Réuni le mardi 4 mars 2025, sous la présidence de M. Bruno BELIN (Les Républicains – Vienne), président, le groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest s’est entretenu, en visioconférence, avec Mme Nadège CHOUAT, Ambassadrice de France au Bénin.

Ont également participé à la réunion : Mme Martine BERTHET (Les Républicains – Savoie), présidente déléguée pour le Sénégal, M. François BONNEAU (Union centriste – Charente), président délégué pour le Niger, M. Lucien STANZIONE (Socialiste, Écologiste et Républicain – Vaucluse), président délégué pour le Bénin, et Mme Annie LE HÉROU (Socialiste, Écologiste et Républicain – Côtes d’Armor).

Mme Nadège CHOUAT a rappelé que le Bénin est un pays de taille réduite comptant 13 millions d’habitants. Le nombre moyen d’enfants par femme est de 4,5 et l’âge médian de la population est de 19 ans. Le Bénin est le premier producteur et exportateur de coton en Afrique (entre 750 et 850 000 tonnes de coton graine par an). Il est divisé en 12 départements administrés par un préfet, et 77 communes dotées de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et dirigées par un maire élu au suffrage universel direct ; la commune est la seule catégorie de collectivité territoriale. De façon générale, les autorités béninoises ont conduit au cours des dernières années des réformes structurelles en matière politique et industrielle, mais des défis demeurent. La coopération avec la France constitue un levier important pour accompagner ces changements.

L’Ambassadrice a d’abord évoqué des sujets économiques. En matière d’indice de développement humain, le Bénin se situe au 173e rang mondial sur 191. Son PIB s’établit à 19,5 milliards de dollars, et le revenu par habitant est, selon le Fonds monétaire international (FMI), d’environ 1 500 dollars (1 377 euros). Le taux de croissance devrait atteindre 6,5 % en 2025 ; l’inflation est maîtrisée (2 % en 2024) ; la dette publique est stable, à 54 % du PIB, avec un risque de surendettement modéré selon le FMI. L’économie béninoise est peu diversifiée, reposant essentiellement sur le coton et l’exploitation du port de Cotonou ; l’économie informelle avec le Nigeria reste importante. Un programme ambitieux d’un montant de 650 millions de dollars a été conclu avec le FMI en juin 2022. Par ailleurs, le pays poursuit son programme de construction d’infrastructures et mène une politique d’industrialisation volontariste. Toutefois, il est limité par une trop forte dépendance au Nigeria, par le poids de l’économie informelle, qui atteint 60 % du PIB, par l’insécurité dans le Nord du pays et par la fermeture du corridor Cotonou-Niamey depuis le coup d’État au Niger en juillet 2023.

Mme Nadège CHOUAT a rappelé que le Président Patrice TALON avait été réélu en 2021 pour un mandat de cinq ans. Les élections législatives de janvier 2023 ont accordé 81 députés, sur 109 sièges, au parti au pouvoir, et ainsi permis le retour de l’opposition à l’Assemblée nationale. Le code électoral a été révisé l’année dernière, mais cette réforme est controversée dans la mesure où il renforce les conditions de participation et de compétition politique. Les prochaines échéances électorales sont les élections locales et législatives en janvier 2026, puis présidentielles en avril 2026. Le risque de troubles occasionnés par ces échéances politiques n’est pas nul.

L’Ambassadrice a fait observer que le Bénin évoluait dans un environnement sous-régional compliqué. Les relations avec le Niger sont très tendues depuis le coup d’État dans ce pays. Les tensions existent aussi avec le Burkina Faso. Avec le Togo, les relations sont marquées par une concurrence économique, surtout dans le domaine portuaire. Par ailleurs, les attaques djihadistes se multiplient dans le Nord du pays, celle du 8 janvier dernier, à la frontière avec le Niger et le Burkina Faso, a fait 35 morts au sein des forces armées béninoises. Le terreau anti-français au Bénin ne doit pas être sous-estimé. Surtout, la France voit son influence confrontée à de nombreux compétiteurs. La Chine est un acteur incontournable du développement du Bénin, dans les domaines de l’économie, des infrastructures et de la culture. L’influence russe reste contenue, mais la jeunesse panafricaniste peut être séduite par des discours pro-russes et anti-français ; l’ambassade russe à Cotonou s’est dotée d’une stratégie de soft power reposant largement sur les réseaux sociaux. La Turquie est présente dans le commerce, la coopération en matière de développement et les affaires religieuses ; plusieurs projets turcs sont ainsi en cours, notamment dans le domaine éducatif, et les relations bénino-turques donnent lieu à plusieurs visites et accords bilatéraux. L’Inde occupe aussi une place importante : elle est le premier pays fournisseur du Bénin : elle y exporte en particulier son riz, 90 entreprises indiennes étant implantées dans le pays. Le Maroc est, lui aussi, un acteur important, et travaille avec la France au développement du pays.

Mme Nadège CHOUAT a ensuite présenté le partenariat franco-béninois renouvelé. La relation politique est de grande qualité – le Président Emmanuel MACRON a effectué un déplacement au Bénin en juillet 2022 –, et les échanges s’intensifient. Pour autant, ce partenariat n’est pas exclusif. La France cherche à coordonner davantage ses positions et actions avec les États membres de l’Union européenne (UE) présents au Bénin. Elle veille à appliquer une neutralité politique dans les affaires intérieures béninoises ; dans un contexte pré-électoral, elle entend discuter avec l’ensemble des partis politiques béninois et avec la société civile. La coopération française est ainsi repensée : outre les autorités, l’ambassade s’adresse également aux jeunes et aux populations rurales à travers, par exemple, le projet « sport et cohésion sociale » mis en œuvre dans le Nord du pays. Elle est également à l’écoute des mouvements civiques : elle travaille avec la Fondation de l’innovation pour la démocratie (FIDEMO) et a pris des contacts avec des personnalités de la diaspora en France, ainsi qu’avec des réseaux Alumni, d’anciens étudiants béninois, par exemple HEC Paris et Sciences Po – il y a actuellement 5 000 étudiants béninois dans les universités françaises, en hausse de 73 % depuis cinq ans. La France structure sa réponse aux attaques informationnelles, en renforçant ses équipes en influence et en collaborant avec des radios communautaires qui émettent dans le Nord du pays. La communication institutionnelle sur les réseaux sociaux a également évolué : y sont valorisées des thématiques nouvelles, par exemple sur le sport et la culture urbaine, ainsi que les personnalités béninoises qui assurent un lien entre les deux pays ; la visibilité française sur Tik Tok, deuxième réseau social au Bénin, a été accrue.

L’Ambassadrice a indiqué que la coopération de défense et de sécurité s’était intensifiée au cours des derniers mois. La France n’a pas de base militaire au Bénin, et intervient, à la demande des autorités béninoises, en matière de formation, d’équipement militaire ou encore d’appui au renseignement. Le pays héberge plusieurs Écoles nationales à vocation régionale (ENVR), où des coopérants sont présents. C’est le cas en particulier du Centre de perfectionnement aux actions post-conflictuelles de déminages (CPADD), de l’Académie logistique ou encore de l’Académie des frontières, établissements sous autorité béninoise permettant la délivrance de formations certifiées par des coopérants français ; les ENVR illustrent le soutien français aux autorités béninoises. En matière de sécurité, la France s’efforce d’inscrire son action dans les dispositifs européens à la fois pour éviter les doublons et pour parler d’une seule voix. Des coopérants français sont, par ailleurs, mis à disposition de la Police républicaine béninoise et appuient l’Agence béninoise de protection civile, qui gère les pompiers. L’Académie des frontières, ENVR récente précédemment localisée à Niamey, va s’installer à Porto Novo dans les prochains mois.

Puis Mme Nadège CHOUAT a exposé la coopération culturelle qui a connu un net rebond à partir de la restitution par la France des 26 œuvres d’art du Royaume d’Abomey fin 2021. L’Agence française de développement (AFD) détient un portefeuille de 853 millions d’euros (dont 73 % de prêts) au Bénin, soutenant 41 projets et 42 initiatives de la société civile. En juillet 2022, les Présidents MACRON et TALON avaient défini deux secteurs prioritaires pour la coopération franco-béninoise : la culture et la formation professionnelle. Dans le domaine de la culture, la France soutient la politique patrimoniale béninoise en finançant la construction du Musée des rois d’Abomey et la rénovation de quatre palais (35 millions d’euros), ainsi que la construction du Musée d’art contemporain de Cotonou, qui accueillera le futur Institut franco-béninois, dont l’ouverture est prévue fin 2026. En outre, la France finance, à hauteur de 60 millions d’euros, une facilité budgétaire pour la politique culturelle béninoise (gouvernance du secteur public de la culture, diffusion, accès et promotion de la culture). Par ailleurs, la coopération décentralisée, par exemple, entre Porto Novo, Cergy-Pontoise et la métropole de Lyon a permis la rénovation de plusieurs places vaudous de la capitale béninoise, au cours des dernières années. Dans le domaine de la formation professionnelle, 75 millions d’euros sont mobilisés pour financer six grands projets, dont l’enseignement technique et professionnel, l’insertion des jeunes, la construction d’établissements d’enseignement professionnel, notamment agricoles, etc. L’action de la France dans ces domaines est reconnue et l’AFD est devenue chef de file dans le secteur de l’éducation et de la formation professionnelle au Bénin, en partenariat avec la Banque mondiale. D’autres projets peuvent être cités autour de l’éducation des filles, la création de filières d’excellence dans l’enseignement supérieur, la participation de plusieurs établissements français tels que l’université de la Sorbonne, l’École des Gobelins ou l’Institut français de la Mode au projet Sèmè City du gouvernement béninois, consistant en un hub d’excellence dédié à la formation, à la recherche, à l’innovation, à l’incubation et à la création d’entreprises novatrices. La France soutient également les Partenariats académiques Afrique-France, mis en place par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) – il en existe 13 en Afrique, dont 4 au Bénin. Au total, ces actions font que la France reste un pays attractif auprès des étudiants béninois. Ces derniers sont accompagnés en vue de leurs études en France. Campus France souhaite créer cette année un point de contact dans les deux principales universités du Bénin. L’ambassade de France dispose de crédits pour financer des bourses d’études, apporte un soutien aux réseaux Alumni d’anciens étudiants béninois à HEC, Sciences Po ou l’ENA/INSP, valorise le volontariat au travers de France Volontaires – une cinquantaine de volontaires béninois sont présents en France, le plus souvent au sein d’associations et de mairies.

L’Ambassadrice a également évoqué des projets relevant du secteur de l’énergie, qui représente une activité historique de l’AFD au Bénin, et qui bénéficie de crédits d’un montant total de 250 millions d’euros, dont 68 millions de crédits européens délégués au titre de la stratégie Global Gateway. Sont ainsi soutenus la croissance durable, des investissements dans les énergies vertes ou encore la modernisation du port de Cotonou. L’objectif est de donner accès à l’énergie à 900 000 Béninois dans les prochaines années.

Mme Nadège CHOUAT a indiqué que la réforme sur la gouvernance locale en 2021 au Bénin avait mis un coup de frein à la décentralisation mais que la coopération décentralisée était très dynamique depuis les années 1990 et en regain depuis 2022, après un creux dû à la pandémie de Covid-19. Ainsi, aujourd’hui, une trentaine de collectivités territoriales françaises sont engagées avec des collectivités béninoises sur des projets variés (agriculture, égalité homme-femme, sport, culture, développement urbain, etc.). Les partenariats avec les collectivités d’outre-mer se développent, par exemple avec la Martinique et la Guyane.

Enfin, l’Ambassadrice a évoqué les relations économiques. Les exportations françaises, qui représentent environ 250 millions d’euros par an, sont en hausse de 3 % ; elles portent essentiellement sur des produits pharmaceutiques et alimentaires. Les importations depuis le Bénin concernent surtout les ananas, pour 11 millions d’euros. Une cinquantaine d’entreprises françaises sont installées au Bénin ; elles engendrent un milliard d’euros de chiffre d’affaires et 8 000 emplois directs. Ainsi, des entreprises françaises participent à de grands projets structurants : la construction de l’hôpital et du marché de gros de Cotonou, ainsi que de la route des plages et l’extension du port de la capitale économique. L’objectif pour la France est de continuer à se positionner comme un acteur-clef du développement du Bénin et d’identifier des secteurs porteurs pour participer à la croissance de l’emploi et à la création de valeur ajoutée.

Mme Nadège CHOUAT a conclu que la France était un partenaire fiable du Bénin, sans hégémonie, et qu’il s’agissait pour notre pays de continuer à accompagner les transformations du pays et ce, au-delà de 2026.

En réponse à des questions de M. Lucien STANZIONE, président délégué pour le Bénin, Mme Martine BERTHET, présidente déléguée pour le Sénégal, Mme Annie LE HÉROU et M. François BONNEAU, président délégué pour le Niger, Mme Nadège CHOUAT a rappelé qu’elle avait reçu une délégation de la commission de la culture du Sénat, intéressée par la coopération culturelle avec le Bénin. Elle a cité quelques grands groupes français présents dans le pays, tels que la Société générale, Canal + ou encore CMA CGM, mais a précisé qu’il y avait aussi beaucoup de petites et moyennes entreprises (PME), notamment dans les secteurs du numérique et de la formation professionnelle (mécanique, cinéma), dont une part importante d’entreprises franco-béninoises. Les discours anti-France, notamment sous leur forme néo-panafricaniste, sont présents et peuvent être audibles par une partie de la jeunesse béninoise ; ils constituent une contrainte pour la diplomatie française qui doit les prendre en compte dans ses relations avec la société civile et la jeunesse. Il s’agit de les déconstruire, en particulier en s’appuyant sur des réseaux béninois qui demeurent attachés à la France. Les relations entre les autorités béninoises et nigériennes sont compliquées depuis le coup d’État au Niger du 26 juillet 2023 – par exemple, la frontière nigérienne est toujours fermée –, mais le Bénin recherche l’apaisement. Le Sud du pays, le long de la côte, se développe beaucoup plus vite que le Nord, qui est nettement plus rural : cette dichotomie, bien réelle, a aussi des conséquences politiques et sécuritaires. C’est en 2019, à la suite de l’attaque dans le parc de la Pendjari que le Bénin, pays historiquement peu militarisé, a pris pleinement conscience du danger terroriste. L’opération Mirador menée par l’armée béninoise est toujours en cours ; elle concerne le Nord du pays et couvre environ un tiers du territoire. Elle comporte des postes de commandement avancés aux frontières. Néanmoins, la menace terroriste est multiforme ; elle est souvent mêlée de criminalité classique et liée au trafic de drogue. La situation sécuritaire reste compliquée.

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