Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Grève des contrôleurs aériens (I)
M. Pierre-Jean Verzelen . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) En décembre 2022, à Bordeaux-Mérignac, un Airbus en phase d'atterrissage a failli entrer en collision avec un avion immobilisé sur la piste. Le bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) a mis en cause une organisation défaillante : les contrôleurs aériens présents étaient occupés à d'autres tâches, tant et si bien qu'ils ont oublié un appareil. Cette faute est liée à la pratique informelle et généralisée de la clearance : une forme d'autogestion qui permet aux contrôleurs de s'organiser entre eux et de juger de la nécessité de leur présence ou non en fonction du trafic aérien. Résultat : 24 heures de travail par semaine au lieu des contraignantes 32 heures auxquelles ils sont astreints. La mise en place d'un pointage et un suivi paraissent donc des mesures de bon sens et un effort raisonnable pour ces fonctionnaires payés 8 000 euros bruts par mois et qui partent à la retraite à 59 ans.
Pourtant, 272 contrôleurs se sont mis en grève, provoquant l'annulation en trois jours de 2 000 vols et clouant 500 000 passagers au sol. Ils sont déjà responsables de 35 % du retard aérien en Europe, sans compter les nombreuses grèves. Combien de temps allons-nous supporter cela ? Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour mettre fin à ce chantage syndical révoltant d'une minorité qui se croit tout permis ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, Les Républicains et du RDPI)
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . - La semaine dernière, des centaines de milliers de passagers ont été bloqués. La moitié des vols ont été annulés à Nice, Bastia et Calvi, 40 % dans les aéroports parisiens. Tel est le bilan des premiers départs en vacances... Cette grève irresponsable a été menée par des syndicats minoritaires : moins de 300 grévistes, 8 % du total, ont suffi à paralyser tout le transport aérien français. Les conséquences sont lourdes pour les compagnies aériennes - 20 000 euros par vol annulé soit au total des millions d'euros ; Air France a été directement touchée - et pour les familles, qui ont économisé toute l'année pour se payer des vacances. La direction générale de l'aviation civile (DGAC) a depuis longtemps dialogué avec les contrôleurs. Certaines revendications sont déjà prises en compte, d'autres sont injustifiées. Nous ne reculerons pas sur la mise en place de la badgeuse. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains), c'est un enjeu de sécurité, après la collision évitée de justesse à Bordeaux-Mérignac. Le droit de grève est constitutionnel, mais il s'accompagne de responsabilité. Ma ligne de conduite est la même : le dialogue social oui, le chantage non. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; M. Teva Rohfritsch applaudit également.)
M. Loïc Hervé. - Bravo !
M. Pierre-Jean Verzelen. - Merci de votre réponse. Bon courage. Nous sommes avec vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
Budget 2026 (I)
M. Christian Bilhac . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Au nom du RDSE, j'adresse à la famille Marleix, en particulier à son frère Romain, et à tous ses amis, nos pensées les plus attristées.
En ce début de Tour de France, je ne sais pas si le PLF 2026 sera un Himalaya, mais ce sera à coup sûr un col de première catégorie. Nous avons le maillot jaune de la dette, du déficit, de la pauvreté, du faible taux d'emploi - 69 % contre 77 % en Allemagne.
Ce n'est que dans la justice fiscale et sociale que les Français accepteront les efforts.
Or vous n'envoyez que des signaux négatifs depuis un an. La taxe sur les hauts revenus - plus de 200 000 euros par an - a été dénaturée en y intégrant l'optimisation fiscale. À Pâques, la taxe anti CumCum sur les dividendes a été anéantie par un tour de passe-passe bercynien. Le 11 juin, vous vous êtes opposés à la taxe Zucman sur les hauts patrimoines.
Je propose l'alignement de nos normes sur nos voisins européens, pour économiser 60 milliards d'euros, et de réduire les frais généraux de nos ministères et administrations, supérieurs de 50 % à ceux de nos voisins.
Envisagez-vous la chasse aux mammouths administratifs ? Depuis Claude Allègre, c'est désormais un troupeau qui peuple nos ministères et qui dévore chaque jour nos finances publiques ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . - Vos constats sont lucides. Un sommet très élevé se dresse devant nous, avec un déficit à 6 %, une dette à 110 % du PIB et une charge de la dette de 60 milliards d'euros. Réduire la dette et les déficits est une ardente nécessité pour retrouver des marges de manoeuvre, investir et garantir notre souveraineté. C'est pourquoi le Gouvernement a posé le principe d'une trajectoire de réduction pour atteindre 3 % de déficit en 2029.
Il faut de la stabilité fiscale pour les entreprises qui ont besoin de visibilité pour investir et pour les particuliers qui vivent de leur travail.
M. Mickaël Vallet. - Donc vous allez taxer les rentiers ?
M. Marc Ferracci, ministre. - Le pouvoir d'achat doit être préservé. Nous devons d'abord agir sur les dépenses. Les efforts doivent être partagés et équitables entre les collectivités territoriales, l'État et la sécurité sociale. Nous devons évaluer systématiquement les dépenses publiques et couper celles qui n'ont pas prouvé leur efficacité.
Nous voulons soutenir la croissance et continuer à faire des réformes, notamment structurelles. L'écart de taux d'emploi avec les pays voisins, qui explique en grande partie nos difficultés budgétaires, doit être réduit. (M. François Patriat applaudit.)
M. Christian Bilhac. - « La réforme fiscale associée à une politique sélective du crédit fournira les moyens d'une action visant le double objectif de la justice et de la productivité », disait Pierre Mendès France le 3 juin 1953. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
Finances des collectivités territoriales
M. Simon Uzenat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au nom de mon groupe, j'ai une pensée pour Olivier Marleix et ses proches, lui qui était engagé sur les questions de souveraineté.
Les finances des collectivités territoriales sont confrontées à un effet non pas ciseau, mais cisaille, car les dépenses progressent : hausse du point d'indice, cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), transferts de charges. Les investissements sont stables, car les collectivités territoriales recourent à l'emprunt et font fondre leur trésorerie.
La commission d'enquête sur la commande publique rappelle l'importance du soutien aux entreprises. Dans le même temps, l'État est défaillant, notamment sur les mobilités, et le Fonds national des aides à la pierre disparaît. Vous avez missionné l'IGF pour réviser les aides et les subventions d'investissement aux collectivités, et pour envisager la fusion de la DETR, de la DSIL et des autres dispositifs de réduction du FCTVA, alors que nous avions voté contre la réforme de votre prédécesseur. Nous demandons la publication de cette étude.
Prévoyez-vous un traitement sévère - 8 milliards d'euros d'économies, le retour des contrats de Cahors, une année blanche ? Monsieur le Premier ministre, nous avons le droit de savoir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Grégory Blanc applaudit également.)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - J'ai réuni, sous la responsabilité du Premier ministre, l'ensemble des associations d'élus pour un Roquelaure sur les finances locales : la méthode a été saluée par les participants. Des groupes de travail ont été mis en place et ont rendu leurs conclusions.
Nous souhaitons donner de la visibilité aux collectivités territoriales sur le montant de leur contribution, afin qu'elles envisagent leurs investissements. Nous pourrions prévoir une annexe budgétaire pour les trois prochaines années.
Les dépenses de fonctionnement ont été freinées en 2024, ce dont nous nous félicitons. Les engagements pris l'an passé seront tenus, comme le remboursement par l'État de 30 % du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), décidé par le Sénat.
Le 15 juillet, le Premier ministre fera part de sa vision sur ce sujet. (M. François Patriat applaudit.)
M. Simon Uzenat. - Vous achetez du temps en annonçant les mesures après la session extraordinaire.
Une potion absolument amère se prépare. Soutenez les collectivités territoriales, pour l'emploi, la souveraineté, la justice... De notre côté, nous serons au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
Budget 2026 (II)
M. Pascal Savoldelli . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) « Nul ne peut ignorer la gravité du moment. Lorsque l'avenir est sans espoir, le présent prend une amertume ignoble », a dit Émile Zola. Vous préparez le budget seul, sans contrôle du Parlement ni majorité populaire. Quelle est votre vérité démocratique quand vous prévoyez la pénurie pour 99 % des Français ? Les aides aux entreprises sont le premier poste de dépenses de l'État, 211 milliards d'euros, soit 2,5 fois le budget de l'éducation nationale. De quelle majorité populaire et politique vous parez-vous pour prendre de telles mesures ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)
M. François Bayrou, Premier ministre . - Le ton de votre question mérite une réponse mesurée. (Sourires) Vous confondez les responsabilités du législatif et de l'exécutif. Nous préparons le budget, mais c'est vous qui l'adopterez.
Quelle est notre légitimité ? La succession de tous les courants politiques depuis cinquante ans nous a plongés dans une telle situation.
M. Mickaël Vallet. - Huit ans !
M. François Bayrou, Premier ministre. - J'ai relu vos interventions : pas un seul membre de la gauche n'a demandé un euro d'économies. (Protestations à gauche) Vous avez tous demandé des dépenses ou des impôts nouveaux. (Vives interpellations sur les travées du GEST ; M. le Président demande le silence.)
Mme Céline Brulin. - On a proposé des milliards d'euros de recettes !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Si l'impôt suffisait à faire la prospérité d'un pays, nous serions le pays le plus prospère. Ce constat ne nous assure pas une légitimité, mais nous donne le devoir d'agir. Chacun prendra ses responsabilités ensuite. Le Gouvernement n'éludera pas les siennes. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !
M. Pascal Savoldelli. - Merci de votre réponse modérée. (Sourires)
Vous préparez le budget en catimini. Vous prétendez consulter, mais la France n'est pas une démocratie consultative ! La démocratie, c'est le vote des Français, la représentation nationale, et la République sociale. (M. Bruno Sido en doute.) Les trois sont contournés.
Vous parlez d'un effort partagé, mais le peuple partage déjà la hausse des prix, la TVA sociale, la fermeture des services publics, les territoires abandonnés... Un effort demandé aux ultrariches, issu de la volonté populaire majoritaire, devrait faire l'unanimité au Parlement.
Qui dirige la France ? Ceux qui ont perdu les élections, comme le montre le raté sur les retraites ? Donald Trump ou les profiteurs de l'économie de guerre ? Une nouvelle dépense militaire est portée à 3,5 % du PIB parce que le président américain et le chef de l'Otan l'exigent. Vous cherchez 40 milliards d'euros, alors que 100 milliards sont fléchés sur l'économie de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)
Déconcentration de l'État
M. François Bonneau . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé hier à Chartres une importante réforme de l'action territoriale de l'État. Nous ne pouvons qu'y souscrire. Les attentes de nos concitoyens sont fortes en matière de proximité, lisibilité et efficacité de l'action publique.
Cela fait des années que le groupe UC et les autres groupes plaident pour une relance de la déconcentration. Les grandes inter-régions qui ont éloigné les citoyens et la multiplication des opérateurs de l'État en font une nécessité pressante. Vous dites vouloir conforter le département comme échelon de la mise en oeuvre des politiques publiques de l'État. Nous ne pouvons qu'applaudir. Pour éviter la cacophonie, il faut un chef d'orchestre des politiques publiques. Comment s'assurer que vos annonces ne resteront pas lettre morte, dix ans après la charte de la déconcentration et cinq ans après la dernière réforme de l'organisation territoriale de la République ? Durant la pandémie en 2020, nous avions loué les vertus de l'État agile, mais il demeure bien trop rigide. La simplification de l'État est-elle enfin sur les rails ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. François Bayrou, Premier ministre . - Je vous donne l'assurance que ce ne sont pas des promesses, ni un programme, mais des décisions qui entreront en application dans les jours qui viennent.
Tous les élus ont, à de nombreuses reprises, dénoncé la difficulté à rencontrer de véritables responsables de l'action de l'État. Les organismes publics pâtissent d'un manque de lisibilité.
Le préfet de département pourra demander la remise en question d'une décision des agences de l'État qui lui semblerait incohérente avec les principes et les priorités de l'action de l'État. Nous avons élargi le droit de dérogation du préfet. Nous les protégerons d'une mise en cause pénale excessive.
Les préfets seront destinataires, avant leur publication, de toutes les décisions prises par les acteurs publics au nom de l'État.
Cette réorganisation de l'État local est très profonde. Ce n'est pas seulement de la déconcentration, mais aussi un atout pour la décentralisation, car les élus locaux ont besoin d'interlocuteurs compétents, ayant la capacité d'agir, et dont la parole est fiable.
Le couple maire-préfet est un exemple de cette démarche.
Oui, monsieur le sénateur, les annonces ont été multiples, depuis des années. Le décret date de 2004. Mais cette fois, nous ne nous contentons pas d'affirmations.
Vous aurez à en connaître pour l'aspect législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Solanges Nadille et M. François Patriat applaudissent également.)
M. François Bonneau. - Nous nous attacherons à vérifier sur le terrain que les annonces sont bien suivies d'effets. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Conclusions de la délégation paritaire permanente des retraites
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST) À l'issue du défunt conclave, le Premier ministre a beaucoup communiqué sur les points d'accord relatifs à des mesures qui, sans être négligeables, ne sont que de modestes atténuations de la brutalité de la réforme des retraites : six mois gagnés sur la décote, réduction à 23 ou 24 ans du calcul de la retraite pour les mères, réintégration de trois critères de pénibilité, mais sous conditions. Quelques points de désaccord persistent, que le Premier ministre promet de trancher.
Mais un point d'accord a été passé sous silence : le déficit des retraites en 2030, soit 6 milliards d'euros, qui provient de la baisse des recettes, serait financé par une sous-indexation indifférenciée des retraites sur cinq ans. Selon vous, l'ajustement structurel de résorption du déficit au moyen de la baisse du pouvoir d'achat de tous les retraités est-il un point d'accord susceptible d'être porté lors du prochain budget ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Le dialogue n'est jamais un échec. Le dialogue social - auquel votre assemblée est profondément attachée - est une richesse démocratique et renforce la démocratie représentative.
Je remercie Jean-Jacques Marette pour son travail. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.) Les partenaires sociaux ont fait preuve de responsabilité en mettant de côté des sujets clivants, comme l'âge de départ à la retraite, pour pouvoir négocier.
Les points de convergence ne sont pas négligeables, comme l'impératif retour à l'équilibre en 2030, la meilleure prise en compte de la maternité et des carrières hachées des femmes, l'abaissement de l'âge de départ à taux plein sans décote et la prise en compte de la pénibilité des risques ergonomiques dans la prévention. La question de la capitalisation a pu également être abordée. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
M. Guy Benarroche. - Ce n'est pas la question !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - L'effort doit être partagé par tous. Le Premier ministre l'a dit, nous prendrons des positions de compromis dans le PLFSS 2026. L'objectif est le retour à l'équilibre en 2030.
M. Guillaume Gontard. - Merci pour cette non-réponse !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Votre non-réponse démontre que vous reprenez le point d'accord sur la sous-indexation. Cette attaque indifférenciée ne relève pas d'un souci d'équité. Elle affectera le revenu des plus modestes, alors que le taux de pauvreté est au plus haut depuis vingt ans. Avec la sous-indexation, vous fragilisez notre modèle social encore un peu plus ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)
Otages français en Iran et en Algérie
Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cécile Kohler et Jacques Paris en Iran, Christophe Gleizes et Boualem Sansal à Alger : tous ont été condamnés pour de fausses raisons - atteinte à l'unité nationale, outrage à corps constitué, apologie du terrorisme, espionnage, complot. Tous sont otages politiques, victimes du régime dictatorial d'Alger et du régime terroriste de Téhéran.
La France doit les faire libérer, par tous les moyens. La diplomatie, on le sait, nécessite de la discrétion, mais près de deux ans de silence sur le sort de nos otages en Iran n'ont rien apporté. Arrêtons de rêver à des actes de clémence ! La faiblesse ne paie jamais face à un régime autoritaire : la diplomatie molle n'a manifestement aucun effet.
La France ne peut pas être humiliée plus longtemps. Des outils sont à votre disposition pour faire pression sur l'Algérie et l'Iran et les contraindre : saisir les autorités européennes pour stopper la renégociation de l'accord d'association UE-Algérie, remettre en cause l'accord de 1968, inscrire le corps des gardiens de la Révolution islamique sur la liste des organisations terroristes.
Mme Nathalie Goulet. - Bravo !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Cessez de vous opposer à leur activation, sous prétexte qu'elle nuirait à la libération de nos otages.
Quelle est la stratégie du Président de la République pour les faire revenir en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux . - Veuillez excuser l'absence du ministre des affaires étrangères, qui accompagne le Président de la République à Londres.
Les 2 300 Français détenus à l'étranger bénéficient du plein accompagnement des services consulaires. (M. Jacques Grosperrin s'exclame.) La diplomatie française est à pied d'oeuvre auprès de nos compatriotes détenus arbitrairement. Nous avons ressenti un immense soulagement à la libération d'Ofer Kalderon, Olivier Grondeau et Théo Clerc, retenus respectivement à Gaza, en Iran et en Azerbaïdjan : c'est le fruit du travail de la diplomatie française.
Il y a ceux qui s'agitent ou dénoncent sans rien obtenir. Pour notre part, nous agissons à bas bruit, avec le résultat pour seule boussole. (On ironise sur certaines travées à droite.) Il s'agit de situations dramatiques, pas de dossiers destinés à nourrir des polémiques.
Après de fortes pressions, notre consul a pu rendre visite à Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus dans des conditions indignes assimilables à de la torture. Nous enjoignons les autorités iraniennes de mettre un terme sans délai à leur calvaire.
La condamnation en appel de Boualem Sansal est injustifiable.
M. Jacques Grosperrin. - Et donc ?
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué. - Il faut trouver immédiatement une issue digne à la situation de notre compatriote, compte tenu de son état de santé.
De même, nous nous tenons aux côtés de Christophe Gleizes. Le ministre Barrot s'est entretenu avec ses proches il y a quelques jours. Nous resterons, pour lui aussi, pleinement mobilisés.
M. Stéphane Ravier. - Ça se voit !
M. Jacques Grosperrin. - Quelle langue de bois...
Flambée de violence en Guadeloupe
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Depuis le début de l'année, la Guadeloupe fait face à une flambée dramatique de violence : vingt-neuf homicides ont été commis, dont dix-huit par arme à feu ; la semaine dernière encore, un homme est décédé après avoir été grièvement blessé par balles.
L'insécurité va croissant, alors que le narcotrafic et la circulation d'armes gangrènent le tissu social. Les plus jeunes paient le prix fort : certaines victimes ont 17 ou 16, parfois 13 ans.
Indispensables, les mesures répressives ne sauraient toutefois suffire. Augmenter les effectifs de police n'est qu'un pan de la réponse. Il faut aussi agir sur les causes profondes de la violence : déscolarisation, perte de repères, désocialisation. L'éducation nationale alerte depuis une vingtaine d'années : en outre-mer, les niveaux scolaires baissent, le décrochage s'aggrave, les jeunes sans formation sont de plus en plus nombreux.
Le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place, en liaison avec les collectivités et les acteurs de terrain, des contrats territoriaux de prévention et de sécurité propres à la Guadeloupe ? Comment compte-t-il lutter contre les causes structurelles de la violence, en particulier chez les jeunes ? À la veille du comité interministériel des outre-mer, écoutez les doléances locales et apportez-nous enfin des réponses efficaces et durables ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP et du GEST)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Monsieur le Président du Sénat, je me joins à l'hommage que le Premier ministre et vous-même avez rendu à Olivier Marleix. « Chaque être crie en silence », selon Simone Weil. Oui, dans chaque existence humaine, il y a une part de douleur secrète, de souffrance inaccessible. On se demande parfois quel signe on n'a pas perçu.
Olivier Marleix était une figure et un repère pour notre famille politique. Il fut un législateur hors pair, élu en Eure-et-Loir. Il avait une exigence intellectuelle et une grande droiture morale. Il était fidèle à nos convictions gaullistes, qui dessinent comme un idéal français. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Oui, madame Nadille, la réponse sécuritaire et judiciaire ne suffit pas. Mais, ministre de l'intérieur, je suis comptable de la réponse sécuritaire.
Les faits épouvantables dont vous avez parlé ont une cause racine : la criminalité organisée. Le texte destiné à lutter contre elle est promulgué, et l'état-major qui présidera au travail de renseignement et d'enquête est à pied d'oeuvre.
En Guadeloupe, nous comptons 4 170 policiers et gendarmes. L'an dernier, une nouvelle brigade a été créée, à Goyave. Un nouvel escadron de gendarmes mobiles sera créé, ainsi qu'un peloton d'intervention de la garde républicaine. Nous projetterons aussi des enquêteurs depuis l'Hexagone.
Depuis un mois, nous mettons en oeuvre une nouvelle stratégie contre le trafic de drogue, qui passe par une sécurisation renforcée des plages, du port et de l'aéroport.
Je me rendrai aux Antilles en août pour m'assurer que toutes les dispositions nécessaires sont prises et recueillir l'avis des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
Occupations illégales de terrains par des gens du voyage
M. Clément Pernot . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans le Jura, après dix-huit occupations illégales de terrain par des gens du voyage l'année dernière, la préfecture recense déjà vingt-trois stationnements illicites depuis le début de l'année. Les conséquences de ces occupations sont trop connues : dégradations, pressions, menaces. Ces campements délictueux ne sont plus l'exception, ils deviennent la règle !
Impuissants et exaspérés, les maires doivent gérer en outre la colère de leurs habitants.
Il ne s'agit pas de stigmatiser une population ; mais le droit à la diversité impose, au minimum, le respect des lois, des élus, des forces de l'ordre et des biens d'autrui - c'est la base du contrat républicain.
La lourdeur des procédures d'expulsion conduit à des séjours quasi autorisés d'au moins une semaine. Il est temps d'agir autrement. En quoi la circulaire d'avant-hier constituera-t-elle une réponse efficace, en attendant qu'une proposition de loi mette un terme définitif à cette mascarade estivale récurrente ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Vous posez une question essentielle. Le Gouvernement lutte non pas contre les gens du voyage, mais contre l'occupation illicite de terrains.
Le ministre d'État et moi-même avons mis en place il y a quelques mois un groupe de travail, présidé par le préfet Alloncle et qui vient de rendre ses conclusions. Une partie des vingt-deux propositions formulées sont législatives, les autres réglementaires.
Nous avons adressé aux préfets une circulaire fixant une stratégie claire : désigner un médiateur dans chaque département ; désigner un sous-préfet chargé de déterminer les lieux susceptibles d'accueillir les gens du voyage ; signer une convention avec les occupants potentiels, prévoyant des garanties financières ; lorsque les conditions sont réunies, saisir les juridictions administratives le plus rapidement possible.
À la suite du groupe de travail, nous attendons une initiative parlementaire, que le Gouvernement soutiendra clairement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Loïc Hervé. - Très bien !
M. Clément Pernot. - Il est temps de passer des principes aux actes ! Avec vous et Bruno Retailleau, nous sommes en confiance. (On ironise à gauche.) Aux mots justes que vous employez doivent succéder des actes forts pour protéger les honnêtes gens. (Exclamations à gauche) L'autorité de l'État doit être restaurée sur tout le territoire ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Aggravation de la pauvreté des familles monoparentales
Mme Laurence Rossignol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La semaine dernière - même endroit, même heure -, Mme Brossel vous a interrogée sur l'idée insensée consistant à financer l'augmentation du complément de mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales par la suppression du bonus dont bénéficient jusqu'ici ces mêmes familles. Vous ne lui avez pas répondu.
Or, depuis, nous avons pris connaissance des indicateurs annuels de pauvreté. Jamais, depuis qu'on mesure la pauvreté, la France n'a compté autant de personnes pauvres. Notez bien que, dans le même temps, jamais les riches ne se sont autant enrichis que depuis 2017 : leur patrimoine a doublé ! Le prétendu ruissellement, c'est une cascade d'argent pour une poignée de gens et des flots de misère pour de nombreux autres. (Marques d'approbation sur de nombreuses travées à gauche ; M. Adel Ziane renchérit.)
Or c'est parmi les familles monoparentales que la pauvreté augmente le plus : 300 000 ont basculé en 2023. Plus d'un tiers des mères monoparentales et 40 % des enfants de ces familles sont dans la pauvreté.
Ce n'est plus un statut dont les familles monoparentales ont besoin, mais un plan d'urgence. Allez-vous agir ou les laisser sombrer dans la pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge et M. Pierre Barros applaudissent également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles . - L'enquête annuelle publiée avant-hier mesure le taux de pauvreté à partir du revenu médian. Celui-ci a augmenté de 0,9 %.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Tout va bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Il s'agit d'un fait. De même, les chiffres pris en compte datent de 2023, avant l'augmentation de 4,6 % des prestations sociales intervenue en 2024.
Pour l'accompagnement des mamans solos, le complément de mode de garde consistait jusqu'à présent en trois forfaits. C'était : « circulez, il n'y a rien à voir ». Désormais, il prend en compte la composition de la famille, le nombre d'enfants et le nombre d'heures nécessaires. C'est la raison pour laquelle il n'y a plus de bonus : chaque situation est prise en compte de manière individuelle.
En outre, pour les familles monoparentales, l'accompagnement se poursuivra entre 6 et 12 ans.
Oui, les mamans solos ont besoin de ces réponses concrètes. Le Gouvernement est au rendez-vous. (M. François Patriat et Mme Olivia Richard applaudissent.)
Mme Colombe Brossel. - C'est faux !
Mme Laurence Rossignol. - Quand 40 % des enfants de famille monoparentale vivent sous le seuil de pauvreté, vous devriez être bouleversée et vous mobiliser. Votre réforme du CMG est financée par la suppression du bonus pour les familles monoparentales : allez donc le leur expliquer ! Je crois à l'expertise des familles : ces mères, qui se débrouillent avec des budgets terribles, savent bien ce qui les attend. Nous aurons à en rediscuter. Par ailleurs, vous ne m'avez pas répondu sur un plan de sauvetage pour les familles monoparentales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Antoinette Guhl et MM. Pierre Barros et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Obligations légales de débroussaillement
M. Jean Bacci . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nos forêts, nos bois, nos collines brûlent. Alors que des millions de touristes rejoignent le Sud, l'Occitanie et l'Aquitaine, les soldats du feu sont engagés par milliers sur l'arc méditerranéen, notamment aux portes de Marseille et Narbonne. Hier, on comptait sept départs de feu dans les Bouches-du-Rhône, onze dans l'Aude. Et l'été ne fait que commencer.
Alors que les interfaces entre zones urbaines et végétalisées sont critiques, les obligations légales de débroussaillement (OLD) sont la mesure de prévention essentielle. Hélas, leur complexité entraîne un taux de réalisation trop faible. Le législateur a simplifié leur mise en oeuvre, mais les projets de révision des arrêtés préfectoraux vont en sens contraire.
Quarante sénateurs vous ont alertés : l'application excessive des prescriptions environnementales va à l'encontre des objectifs de défense de la forêt. Certaines dispositions sont aberrantes, et même les grands opérateurs, comme les départements, engagent des recours. Élus et administrés peinent déjà à appliquer les arrêtés précédents : ils ne pourront pas s'approprier les nouvelles règles.
Il convient de privilégier l'augmentation des OLD réalisées. Bref, il faut plus d'OLD avant de vouloir mieux d'OLD. Quand simplifierez-vous votre circulaire d'application ? Nos forêts brûlent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Face au dérèglement climatique, l'actualité nous rappelle chaque année un peu plus que la prévention incendie est essentielle. J'assure du soutien du Gouvernement tous nos concitoyens et les forces de secours confrontés aux terribles incendies qui frappent en ce moment notre pays.
En juin dernier, le ministre de l'intérieur et moi avons publié la stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies ; elle s'inscrit dans le prolongement de votre loi de 2023, dont l'ensemble des textes d'application ont été publiés, sauf un décret en cours de finalisation, sur les coupures agricoles.
Nous améliorons l'identification des zones vulnérables et donnons aux collectivités des outils pour mieux prévenir les feux. Nous avons aussi renforcé les moyens de nos forces de secours, actualisé leur doctrine d'emploi et lancé une nouvelle campagne de sensibilisation - plus de neuf feux sur dix sont d'origine humaine.
Votre loi prévoit le renforcement des OLD, une mesure de bon sens. J'ai demandé que les mesures d'application soient prises en concertation avec les acteurs de terrain, dans le respect de la volonté du législateur. Un arrêté national sera décliné par des arrêtés préfectoraux dans les quarante-huit départements concernés. Seize d'entre eux ont déjà été publiés.
Je prends bonne note de votre interpellation et redirai aux préfets qu'il faut veiller à l'accessibilité des arrêtés et tenir compte des réalités locales. C'est, du reste, le sens de la réforme de l'action territoriale de l'État annoncée hier par le Premier ministre : des textes génériques garantissant l'égalité devant la loi et des adaptations locales sous la responsabilité des préfets.
M. Jean Bacci. - En la matière, on ne peut pas faire du « en même temps » : il faut choisir clairement son objectif. Or la meilleure façon de préserver la biodiversité, c'est de ne pas exposer les écosystèmes aux incendies ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Grève des contrôleurs aériens (II)
M. Vincent Capo-Canellas . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Sénat est attaché au dialogue social, mais aussi à la liberté de circulation de nos compatriotes.
Comment envisagez-vous l'avenir du service de contrôle de la navigation aérienne, après la grève de la semaine dernière qui a conduit à l'annulation de 1 800 vols ?
Cette grève, à l'initiative de syndicats minoritaires, intervient après le protocole social signé en 2024, dont j'ai chiffré le coût annuel à 100 millions d'euros. Elle était motivée par un projet de badgeuse visant à s'assurer du respect du temps de travail des contrôleurs aériens. Merci d'avoir tenu bon sur ce principe, monsieur le ministre.
Comment recentrer le dialogue social sur les vrais sujets, documentés par plusieurs rapports de la commission des finances ? Le protocole social prévoyait des réformes pour plus de productivité et pour un meilleur service rendu. Irez-vous au bout de ces réformes, monsieur le ministre ? Comment assurer un contrôle aérien digne de notre rang, qui permette à chacun de voyager dans de bonnes conditions, en tenant compte du volet environnemental ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports . - Je connais votre engagement constant pour améliorer la performance du transport aérien, notamment votre loi visant à encadrer le droit de grève des contrôleurs.
Hélas, la déclaration de grève 48 heures avant ne suffit pas : le secteur reste fragile face à une poignée de contrôleurs aériens portant des revendications injustifiées, qui a suffi à désorganiser l'ensemble du trafic, avec des conséquences inacceptables. Ces grèves révèlent une vulnérabilité structurelle.
Nous irons au bout de la réforme de la badgeuse : c'est une mesure de sécurité. Les rémunérations ont déjà été fortement revalorisées : vu le contexte budgétaire, de nouvelles augmentations seraient déplacées. S'agissant des prétendus sous-effectifs, nous prévoyons 160 recrutements par an pour les deux prochaines années, contre 50 en 2021. Encore faut-il que ceux qui sont censés travailler soient bien à leur poste...
Quelques jours après le salon du Bourget, qui a mis en valeur notre excellence aéronautique, cette grève a entamé l'image du transport aérien français et l'attractivité de la destination France. Notre souveraineté aérienne, notre capacité à assurer la continuité du service public sont en jeu. Je mettrai prochainement en place des actions concrètes. Nous ne lâcherons rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Vincent Capo-Canellas. - Merci d'avoir rappelé le travail mené ici au Sénat pour moderniser le contrôle aérien.
Je vous rejoins sur les effectifs : des efforts ont été enclenchés, il faut que le corps social en prenne conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Intoxications alimentaires dans l'Aisne
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis un mois, Saint-Quentin est frappée par une vague d'intoxications sévères à la bactérie E. coli, qui a entraîné le décès d'une enfant - je m'associe à la peine de la famille et salue les services de l'État, les élus locaux et les équipes de santé.
Les analyses ont établi un lien biologique irréfutable entre les bactéries retrouvées sur les malades et dans cinq boucheries halal, désormais fermées. J'espère que l'enquête judiciaire fera la lumière sur les causes de la contamination et établira les responsabilités.
Ce dramatique épisode pose la question du respect des règles de traçabilité et de l'efficacité des contrôles. De quels moyens disposons-nous pour garantir la sécurité alimentaire des Français ? Ne faut-il pas renforcer les contrôles de traçabilité et les règles d'hygiène ?
L'alimentation, c'est la santé.
Mme Laurence Rossignol. - Il faut le dire à Laurent Duplomb !
Mme Pascale Gruny. - Soyons intraitables avec ceux qui jouent avec les règles sanitaires et mettent en danger les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Saint-Quentin est touchée par un épisode de toxi-infection alimentaire dû à E. coli. Mes pensées vont aux parents de la fillette tragiquement décédée. À ce jour, nous dénombrons trente-quatre cas investigués et quinze hospitalisations.
Dès les premiers cas, des investigations ont été menées par les ministères de l'agriculture et de la santé et plusieurs boucheries ont été fermées. Des prélèvements sont en cours d'analyse et de séquençage.
Il existe deux types de contrôles. En cas d'intoxication alimentaire collective, comme à Saint-Quentin, nous menons des enquêtes, des prélèvements sur les denrées, les surfaces et dans l'environnement pour identifier l'origine de la contamination. Le nombre d'inspections et d'analyses n'est pas prédéterminé.
Parallèlement, les services de mon ministère contrôlent la sécurité sanitaire des aliments au titre de la police sanitaire unique : fonctionnement des établissements de production, de transformation ou de distribution, respect des règles de traçabilité. La programmation des inspections est établie sur la base d'une analyse de risques. Chaque année, plus de 410 000 inspections et près de 75 000 prélèvements sont réalisés. Dès qu'une non-conformité est décelée, des mesures sont prises. Nous sommes pleinement mobilisés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Sido. - Très bien !
Mme Pascale Gruny. - La direction départementale de la protection des populations n'a pas de liste mise à jour des boucheries.
Je sais pouvoir compter sur vous, madame la ministre. Il faut protéger nos concitoyens les plus vulnérables, mais aussi soutenir nos bouchers et charcutiers qui ont perdu jusqu'à 30 % de leur chiffre d'affaires, alors qu'ils n'étaient en rien concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Agence universitaire de la Francophonie
M. Yan Chantrel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Paris accueille aujourd'hui la cinquantième session de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, dont je salue les délégations réunies au Sénat. La France préside la francophonie institutionnelle jusqu'en 2026 - or le Gouvernement s'apprête à réduire de 75 % sa contribution financière à l'agence universitaire de la francophonie (AUF), menaçant son existence même.
Pourtant, lors du sommet de Villers-Cotterêts, l'AUF a été chargée de porter plusieurs projets phares, dont le programme international mobilité employabilité francophone (Pimef), un Erasmus francophone.
Le signal de désengagement est dévastateur. Loin de renforcer nos liens avec les pays francophones, vous mettez à mal le travail diplomatique de l'AUF, qui a maintenu une présence au Sahel, y promeut les valeurs de la francophonie et lutte contre l'influence des puissances déstabilisatrices chez la jeunesse francophone d'Afrique.
Quarante-six parlementaires, de tous les bancs, ont adressé un courrier au Président de la République. Revenez sur cette décision incompréhensible ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux . - Malgré les contraintes budgétaires, la France demeure le premier bailleur de la francophonie multilatérale, avec 35 millions d'euros en 2025.
M. Mickaël Vallet. - C'est statutaire !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué. - Notre objectif est de faire rayonner la langue française.
La baisse de 40 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » a entraîné celle des crédits multilatéraux de 50 %, notre contribution statutaire à l'Organisation internationale de la francophonie ne pouvant être ajustée. Notre soutien aux opérateurs de la francophonie, dont l'AUF, a ainsi dû baisser d'environ 70 %.
Nous avons tout de même mobilisé l'an dernier plus de 12 millions d'euros en appui des seize engagements pris par le Président de la République à Villers-Cotterêts. Ces fonds sont déjà engagés pour la période 2024-2026, au bénéfice de projets portés par l'AUF : dispositif Apprendre, programme Pimef, collège international de Villers-Cotterêts.
Nous travaillons avec le recteur de l'AUF pour diversifier ses ressources et rendre l'organisation plus solide à terme.
Concernant notre subvention pour 2025, nous recherchons avec Jean-Noël Barrot des solutions pérennes. Il conviendra d'examiner au cas par cas comment amortir cette contrainte budgétaire sur 2026. Le rayonnement de la France nous tient tous à coeur.
M. Mickaël Vallet. - Quelle honte ! (Mme Laurence Rossignol renchérit.)
M. Yan Chantrel. - Monsieur le Premier ministre, revenez sur cette coupe qui affaiblit notre pays au niveau international ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mesures antidumping sur le cognac
M. Daniel Laurent . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis le 5 juillet, la Chine inflige un droit antidumping moyen de 32,2 % à nos eaux-de-vie, cognacs et armagnacs - sans qu'aucun dumping ait été démontré.
Si un accord de prix minimum épargne une partie des exportations, de nombreuses PME en sont injustement exclues. En outre, le marché du duty free chinois, qui représente 20 % des ventes, demeure fermé.
Notre filière n'attend pas de simples mesures transitoires, mais la levée de ces mesures injustes et la réouverture complète du marché chinois. D'autant que les États-Unis font planer la menace de surtaxes ; ce serait un nouveau choc économique pour une filière déjà fragilisée.
Quelles garanties la France offre-t-elle à ses viticulteurs, à ses distillateurs et aux territoires qui vivent de cette filière ? Ne laissons pas la part des anges devenir la part des taxes ! Il est temps que notre viticulture reprenne son envol sur les chemins du monde, au service de nos terroirs, de notre savoir-faire et de ses milliers d'emplois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub et M. Marc Laménie applaudissent également.)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Soit dit sans angélisme, la France et l'Europe sont en désaccord avec la Chine sur plusieurs sujets agricoles.
Mme Laurence Rossignol. - Vous me rassurez...
Mme Annie Genevard, ministre. - Le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement se sont mobilisés pour trouver des solutions à ce conflit. Il est déchirant de voir s'étioler cette filière d'excellence, qui ne demande pas d'argent public, qui ne peut être délocalisée et qui nourrit l'image gastronomique de notre pays.
Nous avons obtenu plusieurs avancées. Le 4 juillet, le ministre du commerce chinois a conclu à l'existence d'un dumping, que nous contestons, et imposé un droit de douane compensateur de 32,2 %. Toutefois, les exportateurs ont accepté d'augmenter leurs prix de 12 à 16 %, en lieu et place de la hausse des droits de douane. Cet accord concerne trente-quatre entreprises françaises et environ 90 % du volume exporté ; les échanges se poursuivent pour y inclure une vingtaine d'autres. Les autorités chinoises restitueront en outre les garanties bancaires, à hauteur de 50 à 80 millions d'euros.
Enfin, un accord aurait été trouvé sur le duty free - mais tant que rien n'est finalisé, je préfère ne pas m'avancer.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Annie Genevard, ministre. - Ces mesures pragmatiques devraient permettre de relancer les exportations françaises en Chine.
M. le président. - Vous avez pris la part des anges, madame la ministre ! (Sourires)
M. Daniel Laurent. - Henri Cabanel, Sebastien Pla et moi-même poursuivons les travaux de la mission d'information sur la filière viticole. En cette période estivale propice à l'oubli, restons mobilisés ! La viticulture française traverse une crise économique, climatique, sociétale, qui appelle des réponses structurelles. Notre engagement est total pour défendre cette filière emblématique de notre identité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Adaptation des littoraux à l'érosion
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La dissolution a empêché l'arbitrage que devait prendre Christophe Béchu sur le financement des politiques d'adaptation des littoraux à l'érosion côtière.
En mars, devant le Comité national du trait de côte, vous annonciez un soutien renforcé de l'État via le fonds vert et le fonds Barnier. Mais, depuis, lors du comité interministériel de la mer, le Premier ministre a déclaré que « le littoral devait financer le littoral » - orientation confirmée par le cabinet de la ministre des comptes publics.
Recettes de l'éolien offshore, participation des plateformes saisonnières, droits de mutation : toutes les pistes de financement ont été écartées. Ne reste plus que la taxe Gemapi, supportée directement par les habitants, et une éventuelle contribution de la taxe de séjour - qui revient aux EPCI touristiques et non aux communes littorales exposées. Est-ce là le modèle économique de la résilience ?
Depuis octobre 2021, dans la Manche, un projet partenarial d'aménagement (PPA) est engagé autour de relocalisations stratégiques de zones conchylicoles et d'hôtellerie de plein air. Le coût des études s'élève à 2 millions d'euros, mais il n'y a rien pour les financements opérationnels. On me répond qu'il ne faut pas s'interdire de rêver...
Comment entendez-vous accompagner ces collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - L'érosion côtière est un signe flagrant du dérèglement climatique. J'ai réuni le Comité national du trait de côte pour examiner ses propositions de financement, car plus nous agissons tôt, moins nous aurons à subir de dommages.
J'ai proposé au comité interministériel de la mer que nous fassions des propositions fiscales dès le budget 2026. Il s'agit de relever le plafond de la taxe Gemapi et, éventuellement, de prévoir une surtaxe sur la taxe de séjour, à la main des collectivités locales. En plus des 130 millions d'euros consacrés à l'adaptation au changement climatique, les communes côtières doivent pouvoir profiter de leur potentiel touristique pour investir dans des protections douces. Il faudra revoir la doctrine d'emploi, mais aménager le littoral relève bien d'une politique touristique.
Nous veillerons à ce que la solidarité nationale et locale ne paie pas pour ceux qui investissent dans des maisons d'ores et déjà menacées par l'érosion côtière. Celle-ci n'est plus un risque, mais une réalité inéluctable : les outils de simulation en 2050 et 2100 sont éloquents.
Pour amortir l'impact du dérèglement climatique, il nous faut électrifier nos usages et réduire nos émissions, grâce à un mix énergétique diversifié, compétitif et décarboné - je vous remercie d'avoir voté en ce sens hier.
Mme Béatrice Gosselin. - Les PPA ne devront pas se transformer en « projets particulièrement angoissants »... Faisons jouer la solidarité nationale et soutenons les élus du littoral ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et certaines travées du groupe UC)
Gestion des canicules
M. Joshua Hochart . - Je m'associe, au nom du Rassemblement national, à l'hommage au président Marleix. Il défendait avec conviction l'intérêt général et la souveraineté industrielle de notre pays.
La semaine dernière, la France a connu un épisode de chaleur exceptionnel, qui a mis en lumière notre impréparation face aux effets du dérèglement climatique. Peu d'espaces publics rafraîchis, logements privés non équipés, hôpitaux sous tension, Ehpad fragilisés, écoles contraintes de fermer - preuve de l'insuffisance des mesures concrètes prises jusqu'ici. Et ce n'est qu'un avant-goût !
Malgré les engagements, les résultats tardent à venir. Selon certaines études, Paris serait l'une des villes européennes les plus exposées en cas de canicule.
Après la canicule de 2003, avait été créée une journée de solidarité destinée à protéger nos aînés et à financer l'adaptation climatique. Elle a rapporté 60 milliards d'euros, mais nous n'avons eu que des dispositifs déconnectés des réalités : lignes téléphoniques d'information, conseils génériques, portails internet loin de répondre à l'urgence.
Les Français n'attendent pas des slogans ni des recommandations, mais des actes, des infrastructures adaptées, des services publics renforcés, une stratégie de résilience. Le Gouvernement entend-il tirer des leçons de cette séquence pour engager enfin une vraie politique d'adaptation ? (MM. Alain Duffourg et Stéphane Ravier applaudissent.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles . - La première leçon tirée de 2003 a été la création d'un dispositif national de vigilance, avec une surveillance de Météo-France en lien avec la direction générale de la santé, pour déterminer les alertes rouges.
Nous menons un travail interministériel dès le printemps pour être en mesure de protéger la population, avec des plans de gestion pour répondre aux tensions hospitalières et aux besoins des Ehpad.
Afin de protéger les travailleurs, j'ai signé avec Agnès Pannier-Runacher un arrêté autorisant des horaires de travail plus flexibles en cas de canicule.
Dernier point : l'investissement. Les normes de construction ont évolué, on ne construit plus d'écoles orientées plein sud ; les programmes de rénovation urbaine privilégient l'isolation tant contre la chaleur que contre le froid. Nous équipons également nos établissements de santé.
La gestion de crise, l'anticipation, c'est aussi la prévention, et notamment la gestion de l'eau.
M. Joshua Hochart. - Nous savons tous que l'été sera chaud. Mauvaise nouvelle : la rentrée sera brûlante - et je ne parle pas de la météo. Bonne nouvelle : pour votre gouvernement, elle sera plus courte que prévu. (M. Alain Duffourg applaudit ; Mme Catherine Vautrin lève les yeux au ciel.)
M. le président. - Sous réserve du décret présidentiel, la prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le 24 septembre 2025 à 15 heures. (Applaudissements)
La séance est suspendue à 16 h 30.
Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président
La séance reprend à 16 h 45.