Garantir un cadre fiscal pour nos micro-entrepreneurs et petites entreprises
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos micro-entrepreneurs et nos petites entreprises à la demande du RDPI.
Discussion générale
M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, du tourisme et du pouvoir d'achat . - Je me présente avec d'autant plus d'humilité devant vous que c'est ma première intervention. La position du Gouvernement est guidée par l'intérêt général. La solution au problème qui nous occupe et qui a fait l'objet de nombreux allers et retours en 2025 passe par le compromis, inspiré par la grande concertation lancée par ma prédécesseuse, Mme Louwagie.
L'abaissement de tous les seuils à 25 000 euros n'est pas né d'une vision technocratique, mais d'une demande forte des acteurs qui dénonçaient une distorsion de concurrence manifeste entre ceux qui sont soumis à la TVA et ceux qui bénéficient de la franchise.
Il ne s'agissait en aucun cas de remettre en cause le régime des micro-entrepreneurs, mais d'en adapter les seuils dans un contexte européen en pleine mutation.
Le Gouvernement a entendu les inquiétudes des micro-entrepreneurs, des parlementaires et des fédérations professionnelles et a suspendu la mise en application de la réforme par voie d'instruction ministérielle.
Trois constats ressortent de la consultation d'une cinquantaine d'organisations.
D'abord, la majorité des acteurs soutiennent la réforme, en particulier les fédérations du bâtiment comme la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et la Fédération française du bâtiment (FFB), pour qui les distorsions de concurrence sont sensibles.
Ensuite, la réforme provoque une opposition soit symbolique - en défense de l'auto-entreprenariat -, soit économique.
Enfin, une troisième voie a émergé, de nombreux acteurs proposent des ajustements pour mieux cibler ces effets, notamment autour d'un seuil plus équilibré, à 37 500 euros.
Le Gouvernement a donc défini une nouvelle orientation, inscrite en projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Un seuil commun serait fixé à 37 500 euros, contre 25 000 euros dans la réforme initiale. Pour un grand nombre de micro-entrepreneurs, notamment dans les services à la personne, rien ne change. Le seuil serait abaissé à 25 000 euros pour les acteurs du bâtiment, exposés à la concurrence des entreprises étrangères, dans un cadre européen réformé, qui n'est pas aussi bienveillant. Le régime serait plus lisible et plus cohérent avec celui de nos voisins européens.
J'irai plus loin : cette réforme encourage les micro-entrepreneurs à passer à une autre étape. Un seuil à 85 000 euros peut les inciter à rester dans leur zone de confort. Cela me fait penser au seuil de 50 salariés au-dessus duquel le comité d'entreprise est obligatoire : beaucoup de chefs d'entreprise me disent que, pour éviter de le franchir, ils n'embauchent plus.
Si nous fixons le seuil à 37 500 euros - ce qui me paraît être un bon compromis -, nous suggérons aux auto-entrepreneurs de passer un autre cap et de construire des entreprises plus robustes, capables d'embaucher. Et nous évitons les distorsions de concurrence - je rappelle que je suis ministre des PME et des TPE.
L'approche du Gouvernement est pragmatique. Elle divise par quatre le nombre d'entités affectées par la réforme de 2025 et s'aligne sur les pratiques européennes : l'Allemagne ou la Belgique ont fixé leur seuil à 25 000 euros, tandis qu'en Espagne, il n'y a pas de franchise. Cela permet d'éviter les effets de seuil. Nous défendons l'esprit d'entreprise et corrigeons les déséquilibres. Avec la franchise à 85 000 euros, il y a déséquilibre.
Nous n'opposons pas les entrepreneurs aux artisans et aux PME. Nous cherchons simplement à construire un cadre fiscal stable et pérenne, pour que chacun puisse entreprendre de façon équitable.
M. Jean-Baptiste Blanc, en remplacement de M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances . - Le régime de la franchise de TVA bénéficie à environ 2,1 millions de petites entreprises.
Révisés en loi de finances pour 2024 dans le cadre de la transposition d'une directive européenne, avant de l'être à nouveau en loi de finances pour 2025, les seuils se décomposent en quatre types selon l'activité concernée : 85 000 euros pour les livraisons de biens, les ventes à consommer sur place et les prestations d'hébergement ; 37 500 euros pour les autres prestations de services ; 50 000 euros pour les avocats, auteurs et artistes-interprètes ; 35 000 euros pour les activités connexes de ces mêmes professions.
À l'occasion de l'examen du PLF 2025, le Gouvernement de Michel Barnier avait proposé par amendement, en première délibération et en première lecture au Sénat, d'instituer un seuil unique à 25 000 euros ; le Sénat l'avait refusé, suivant l'avis défavorable de notre commission, fondé sur le caractère particulièrement tardif de la présentation de cette réforme, sur la nécessité de prendre en compte la diversité des situations et des tailles d'entreprise, sur le montant élevé de son impact, estimé à 780 millions d'euros, et sur le caractère limité du risque de distorsion de concurrence au niveau européen mis en avant par l'exécutif.
Le Gouvernement a cependant redéposé un amendement identique en seconde délibération, auquel notre commission a alors donné un avis favorable par solidarité avec la majorité gouvernementale et par souci de préserver le solde public. Cette mesure a ainsi été adoptée par le Sénat, puis par la commission mixte paritaire à l'article 32 de la loi de finances initiale pour 2025.
Cette réforme a suscité de vives réactions parmi les auto-entrepreneurs : quelque 134 000 entreprises, soit les deux tiers, sont concernées. Dans ce contexte, le ministre de l'époque, M. Lombard, a annoncé dès le 6 février au soir, soit au lendemain du vote du PLF, la suspension de la réforme, qui a été actée le 30 avril pour l'ensemble de l'année 2025, à la suite d'une pétition déposée sur le site du Sénat ayant recueilli plus de 100 000 signatures.
Notre commission a conduit en mai une mission flash qui a souligné l'improvisation et l'impréparation de cette réforme et les conséquences préjudiciables pour l'équilibre économique de nombreux secteurs d'activité et professions, des avocats aux kinésithérapeutes.
C'est dans ce contexte que cette proposition de loi a été déposée le 17 avril 2025 par le député Paul Midy et adoptée le 2 juin 2025. L'article 1er prévoit un retour aux quatre seuils. L'article 2 vise à gager la baisse de recettes prévue à l'article 1er.
La suspension de la franchise ne repose aujourd'hui que sur un simple rescrit de l'administration fiscale. C'est fragile. La direction de la législation fiscale (DLF) a reconnu que « toute association professionnelle défendant un secteur économique soumis à une distorsion de concurrence aurait un intérêt à agir. »
La commission des finances propose d'adopter cette proposition de loi sans modification pour une entrée en vigueur rapide du texte, et de renvoyer la discussion sur le fond à l'examen de l'article 25 du PLF 2026. La commission des finances demande donc le retrait des amendements. (Applaudissements au banc des commissions ; M. François Patriat applaudit également.)
M. Ahmed Laouedj . - Nous arrivons à une étape importante : rétablir une forme de clarté et de stabilité pour près de 200 000 micro-entreprises. Derrière ce chiffre se trouvent des réalités humaines : des artisans, des commerçants, des indépendants qui ont besoin de règles claires pour travailler sereinement. Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, près de 30 000 micro-entrepreneurs ont été directement concernés, dans les services à la personne, le bâtiment, le transport, la livraison ou encore les activités de proximité. Ils sont au coeur de l'action économique de nos territoires.
Quand les règles changent brutalement, ce sont ces entreprises qui trinquent les premières ; leur capacité à absorber un choc administratif ou fiscal est bien plus faible que les grandes entreprises.
Je me réjouis de cette proposition de loi rétablissant les plafonds antérieurs pour la franchise de TVA : elle apportera de la visibilité et de la sécurité juridique.
Il s'agit aussi de mieux faire les choses à l'avenir : toute réforme des entreprises indépendantes et micro-entreprises doit être construite avec elles et non pas contre elles.
Dans le secteur du bâtiment, très présent dans mon département, la réforme initiale a été particulièrement mal vécue. Elle faisait peser un risque direct sur l'équilibre économique de nombreuses entreprises déjà fragilisées par la conjoncture.
Les concertations menées par le ministère de l'économie ont permis d'aboutir à une approche plus fine et différenciée. C'est une avancée, mais ce qui compte surtout, c'est la méthode : écouter, concerter, construire. Ce statut n'est pas une stratégie d'optimisation, mais un outil d'émancipation économique, notamment pour les 31 % d'auto-entrepreneurs qui ont une activité salariée à côté.
La question du salariat déguisé doit aussi être examinée, notamment dans les secteurs liés aux plateformes numériques. Ce statut doit être un tremplin, pas une trappe à précarité.
Nous aborderons plus sereinement les débats sur le PLF 2026 autour d'une réforme qui, je l'espère, reposera sur une vraie stratégie de développement des micro-entreprises et non sur des ajustements budgétaires à court terme.
Les entreprises de Seine-Saint-Denis n'attendent pas des aides extraordinaires, mais de la lisibilité, de la stabilité et de la confiance ; si les règles sont claires, ils savent faire le reste : investir et embaucher. C'est en pensant aux artisans, aux commerçants, aux livreurs, aux travailleurs indépendants que le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
M. Vincent Delahaye . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Ce texte corrige deux injustices, l'une touchant les entreprises et l'autre, le Parlement.
Il s'agit d'abord de corriger une mesure fiscale qui fragilise des milliers de micro-entreprises. Un dimanche après-midi, à la faveur d'une seconde délibération sur une vingtaine d'amendements, le gouvernement Barnier avait fait adopter en catimini une réforme de la franchise en base de TVA. Ce n'est pas une bonne méthode, comme le fait de ne pas mener de concertation. Il faut concerter, monsieur le ministre, mais avant de décider, cela évite bien des problèmes ! (M. Serge Papin le confirme.)
La réforme de 2025 instaurait un seuil unique de 25 000 euros, ce qui touchait près de 200 000 entreprises, dont un tiers d'auto-entrepreneurs et deux tiers de TPE. Cela représentait une charge de 4 000 euros par an - ce n'est pas rien. Dans un contexte international de concurrence accrue, il faut éliminer les distorsions de concurrence quand elles existent, mais pas par un amendement déposé au débotté.
Heureusement, le Sénat s'est mobilisé. Dès avril 2025, une pétition sur son site a recueilli plus de 100 000 signataires contre cette mesure. Une mission flash de la commission des finances a démontré le caractère improvisé et mal évalué de cette mesure.
Le Gouvernement a reporté à plusieurs reprises son entrée en vigueur avant sa suspension définitive en avril. Mais par quel outil ? Par un simple rescrit de l'administration fiscale. C'est utile, mais cela ne peut pas remplacer la loi.
Cela nous amène à la seconde injustice. Qui fait la loi en France ? L'exécutif, par instruction ou rescrit ? Ou le Parlement ?
Selon l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. » C'est clair !
Mais le Parlement a été contourné ; ce procédé n'est pas acceptable et il crée de surcroît une insécurité juridique, confirmée par la direction de la législation fiscale.
Cette proposition de loi est donc nécessaire pour sécuriser la suspension de la réforme, rétablir les seuils et redonner toute sa place au Parlement.
Par ce texte, nous envoyons un signal clair aux entreprises en leur rendant un cadre stable, et aux citoyens en leur montrant que le Parlement n'est pas une chambre d'enregistrement, mais le coeur vivant de notre démocratie. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur quelques travées du RDPI)
M. Marc Laménie . - Deux visions de l'économie s'opposent : l'une s'appuie sur Karl Marx pour défendre une économie administrée par l'État, l'autre, que je défends, s'appuie sur la libre concurrence. Comme Frédéric Bastiat, nous pensons qu'elle est source de liberté et non d'oppression. Fort heureusement, la deuxième vision l'emporte. J'invite nos collègues qui préfèrent la première à comparer le dirigisme de la Corée du Nord au dynamisme économique de la Corée du Sud.
Les entreprises françaises sont néanmoins écrasées par les taxes et contributions diverses, à tel point qu'on ne peut en créer une qu'avec une ristourne fiscale.
Cela a conduit à mettre en place un régime dérogatoire pour les micro-entreprises, que le public connaît sous le nom d'auto-entrepreneurs, exemptant de TVA celles qui ont un chiffre d'affaires annuel inférieur à des seuils déterminés. Il faut la maintenir : sans cette exemption, nous aurions moins, voire aucun micro-entrepreneur ou petite entreprise.
Pour autant, le régime de la micro-entreprise a créé des distorsions de concurrence. Dans le bâtiment, des employeurs demandent à leurs salariés de démissionner pour les réembaucher sous le régime du micro-entrepreneur et bénéficier des facilités fiscales afférentes. C'est le retour des tâcherons payés à l'acte, à la journée, privés des amortisseurs sociaux du salariat. C'est aussi fausser la concurrence entre entreprises.
Aussi, le Parlement a-t-il légiféré - maladroitement. Pour assainir un seul secteur, on mettait en péril des dizaines de milliers de micro-entrepreneurs : il fallait donc suspendre la réforme adoptée l'an dernier.
Nous débattrons prochainement du dispositif présenté par le Gouvernement pour lutter contre le déséquilibre concurrentiel dans le secteur de la construction, via un taux différencié. Nous le soutiendrons s'il vise à rétablir la juste concurrence au service de la liberté économique, pas s'il ne s'agit que de dégager des recettes fiscales.
En attendant, le RDPI votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Christine Lavarde . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.) En 1953, un petit libraire de Saint-Céré s'offusque d'un contrôle fiscal : c'est la naissance du poujadisme, qui a illustré le ras-le-bol fiscal de milliers de petits artisans, commerçants et indépendants. En 2025, si les visages et métiers ont changé, le malaise demeure. Ils ressentent la même lassitude, l'impression d'être accablés de normes et de réformes qui méconnaissent leur réalité quotidienne. « La révolte des contribuables n'est pas seulement affaire d'impôt, elle est le signe d'une société qui ne se comprend plus elle-même », a écrit Raymond Aron.
Les auto-entrepreneurs nous ont dit leur incompréhension devant une réforme non concertée, votée à la va-vite. C'est un mauvais film : 200 000 structures, dont 135 000 micro-entreprises, auraient été redevables de la TVA, dans des secteurs comme la construction, les services à la personne, la création artistique... Au-delà, cette mesure aurait remis en cause la simplicité du régime, alors que beaucoup d'indépendants ont choisi ce statut précisément pour échapper aux formalités administratives.
Notre groupe, attaché à la stabilité et à la prévisibilité fiscale, est favorable à ce texte. Oui, il faut harmoniser et lutter contre la fraude, mais sans asphyxier les petits indépendants. Rationaliser le régime de la micro-entreprise suppose du temps, de la concertation et des études sérieuses. Nous aurons l'occasion d'en débattre à l'article 35 du PLF 2026 - s'il existe encore.
Plus largement, ce débat interroge sur notre manière de légiférer. La fiscalité des entreprises ne peut faire l'objet d'ajustements improvisés, sans dialogue ni évaluation. J'espère que le Gouvernement s'abstiendra de déposer des amendements au PLF qui n'auraient pas fait l'objet d'une étude d'impact !
En cohérence avec la position de la commission l'année dernière, nous voterons cette proposition de loi. Souvenons-nous de Pierre Poujade, en 1953, qui disait : « Nous ne sommes pas des rebelles, mais des contribuables exaspérés qu'on a trop longtemps ignorés. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. François Patriat . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La stabilité engendre la confiance ; la confiance attire l'investissement ; l'investissement crée de la croissance. Ce texte de stabilité, de protection, défend ceux qui osent, qui entreprennent, qui créent de la richesse dans nos territoires.
La baisse du seuil de franchise en base de TVA à 25 000 euros a été introduite par le gouvernement Barnier sans préparation ni concertation ; devant l'opposition massive, elle a été suspendue. Le PLF 2026 en propose une nouvelle version, avec un seuil à 37 500 euros et à 25 000 euros pour le bâtiment. Cette incertitude fiscale et réglementaire est insupportable pour nos entrepreneurs. Derrière les seuils, il y a des femmes et des hommes, des familles, des projets de vie.
En 2024, les Français ont créé plus de 700 000 micro-entreprises. Pourquoi changer des règles qui fonctionnent ? Surtout quand cela a pour effet d'alourdir la charge fiscale de nos entrepreneurs !
Avec l'abaissement du seuil de franchise de 85 000 à 37 500 euros, un commerçant qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 60 000 euros, aujourd'hui exonéré, devrait s'acquitter de 12 000 euros de TVA - 20 % de ses ventes ! Un coup de massue ! C'est une menace directe sur les activités économiques de nos villes et villages. Élus de terrain, nous savons ce que représente une boulangerie, un coiffeur, un plombier pour une commune... Ces entrepreneurs font vivre les centres-bourgs, créent du lien social, maintiennent des services de proximité indispensables.
Depuis huit ans, nous avons défendu l'esprit d'entreprise, baissé les charges des indépendants, réduit l'impôt sur les sociétés, facilité la création et la reprise d'entreprise. Nous n'abandonnerons pas ce combat. Nous resterons le courant du travail et de l'entrepreneuriat.
Porté par Paul Midy, ce texte a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale et en commission des finances ici, avec le soutien de Jean-François Husson. C'est un texte de consensus et de bon sens. Il constitue un premier jalon avant le débat budgétaire à venir.
Le nécessaire redressement de nos comptes publics ne doit pas se faire aux dépens de nos concitoyens qui travaillent et prennent des risques, ceux qui financent notre modèle social. En votant ce texte conforme, nous enverrons un signal fort à nos entrepreneurs, qui l'attendent avec impatience et inquiétude. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Marie-Do Aeschlimann applaudit également.)
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte revient sur une décision injuste et contestée du gouvernement Barnier. Je n'évoquerai ni Marx, ni Bastiat, ni Poujade, mais la situation politique actuelle, née des décisions inconséquentes d'Emmanuel Macron. Cette mesure a été prise sans concertation ni débat parlementaire, en usant du 49.3 à l'Assemblée. Elle a fait l'unanimité contre elle. Au Sénat, la majorité sénatoriale l'avait votée, en seconde délibération... (Mme Marie-Pierre de La Gontrie rit.)
Face à la colère de milliers de micro-entrepreneurs, la réforme a été suspendue. Comme quoi, une mesure injuste et contestée peut être suspendue, puis abrogée ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Annick Billon. - Ne rêvez pas !
M. Rémi Féraud. - Voici donc une proposition de loi émanant du bloc central qui vient abroger une décision injuste de ce même bloc central. Le Parlement vient au secours de l'exécutif, qui s'est tiré une balle dans le pied : alors qu'il espérait 400 millions d'euros de recettes fiscales, il s'est attiré les foudres des acteurs concernés.
La commission des finances du Sénat a relevé l'improvisation et l'impréparation de cette réforme et ses conséquences sur l'équilibre économique de nombreux secteurs d'activité, notamment le bâtiment.
Nous voterons ce texte conforme, par souci d'efficacité, mais ne nous trompons pas de discours : il faudra se pencher sérieusement sur les écueils structurels et effets pervers du régime de la micro-entreprise, trop souvent utilisé comme un salariat déguisé ; il faudra imaginer une réforme ambitieuse des droits des travailleurs indépendants.
Si la simplicité du statut séduit, beaucoup de ces micro-entrepreneurs - auxiliaires de vie, artisans, artistes, enseignants, personnels d'entretien - n'ont pas eu d'autre choix que d'opter pour ce régime qui ne leur assure pas une protection sociale efficace. Nous continuerons à nous battre contre la précarisation de notre modèle économique et social.
Depuis 2017, la fiscalité des entreprises a privilégié les grandes entreprises au détriment des plus petites. Nous défendrons dans le PLF des outils de régulation pour protéger les plus fragiles, renforcer la progressivité et la justice fiscale et dégager des marges de manoeuvre pour le progrès social. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Pierre Barros . - En décembre dernier, le Gouvernement glissait dans le PLF un amendement abaissant le seuil de franchise en base de TVA à 25 000 euros - grâce à la seconde délibération, qui a balayé tous les amendements de justice fiscale que la gauche avait fait adopter. De telles méthodes ne sauraient devenir la norme.
Le pays ne s'y est pas trompé : plus de 100 000 signatures en quelques jours, traduisant la colère d'un monde du travail ubérisé, précarisé, mais conscient de ses droits. Plus de 200 000 petites entreprises sont directement menacées ; 44 % d'entre elles risquent de mettre la clé sous la porte. Le Gouvernement a donc reculé, suspendant sa propre réforme via un rescrit - c'est habile, mais quelle perte de temps...
Cette réforme est injuste : nous l'abrogeons. Mais ce débat est l'arbre qui cache la forêt. En 2008, Nicolas Sarkozy et Hervé Novelli présentaient le statut de la micro-entreprise comme un outil d'émancipation ; en réalité, ils institutionnalisaient la dérégulation, avec ce micro-statut qui n'offre qu'une micro-protection. En 2023, le revenu annuel moyen d'un auto-entrepreneur s'élevait à 7 540 euros - preuve de la précarité à laquelle sont confrontés ces indépendants.
En 1991, en 2008, en 2017, nous avons alerté sur cette dérive. Notre proposition de résolution appelant à la mise en oeuvre rapide de la directive sur les travailleurs des plateformes a été rejetée par la majorité sénatoriale : certains préfèrent préserver les marges des donneurs d'ordres que les droits des travailleurs.
Le débat est loin d'être clos puisque nous y reviendrons dès le PLF. D'ici là, le groupe CRCE-K votera sans surprise cette proposition de loi, pour acter notre solidarité avec ceux que menace la précarité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; MM. Bernard Buis et Marc Laménie applaudissent également.)
Mme Ghislaine Senée . - Jamais nous n'avons été autant sollicités pour nous opposer à une réforme.
Ce texte vise à sécuriser des acteurs qui ont subi une réforme faite à la va-vite. Porté par un député macroniste, il vient annuler une mesure imposée en dernière minute au Sénat par un ministre macroniste du gouvernement Barnier - que la majorité sénatoriale avait votée.
De cette mauvaise aventure, vous devez tirer deux leçons. D'abord, que le dépôt d'amendements d'ampleur à la dernière minute, sans étude d'impact, ne permet pas de bien légiférer. Ensuite, que la seconde délibération brutalise le débat et n'exclut ni l'erreur ni l'instabilité. Je note que la ministre de Montchalin s'est engagée à ne pas présenter d'amendement en séance lors du prochain PLF.
Le GEST votera ce texte, mais ce serait une erreur de rouvrir le débat lors du PLF. Les micro-entrepreneurs choisissent une autre manière de travailler, quitte à perdre en rémunération, car ils aspirent à être leur propre patron, à mieux équilibrer vie professionnelle et vie personnelle. Cette réflexion sur le sens du travail mérite toute notre attention.
Nous ne pouvons ignorer l'envers du décor de l'auto-entreprenariat : un salariat déguisé, des plateformes ubérisées qui exploitent les plus précaires et se libèrent de toute charge. Il est anormal que ces salariés dépendants d'une entité privée lucrative paient la TVA sur leur propre force de travail. Il est urgent de transposer enfin la directive de 2024 sur la présomption de salariat des travailleurs des plateformes !
Les exonérations de TVA soulèvent aussi des questions d'équité, notamment pour les artisans du bâtiment. Le PLF ne règlera pas définitivement le problème. Il faudra clarifier la vocation du statut : tremplin vers une activité pérenne, ou modèle économique durable, ne créant ni concurrence déloyale ni détricotage des droits des salariés...
Le nouveau ministre du travail est réputé être un spécialiste du dialogue social : allez donc le voir ! (M. Rémi Féraud applaudit.)
Mme Marie-Do Aeschlimann . - Un an après, nous revoilà. Ce texte essentiel garantit un cadre fiscal stable et lisible pour les micro-entrepreneurs et les petites entreprises.
La réforme sur laquelle nous revenons a été guidée par une logique purement budgétaire : on en attendait 800 millions d'euros de rendement, 400 millions d'euros pour l'État. Mais derrière les chiffres, il y a des vies et des emplois : 135 000 micro-entreprises, 71 000 TPE.
Le régime d'exonération n'est pas un privilège, c'est une respiration. Pour un micro-entrepreneur, franchir ce seuil, c'est entrer dans une autre logique, celles des contraintes administratives et comptables ; c'est perdre la simplicité et la souplesse qui ont fait le succès du régime.
La mission flash du Sénat a révélé l'impréparation, l'improvisation, l'incohérence de la réforme. La distorsion de concurrence est une fausse justification : la vraie motivation était le rendement. Il faut faire des économies, certes, mais pas n'importe comment ! Ici, le remède serait pire que le mal : précarité, découragement, travail dissimulé.
Les micro-entrepreneurs n'ont que leur savoir-faire et leur courage.
Les pénaliser, c'est tuer l'esprit d'entreprise.
La proposition de loi de Paul Midy, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, rétablit la stabilité et la sécurité dont les auto-entrepreneurs ont besoin.
Mais le spectre d'un nouvel abaissement revient dans le PLF 2026. Obstination ou maladresse ? Dans tous les cas, c'est une mauvaise manière faite au Parlement. Nous ne sommes pas opposés à une juste réforme du statut de micro-entrepreneur ou à une harmonisation européenne, mais de grâce, pas de rustine budgétaire ! Préservons un cadre fiscal lisible.
Le groupe Les Républicains soutient avec force cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Ahmed Laouedj et Marc Laménie applaudissent également.)
Discussion des articles
Article 1er
M. le président. - Amendement n°2 rectifié ter de M. Burgoa et alii.
L'amendement n°2 rectifié ter n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°3 rectifié bis de Mme Darcos et alii.
M. Marc Laménie. - Nous proposons un seuil de 25 000 euros pour les seules entreprises du BTP.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Nous souhaitons un vote conforme. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question à l'article 25 du PLF 2026. Retrait ?
M. Serge Papin, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.
L'article 1er est adopté.
L'article 2 est adopté.
À la demande du RDPI, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°7 :
| Nombre de votants | 341 |
| Nombre de suffrages exprimés | 341 |
| Pour l'adoption | 341 |
| Contre | 0 |
La proposition de loi est définitivement adoptée.
M. Serge Papin, ministre. - Je remercie le Sénat pour ce bizutage... (Sourires)
M. le président. - Bizutage tout à fait sympathique !
Prochaine séance, mardi 28 octobre 2025, à 14 h 30.
La séance est levée à 13 h 35.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 28 octobre 2025
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : M. Alain Marc, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président M. Loïc Hervé, vice-président
. Projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer (procédure accélérée) (texte de la commission, n°64, 2025-2026)