 agressions ont été recensées, justifiant la création d'une cellule de veille violence, afin de ne pas banaliser ces faits. Les urgences et la gériatrie concentrent le plus fort taux de violence, les patients souffrant de troubles cognitifs.
Je regrette que nos débats aient tourné essentiellement autour de la surenchère répressive, quand nous aurions voulu débattre des causes de ces violences et surtout des moyens de les endiguer.
Prise en charge du patient, refus des soins d'hygiène et de toilette, temps d'attente : voilà les principales causes des violences. Or nous n'apportons aucune réponse à ces problèmes et le Gouvernement reste muet sur le sujet.
Il faut avant tout des moyens, et donc en finir avec les politiques d'austérité et les coupes dans les dépenses. Certes, l'Ondam progresse chaque année, mais à un niveau inférieur aux besoins. Or ces derniers augmentent, sans parler de l'inflation. Résultat : les hôpitaux reçoivent moins. S'ajoute la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Selon le rapport de septembre 2023 de Jean-Christophe Masseron et de Nathalie Nion, la sécurité des professionnels est un sujet avant tout systémique. Les auteurs concluent que les difficultés du système de santé potentialisent et augmentent l'acuité de la problématique des violences en santé. Les auditions et les rapports ont mis en évidence que ces violences étaient le fait des patients, de leur entourage, mais aussi des professionnels de santé eux-mêmes, entre pairs ou envers les patients.
La moindre des choses serait d'admettre que les ressorts des violences sont systémiques, or cette proposition de loi n'apporte qu'une réponse parcellaire.
Les auteurs du rapport recommandent d'agir sur les raisons de la violence. Il faudrait d'abord agir dans les Ehpad, aux urgences et dans les services de psychiatrie. Les agents y souffrent du manque de personnel, début de la déshumanisation du lien entre soignant et patient. Attendre longtemps est une souffrance pour les patients, mais attendre sans comprendre transforme la souffrance en impatience. Il faut des moyens financiers et humains ! Nous devons au moins nous assurer que les directions garantissent la protection des victimes.
Malgré ces nombreuses réserves, le groupe CRCE-K s'abstiendra, afin de transmettre un message de soutien aux professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
Mme Anne Souyris . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La violence envers les soignants, symptôme de la dégradation de notre pacte social et des conditions d'exercice des métiers du soin, est inacceptable. Médecins, infirmières, aides-soignants, pharmaciens, sages-femmes, kinésithérapeutes : tous les professionnels méritent respect et reconnaissance. Nous leur apportons notre plein soutien.
Malheureusement, cette proposition de loi n'est pas à la hauteur - et c'est peu dire ! On n'y trouve rien qui ressemble à une mesure de prévention des violences. Pourtant, nous disposons de pistes intéressantes, notamment dans le rapport Masseron-Nion ou dans le plan interministériel pour la sécurité des professionnels de santé, présenté par Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo en septembre 2023.
Aménagement des espaces d'accueil, amélioration des flux : voilà des pistes intéressantes. Monsieur le ministre, vous avez annoncé la reconduction en 2025 de l'enveloppe de 25 millions d'euros pour la sécurisation des bâtiments ; pourquoi ne pas venir nous en parler en commission ?
Dispositif de signalement d'urgence, renforcement des liens entre professionnels de santé et services de police et de gendarmerie, généralisation des référents sécurité dans les territoires : ces mesures auraient été utiles, mais le texte n'en fait aucune mention. Dommage !
Ces mesures ont avant tout une portée symbolique, selon la rapporteure - je la rejoins sur ce point.
Mais voici le plus grave : l'alourdissement des peines prévu par le texte réduira-t-il le niveau des violences, qui sont surtout le fait des patients en psychiatrie ? Nous sommes perplexes.
Quid des ratios professionnels/patients qui apaiseraient les services ? Pourtant la loi qui les impose est votée. À quand son application ?
Avant de conclure, je salue les professionnels qui travaillent dans des dispositifs de réduction des risques liés à l'usage de drogues et qui subissent des attaques de l'extrême droite. La halte « soins addictions » du 10e arrondissement a été attaquée en décembre 2022 par le groupuscule Argos, proche du groupe Génération identitaire. Je salue Alexandra Cordebard, maire du 10e arrondissement, l'ensemble des professionnels et la préfecture de police pour leur action. Mais nous attendons davantage du Gouvernement : pourquoi ne pas dissoudre Argos, qui poursuit les actes du groupe Génération identitaire dissous en mars 2021 ?
Nous partageons l'objectif de ce texte, mais nous regrettons ce manque d'ambition et l'absence assourdissante de mesures préventives : nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. Hussein Bourgi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Tout d'abord, j'ai une pensée, sans doute largement partagée sur tous les bancs, à l'endroit du sapeur-pompier agressé le week-end dernier, qui est entre la vie et la mort. Je veux lui dire, ainsi qu'à ses frères et soeurs d'armes, en accord avec le président du Sénat, que nous lui adressons toute notre sollicitude. (Applaudissements)
Les violences contre les professionnels de santé sont un fléau qui n'épargne aucun professionnel, aucun quartier. Professionnels de santé, pompiers, forces de l'ordre, enseignants, élus : tous sont concernés. Nous devons agir contre ce fléau qui gangrène notre société.
Près de 20 000 plaintes sont déposées chaque année, et combien d'actes qui ne donnent pas lieu à un dépôt de plainte ? Au moins un professionnel de santé sur trois déclare avoir été victime de violences.
C'est pourquoi nous devons leur envoyer un message de soutien et de solidarité, via ce texte.
Nous adressons aussi un message de fermeté à tous ceux qui s'en prennent aux professionnels de santé, à leur matériel ou à leurs biens, en aggravant le quantum des peines encourues.
Le groupe SER votera cette proposition de loi, en formant deux voeux.
Premier voeu : monsieur le ministre, intercédez auprès de vos collègues de l'intérieur et de la justice pour que les mesures que nous allons voter entrent en vigueur le plus rapidement possible. Je pense notamment à la possibilité offerte à l'Ordre de se substituer au professionnel de santé qui ne souhaite pas déposer plainte. Il faut que cette loi soit appliquée sur le terrain, sans quoi elle ne resterait qu'un effet d'annonce. Que les ministres donnent les instructions idoines à leurs services.
Deuxième voeu : les moyens. Lorsque 90 % des agressions sont commises par les patients ou leurs proches, cela interpelle. Lorsqu'on nous dit que les urgences, les unités psychiatriques, les Ehpad et la gériatrie sont les plus concernés, nous en déduisons que le manque de moyens explique largement ces violences. Les proches considèrent parfois de manière illégitime que les soins ne sont pas apportés assez vite au patient. Des moyens humains supplémentaires réduiraient certainement les tensions ; toutes les organisations syndicales et chefs de service le disent.
Monsieur le ministre, si nous votons cette proposition de loi, c'est parce que nous espérons que vous nous proposerez les moyens nécessaires, notamment pour l'hôpital, qui est le vaisseau amiral du système de santé ; mais aussi parce que nous devons apporter la reconnaissance nécessaire aux infirmiers et infirmières, et lutter résolument contre les déserts médicaux.
Voter ce texte est un acte de foi laïque (murmures à droite) : les blouses blanches incarnent un ensemble de valeurs que nous pouvons tous et toutes reprendre à notre compte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; MM. Pierre-Antoine Levi, Cyril Pellevat et François Patriat applaudissent également.)
M. Christopher Szczurek . - Ce texte démontre l'ensauvagement de la société ; plus aucune profession n'échappe à ce déferlement de violence gratuite, parfois mortelle.
Selon les statistiques et tous les témoignages, la violence à l'encontre des professionnels de santé est endémique. Alors que les soignants travaillent dans des conditions toujours plus difficiles, s'ajoute la peur de l'agression, voire du meurtre.
Le courage de nos soignants n'a jamais été aussi admirable, mais leur engagement ne peut se faire dans la peur.
Nous saluons donc ce texte et l'extension de cette protection aux soignants exerçant en libéral.
Nous savons dans quel état sont nos hôpitaux, après la suppression de dizaines de milliers de lits. Mais ces difficultés ne sauraient justifier la violence. Aucun manque de moyens ne peut expliquer qu'une infirmière ou qu'un médecin soient agressés.
Traiter l'ensauvagement exige de renforcer drastiquement l'échelle des peines et d'appliquer pleinement les sanctions pénales. Mais cette proposition de loi ne sera efficace que si l'on assure une protection d'ensemble à nos soignants.
Ce texte n'est fatalement qu'une étape dans le choc d'autorité que nous réclamons pour le pays, pour faire cesser cette épidémie de violence et d'impunité qui touche nos rues et nos écoles.
Pour nos soignants, nos hôpitaux, nous voterons ce texte.
M. Cyril Pellevat . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Quelque 20 961 signalements ont été effectués en 2024. Ces chiffres nous rappellent l'assassinat de Carène Mézino, poignardée à Reims il y a deux ans, ou l'agression de huit soignants à Annemasse, dans mon département - merci, monsieur le ministre, d'y être venu rapidement.
Notre groupe soutient sans réserve cette proposition de loi, résultat d'un long travail. Je salue l'auteur de la proposition de loi, Philippe Pradal, la rapporteure Anne-Sophie Patru et la ministre Agnès Firmin Le Bodo.
L'aggravation des peines est indispensable. Je me réjouis de l'adoption de deux amendements des sénateurs Les Indépendants visant à renforcer le dispositif : l'amendement de Vincent Louault, qui introduit le facteur aggravant de violences sexuelles, mais aussi celui de Corinne Bourcier sur les produits de santé.
Le texte étend le champ du délit d'outrage, tout en prévoyant des circonstances aggravantes.
Nos soignants sont en première ligne pour aider la collectivité : il faut donc les protéger. Les employeurs pourront porter plainte à la place du professionnel : cela facilitera le dépôt de plainte. Ce dispositif a été étendu aux prestataires de santé, grâce à un amendement de Daniel Chasseing.
M. Pierre Jean Rochette. - De Vincent Louault !
M. Cyril Pellevat. - Ces prestataires, qui se rendent au domicile des patients, sont un pilier de notre système de santé. L'amendement de Daniel Chasseing est une vraie avancée. (On s'amuse sur les travées du groupe Les Républicains)
Notre rôle en tant que législateur est de nous assurer que ceux qui s'engagent au service des autres, entre autres les soignants, soient pleinement protégés. Il y va de l'attractivité de ces métiers. L'agression d'un professionnel de santé, d'un policier, d'un pompier - merci pour l'hommage rendu par Hussein Bourgi aux pompiers de Haute-Savoie - porte atteinte à notre pacte social.
Voilà cinq ans, nous applaudissions quotidiennement nos soignants. Aujourd'hui, nous déplorons leurs conditions de travail.
Dès lors, notre mobilisation collective est essentielle : s'en prendre aux professionnels de santé, c'est s'en prendre à la collectivité tout entière. Violences contre les professionnels de santé, assassinats des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard, mises en danger d'agents pénitentiaires : tous sont pris pour cible parce qu'ils incarnent notre pacte social.
Passivité et résignation ne sont pas des options. Le groupe Les Indépendants votera donc cette proposition de loi et veillera à la bonne application de ces dispositions. Enfin, nous rendons hommage à l'ensemble des professionnels de santé ; nous ne laisserons rien passer. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Françoise Dumont applaudit également.)
Mme Marie Mercier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mes chers collègues, et surtout mes chers confrères, quand j'ai fait mes études et commencé à exercer cette profession un peu spéciale, je n'aurais jamais pensé m'exprimer un jour sur les violences à l'encontre des professionnels de santé.
Les violences physiques ou verbales à l'encontre des médecins ont crû de 27 % entre 2022 et 2023. Rapportés au nombre de praticiens, les chiffres peuvent sembler bas, mais depuis vingt ans, c'est la première fois que la hausse est si forte, alors qu'une large majorité des victimes ne rapporte pas les violences subies et que peu portent plainte.
D'où vient cette violence que l'on retrouve partout, dans les cours d'école, les manifestations, les hôpitaux, après les matchs ? Elle est surtout due à un manque d'éducation.
Les médecins généralistes sont les plus visés. On expliquerait cette tension par la difficulté d'accès aux praticiens - ce n'est pas ainsi que nous attirerons de jeunes confrères.
Si le taux de réponse pénale est élevé, les condamnations en première instance n'atteignent pas en moyenne sept mois de prison.
La commission des lois du Sénat a sécurisé le dispositif avec six amendements ; en séance, nous en avons adopté dix-huit. La commission des lois préférait le délit d'injure au délit d'outrage, mais nous sommes revenus en séance sur cette modification. Quant à la communication de l'adresse professionnelle lors du dépôt de plainte, elle a été supprimée.
Le Sénat a pris des mesures supplémentaires. Je pense par exemple à l'aggravation des peines pour violences sexuelles - un examen gynécologique fait mal, or un praticien doit savoir respecter son patient - , à la possibilité donnée à l'Ordre des pharmaciens de se constituer partie civile en cas d'outrage, ou encore aux mesures qui viennent accompagner et soutenir les professionnels libéraux agressés.
Ce texte témoigne du soutien des pouvoirs publics aux victimes et du refus de toute banalisation de la violence.
Nous, médecins, prêtons serment. Or le serment d'Hippocrate dit : primum non nocere, je ne nuirai pas. Ce n'est pas un métier comme un autre ; il nous faut dix ans pour apprendre à soigner, pour apprendre la vie et la mort. Dès la troisième année, les étudiants se voient confier des missions dans les hôpitaux. Si nous voulons une médecine de qualité et de proximité, faisons, nous aussi, de ce serment le nôtre : primum non nocere. Accompagnons les professionnels de santé et protégeons-les. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Patricia Schillinger . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Avant de le voter solennellement, je rappelle que ce texte est attendu et nécessaire, car la violence à l'encontre des professionnels de santé n'est plus marginale. Les actes de violence contre les médecins ont crû de 27 % en un an. Derrière ces actes, ce sont des personnels qui souffrent, des soins perturbés ou annulés, et un système de soins qui en pâtit.
Alors que la nation entière rendait hommage à ses soignants pendant le covid, les mêmes sont exposés aujourd'hui aux agressions verbales et physiques. Cela exige une réponse ferme du législateur. Ce sont souvent des femmes qui sont touchées. Ceux qui nous accompagnent parfois dans l'urgence, souvent dans la douleur, doivent être soutenus.
La proposition de loi apporte une réponse pénale et affirme la tolérance zéro face aux violences.
Le Sénat a su enrichir ce texte. La commission a ainsi étendu la protection à l'ensemble les personnels travaillant au sein des structures de soins, qu'ils y soient employés directement ou non ; ainsi, le Sénat sanctuarise les lieux de soins. En séance publique, le texte a été enrichi pour mieux saisir la réalité du terrain. Les praticiens à domicile ont été inclus et leur vulnérabilité spécifique a été reconnue. Remplacer le délit d'outrage par le délit d'injure aurait eu pour effet de réduire notre champ d'action ; c'est pourquoi le Sénat est revenu sur cette modification. La capacité pour les ordres de porter plainte à la place de la personne agressée est une bonne chose.
Toutes ces évolutions témoignent de la qualité du travail parlementaire. Le texte final est ainsi plus clair et adapté aux réalités du terrain.
Le RDPI le votera par conviction et solidarité à l'endroit des soignants. Ainsi, nous leur accordons le respect et la reconnaissance qu'ils méritent. Protéger leur engagement, lui rendre hommage, c'est aussi cela faire justice. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur quelques travées du RDSE) Lors de la discussion générale, nous avons dressé un état des lieux alarmant : les violences se multiplient, alors que la majorité des médecins ne déclare pas les violences. Celles et ceux qui soignent sont menacés, insultés, parfois agressés, en particulier les généralistes et spécifiquement les femmes. Derrière chaque agression, il y a une vie bouleversée et un engagement mis à l'épreuve. L'assassinat de Carène Mezino en est la preuve.
La violence n'épargne aucun territoire. C'est une inquiétante banalisation de la violence. En Moselle, un patient a menacé de mort son généraliste et dégradé son cabinet médical parce qu'il était en désaccord avec sa prise en charge. Nos voisins européens font face aux mêmes problèmes que nous. Le texte de Philippe Pradal apporte des réponses utiles. Je salue le travail de la rapporteure Anne-Sophie Patru et les échanges avec le ministre.
Certains dispositifs ont été enrichis, comme l'article 1er, qui inclut les personnels exerçant à domicile, le facteur aggravant pour les violences sexuelles ou encore le vol de produits de santé.
Concernant l'article 2, le délit d'injure tiré de la loi sur la liberté de la presse aurait été moins protecteur. Le Sénat a choisi d'adopter notre amendement - c'est une bonne chose.
J'en viens à l'article 3. Je salue l'adoption de l'amendement de Hussein Bourgi, qui étend le dépôt de plainte aux unions régionales des professionnels de santé (URPS). Il faut élargir le plus possible le droit pour l'employeur de porter plainte pour son employé, car les signalements sont encore trop rares. Ce silence entretient un sentiment d'impunité.
L'adoption de cette proposition de loi nous questionne sur notre méthode et notre travail législatif. Je citerai Montesquieu : « Quoique dans la démocratie l'égalité réelle soit l'âme de l'État, cependant elle est si difficile à établir qu'une exactitude extrême à cet égard ne conviendrait pas toujours. » Ainsi, les régimes spécifiques à certaines professions sont utiles.
Il est indéniable qu'il faille protéger nos soignants, comme nos enseignants, nos forces de l'ordre, nos élus, les pompiers, les magistrats, les gardiens d'immeuble et les chauffeurs de bus - autant de cas de circonstances aggravantes prévus par l'article 222-8 du code pénal. Naturellement, cette liste sera complétée, en sorte que notre loi pénale semblera de plus en plus se perdre en particularismes... Sans compter que l'aggravation du quantum de peine est essentiellement symbolique, les condamnations atteignant rarement le maximum prévu.
Reste qu'il est nécessaire de protéger les personnels de santé et que la loi doit s'adapter aux évolutions de la société, dont, hélas, la banalisation de la violence - le week-end dernier, c'est un automobiliste de 19 ans qui a percuté un pompier au cours d'un rodéo urbain ; la victime lutte encore pour la vie et nous lui témoignons notre solidarité.
Le RDSE unanime votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur des travées du RDPI ; M. Stéphane Demilly applaudit également.)
Mme Anne-Sophie Patru . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mathieu Darnaud applaudit également.) Rapporteure de ce texte, je me réjouis qu'il atteigne la phase finale de son examen au Sénat.
Depuis le IVe siècle avant Jésus-Christ, le serment d'Hippocrate proclame que les soignants méritent le respect de leurs pairs et de la société s'ils honorent leurs engagements : ce respect commence par la sécurité que nous devons garantir à nos soignants.
Hélas, nul n'est à l'abri de la violence. Nous l'avons vu ce week-end encore, en Haute-Savoie, où un jeune pompier volontaire, Niccolo Scardi, a été percuté par un automobiliste au cours d'un rodéo. Nous pensons à lui.
M. Loïc Hervé. - Merci.
Mme Anne-Sophie Patru. - La violence dirigée contre les soignants est particulièrement inacceptable, alors que résonnent encore les applaudissements quotidiens saluant leur engagement pendant la crise sanitaire. Pourtant, ces actes atteignent des niveaux inquiétants : leur nombre a encore augmenté de 6,6 % l'année dernière - ce qui peut provenir aussi de déclarations plus fréquentes. En 2023, 1 581 actes de violence contre des médecins ont été signalés.
Nous pouvons être satisfaits d'un taux de réponse pénale élevé, d'environ 90 %. Les condamnations en première instance pour des menaces ou violences contre un professionnel de santé incluent dans 75 % des cas une peine d'emprisonnement. Reste que les peines fermes prononcées, d'une durée moyenne de moins de sept mois, sont très inférieures aux quanta prévus par la loi.
C'est le résultat d'une volonté clairement exprimée dans la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier dernier, qui appelle les parquets à une mobilisation particulière dans le secteur de la santé.
Cette proposition de loi, dont nous remercions M. Pradal, est attendue par la communauté soignante. J'exprime ma gratitude aux ministres Darmanin et Neuder pour leur engagement sur cette question.
Il s'agit d'appliquer le plan pour la sécurité des professionnels de santé présenté en septembre 2023, en renforçant les sanctions, en étendant cette protection aux personnels de toutes les structures et en facilitant le dépôt de plainte.
La commission des lois a cherché un équilibre entre qualité du droit et efficacité des dispositifs. Je salue le travail de tous nos collègues engagés sur ce texte et me félicite du consensus auquel nous parvenons. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur certaines travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
Scrutin public solennel
La proposition de loi Sécurité des professionnels de santé est mise aux voix par scrutin public solennel.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°271 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l'adoption | 308 |
Contre | 0 |
La proposition de loi Sécurité des professionnels de santé est adoptée.
(Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Je vous remercie pour le travail collectivement réalisé.
L'adoption de cette proposition de loi exprime le refus ferme de s'habituer à la violence. Nous envoyons un message fort à tous les professionnels de santé : l'État est à leurs côtés, et nous ne laisserons rien passer.
Nous franchissons une étape supplémentaire pour ne laisser aucun répit à ceux qui s'en prennent aux personnes qui prennent soin de nous. Près de 23 500 agressions ont été déclarées en 2022 : chaque jour, ce sont ainsi plus de soixante professionnels de santé qui sont agressés.
Je suis mobilisé sur le sujet de longue date, comme médecin, élu local et parlementaire. Peu de temps après ma prise de fonction comme ministre, je me suis rendu à Annemasse pour soutenir des soignants agressés, accueilli par Mme Noël et MM. Pellevat et Hervé.
M. Loïc Hervé. - Très bien.
M. Yannick Neuder, ministre. - J'ai alors pris l'engagement que de nouvelles mesures seraient adoptées en 2025, avec un seul mot d'ordre : tolérance zéro.
Nous sanctuarisons l'enveloppe de 25 millions d'euros pour protéger les personnels. Madame Souyris, je vous communiquerai la liste des actions menées dans ce cadre.
La plateforme 2.0 sera un outil utile pour le suivi des violences et l'orientation des professionnels victimes. Une attention particulière sera accordée aux violences sexistes et sexuelles, qui ont trop souvent été couvertes par une omerta au sein du système de santé. Je n'oublie pas l'action des élus locaux, notamment par la mobilisation des polices municipales ou la mise en place de boutons d'alerte - j'en ai déployé dans ma commune.
Nous disons aux auteurs de violences qu'ils ne bénéficieront d'aucune impunité. Avec Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, je ferai en sorte que ce texte se traduise rapidement dans le droit et dans les faits.
Je salue le travail de Philippe Pradal. Grâce à vous, toutes les violences visant les soignants seront plus sévèrement réprimées. Alors que de nombreux professionnels redoutent les représailles, leur employeur pourra désormais déposer plainte à leur place - monsieur Bourgi, vous avez été entendu. L'ensemble des établissements médico-sociaux et des centres de santé sont concernés. Je veillerai à ce que le décret nécessaire soit élaboré dans la concertation et paraisse rapidement, afin que le dépôt de plainte devienne un réflexe. Un dispositif spécifique de visioplainte sera également mis en place pour les soignants.
Face aux violences physiques, verbales et numériques contre nos soignants, une seule ligne : la fermeté. Avec ce texte, nous apportons une réponse à la hauteur des enjeux et de ce que nous devons à nos soignants. (Applaudissements à droite et au centre)
La séance est suspendue à 15 h 30.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 15 h 45.