Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à respecter le temps de parole, dont le seul à être exonéré est le Premier ministre.

Assassinat de Mehdi Kessaci (I)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur quelques travées du GEST) Merci, monsieur le président, pour l'hommage que vous avez rendu à Mehdi Kessaci. « Non, je ne me tairai pas », a déclaré Amine Kessaci. Son frère, abattu par le crime organisé, n'était coupable que d'être son frère. Meurtre d'intimidation, d'asservissement : je soutiens cet homme et sa famille, dévastés par le narcotrafic. Je soutiens aussi tous ces enfants happés par ce fléau, puis enchaînés.

Mehdi voulait s'engager dans les forces de l'ordre.

Je pense aussi aux mamans, grands-mères et soeurs de victimes.

L'action judiciaire, policière, financière et diplomatique ne suffit pas. Le volet social a été oublié par la loi contre le narcotrafic. Dès 2024, nous vous alertions sur l'importance de la prévention contre cette économie mortifère. Amine le rappelle : l'État doit prendre la mesure de la situation et comprendre qu'une lutte à mort est engagée. Il faut faire revenir les services publics dans les quartiers, lutter contre l'échec scolaire, doter les forces de l'ordre des moyens nécessaires. Il faut aussi soutenir réellement les victimes, notamment dans leur relogement.

« Je dirai (...) les failles de la République, les territoires abandonnés et les populations oblitérées », a dit Amine Kessaci. Notre pays a laissé le narcotrafic prospérer dans des quartiers que personne ne regardait, parce que ces vies ne comptaient pas : c'est cela qui doit changer.

Je relaie un cri qui retentit. Je souhaite une action politique, sanitaire, sociale, scolaire, une stratégie de fond pour ne pas laisser prospérer l'emprise du crime organisé. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, du GEST et sur quelques travées du groupe INDEP et du RDSE ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur .  - Je m'associe à l'hommage rendu à Mehdi Kessaci. Nous pensons à lui et à son frère Amine, qui dénonce le narcotrafic.

Nous continuerons le combat que nous menons depuis de nombreuses années. En 2015, la coordination renforcée, l'approche globale expérimentée à Marseille, a décloisonné les services. Depuis 2017, des coups durs ont été portés au narcotrafic avec le renfort d'effectifs, la réforme de l'Office anti-stupéfiants (Ofast). Malgré tout, nous obtenons des résultats. (M. Guy Benarroche en convient.) Le nombre d'homicides liés au trafic a été divisé par deux entre 2023 et 2024. Davantage de réseaux ont été démantelés, comme à la Castellane en avril dernier.

Mais il faut agir encore plus, encore mieux : la loi contre le narcotrafic offre de nouveaux outils précieux aux forces répressives, notamment à la police judiciaire. Je pense aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée en détention, qui accueillent 26 membres des mafias marseillaises, au parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco), ou encore à l'état-major mis en place par Bruno Retailleau, alors ministre d'État, à la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ).

Je retiens les propos du président du Sénat, et du Premier ministre hier à l'Assemblée nationale. Évidemment, nous poursuivrons cette guerre sans relâche. Comptez sur ma détermination. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Difficultés financières des collectivités territoriales (I)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Brigitte Devésa et M. Louis Vogel applaudissent également.) Ma question concerne la manière dont l'État considère les territoires, au-delà de la seule gestion, car comme le disait Tocqueville : « C'est (...) dans la commune que réside la force des peuples libres ». Tous ceux qui sont attachés à ce qui fonctionne encore dans notre pays ont lancé un avis de recherche : où sont les libertés locales perdues ? L'agression, l'infantilisation n'ont cessé de se renforcer depuis 2017. Les collectivités territoriales sont constamment mises en accusation. Avis de recherche aussi, d'un forban qui a supprimé un impôt qui ne lui appartenait pas, la taxe d'habitation, et ment sur ses compensations : la DGF, qui est un dû et non un don, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et les charges transférées, notamment pour le social ! Ce n'est pourtant pas en saignant les bien portants que l'on soigne le malade qui, lui, en demande toujours plus tant son addiction est grande. La péréquation est bienvenue, mais souvent financée par les autres.

Monsieur le Premier ministre, mettrez-vous enfin aux arrêts ce bandit de grand chemin et rendrez-vous leur dû à nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - J'ai noté la gravité de votre propos, qui recueille sans doute l'assentiment de beaucoup au Sénat. Vous employez des mots forts, mais êtes aussi constructif et savez reconnaître les faits. Je salue votre travail sur les collectivités territoriales, mené avec Isabelle Briquet.

Le fleuve part de sa source : en l'occurrence une dette de 3 400 milliards d'euros, qui s'aggrave de 12 millions d'euros chaque heure qui passe.

M. Jean-François Husson.  - Ce n'est pas le Saint-Esprit qui a fait la dette !

Mme Françoise Gatel, ministre.  - La maison France compte à la fois l'État et les collectivités territoriales. Notre ambition est de redresser notre pays pour qu'il retrouve des couleurs et que nous puissions assurer jusqu'au dernier kilomètre les services que nous devons rendre.

Vous vous saisirez des évolutions budgétaires. Vous mettez le doigt sur les irritants, avec raison ! Mais l'ensemble des transferts de l'État vers les collectivités territoriales représente 154 milliards d'euros par an... Sont incluses les dotations dont vous parlez. Nous avons maintenu les dotations globales de fonctionnement. Le Premier ministre a exprimé sa solidarité absolue avec les départements la semaine dernière. Le fonds de sauvegarde passera de 300 millions d'euros à 600 millions d'euros. (On s'impatiente sur plusieurs travées, le temps de parole de l'oratrice étant écoulé.)

M. le président.  - Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Françoise Gatel, ministre.  - Je reconnais là la frugalité du Sénat. Nous continuerons à travailler ensemble.

M. Stéphane Sautarel.  - Les collectivités territoriales ne sont pas responsables de la situation de nos finances publiques, que je n'ignore pas. En 2025, leurs dépenses progressent moins que celles de l'État et de la sécurité sociale. Un proverbe africain dit que quand on est dans le fleuve, on ne le voit plus. C'est le cas de l'État. Faites confiance aux collectivités territoriales et ne les ponctionnez pas davantage ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; MM. Jean-Yves Roux et André Guiol applaudissent également.)

Forages en Guyane

M. Georges Patient .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La Guyane française restera-t-elle éternellement sacrifiée ? Je pose cette question avec gravité et indignation.

La Guyane a des richesses minières et halieutiques, mais qui ne vont pas aux Guyanais. Pire, d'autres les volent, comme les garimpeiros brésiliens. Il en ira bientôt de même pour le pétrole.

La loi Hulot a placé notre territoire sous cloche. Tous nos voisins explorent, produisent et se développent grâce au pétrole. Le Brésil de Lula, en pleine COP30, a même ouvert de nouvelles zones d'exploration le long de notre frontière maritime. Pourquoi la Guyane française devrait-elle être la seule à se montrer exemplaire sur tout le plateau des Guyanes ? Qu'on ne dise pas que c'est par souci écologique, car, même en 2050, si la France atteint la neutralité carbone, elle continuera à importer des hydrocarbures.

Nous sommes une vitrine, un sanctuaire inerte, sans compensation. Cette cloche posée sur la Guyane est une servitude coloniale, l'expression d'un paternalisme qui n'a plus lieu d'être. La Guyane ne demande aucun passe-droit, mais souhaite un développement endogène lui offrant des routes, de l'eau potable, de l'électricité 24 heures sur 24, des logements. Les Guyanais ne veulent plus que la moitié d'entre eux restent dans la pauvreté.

Monsieur le Premier ministre, il est temps de retirer cette cloche. Les Guyanais ne peuvent plus attendre ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Catherine Conconne et M. Victorin Lurel applaudissent également.)

Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée chargée de la mer et de la pêche .  - Je veux d'abord dire ma fierté de m'exprimer pour la première fois devant la représentation nationale.

Je vous prie d'excuser Monique Barbut, au Brésil pour la COP30. Elle se rendra ensuite en Guyane, où elle échangera avec vous sur le développement économique et la préservation des ressources, qui doivent être exploitées au bénéfice des Guyanais.

Après un dîner du Président de la République avec les élus d'outre-mer le 15 octobre, un groupe de travail a été créé (exclamations ironiques sur des travées du groupe UC) pour définir un cadre institutionnel adapté à chaque territoire. La valorisation des ressources et l'autonomie énergétique seront examinées. De ce point de vue, la Guyane est exemplaire, avec un mix énergétique 100 % renouvelable en 2027.

À l'heure où la France et une grande partie des États se lancent dans l'électrification des usages, le lancement de projets d'exploitation d'hydrocarbures ne me semble pas aller dans le sens de l'histoire. (Marques d'impatience sur plusieurs travées)

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée.  - Lors de la COP30, les solutions venues de l'océan sont de plus en plus évoquées.

Mme Laurence Rossignol.  - Monsieur le président, il faudrait rappeler aux ministres les règles de temps de parole !

Préservation des petites lignes ferroviaires dans le Grand Est

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Nicole Duranton applaudit également.) Le TGV Est, mis en place en juin 2007, répond, avec le TER, à un besoin de désenclavement des territoires du Grand Est. Je salue l'ancien président du Sénat Christian Poncelet pour son action en la matière.

Toutefois, un sentiment d'abandon point. Les Ardennais sont attachés à leurs deux TGV quotidiens, desservant Rethel, Charleville-Mézières et Sedan. Or, depuis la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, que je n'ai pas votée en 2018, les correspondances entre TGV et TER sont devenues difficiles. Le tout-numérique a quasiment fait disparaître le personnel en gare, notamment à Rethel et Champagne-Ardenne TGV. Comment assurer les interconnexions ? Les TGV directs seront-ils maintenus ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. Philippe Tabarot, ministre des transports .  - Le train est un formidable outil d'aménagement du territoire ; il a vocation à le rester. Je ne vous l'apprends pas, car vous êtes un fin connaisseur du train dans notre pays. (Applaudissements sur diverses travées)

L'offre dans votre territoire restera stable. La SNCF a confirmé le maintien des TGV desservant Rethel, Charleville-Mézières et Sedan.

J'ai placé la sécurité et la qualité de service au coeur de mon action, comme en témoigne la proposition de loi que j'ai déposée en tant que sénateur et qui a été promulguée lorsque je suis devenu ministre.

Des solutions existent pour maintenir des guichets physiques, mais ce sont les régions qui en ont la compétence. La région Grand Est travaille à une alternative avec La Poste de Rethel, à moins de 500 mètres de la gare.

Au-delà de l'offre, il y a l'infrastructure. Le réseau est la mère des batailles, selon le nouveau PDG de la SNCF, Jean Castex. Son prédécesseur le disait déjà ! (M. Jean-Pierre Farandou apprécie.)

À la suite de la conférence transpartisane de financement des infrastructures, lancée à mon initiative, de grandes orientations ont été définies. Une loi-cadre sera présentée prochainement, comme l'a indiqué le Premier ministre. Le fruit des péages ferroviaires sera fléché vers le réseau, soit plus de 1,5 milliard d'euros d'ici à 2028 pour résorber la fameuse dette grise. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et du groupe Les Républicains)

Décentralisation budgétaire et aménagement du territoire

M. Jean-Yves Roux .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.) M. le Premier ministre a annoncé proposer au Parlement un nouvel acte de décentralisation et de déconcentration visant à clarifier les compétences entre l'État et les collectivités, renforcer le rôle des préfets et simplifier l'action locale. Quid de l'exercice des compétences constitutionnelles et des priorités de l'État ?

La décentralisation budgétaire subie questionne la cohérence du contrat entre l'État et les territoires.

Les signaux d'alerte sont nombreux : situation critique des départements, réduction des missions d'aménagement dans le contrat de présence postale, Dilico (dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales), gel de la TVA et hausse des cotisations salariales, qui fragilisent les territoires industriels, insuffisance du fonds d'investissement pour les territoires...

Notre contrat commun se juge aussi à sa capacité à résister aux crises. Or les risques climatiques ainsi que les menaces sécuritaires et cyber vont fragiliser nos territoires.

Clarifier les compétences, oui, mais avec qui ? Pas seulement ceux qui ont les moyens de tenir ! Dans un contexte de crise budgétaire majeure, comment préserver les principes d'un aménagement équilibré du territoire, dans un partenariat fort, responsable et prospectif ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Bernard Buis et Cédric Chevalier applaudissent également.)

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - Nous vivons un moment irritant, douloureux : celui du budget. Il nous faut un budget de responsabilité et de frugalité. Le Sénat va entamer ses travaux.

Comment envisager d'autres méthodes, quand on se soucie d'abord de la fin du mois ? Le Sénat a produit quantité de rapports intéressants ; Éric Woerth et Boris Ravignon ont également fait des propositions. Il nous faut retrouver la confiance des élus et des citoyens ; travailler autrement, dans la liberté et la responsabilité.

La question des dotations et des ressources des collectivités mérite d'être mise à plat. Travaillons ensemble, à partir de tous les matériaux fournis, sur « qui fait quoi ». La multiplicité d'intervenants sur certaines compétences est source de lenteur et de surcoûts.

S'agissant de la déconcentration, le préfet de département doit avoir un rôle de chef d'orchestre. Trop souvent, on a cinq services de l'État et trois agences qui émettent des avis différents... et les maires au milieu ! Un décret a été pris en ce sens.

Aux uns et aux autres enfin d'être plus légers sur la production de normes - nous sommes parfois collectivement responsables des difficultés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Assassinat de Mehdi Kessaci (II)

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Un jeune homme de 20 ans a été abattu au coeur de Marseille - il rêvait de devenir policier. Le procureur évoque un crime d'avertissement. Si ce n'est toi, ce sera ton frère : pour atteindre Amine Kessaci, on tue son frère Mehdi.

Tous le disent : un cap a été franchi. Mais cela fait longtemps ! Des quartiers sous la coupe des narcotrafiquants, des habitants pris en otage, la peur d'une balle perdue, une jeunesse désoeuvrée, sans avenir ; le narcotrafic empoisonne toutes nos communes, et pas seulement Marseille. Tous les maires peuvent en témoigner ! Ils ont besoin d'être épaulés par l'État pour lutter contre la pègre.

Après chaque drame, l'État réagit -  puis on passe à autre chose. On s'en doutait : vos opérations Place nette XXL n'ont pas fait place nette.

C'est un combat de longue haleine. La loi Narcotrafic de juin 2025 commence à produire des résultats, mais elle est bancale. Il manque un volet sur la prévention, l'aide aux familles des victimes, aux mineurs non accompagnés, comme ce garçon de 12 ans attaqué à Grenoble.

Le Gouvernement compte-t-il compléter la loi Narcotrafic en ce sens ? Quelles garanties apportez-vous aux familles et aux élus, exposés à des actes de violence ou d'intimidation ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et du GEST, ainsi que sur certaines travées du groupe CRCE-K ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur .  - Ce meurtre d'intimidation marque un point de rupture.

Je ne peux vous laisser dire que l'État n'agit que dans l'urgence en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. C'est à Marseille, en 2015, sous François Hollande, que le décloisonnement entre services a été lancé ; on a remédié à l'absence de coordination qu'illustrait le film BAC Nord. Depuis, chaque gouvernement a apporté sa pierre à l'édifice.

Les opérations Place nette ont été suivies par une occupation de l'espace public, pour éviter que les réseaux ne se réimplantent - méthodiquement, secteur par secteur, en particulier à Marseille. Cette politique se poursuit.

La loi Narcotrafic apporte des outils indispensables - techniques de renseignement, moyens d'investigation, gel des avoirs, etc. Nous aurions aimé avoir accès aux communications cryptées... (Applaudissements et marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Catherine Conconne renchérit.) La question se reposera sans doute. Un état-major a été créé au plan national, les services échangent les informations. Nous menons la bataille, nous menons la guerre.

Il n'y a pas que le répressif, certes, et cette politique s'est toujours accompagnée d'une politique sociale et de prévention. J'ai trouvé dans mes cartons, à mon arrivée, la nouvelle stratégie de prévention de la délinquance, qui répondra, je pense, à vos préoccupations. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Catherine Conconne applaudit également.)

Difficultés financières des collectivités territoriales (II)

Mme Céline Brulin .  - Allez-vous renoncer à l'effort de 8 milliards d'euros demandé aux collectivités ? À la pérennisation du Dilico (dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales), dispositif insensé qui ponctionne les collectivités sans tenir compte de leurs réalisations ?

Les dotations à l'investissement servent de variables d'ajustement budgétaire, alors que les investissements des collectivités sont déterminants pour le tissu économique ou la transition énergétique. Ces choix menacent les services publics de proximité, les associations, les PME, la vie quotidienne des habitants.

Vous ne tarissez pas d'éloges sur les élus locaux, mais leur donnerez-vous les ressources nécessaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - Je vous connais bien, madame la sénatrice. Tous les sénateurs partagent votre intérêt pour les collectivités. Le Gouvernement également, et je salue les élus locaux présents en tribune.

Je me répète, mais les faits sont tenaces : le montant des transferts de l'État vers les collectivités prévu au budget 2026 s'élève à 154 milliards d'euros. Les dotations globales de fonctionnement ont été maintenues. Le fonds de sauvegarde des départements passe de 300 à 600 millions d'euros. La dotation de solidarité rurale et la dotation de solidarité urbaine progressent de 290 millions d'euros.

Mais avec 3400 milliards de dette, il faut être responsables.

En 2026, il y aura des élections municipales : on sait qu'à la veille des renouvellements, les investissements sont moindres. Cette année, nous avons donc privilégié le fonctionnement.

Sur le Dilico, rendons à César ce qui est à César : ce dispositif a été imaginé à la fois par le Gouvernement et le Sénat. Le Dilico 1 vous a été rendu à hauteur de 30 %. Le Dilico 2 fera l'objet de discussions futures.

M. Loïc Hervé.  - C'est un irritant !

M. Jean-François Husson.  - Cela ne changera pas !

Mme Céline Brulin.  - D'où sort ce chiffre de 154 milliards d'euros ? En 2024, les transferts de l'État vers les collectivités étaient de 105 milliards, et ils n'ont cessé de diminuer ! C'est la moitié de ce que l'État verse en aides aux entreprises, sans le moindre contrôle, comme l'a montré notre commission d'enquête, alors que les élus locaux, eux, doivent justifier de l'utilisation du moindre euro !

Les employeurs bénéficient d'exonérations de cotisations mortifères pour nos finances et sans effet sur l'emploi, tandis que les collectivités, les hôpitaux et les Sdis subissent une hausse de trois points du taux de cotisation à la CNRACL, et ce jusqu'en 2028 !

Votre budget n'est ni responsable ni frugal : ce sont des choix politiques, que nous contestons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ainsi que sur quelques travées du groupe SER et du GEST ; M. Christian Bilhac applaudit également.)

Chute des recettes de TVA

M. Daniel Fargeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Chute de 10 milliards d'euros des recettes de TVA. On nous dit que les prévisions déraillent -  comme si personne à bord n'avait vu le changement de cap. Tout le monde fait mine de tomber de sa chaise -  comme si la dérive n'était pas annoncée.

La TVA se comporte comme si la France était en récession, or la consommation progresse. C'est la boussole fiscale qui s'affole, pas l'économie réelle.

Votre réponse ? Une mission flash. Vos explications ? Petits colis, sous-déclarations, fraudes, facturation électronique à venir... De la poudre aux yeux. Rien qui explique une dérive de plusieurs milliards !

Le problème est clairement à l'intérieur de l'État. Après la réforme de la taxe d'aménagement, les prévisionnistes qui ne savent plus prévoir, Bercy avance tel le Titanic : on a heurté l'iceberg, la coque se fissure, mais l'orchestre continue de jouer. Et autour, c'est l'équipage ? collectivités, entreprises, contribuables ? qui écope. Des efforts, encore des efforts ! Comment l'État peut-il être aussi exigeant avec les autres et si peu avec lui-même ?

Dix milliards, ce n'est pas un bug, c'est une alerte avant impact. À quand un chantier structurel à Bercy ? À quand une réforme de l'État, sans laquelle le pays qui prend l'eau ne pourra ni éviter la collision ni redresser la barre ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur plusieurs travées du groupe INDEP)

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Les objectifs fixés lors de la CMP sur la loi de finances initiale pour 2025 sont tenus : la cible de déficit de 5,4 % est en passe d'être atteinte. Le Gouvernement a maîtrisé les dépenses ; en matière de prévision de recettes, l'écart est d'environ 0,7 milliard d'euros. C'est important, en termes de responsabilité démocratique et budgétaire.

La transparence est totale. Certaines recettes ont été supérieures aux estimations, d'autres, comme la TVA, inférieures. Un comité de suivi a été mis en place, impliquant le Gouvernement et les parlementaires, après de premières alertes en juillet dernier. Cela a été pris en compte dans le cadre du projet de loi de finances et sera acté dans le projet de loi de fin de gestion.

En cause, il y a effectivement les petits colis. C'est une évolution majeure de la consommation des ménages. D'où la mesure de correction prévue au PLF. Il y a également la question de la fraude, dont vous avez débattu récemment ; le projet de loi est devant l'Assemblée nationale.

Les objectifs sont tenus, la transparence est totale. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

M. Jean-François Husson.  - Merveilleux !

M. Daniel Fargeot.  - Tant que vous n'irez pas en cale pour ouvrir ce chantier, nous n'arriverons pas à bon port ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Industrie spatiale européenne

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine dernière, le Président de la République présentait sa stratégie spatiale pour 2040. J'ai cru entendre Delon et Dalida : « Paroles, paroles... » (Marques d'amusement)

Les « caramels, bonbons et chocolats » offerts à la filière spatiale française ne font pas illusion. À l'issue d'un tour de table organisé la semaine prochaine, le budget de l'Agence spatiale européenne (ESA) devrait augmenter fortement. Mais en investissant à peine plus de 3 milliards d'euros, la France s'apprête à être surclassée par les 5 et 4 milliards d'euros de l'Allemagne et l'Italie. Pourtant, à moins de 4,5 milliards d'euros d'investissement, notre industrie souffrira.

Quelle sera la contribution française à l'ESA ? Notre pays restera-t-il un leader mondial ou sera-t-il relégué en deuxième division ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

M. Philippe Baptiste, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'espace .  - Le spatial est essentiel à notre autonomie stratégique ; c'est aussi un pilier de notre défense et un domaine essentiel pour la science.

Notre stratégie spatiale nationale réaffirme notre ambition de rester dans la course, grâce à nos capacités concrètes - Ariane 6, le Centre national d'études spatiales (Cnes), nos satellitiers, équipementiers et start-up.

L'Europe doit se penser comme une puissance spatiale, dotée d'un modèle ambitieux et appuyée sur la préférence européenne pour soutenir ses industriels.

Il est un peu tôt pour répondre sur la conférence ministérielle de l'ESA : vous avez cité des chiffres, mais aucune annonce officielle n'a encore été faite.

La politique spatiale française ne se réduit toutefois pas à l'ESA. Sachez que l'Union européenne va investir des dizaines de milliards d'euros sur 2028-2032. Nous avons aussi une politique nationale de défense, ainsi que des coopérations bilatérales avec de grandes puissances spatiales comme l'Inde et le Japon. Le Président de la République a annoncé 16 milliards d'euros d'ici à 2030 pour le spatial civil. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Je regrette que l'arbitrage ne soit pas encore rendu. Il y a urgence ! Ce n'est pas ainsi qu'on préparera l'avenir pour que la France reste maîtresse de son destin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Déserts médicaux

M. le président.  - La parole est à Mme Paulette Matray, pour sa première question au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Paulette Matray .  - En Bourgogne-Franche-Comté, les chiffres sont alarmants : mortalité supérieure de 2,8 % à la moyenne nationale, plus de 31 000 décès par an, dont plus de 9 000 avant 75 ans. En Saône-et-Loire, la pénurie médicale s'aggrave, avec seulement six médecins généralistes pour 10 000 habitants. Comme plus d'un habitant sur deux, je n'ai pas de médecin traitant.

Des Pyrénées à l'Alsace, les urgences ferment dans les territoires ruraux, les jeunes médecins fuient, les élus s'épuisent. J'ai été maire rurale pendant vingt ans : je comprends leur solitude.

Même si les lois votées sont appliquées avec ambition, il faudra attendre 2030 pour voir les premiers résultats...

Pendant ce temps, le PLFSS 2026 prive notre modèle social de moyens. (Mme Stéphanie Rist le conteste.) Cette politique ressemble plus à une corde autour du cou de nos campagnes qu'à une bouée de sauvetage.

Comment justifier l'absence de plan d'urgence pour l'accès aux soins en ruralité ? Comment garantir que la République n'abandonnera pas ses territoires les plus fragiles ? La France rurale ne peut attendre cinq ans de plus ! (Applaudissements à gauche)

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Nous allons travailler ensemble le budget de la sécurité sociale dans les jours à venir et proposerons une réponse aux difficultés d'accès aux soins. Derrière ces chiffres, il y a des détresses, des angoisses.

L'article 21 bis du PLFSS comporte une mesure présentée par le Premier ministre : la labellisation de 5 000 maisons France Santé d'ici à 2027. Il s'agit de rendre visibles les organisations mises en place et d'accompagner et consolider les différentes structures, grâce à 150 millions d'euros. Nous voulons aussi créer autour des pharmacies encore en place des embryons de coopérations professionnelles, grâce à 50 000 euros par an en moyenne.

Nous vous proposons un véritable choc d'offre de soins avec cette labellisation. (M. François Patriat applaudit.)

Une voix à gauche.  - C'est pas gagné...

Fermetures de services hospitaliers

Mme Béatrice Gosselin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comme ma collègue du Calvados la semaine dernière, je reviens sur la fermeture des urgences du CHU de Caen. Ce n'est, hélas, pas un accident isolé, car notre système est à bout de souffle : des services reposent sur des internes, faute de médecins titulaires ; des hôpitaux ne tiennent que grâce à l'intérim ; quand un maillon cède, les patients se retrouvent sans solution. Sans attractivité et sans stabilité des équipes, nous continuerons à colmater des failles.

Quelles mesures structurelles comptez-vous prendre pour garantir la présence de médecins dans les services d'urgences ? Où en sont les décrets d'application de la loi Valletoux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Nous avons 612 services d'urgences. Oui, certains sont en difficulté, à cause principalement de la démographie médicale.

À Caen, l'encadrement des internes a fait défaut pendant six mois. Les professionnels se sont donc organisés afin que les urgences ne soient pas fermées.

Nous nous préparons aussi aux épidémies hivernales : il est toujours temps de se vacciner contre la grippe, pour aider nos services d'urgences à tenir.

Le financement des établissements de santé, c'est 112 milliards d'euros cette année, en hausse de 5 milliards. Nous avons amendé le PLFSS pour ajouter 850 millions d'euros supplémentaires, ce qui nous permettra de travailler sur le tarif hospitalier. Nouveauté : les établissements de santé auront leurs tarifs hospitaliers dès janvier. J'annoncerai en fin d'année les investissements pour les dix prochaines années. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Béatrice Gosselin.  - Certes, vous allez augmenter le tarif hospitalier. Mais nous avons besoin de visibilité, d'équipes organisées et de remplacements ! C'est un problème structurel. Nous comptons sur vous et sur l'ensemble des médecins pour traiter les urgences. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)

Industrie automobile

Mme Annick Jacquemet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 15 octobre dernier, la commission des affaires économiques adoptait les conclusions de la mission d'information sur l'avenir de la filière automobile française. Ce secteur, colonne vertébrale de notre tissu industriel, est menacé de péril mortel. Avec mes corapporteurs, Alain Cadec et Rémi Cardon, nous avons formulé dix-huit recommandations.

La Commission européenne fera des annonces le 10 décembre. La France doit participer à ces discussions avec une parole forte.

Votre gouvernement veut défendre des flexibilités en matière de neutralité technologique, à condition qu'elles s'accompagnent de préférence européenne. Mais, à la différence de notre voisin allemand, la France ne demande pas à ce stade d'assouplir l'échéance de 2035 pour la fin de la vente de véhicules thermiques neufs. Or c'est indispensable si notre industrie veut rattraper son retard.

Certes, nous devons être ambitieux en matière de décarbonation, mais ne nous tirons pas une balle dans le pied. Qu'allez-vous faire pour sauver cette filière d'excellence ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Somon applaudit également.)

Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - Mon collègue Sébastien Martin vous prie de l'excuser et sera ravi de vous rencontrer.

M. Loïc Hervé.  - Quelle chance !

Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée.  - Oui, nous sommes à un moment charnière pour la filière automobile : le marché se contracte, les tensions géopolitiques perturbent les chaînes d'approvisionnement, la concurrence déloyale menace la chaîne de valeur.

Mais nous avons des atouts formidables : tous les constructeurs ont une offre électrique ; quatre usines de batterie vont monter en compétence ; 24 % des ventes en octobre concernaient des véhicules électriques, un record historique.

La Commission européenne devrait annoncer l'assouplissement des objectifs des constructeurs, l'instauration d'une préférence européenne et des aides à l'achat de véhicules électriques européens pour les entreprises. Oui à des souplesses, mais uniquement pour aider nos entreprises et stopper les délocalisations. Fabriquer en Europe doit être récompensé par des aides à l'achat et une fiscalité adaptée, notamment.

Nous avons instauré des aides : 4 000 euros pour l'achat d'un véhicule électrique, 5 000 euros si la batterie est européenne et jusqu'à 7 000 euros pour le leasing social.

Nous voulons une industrie automobile indépendante, forte et créatrice d'emplois de qualité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Souveraineté en matière de médicaments

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe à cette question mon collègue du Lot-et-Garonne, Michel Masset.

Fondé dans notre département, le laboratoire UPSA symbolise depuis près d'un siècle le savoir-faire pharmaceutique français, exportant dans plus de 70 pays tout en demeurant profondément enraciné en Lot-et-Garonne : preuve que l'excellence française peut rayonner dans le monde en restant fidèle à nos territoires.

Ce laboratoire vient d'obtenir la certification « Origine France Garantie ». Hélas, produire des médicaments en France devient de plus en plus difficile. Des engagements pris dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et réaffirmés depuis tendent bien à favoriser la production nationale pour garantir notre sécurité d'approvisionnement, mais les décrets fixant des règles de fixation des prix valorisant les médicaments fabriqués en France par un laboratoire français n'ont pas tous été signés.

Quand le Gouvernement prendra-t-il enfin ces mesures indispensables à la pérennité de la production pharmaceutique française ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Michel Masset applaudit également.)

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Le Président de la République a lancé en 2023 un plan de relocalisation de la production de médicaments essentiels. Une quarantaine de médicaments sont fabriqués dans notre pays, mais nous devons faire mieux.

Lors du récent sommet Choose France, j'ai rencontré la directrice d'UPSA, qui souhaite inscrire sur les boîtes de médicaments la mention « Fabriqué en France ». Mon ministère poursuivra les travaux en ce sens, en lien avec l'Anses.

Par ailleurs, le Comité économique des produits de santé peut désormais prendre en compte la localisation de la fabrication dans la fixation des prix ; cette prise en compte doit devenir systématique.

Enfin, notre souveraineté doit aussi s'envisager à l'échelle européenne. Choose France a débouché sur des pistes de travail, la France et l'Allemagne constituant sur ce sujet un binôme précurseur.

Décentralisation des services du ministère de l'intérieur

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Raphaël Daubet applaudit également.) Le 16 mars 2022, le ministre de l'intérieur d'alors, Gérald Darmanin, toujours membre du Gouvernement, annonçait une liste de vingt villes retenues pour accueillir des services du ministère. Les municipalités concernées se sont réjouies que l'État s'engage enfin dans une politique volontariste d'aménagement du territoire.

Seulement voilà : pas un seul agent n'a été relocalisé, et le désenchantement est à la hauteur des espérances d'il y a trois ans. À Morlaix, un projet Action coeur de ville tombe à l'eau, car lié à l'installation du bureau des droits à conduire. À Lens, la municipalité se prive de recettes en attendant que la police judiciaire s'installe dans les locaux qui leur sont réservés. À Montpellier, un terrain mis à la disposition par la ville attend l'Académie de police et la direction centrale du recrutement. À Saint-Étienne et au Mans, aucune nouvelle...

J'ai demandé à cinq reprises au Gouvernement si la relocalisation à Cahors d'une antenne de l'inspection générale de la gendarmerie nationale est retardée ou abandonnée : aucune réponse, alors que sur place tout est prêt.

Monsieur le Premier ministre, vous au moins savez peut-être si le commandement pour la sécurité nucléaire s'implantera bien à Vernon, votre commune...

En ces jours de congrès des maires où se manifeste la nécessité de restaurer la confiance, le Gouvernement doit la vérité aux élus : où en est ce dossier ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. André Guiol et Mme Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur .  - Oui, des relocalisations de services centraux en région ont été annoncées en 2021.

Des décisions ont été prises : le service national des enquêtes administratives de sécurité s'est installé à Angers, des services financiers à Metz. Au total, huit relocalisations ont été menées à bien.

À la suite des difficultés budgétaires que vous n'ignorez pas, d'autres décisions ont été suspendues ? ce qui ne veut pas dire abandonnées.

M. Hussein Bourgi.  - On a servi les ministres et oublié les autres !

M. Laurent Nunez, ministre.  - Je me tiens à la disposition des élus concernés pour examiner ces situations.

Une parole de l'État a été prononcée...

M. Hussein Bourgi.  - Mais pas honorée !

Mme Audrey Linkenheld.  -  Les promesses n'engagent, et cetera...

M. Laurent Nunez, ministre.  - ... et des décisions ont été prises par mes prédécesseurs, compte tenu de la situation budgétaire ; je les assume. Ces décisions ne sont pas définitives. Discutons-en ville par ville, service par service.

M. Jean-Marc Vayssouze-Faure.  - Je ne suis pas sûr d'être plus avancé... (On ironise sur les travées du groupe SER.) Nous parlons de la parole d'un ministre toujours aux affaires : qu'en pense M. Darmanin ? Un renoncement serait un nouveau coup porté à la confiance entre l'État et les collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas et M. Ian Brossat applaudissent également.)

Hôpitaux dans les outre-mer

Mme Annick Petrus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le mois dernier, au centre hospitalier de Saint-Martin, un chirurgien exerçant depuis plus de dix ans a été suspendu après que le conseil de l'Ordre avait signalé un doute sur la validité de son diplôme.

D'une gravité exceptionnelle, cette affaire souligne les carences dans les contrôles internes à l'établissement comme dans la chaîne de vérification des qualifications des praticiens exerçant en outre-mer. Comment un chirurgien a-t-il pu opérer pendant des années sans diplôme reconnu, alors que les médecins formés dans l'Hexagone sont soumis à des vérifications particulièrement strictes ? Il y a là une forme d'injustice et un risque majeur pour la sécurité des soins.

Les habitants des territoires ultramarins doivent bénéficier du même niveau d'exigence à l'hôpital public que les patients de l'Hexagone !

À la faveur d'une dérogation, des médecins étrangers peuvent travailler en Guyane, au motif que le territoire est un désert médical ; ils peuvent ensuite travailler tranquillement en Guadeloupe, en Martinique ou à Saint-Martin. Pourquoi les déserts médicaux ultramarins ne se voient-ils pas appliquer les mêmes dispositifs que dans le reste du pays, comme les aides à l'installation ? Est-il plus facile de nous envoyer des étrangers sans véritable contrôle de leur diplôme ?

Comment comptez-vous rétablir la confiance, assurer la sécurité des soins et garantir l'égalité des règles applicables aux praticiens, où qu'ils exercent ?

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - La sécurité des soins et la vérification des qualifications des praticiens ne sont pas négociables.

Il appartient au conseil de l'Ordre des médecins de contrôler les diplômes des praticiens, à l'employeur public hospitalier de s'assurer de leurs compétences et autorisations.

Nous ne minimisons pas la gravité de l'affaire de Saint-Martin, dont la justice est saisie. Nous prenons nos responsabilités : le centre hospitalier Louis Constant Fleming a fait l'objet d'un diagnostic approfondi, d'une administration provisoire et d'un plan de soutien de 18 millions d'euros ; l'arrivée d'un nouveau directeur doit rétablir un fonctionnement sûr et stabilisé.

Plus largement, nous agissons pour garantir partout en outre-mer la même exigence que dans l'Hexagone. Nous avons ouvert 530 postes en 2024, modernisons les infrastructures et renforçons les coopérations interhospitalières.

Je veillerai au plein rétablissement de la confiance à Saint-Martin et suis disponible pour examiner tous les besoins de nos outre-mer.

Cyber-protection de l'État

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le site Pajemploi vient d'être victime d'un piratage. Numéros de sécurité sociale, de téléphone, adresses : 1,2 million de données personnelles d'assistantes maternelles et d'employeurs particuliers pourraient avoir été dérobées. Les excuses sont bienvenues, mais ne suffisent pas -  tant s'en faut.

Ces fuites ne sont pas anodines, à l'heure où nombre d'entités malveillantes cherchent à nous déstabiliser ou à monnayer des données. Les organismes d'État à qui nous confions des données personnelles sont-ils en mesure de faire face à une cybercriminalité croissante dans le contexte d'une guerre 2.0 ? Consacrons-nous des moyens suffisants à notre protection ? Comment comptez-vous rassurer les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Pierre Cuypers, Guillaume Chevrollier et Alexandre Basquin applaudissent également.)

Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - Il y a cinq jours, l'Urssaf a signalé une fuite de données concernant environ 1,2 million d'employeurs. L'attaquant aurait compromis un compte employeur et profité d'une vulnérabilité, corrigée depuis lors. La Cnil a été avertie, le parquet de Paris saisi. Nous présenterons de plus amples explications lorsque l'enquête sera achevée.

Il est indispensable de renforcer la cyberprotection de la nation : c'est le sens de l'actualisation en cours de notre stratégie nationale cyber. Il s'agit notamment de mieux protéger les données sensibles et de sensibiliser les utilisateurs.

Soyons clairs : aucune entité, publique ou privée, ne saurait se soustraire aux exigences de cybersécurité. Le texte transposant la directive NIS 2 est en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

Nous devons aussi agir en Européens : hier, le sommet franco-allemand sur la souveraineté numérique a fait apparaître notre convergence pour une révision du Cybersecurity Act. (Mme Anne-Sophie Patru applaudit.)

M. François Bonneau.  - Comme le canard, restons calmes tout en pédalant fort sous la surface ! Hélas, le projet de loi sur la cybercriminalité n'a toujours pas été examiné par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance est suspendue à 16 h 20.