Réuni le mardi 28 janvier 2025, sous la présidence de M. Bruno BELIN (Les Républicains – Vienne), président, le groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest s’est entretenu avec MM. Illia DJADI, ancien journaliste à la BBC et analyste international pour l’ONG Portes Ouvertes, et Guillaume GUENNEC, co-directeur de Portes Ouvertes France et responsable de l’Index mondial de persécution des chrétiens.
A également participé à la réunion : M. François BONNEAU (Union centriste – Charente), président délégué pour le Niger.
M. Guillaume GUENNEC a rappelé que Portes ouvertes était une organisation non gouvernementale d’origine protestante fondée en 1955, présente dans 70 pays, pour assurer une veille sur les persécutions des chrétiens, à l’époque dans les pays de l’Est, et aujourd’hui partout dans le monde. Cette ONG dispose de plusieurs leviers pour venir en aide aux chrétiens persécutés : soutien socio-économique, microcrédit, reconstruction de logements, aide humanitaire d’urgence, soutien juridique, soins post-traumatiques, etc. Elle établit, chaque année depuis 1993, avec l’aide de 4 000 correspondants au total, un Index mondial de la persécution des chrétiens. De cet Index, il résulte que 78 pays dans le monde, dont 26 pays africains, sont concernés par les persécutions anti-chrétiennes ; 380 millions de chrétiens sont confrontés à des situations de fortes persécutions et discriminations du fait de leur foi, soit un chrétien sur sept. Les tendances de moyen terme montrent une hausse de ces persécutions, en particulier en Asie centrale, et un ciblage des chrétiens par les groupes djihadistes, plus particulièrement en Afrique subsaharienne (Mali, Burkina Faso, Niger, République démocratique du Congo ou Mozambique). Depuis 30 ans, la quasi-totalité du continent africain est gagnée par ce phénomène, à l’origine circonscrit à l’Afrique du Nord.
M. Illia DJADI a fait observer que l’Afrique subsaharienne était confrontée à de nombreux problèmes (gouvernance défaillante, pauvreté généralisée, chômage des jeunes) qui constituent autant de facteurs de fragilisation, notamment de sérieux problèmes sécuritaires dans un contexte de progression de l’islam radical, principale cause de persécution des chrétiens. L’épicentre du djihadisme international se situe aujourd’hui au Sahel central, où se déploient, dans un mouvement de transfert depuis l’Irak, la Syrie et la Libye, des groupes affiliés à l’État islamique et al Qaeda. Deux groupes sont particulièrement actifs au Sahel : le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique au grand Sahara (EIGS). Ces groupes étendent leur emprise sur le Golfe de Guinée, en particulier les régions nord du Bénin et du Togo, visées régulièrement par des attaques djihadistes. Le bassin du lac Tchad est lui aussi touché : Boko Haram est actif, depuis 2009, dans le Nord-Est du Nigeria et étend son emprise dans les pays voisins : Tchad, Niger et Cameroun. Le groupe a connu une scission et dispose d’une faction affiliée à l’État islamique, plus connue sous le nom d’État islamique en Afrique de l’Ouest.
M. Illia DJADI a estimé que l’idéologie islamique, qui vise à établir un califat dans cette zone, comme Daech l’avait fait au Moyen-Orient, constitue le principal facteur d’expansion du djihadisme, qui tire parti des fragilités sahéliennes (pauvreté, population jeune et désœuvrée, changements climatiques importants alternant sécheresses et inondations et provoquant des famines et déplacement en masse des populations). Dans cette entreprise, elle vise non seulement les chrétiens, mais aussi les écoles, perçues comme une institution occidentale, les symboles de l’État et les musulmans modérés. L’extrémisme religieux islamique progresse également du fait de la libéralisation politique engagée en Afrique au début des années 1990, de la corruption des élites politiques et militaires, des conséquences de la crise en Libye depuis l’intervention de l’OTAN en 2011, de la concurrence des influences étrangères (française, chinoise, russe, turque, pays du Golfe, etc.) ou encore des activités d’acteurs non étatiques (entreprises multinationales, cartels de drogues, groupes armés). Beaucoup de jeunes Africains rejoignent les rangs des groupes terroristes, non par choix idéologique, mais par nécessité économique. La bande sahélienne, du Sénégal au Soudan, est une zone d’instabilité politique, marquée par des coups d’État et des guerres civiles, traversée par les routes des trafics de cocaïne et de haschich et souffrant d’une crise humanitaire dramatique à l’origine de plusieurs millions de personnes déplacées. Cette situation met en péril l’existence même de plusieurs États – certains d’entre eux contrôlent à peine la moitié de leur territoire –, et constitue une menace pour la cohésion sociale et la liberté de culte. Dans ce contexte, les chrétiens ont été contraints de s’adapter, voire de passer en mode survie, notamment dans le Nord et l’Est du Burkina Faso et dans le Centre du Mali.
En réponse à une question de M. François BONNEAU, président délégué pour le Niger, M. Illia DJADI a indiqué que les persécutions des chrétiens au Nigeria concernaient surtout le Nord du pays – 12 États du Nord, sur les 36 que compte la fédération nigériane, ont adopté la charia en 1999-2000. À l’échelle du continent, les persécutions peuvent être le fait de l’État comme en Érythrée, mais également rendues possibles par les faiblesses de l’État, comme l’illustre aussi le cas du Nigeria. Les religions traditionnelles animistes constituent aussi une source importante de persécutions des chrétiens.
M. Guillaume GUENNEC a noté que chaque pays avait ses spécificités : l’Érythrée, par exemple, cible certaines communautés chrétiennes telles que les pentecôtistes. Les convertis sont aussi très souvent la cible de persécutions au sein de leurs familles ou communautés. Plus de 35 000 chrétiens ont été tués au Nigeria depuis dix ans.

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- M. Xavier DUPRIEZ
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