SÉANCE

du mercredi 14 mai 2025

89e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. Guy Benarroche, Mme Alexandra Borchio Fontimp.

La séance est ouverte à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Violences contre les sapeurs-pompiers (I)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI) Ce week-end, à Évian-les-Bains, Niccolo Scardi a été délibérément pris pour cible par un chauffard défavorablement connu des services de police. Hospitalisé, son état de santé s'est heureusement amélioré depuis.

Plus tard, deux sapeurs-pompiers de Saint-Cergues ont été agressés alors qu'ils intervenaient sur un accident de la route. Je leur adresse tout notre soutien. Leur courage mérite respect et reconnaissance.

L'attaque d'Évian-les-Bains, filmée, a choqué. Les rodéos urbains ne sont plus des provocations, mais des actes violents. L'auteur, multirécidiviste, est visé par une enquête pour tentative d'homicide volontaire.

La loi de 2018 a posé un premier cadre, mais elle ne suffit pas.

Élus, forces de l'ordre, secours et habitants attendent une réponse ferme et structurée.

Monsieur le ministre Retailleau, vous étiez à nos côtés à Évian ; votre présence a été saluée. Mais êtes-vous prêt à porter une initiative d'ampleur ? Pascal Martin et Sylviane Noël compléteront ma question. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Solanges Nadille, MM. Pascal Martin et Franck Dhersin applaudissent également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je salue le corps des sapeurs-pompiers, qui a été très éprouvé. J'ai une pensée particulière pour le sergent-chef Niccolo Scardi, encore entre la vie et la mort, son épouse, son fils de sept ans et ses parents.

Nous avons tous été très choqués. Je me suis rendu ce week-end à son chevet et au centre de secours, avec François-Noël Buffet.

J'ai qualifié cette tentative de meurtre d'abjecte, car il y a eu volonté délibérée de tuer de la part de ce chauffard. Il s'en est fallu de très peu que d'autres sapeurs-pompiers connaissent le même sort.

Le chauffard est un récidiviste, il était privé de son permis de conduire, mais se trouvait au volant d'une voiture pour un rodéo, puis des dérapages qui troublaient tout le voisinage.

Il y a donc d'un côté ce voyou qui cherche à tuer, et de l'autre un sapeur-pompier volontaire, dont la mission est de sauver des vies humaines, y compris au péril de sa propre vie.

Nous aurons une réponse de long terme : il faudra mettre un terme à cette société laxiste qui a engendré une fabrique de barbares, en construisant des cadres, des hiérarchies.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Il faudra aussi rehausser la réponse pénale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Cyril Pellevat.  - Merci pour votre présence à nos côtés et vos efforts. Face à la multiplication des rodéos, il faut une réponse ferme et nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

REP et REP+

M. Henri Cabanel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.) Mardi dernier, un jeune garçon de 14 ans s'est suicidé dans mon département de l'Hérault. Nous apportons toute notre solidarité à sa famille et à ses proches. Il serait indécent de corréler cet acte à la situation du collège de La Dullague, à Béziers, où il était scolarisé.

Mais ce drame met encore une fois la lumière sur cet établissement qui réclame depuis des années à être classé en REP+. Il se situe dans le quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) Iranget Grangette qui, avec un taux de pauvreté de 71 %, est le cinquième quartier le plus pauvre de France.

Cela pose la question du gel des classements depuis 2019, alors que la circulaire du 4 juin 2014 prévoyait une révision tous les quatre ans. Depuis, plus rien, sinon les promesses de ministre en ministre, et un rapport de la Cour des comptes qui se plaint que les REP coûtent cher et qui préconise de les repenser.

Oui, l'éducation a un coût ; mais défaire et refaire prend du temps, alors que les REP et REP+ affichent des résultats intéressants.

Quand privilégierez-vous l'humain plutôt que les budgets ? Quand réactualiserez-vous le classement des REP ? Plusieurs lois ont vu le jour depuis 2017 pour établir la confiance ; mais celle-ci ne se décrète pas, elle se mérite ! (Quelques applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - À mon tour d'avoir une pensée pour le jeune Is'Hak, pour ses proches et pour toute la communauté éducative du collège.

Pour prévenir de tels drames, nous devons prendre à bras-le-corps la question de la santé mentale chez les jeunes. Nous sommes pleinement mobilisés avec Yannick Neuder sur ce sujet, qui a été traité par les assises de la santé scolaire que je clôturerai tout à l'heure.

Comme vous, je suis convaincue que l'école doit offrir les mêmes chances partout et pour tous.

La politique d'éducation prioritaire vise à corriger les inégalités scolaires, ce qui justifie l'effort significatif de 2,7 milliards d'euros par an, en hausse de 70 % par rapport à 2017, avec notamment le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1.

La carte, qui date de 2014, doit être actualisée. C'est un chantier complexe, mais nécessaire.

Nous devons rendre notre modèle plus efficace et mieux ciblé : tel est le sens du rapport de la Cour des comptes. Je saisirai aussi l'inspection générale du ministère dans les prochains jours.

L'éducation prioritaire restera une des priorités de mon ministère. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Henri Cabanel.  - Merci, mais vous n'avez pas répondu : quand réviserez-vous les classements ? Le collège demande son inscription en REP+ depuis un moment. Ces dispositifs ont des résultats probants. J'espère que vous tiendrez les promesses de vos prédécesseurs. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. François Patriat applaudit également.)

Intervention télévisée du Président de la République

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous partager avec nous ce que vous avez retenu de l'intervention du Président de la République hier soir (rires) et ce que vous en avez déduit pour conduire l'action du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - La parole est à M. Patrick Mignola. (Marques de déception appuyées à gauche et à droite ; applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - Le Président de la République agit conformément à la Constitution, dans son domaine régalien. (Rires à gauche ; « On n'entend rien ! » à droite) Il a évoqué les questions internationales et de défens, la relation avec les États-Unis et la Russie, la coalition des volontaires pour obtenir la paix en Ukraine, l'action qu'il conduit au nom de la France dans le drame de Gaza, sujets sur lesquels il devait rendre des comptes aux Français.

Il a aussi voulu articuler cette action avec la politique intérieure conduite par le Gouvernement. Il n'est pas de grande puissance sans des finances saines, une économie durable, une jeunesse éduquée (Murmures ironiques à droite) ; pas de politique intérieure efficace qui ne s'appuie sur les valeurs républicaines qui ont fondé notre pays. (Applaudissements ironiques à gauche et bravos amusés sur les travées du GEST ; des sénateurs SER miment un rameur en difficulté)

Mme Agnès Evren.  - Il n'a pas l'air convaincu !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Si je lis dans vos yeux quelque ironie - certainement parce que vous êtes dans l'opposition au Président de la République - je suis persuadé que nous pouvons partager certaines des orientations données hier soir...

Plusieurs voix à gauche et à droite. - Lesquelles ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - ... sur la sécurité des Français, la protection de nos enfants face aux écrans, l'organisation territoriale de notre pays... (On ironise à gauche comme à droite)

Ce qui est ressorti de cette émission, c'est que le Président de la République a une vision pour notre pays et des valeurs que nous partageons. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Laurence Rossignol.  - Je vais vous aider, en complétant un peu. À propos d'ArcelorMittal, le Président a déclaré qu'il ne voulait pas « bloquer les entreprises qui veulent ajuster les choses. » Les « choses », ce sont les salariés, qui n'ont que leur travail pour faire vivre leur famille ; les « ajustements », ce sont 600 licenciements. Peut-être le Président de la République devrait-il « ajuster » son vocabulaire ! (Applaudissements à gauche)

Comment prétendre assurer la sécurité de la France et de l'Europe et, « en même temps », refuser les nationalisations temporaires et laisser filer l'industrie de l'acier, indispensable à l'armement ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Le Président de la République a dit vouloir faire peser le financement de la protection sociale sur la consommation. (M. Yannick Jadot le confirme de la tête) Bref, il veut la TVA sociale, ce qui revient à faire payer par les couches populaires et les classes moyennes les cadeaux fiscaux accordés au CAC 40, aux actionnaires et aux rentiers. (Applaudissements à gauche)

Pour finir, un numéro d'autosatisfaction sur le chômage, alors qu'au dernier trimestre, le chômage des jeunes a augmenté de 28 % en Île-de-France. Avec vos réformes de l'indemnisation chômage, certains ne touchent plus aucun revenu.

Monsieur le Premier ministre, je vous le dis solennellement : les socialistes s'opposeront à ces orientations avec détermination, et avec tous les moyens à notre disposition. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Pauvreté et crise du logement

Mme Marianne Margaté .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Selon l'enquête Pauvreté monétaire, privation et difficultés financières de l'Insee, 15 % de la population se situe sous le seuil de pauvreté. Avec l'inflation, le nombre de familles qui peinent à finir le mois va encore augmenter. Hier soir, le Président de la République a parlé pendant trois heures, mais il n'a rien dit sur la pauvreté ni sur la crise du logement qui touche pourtant douze millions de personnes.

En 2017, il disait ne pas croire au ruissellement, mais à la cordée. Nous ne voyons ni cordée, ni ruissellement, seulement des familles prises à la gorge, insolvables, et une hausse de 11 % des impayés de loyers en un an. Les expulsions de locataires explosent : plus 87 % en un an ! Et seulement 10 à 15 % de relogements...

Combien d'enfants sont concernés ? Combien vont à l'école après une nuit dans une voiture ? Nous avons voté une résolution pour qu'il n'y ait plus d'enfants à la rue. Commençons par ne pas les y envoyer !

La loi instituant un droit au logement opposable (Dalo) a été votée il y a dix-huit ans, mais c'est désormais la loi Kasbarian qui prime : 51 % des ménages reconnus Dalo sont expulsés sans relogement dans les délais réglementaires, soit 18 600 ménages.

Si les locataires ont des devoirs, l'État a aussi les siens. Le Dalo n'est pas appliqué en France : il ne représentait plus que 4,81 % des attributions en 2023. Quand l'État respectera-t-il la loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - Vous avez raison de rappeler la crise inédite du logement, qui pèse sur les plus fragiles. Notre premier défi est de relancer la production de logements abordables. Nous avons choisi de nous appuyer sur les bailleurs sociaux, d'où la feuille de route signée en février dernier. Je remercie les parlementaires pour leur soutien. Avec le concours d'Éric Lombard, nous avons obtenu une baisse du taux du livret A pour 850 millions d'euros et une baisse de la réduction du loyer de solidarité (RLS). Je remercie le Premier ministre (M. Bruno Sido ironise) qui, malgré les difficultés financières, a validé l'arrêté RLS mobilisant des fonds propres pour chercher ces liquidités et être au rendez-vous de 116 000 nouveaux logements et 130 000 rénovations.

Nous avons relancé la commission nationale des impayés de loyer. Nous devons entendre les propositions et travailler avec les départements pour une meilleure prévention.

Nous continuerons à accompagner le secteur, à développer le prêt à taux zéro (PTZ) pour les ménages modestes, pour libérer des logements locatifs, à soutenir le statut du bailleur privé pour relancer la production de logements abordables par le secteur privé. Nous mettrons également les bouchées doubles pour lutter contre l'habitat indigne. (Applaudissements plusieurs travées du RDPI)

Violences contre les sapeurs-pompiers (II)

M. Pascal Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Comme Cyril Pellevat, je souhaite revenir sur l'agression inqualifiable d'un sapeur-pompier volontaire à Évian-les-Bains : il a été délibérément fauché par une voiture. Le lendemain, deux autres sapeurs-pompiers ont été agressés alors qu'ils intervenaient sur un accident de la route.

Je veux rendre hommage à ces hommes dont le seul tort est de s'engager au service de leurs concitoyens. J'ai une pensée pour leurs proches.

Aussi révoltants soient-ils, ces faits ne doivent pas être les arbres qui cachent la forêt des multiples agressions. Élus, médecins, professeurs, tous sont confrontés à la violence physique et verbale endémique de notre société. Crachats, insultes, coups : voici ce que récoltent ces femmes et ces hommes qui risquent leur vie pour protéger celle des autres et incarnent les valeurs de fraternité et de justice qui nous sont si chères.

Pour eux, c'est un traumatisme. Certains sortent de la caserne la boule au ventre.

Les pouvoirs publics ont pris conscience de la réalité : alourdissement des peines en 2017, création d'un observatoire national des violences envers les sapeurs-pompiers en 2020. Les chiffres montrent qu'il est difficile d'endiguer le phénomène. En 2024, chaque jour, quatre sapeurs-pompiers font l'objet d'agressions. C'est intolérable !

Certains, comme le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, appellent à une application effective des peines ; d'autres à mieux former les sapeurs-pompiers, à les équiper de caméras-piétons ou encore à anonymiser les dépôts de plainte. Quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Bruno Retailleau et moi-même avons été très émus, samedi, à Évian, par les conditions de l'agression - ou plutôt de la tentative de meurtre, puisque c'est la qualification retenue par le procureur de la République. Cette violence est effroyable.

En 2024, 1 462 agressions ont été signalées sur nos sapeurs-pompiers ; 602 d'entre eux ont été blessés. Depuis longtemps, il n'est plus rare que les sapeurs-pompiers soient systématiquement attaqués, blessés, caillassés, car ils représentent une forme d'autorité, alors qu'ils sont là pour secourir et sauver.

Les peines pénales ont été alourdies : il faudra que les tribunaux appliquent effectivement les sanctions. (MM. Marc-Philippe Daubresse et Roger Karoutchi renchérissent.)

Le Beauvau de la sécurité civile est l'occasion d'améliorer les choses, notamment en fournissant aux sapeurs-pompiers les moyens de mieux se protéger. Lundi, j'étais à Montpellier, au centre de formation des pompiers de l'Hérault, avec Hussein Bourgi, Jean-Pierre Grand et Christian Bilhac. Je recevrai vendredi matin le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Eau potable contaminée aux PFAS dans le Haut-Rhin

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Boire l'eau du robinet, c'est interdit depuis lundi dernier dans onze communes d'Alsace pour les personnes jugées sensibles, dont les enfants en bas âge et les femmes enceintes. Le traitement de l'eau potable demande des investissements très lourds, et ces communes n'ont pas les moyens nécessaires.

Qui est responsable ? Principalement l'aéroport de Bâle-Mulhouse et ses mousses anti-incendie. Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) affectent bien d'autres secteurs en Alsace, notamment à Thann ou Chalampé. La situation alsacienne est un symptôme avant-coureur des dégâts à venir.

Le Sénat a voté un plan de financement de la dépollution de l'eau dans nos territoires et créé une redevance selon le principe pollueur-payeur. Quand allez-vous activer ce principe ? Cette loi, qui s'applique dès 2026, ne sera rien sans les décrets. L'initiative européenne portée par cinq États membres ne débouchera pas sans une forte implication de la France.

Contre les PFAS, le Parlement a fait son job ; madame la ministre, faites-vous le vôtre ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Oui, le Gouvernement a pris ses responsabilités et fait son job. Un plan sur deux ans a permis de contrôler les rejets aqueux de 2 900 sites industriels ; le Gouvernement a imposé des mesures de réduction des rejets aux 200 sites les plus émissifs.

Dans l'agglomération de Saint-Louis, l'eau est imbuvable car on a utilisé des mousses anti-incendie lors d'un exercice dans l'aéroport.

Nous pourrons mieux lutter contre les PFAS en connaissant mieux les usages. Nous travaillons à des décrets pour interdire leur utilisation dans les cosmétiques et les vêtements. Nous travaillons aussi avec les industriels pour gérer la situation intermédiaire des stocks.

Enfin, avec l'Anses, nous lançons une étude sur trente-quatre PFAS recherchées dans l'eau potable.

Une redevance supplémentaire sur les PFAS sera appliquée le 1er janvier prochain.

Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour porter une voix forte au niveau européen. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jacques Fernique.  - Je vous remercie de vos réponses, notamment pour les décrets. Qui va payer à Saint-Louis ? Nous avons besoin d'une action rapide. Les PFAS sont tenaces, soyons-le aussi ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Laurence Rossignol et M. Bernard Jomier applaudissent également.)

Violences contre les sapeurs-pompiers (III)

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Samedi dernier, un sapeur-pompier d'Évian-les-Bains a été volontairement fauché par un multirécidiviste de 19 ans, revenu ensuite cracher sur la victime gisant au sol. Ce père de famille est dans un état très grave. Le lendemain, deux autres sapeurs-pompiers ont été frappés par un individu alors qu'ils soignaient son épouse enceinte.

Ce ne sont pas des faits divers, mais des faits de société révélateurs du niveau de décivilisation que nous avons atteint. Quand on agresse un sapeur-pompier, c'est qu'il n'y a plus de limites. Ces barbares n'ont plus peur ni de la loi ni de la justice : ils savent qu'aussitôt arrêtés, ils ressortiront libres.

Quand le Gouvernement prendra-t-il enfin les mesures de fermeté qui s'imposent pour mettre fin à cette escalade de l'horreur ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je vous réponds au nom du garde des sceaux, qui honore la mémoire, avec le Président de la République, des deux agents pénitentiaires tués lors de l'évasion de Mohamed Amra.

En effet, cette tentative d'homicide à Évian n'est pas un fait divers, mais un fait de société. Le voyou, après avoir percuté le sapeur-pompier, a fait demi-tour et a craché sur la victime. C'est inadmissible. Il faut une réponse à la hauteur. Ce voyou de 19 ans, qui a quinze antécédents judiciaires, a fait moins de six jours de détention préventive !

Il faut une révolution pénale. La sanction tombe trop tardivement en cas de crime de sang. On a choisi d'enfermer ces jeunes dans un long parcours de violence : pour la victime et pour eux, c'est trop tard.

La doctrine du ministère de l'intérieur face aux rodéos était, jusqu'à présent : droit de poursuite à Paris, mais pas ailleurs. Je signerai dans quelques jours une circulaire pour autoriser les poursuites partout.

En six mois, on compte 55 % de plus de véhicules saisis, et, en un an, 52 % de personnes interpellées en plus. Comptez sur ma détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Loïc Hervé applaudissent également.)

Mme Sylviane Noël.  - La France détient le triste palmarès du pays le plus violent d'Europe. (M. Rachid Temal en doute.) La majorité présidentielle doit ouvrir les yeux sur cette France Orange mécanique. Les Français attendent un choc d'autorité, une réforme réelle de la justice des mineurs, le rétablissement des peines plancher, l'application ferme de la loi, la construction rapide de 15 000 places de prison et le réarmement des tribunaux pour une justice rapide et efficace. Agissons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Insécurité et criminalité à Fort-de-France

M. Frédéric Buval .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le RDPI s'associe à l'hommage national aux agents pénitentiaires tués à Incarville.

Monsieur le ministre de l'intérieur, les familles martiniquaises se demandent pourquoi il faut attendre un drame pour que les demandes de moyens supplémentaires en outre-mer deviennent légitimes.

Comment leur expliquer qu'on puisse tuer trois personnes, en plein coeur de Fort-de-France, avec des armes de guerre ? La sidération est générale. Rien ne semble arrêter la violence qui embrase l'arc caribéen.

Depuis le début de l'année, on déplore douze homicides en Martinique, un par semaine. La Martinique est devenue la principale porte d'entrée de la drogue en Europe, devant la Guadeloupe et la Guyane. La population est en colère et inquiète. Un sentiment indicible d'insécurité gangrène l'île et érode la confiance de nos compatriotes en l'État de droit.

Bien sûr, il faut des moyens supplémentaires. Mais face à une jeunesse désoeuvrée, il est tout aussi urgent de proposer des modèles positifs d'émancipation autres que l'exil et la débrouille, via l'emploi, la formation, le sport ou la culture.

Quelles sont les mesures supplémentaires que le Gouvernement envisage de prendre pour lutter contre ces réseaux criminels bien organisés et alimentés par les trafics internationaux ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jérôme Durain et Mme Catherine Conconne applaudissent également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je partage totalement votre constat. Dès mon arrivée à Beauvau, j'ai déployé 3 700 gendarmes et policiers dans les outre-mer - renforcement des patrouilles, confiscations d'armes.

Le réseau de vidéosurveillance n'est pas assez dense : le préfet est à la disposition du maire de Fort-de-France pour le renforcer.

La Martinique est effectivement une étape de transit pour les trafics. Il y a quinze jours, j'ai demandé au directeur général de la police nationale (DGPN) de se rendre sur place ; il me rendra prochainement compte de sa mission.

Pour la surveillance maritime, nous allons déployer trois bateaux supplémentaires, 140 gendarmes, un drone de longue portée et deux radars de surveillance. Ensuite, nous allons procéder à des contrôles dans les aéroports : ceux-ci porteront sur 100 % des passagers, puisque les trafiquants saturent les avions de mules. Enfin, nous équiperons le grand port maritime, d'ici à trois semaines, d'un scanner mobile pour mieux contrôler les containers.

Nous irons plus loin encore. J'attends les propositions du DGPN pour une action spécifique antidrogue dans les Antilles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

PLF pour 2026

M. Laurent Somon .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lundi, Matignon indique que le Premier ministre pourrait proposer un référendum sur le budget. Mardi, l'Élysée dit que ce n'est pas à l'ordre du jour.

M. André Reichardt.  - Oh !

M. Laurent Somon.  - Mercredi, l'Élysée exclut tout référendum en matière budgétaire et fiscale, pour ne pas dessaisir le Parlement, mais en envisage un sur la politique économique. Jeudi, Bercy appelle les sénateurs pour leur proposer de travailler. Vendredi, Bercy détricote le dispositif de lutte contre la fraude aux dividendes adopté à l'unanimité par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Nathalie Goulet renchérit.)

Y a-t-il un pilote dans l'avion ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Marques d'ironie sur de nombreuses travées)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - C'est le copilote qui vous répondra, sous l'autorité du pilote, le Premier ministre. (Sourires)

Le dialogue se poursuit, dans toutes ses dimensions. Le conclave (exclamations amusées) - oui, c'est le terme retenu - sur les retraites avance en toute autonomie. Nous en connaîtrons les résultats dans quelques semaines.

Le Premier ministre a engagé une revue des politiques publiques avec l'ensemble des ministres, qui se traduira dans le projet de loi proposé à la rentrée.

Nous organisons aussi une concertation avec les collectivités territoriales.

Nous rendrons compte de ces travaux au Premier ministre qui, avant l'été, rendra ses arbitrages.

Nous dialoguons avec l'ensemble des parties qui le souhaitent.

Le texte sera présenté à la rentrée à l'Assemblée nationale. Tout se déroule comme prévu, de façon méthodique. (M. François Patriat applaudit.)

M. Laurent Somon.  - Alphonse Karr disait : « L'incertitude est le pire de tous les maux, jusqu'au moment où la réalité vient nous faire regretter l'incertitude. » Nous y sommes. Incertitude sur la définition du cap à tenir, incertitude sur la conduite de nos politiques publiques.

Je vous rappelle les mots d'un conseiller de l'Élysée que chacun reconnaîtra : le Président de la République regarde le Premier ministre comme un athlète portant une charge de 200 kg, marchant sur une planche étroite au-dessus d'un ravin. Si l'athlète en sort indemne, la charge fera bientôt 400 kg et la planche sera remplacée par un fil...

D'aucuns pensent que, sans incertitude, l'aventure n'existerait pas. L'aventure est passionnante, mais surtout anxiogène, comme le dit le président du Sénat. Parler, c'est bien ; agir, c'est mieux. Toutes les directions, c'est bien ; un cap, c'est mieux. Monsieur le ministre, donnez à tous l'espérance d'un avenir plus rassurant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Nouvelle-Calédonie (I)

M. Rachid Temal .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis un an, jour pour jour, les Néo-Calédoniens vivent une grave crise politique. Depuis un an, ce sont quatorze morts, dont des gendarmes, 2 milliards d'euros de dégâts, des semaines d'émeutes, une économie au bord du chaos, une population inquiète, une jeunesse désoeuvrée, des ingérences étrangères, une image dégradée de la France dans l'Indo-Pacifique.

Monsieur le ministre, le 30 avril dernier, vous disiez : « l'accord ou le chaos ». Il n'y a pas eu d'accord. Quels objectifs poursuivez-vous, avec votre proposition d'État associé ? L'exécutif a-t-il des propositions concrètes pour sortir de la crise ? Les Néo-Calédoniens ne peuvent attendre encore des mois. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Vous avez bien décrit la situation. Depuis des mois, nous oeuvrons au redressement de la Nouvelle-Calédonie : 3 milliards d'euros pour la seule année 2024. Nous continuerons avec d'indispensables réformes économiques et fiscales. Sous l'autorité du haut-commissaire, nous assurons la sécurité de tous les Calédoniens ; chacun a droit à la protection de l'État.

Il fallait aussi renouer le dialogue entre les partenaires politiques. À la demande du Premier ministre, que je remercie de sa confiance, j'ai voulu recréer les conditions d'un dialogue indispensable pour reconstruire un projet commun. Tous se sont retrouvés autour de la table pour négocier. C'était impensable il y a quelques mois, tant les fractures étaient profondes après les inacceptables violences qui ont fait couler le sang.

La rupture de la confiance trouve son origine dans une histoire ancienne. Tant que nous n'aurons pas achevé le processus de décolonisation et reconnu le droit à l'autodétermination du peuple kanak, nous n'aurons pas les conditions du dialogue et de la paix civile.

J'ai proposé une voie qui concilie le maintien d'un lien fort avec la France et l'achèvement du processus de décolonisation. Ce dialogue va se poursuivre, avec l'État et entre les partenaires politiques. Je m'exprimerai prochainement devant le groupe de contact présidé par Gérard Larcher sur l'avenir du territoire.

Jean-Marie Tjibaou, Jacques Lafleur, Michel Rocard, Lionel Jospin... J'ai beaucoup pensé à eux ces derniers temps, sans nostalgie : ils indiquent le chemin de la responsabilité. (Applaudissements sur des travées du RDPI et du RDSE)

M. Rachid Temal.  - Vous n'avez pas développé votre projet ; nous aurons l'occasion d'y revenir, dans le cadre du groupe de contact.

Vous avez cité Michel Rocard et Lionel Jospin. L'État était alors impartial et facteur de sérénité. Aujourd'hui, à en croire les gazettes, il existe des options divergentes au sein de l'exécutif. Il faudra avoir un débat en séance publique sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, le corps électoral et les élections provinciales, surtout après les déclarations inquiétantes de la présidente de la province Sud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Relations franco-algériennes

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 31 mars, les présidents Macron et Tebboune s'accordaient sur une reprise du dialogue et de la coopération. Pourquoi une telle bienveillance de notre part, alors que l'incarcération inique de Boualem Sansal dure depuis déjà six mois ?

Le bilan de cette tentative de rapprochement, sous couvert de repentance perpétuelle, est calamiteux. Aucun dossier n'a avancé, les affronts se succèdent : l'Algérie vient d'expulser quinze agents français. OQTF refusées, Kabyles et réfugiés politiques menacés sur notre sol, élus français utilisés par l'Algérie pour déployer ses stratégies d'influence, la liste est longue.

Ces faits, que vous avez qualifiés de brutaux et d'incompréhensibles, révèlent les véritables intentions d'Alger à notre égard. En réponse, vous avez annoncé le renvoi en Algérie de tous les agents titulaires de passeports diplomatiques sans visa. Combien sont-ils ? Quid de la riposte graduée ? Pourquoi poursuivre nos relations sur la base des accords dérogatoires de 1968, dont on ignore toujours le coût malgré nos interrogations ? Enfin, comment justifier le silence du Président de la République, qui n'a pas prononcé une seule fois le nom de notre compatriote Boualem Sansal en trois heures d'interview hier soir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Très bien.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La relation entre les gouvernements algérien et français est gelée depuis le 14 avril, date à laquelle les autorités algériennes ont pris la décision, injustifiée et injustifiable, d'expulser douze agents français en poste en Algérie. Cela contrevient à l'esprit de l'échange entre les deux présidents, dans lequel s'inscrivait ma visite du 6 avril dernier, qui avait vocation à ouvrir tous les champs de coopération, y compris la révision de l'accord de 1968, et de plaider pour un geste d'humanité envers notre compatriote Boualem Sansal.

Nous avons apporté à ces décisions brutales une réponse immédiate et ferme, en expulsant à notre tour douze agents algériens et en rappelant notre ambassadeur, que je salue, pour consultation.

Dimanche 11 mai, Alger a demandé le départ immédiat des agents français en poste pour des courtes missions, donc sans visa. Là encore, nous avons répliqué : j'ai convoqué le chargé d'affaires algérien à Paris pour lui signifier que nous prenions une décision symétrique.

Nous nous sommes montrés ouverts au dialogue, les autorités algériennes ont choisi un autre chemin. À elles de voir si elles veulent régler les tensions qui perturbent notre relation. Quant à nous, nous ne nous interdisons pas de prendre d'autres mesures. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. Jacques Grosperrin.  - Ce qui veut dire ?

Mme Valérie Boyer.  - Il y a urgence, Boualem Sansal est en danger de mort ! Rien ne justifie que la France renonce à défendre ses intérêts, rien ne justifie qu'elle accepte, avec le soutien d'une partie de la gauche, des provocations et des ingérences qui n'ont que trop duré.

Comme l'a dit Bruno Retailleau, la France est une grande nation. C'est aussi une question de fierté. L'Algérie ne peut continuer à nous humilier, 63 ans après. Il est temps de changer de paradigme et de revenir sur ces accords iniques.

Quelles que soient les douleurs de l'histoire, rien ne peut justifier qu'on humilie la France, qu'on retienne un de nos compatriotes, âgé et malade, rien ne justifie les ingérences sur notre sol. Il faut que cela cesse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Dysfonctionnements de MaPrimeRénov'

Mme Amel Gacquerre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Lundi dernier, une manifestation était organisée devant le siège de l'Anah, l'opérateur chargé de verser les aides MaPrimeRénov'. L'allongement des délais de paiement met en difficulté les particuliers qui s'endettent pour effectuer les travaux, et contraint des professionnels du bâtiment à licencier, faute de trésorerie.

Les délais d'instruction des dossiers se sont également allongés. MaPrimeRénov' est victime de son succès. Pour le meilleur - le nombre de rénovations d'ampleur a triplé au premier trimestre 2025 par rapport à 2024 - mais aussi pour le pire, car le ralentissement serait dû à la multiplication des contrôles : un dossier sur dix serait frauduleux.

Face à la montée en puissance du dispositif, les crédits budgétés suffiront-ils ? L'enveloppe a été nettement réduite entre 2024 et 2025, au motif que les crédits 2024 auraient été sous-consommés - or c'est la conséquence de l'allongement des délais de paiement !

Comment comptez-vous réduire ces derniers ? Comment faire face à la fraude ? Allez-vous abonder le budget de MaPrimeRénov' si les demandes sont plus importantes que prévu ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - MaPrimeRénov' a soutenu la rénovation thermique de 2,5 millions de logements particuliers depuis 2020. Il faut distinguer les délais d'instruction des dossiers et les délais de paiement, une fois les travaux effectués. Ces derniers sont stables, à quarante jours en moyenne. Les délais d'instruction ont en revanche augmenté, pour les rénovations d'ampleur, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, la dynamique des demandes, qui ont triplé cette année. MaPrimeRénov' est victime de son succès - preuve que l'on a visé juste.

L'adoption tardive de la loi de finances pour 2025 a également eu un impact non négligeable sur les délais.

Enfin, le Gouvernement lutte contre la fraude, face à une professionnalisation des arnaques ; le renforcement des contrôles allonge les délais. Il faut laisser le temps aux agences de s'adapter aux nouveaux outils prévus par la proposition de loi Cazenave, dont les députés examinent ce moment même les conclusions de CMP.

Les services instructeurs doivent être renforcés, car cette politique va se poursuivre. Une expérimentation est en cours sur plusieurs territoires pour un appui national supplémentaire en ressources humaines. Nous sommes mobilisés pour assainir la situation et réduire les délais.

Mme Amel Gacquerre.  - J'entends qu'il faut le temps de s'adapter à la hausse exponentielle des demandes, mais ne mettons pas en péril des milliers d'entreprises.

Nouvelle-Calédonie (II)

M. Georges Naturel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Solanges Nadille applaudit également.) Monsieur le Premier ministre, un an jour pour jour après les émeutes insurrectionnelles en Nouvelle-Calédonie, j'ai une pensée pour les victimes. Leur courage nous oblige.

Les récentes négociations entre indépendantistes et non-indépendantistes se sont achevées sans qu'aucune convergence n'ait été trouvée. C'est un échec. La Nouvelle-Calédonie n'a plus le luxe d'attendre. L'économie s'effondre, la société est profondément fracturée. Les Calédoniens s'interrogent sur l'avenir d'un pays dont le destin est suspendu à la conclusion d'un nouvel accord politique.

Quelle suite le Gouvernement entend-il donner au processus de négociation ? Quand seront fixées les élections provinciales, déjà reportées à deux reprises ? Le Gouvernement déposera-t-il au préalable un projet de loi organique ouvrant partiellement le corps électoral provincial à tous les natifs de Nouvelle-Calédonie et aux petits-enfants de citoyens calédoniens, pour des élections plus démocratiques ?

Il s'agit de reconstruire un pacte de confiance. La République est attendue, non comme arbitre lointain, mais comme garante d'un avenir partagé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Nous avons évoqué ces sujets ensemble à Nouméa.

J'ai pris acte de l'absence d'accord sur l'essentiel à ce stade, mais, contrairement à vous, je crois que des points de convergence pour l'avenir méritent d'être étudiés et peuvent tracer un chemin commun.

Dans son avis sur la proposition de loi organique de Patrick Kanner, le Conseil d'État a considéré que ce second report des élections provinciales se justifiait, pour se donner le temps de rechercher un accord et en raison de la situation économique et sociale peu propice à l'organisation d'un scrutin.

Celle-ci demeure compliquée, mais reporter encore les élections serait problématique, politiquement et juridiquement. J'ai bon espoir que les discussions se poursuivent. L'accord est indispensable si l'on veut la stabilité et la paix. Je sais pouvoir compter sur votre sens de la mesure et de l'intérêt général.

Je ne veux pas m'avancer tout de suite sur une date pour les élections, ni sur la question du corps électoral. Nous avons encore un peu de temps pour rapprocher les points de vue. Une chose est sûre : on ne peut faire un référendum sans les Kanaks ni une réforme du corps électoral contre eux. Je vous invite à avancer vers un compromis. (M. François Patriat applaudit.)

Absence de cap institutionnel

M. Jérôme Durain .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ainsi parlait le général de Gaulle (exclamations à droite) à propos d'Albert Lebrun : « Comme chef de l'État, deux choses lui avaient manqué : qu'il fût un chef ; qu'il y eût un État ». Hier soir, nous avons vu qu'il n'y a plus de chef. Et où est passé l'État ? (Mme Colombe Brossel renchérit.)

Emmanuel Macron n'a plus les moyens politiques de ses révolutions, et sa virtuosité est devenue stérile. Le patron s'est mué en chroniqueur. Quelle est sa vision pour le pays ? Nous avons tous ressenti de la gêne en le voyant ratifier, les unes après les autres, les propositions du maire de Béziers.

Que reste-t-il de l'État régalien quand on transfère des compétences de police, par incapacité à agir autant que par volonté décentralisatrice ? Quand on en arrive à envisager la location de places de prison à l'étranger ?

Le Président de la République a dit : quand le Parlement légifère, il est difficile de l'arrêter. (On ironise à gauche.) Que reste-t-il de la Ve République, quand le Gouvernement en est réduit à scruter les propositions de loi pour déterminer et conduire la politique de la nation ?

Un pays endetté, un président sans ressort, des services publics en carafe, des référendums sans sujet ni calendrier : comment et quand le Gouvernement compte-t-il nous sortir de l'ornière ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas et M. Yannick Jadot applaudissent également ; quelques marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - (Marques d'ironie sur de nombreuses travées) Il y a un chef : le Président de la République, seul Français à avoir été élu par tous les Français. (Murmures à droite et sur certaines travées à gauche) Et il y a un État, qui certes est dans une situation inédite, en particulier à l'Assemblée nationale.

Sous l'autorité du Premier ministre, le Gouvernement rassemble plusieurs forces politiques ayant accepté de travailler ensemble. Il permet à l'État d'avancer.

De fait, après les textes budgétaires, nous avons tenu les promesses faites aux agriculteurs et avancé sur quasiment tous les textes relatifs aux collectivités locales ; nous avançons sur les questions sociétales, et une navette est en cours sur l'énergie.

M. Max Brisson.  - Ce n'est pas la question !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Preuve que, malgré la situation difficile, le Parlement fonctionne.

En matière régalienne, nous avons fait adopter la proposition de loi sur le narcotrafic, dont vous êtes à l'origine avec Étienne Blanc. Hier, nous avons fait adopter par l'Assemblée nationale le texte sur la justice des mineurs. Plusieurs propositions de loi, souvent issues du Sénat, nous permettront de continuer à avancer sur les questions régaliennes - je pense en particulier à la lutte contre le terrorisme et à l'éloignement des étrangers dangereux - mais aussi dans le domaine sportif et culturel.

M. Max Brisson.  - Et la proposition de loi Savin ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Votre question, quoique brillamment formulée, ne correspond donc que partiellement à la réalité. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. Jérôme Durain.  - C'était moins une question qu'une inquiétude. Vous connaissez la responsabilité des socialistes (marques d'ironie à droite) : nous ne censurons pas à la légère et prêtons nos voix à des textes qui le méritent. Encore faut-il qu'il y ait une vision et un arbitre : où sont-ils ? Et faut-il encore qu'advienne un sursaut : nous ne le voyons pas venir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Université Lyon II

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Le 9 avril, je demandais des sanctions contre les agresseurs du professeur Balanche. Le 30 avril, Agnès Evren renouvelait cette demande. Nous sommes le 14 mai, et je suis obligé de poser pour la troisième fois la même question.

Plusieurs voix à droite.  - Il ne s'est rien passé !

M. Max Brisson.  - Aucune sanction, aucune reprise en main, aucune identification des agresseurs. Pourtant, ceux-ci négociaient il y a peu l'occupation d'une salle avec la présidence de l'université... De qui se moque-t-on ? (M. Michel Savin renchérit.)

L'autonomie des universités autorise-t-elle à piétiner les libertés académiques, à tolérer la violence et à révéler au grand jour l'impuissance du ministère ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Vous revenez sur l'incident inacceptable du 1er avril à l'université Lyon II. Comme je l'ai fait à de nombreuses reprises, ainsi qu'Élisabeth Borne, j'adresse un message de fermeté absolue et de soutien total au maître de conférences Balanche et à la communauté académique de l'université. Interdire à un professeur de faire cours est extrêmement grave et mérite des sanctions à la hauteur.

Dès qu'il a eu connaissance des faits, le recteur a procédé à un signalement au titre de l'article 40 ; le ministère s'est porté partie civile. Nous avons apporté notre soutien public au maître de conférences et à l'université, qui ont déposé plainte. L'enquête est en cours : il est évident que, dès que les auteurs seront identifiés, des procédures disciplinaires seront engagées par l'université.

Par ailleurs, la présidente de Lyon II et M. Balanche sont menacés de mort. Avec le ministre de l'intérieur, nous avons mis en place les protections nécessaires, mais cette situation est intolérable. J'appelle à la retenue et à l'apaisement.

Le 28 avril, le recteur a opéré un autre signalement, visant un vice-président de l'université ayant rendu un hommage appuyé à M. Nasrallah. Quelques jours plus tard, cette personne a démissionné.

Avec Bruno Retailleau, nous travaillons à faciliter l'intervention des forces de l'ordre, à la demande des présidents d'université ; de même avec le garde des sceaux pour les signalements.

Je ne crois pas que nous fassions preuve de permissivité. Au contraire, nous appliquons une tolérance zéro sur l'ensemble de ces sujets.

Mme Agnès Evren.  - Ça ne saute pas aux yeux !

M. Laurent Burgoa.  - À suivre...

M. Max Brisson.  - L'heure n'est pas à la retenue. Ouvrons les yeux ! Certaines universités sont devenues des citadelles de l'extrême gauche (Marques d'ironie sur les travées du GEST et sur certaines travées du groupe SER), grâce au silence complice des présidences et à la complaisance de professeurs. (On renchérit à droite.) Les recrutements sont biaisés, les financements fléchés et la controverse, étouffée. Gare à celui qui ose penser autrement ! Il est ostracisé et parfois violenté.

L'affaire Balanche est révélatrice de l'emprise idéologique qui règne dans certaines universités. Imbibés de wokisme et d'islamo-gauchisme, certains ne supportent plus la moindre contradiction et ferment les yeux sur la violence quand elle sert leur idéologie.

L'heure est à la fermeté et au rétablissement de l'ordre républicain ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Violences dans les outre-mer du bassin caribéen

Mme Micheline Jacques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dimanche dernier, la Martinique a été secouée par une fusillade d'une violence inouïe : trois morts et 45 douilles retrouvées.

Les chiffres de la violence dans les outre-mer du bassin caribéen donnent le vertige : la Guyane est le département le plus meurtrier de France, avec 20,6 meurtres pour 100 000 habitants, suivie de la Guadeloupe et de la Martinique, avec 9,4 et 6,4 meurtres pour 100 000 habitants. Depuis le début de l'année, on compte environ un homicide par semaine dans ces territoires - Saint-Barthélemy seule échappe à cette situation.

Une partie de cette criminalité est liée aux trafics de drogues et d'armes. Plus d'un millier d'armes ont été saisies l'année dernière, et les saisies de drogues battent des records. C'est la preuve que votre action, monsieur le ministre, porte ses fruits. Elle ne doit pas faiblir, mais s'amplifier, alors qu'un hub des trafics se constitue en Haïti, soit à 900 kilomètres de la France.

Il faut renforcer la sécurité dans nos territoires et la coopération indispensable pour venir à bout de ce phénomène multinational. De quels moyens disposez-vous et quelles mesures prenez-vous pour empêcher la circulation d'armes dans les outre-mer, notamment dans les Caraïbes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - La cause racine de cette ultraviolence, c'est le narcotrafic et, plus largement, la criminalité organisée qui englobe la drogue et les armes.

La zone caribéenne est au coeur de ces trafics : l'office anti-stupéfiants estime que 55 % des drogues saisies en proviennent.

Il y a quelques instants, j'ai parlé des mesures de riposte immédiate.

Sur le plan structurel, j'ai demandé au directeur général de la police nationale de se rendre sur place ; il me présentera prochainement des propositions. De manière immédiate, nous avons accru les moyens déployés sur place : 140 gendarmes supplémentaires affectés au trait de côte, trois bateaux de plus, un drone de longue portée, deux radars de bonne définition à l'aéroport, où 100 % des passagers sont désormais contrôlés. Dans quelques jours, un scanner mobile sera installé dans le Grand Port Maritime (GPM). Nous prendrons d'autres mesures encore.

Ce matin, nous avons inauguré l'état-major de lutte contre la criminalité organisée : issu de la loi Narcotrafic, il concentre en un même lieu l'ensemble des services de renseignement et d'enquête de quatre ministères. D'après les personnels, les premiers effets de ce regroupement commencent se faire sentir.

Notre détermination est totale : nous refusons la fatalité et ferons tout pour protéger les habitants de nos outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du RDPI)

Mme Micheline Jacques.  - Je ne doute pas que votre action et votre détermination redonneront de l'espoir aux populations ultramarines, qui vivent dans la peur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 20.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président