Le mardi 12 novembre 2024, Mme Véronique GUILLOTIN (Rassemblement Démocratique et Social Européen – Meurthe-et-Moselle), présidente du groupe d’amitié France-Moldavie, MM. Michel CANÉVET (Union Centriste – Finistère) et Bernard FIALAIRE (RDSE – Rhône) et Mme Nadia SOLLOGOUB (UC – Nièvre) se sont entretenus par visioconférence avec Mme Dominique WAAG, ambassadrice de France en République de Moldavie, accompagnée de M. Stephan LEWANDOWSKI, deuxième conseiller.

Mme Dominique WAAG a indiqué que les élections (référendum pour inscrire dans la Constitution moldave la procédure d’adhésion à l’Union européenne[1] et élection présidentielle[2]) s’étaient déroulées dans le calme et avec une bonne participation. Les presque 2 500 observateurs internationaux ont été bien accueillis par les autorités moldaves et dans les différents bureaux de vote. La commission électorale centrale, dont les délibérations étaient retransmises en direct, avait travaillé de façon satisfaisante, comme corroboré par le rapport du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Les lois électorales ont été amendées récemment et le cadre législatif et institutionnel est bon.

Mme WAAG a souligné en revanche que des évènements singuliers ont été relevés en amont des cycles électoraux :

- de la désinformation sur les réseaux sociaux, dont la messagerie Telegram, avec des nouvelles qui, prises une par une, pouvaient sembler incongrues, mais qui mises bout à bout créaient une réalité parallèle prorusse ;

- des achats de voix à l’instigation de l’oligarque en fuite Ilan ȘOR, qui a salarié des personnes pour en inciter d’autres à voter d’une certaine façon. Le paiement (a priori de l’ordre de 35 euros) s’effectuait après envoi d’une photo du cochage opéré sur le bulletin de vote.

L’ambassadrice a rapporté que l’intérêt porté par la population moldave à la vie politique était hétérogène, notamment compte tenu de disparités économiques et sociales, et qu’il existait un décalage entre la capitale, où la population est plus éduquée et proeuropéenne, dispose de meilleurs revenus, et les campagnes, où subsistait une forme de découragement vis-à-vis de l’Europe. Beaucoup de personnes âgées y résident, qui touchent de petites retraites et considèrent que « c’était mieux avant », lorsque les situations individuelles étaient plus égales, les jeunes plus présents, les évolutions plus prévisibles et la solidarité villageoise de nature à faire face aux difficultés. Alors que l’aide de l’Union européenne (UE) n’a pas encore apporté suffisamment de résultats concrets aux yeux de la population rurale, Ilan ȘOR avait ouvert de petits commerces dans les villages – fermés depuis – et distribuait des subsides pour se chauffer ou se nourrir. 

Mme WAAG a observé que les résultats très serrés au référendum[3] peuvent également s’expliquer par le fait que les Moldaves ne sont pas encore suffisamment informés sur le rôle de l’UE et ce qu’elle peut apporter. Il y a également eu de la désinformation sur la portée de la révision constitutionnelle, tendant à faire croire qu’elle pouvait avoir des conséquences sur le principe constitutionnel de neutralité auquel les Moldaves sont attachés. Certains ont hésité à voter « oui » au référendum, du fait de la guerre en Ukraine et des pressions de la Russie dans un contexte géopolitique tendu. Mme WAAG a estimé cependant qu’une large majorité de Moldaves ont une image positive de l’UE, comme en a témoigné le succès du référendum malgré toutes les pressions et manipulations exercées de l’extérieur, et malgré l’achat de voix.

Interrogée par Mme Nadia SOLLOGOUB sur la perception du conflit ukrainien par la population et l’impact de la réélection de Donald TRUMP à la présidence des États-Unis, l’ambassadrice a indiqué que la population avait une conscience aiguë du fait que les Ukrainiens se battaient aussi pour la Moldavie. Toutefois, il faut prendre en considération le fait que la Moldavie a un fort sentiment de vulnérabilité. L’UE accorde à l’armée moldave 50 millions d’euros par an en armement défensif, essentiellement pour surveiller le territoire sur lequel, a précisé Mme WAAG, deux drones russes se sont écrasés le week-end précédent. 

M. Michel CANEVET a ensuite souhaité connaître les réactions qu’a suscitée la réélection de la présidente Maia SANDU en Transnistrie et en Gagaouzie ainsi que son calendrier politique. 

Mme WAAG a indiqué que les deux tours de l’élection présidentielle s’étaient déroulés dans le calme, malgré quelques rassemblements de contestation devant la commission électorale centrale. La diaspora s’est bien mobilisée : 240 000 électeurs en dehors de la Moldavie ont voté au premier tour et 320 000 au second tour, pour environ 1,5 million d’électeurs en Moldavie. Selon l’ambassadrice, ce score a pu faire dire à l’opposition que la présidente SANDU a été réélue grâce à l’appoint de la diaspora ; mais le vote de la diaspora est légal et démocratique et il fallait également tenir compte de l’impact, difficilement mesurable, des achats de voix. La police moldave a été très active en organisant de nombreuses perquisitions. Des sommes d’argent considérables ont été saisies et les personnes impliquées dans ce réseau manipulé de l’étranger se sont volontiers exprimées car leur motivation n’était pas politique, mais purement financière. La Russie a refusé de reconnaître le résultat des élections, de même que le Parti socialiste moldave.

Les minorités gagaouze, bulgare et ukrainienne ont majoritairement voté « non » au référendum et contre Maia SANDU, alors qu’elles ont reçu beaucoup d’aides de l’UE. Mme WAAG a estimé que le Gouvernement moldave devrait s’attacher à la question des minorités et ne pas négliger cet électorat. Les membres du parti présidentiel – Parti action et solidarité – devraient être encore plus mobilisés dans les régions du Sud et ne pas hésiter à s’exprimer en russe pour atteindre ces minorités non roumanophones. 

S’agissant du programme politique, lors de sa conférence de presse, la présidente SANDU a déclaré que l’État de droit était le talon d’Achille de la Moldavie. Elle a annoncé vouloir aller plus vite dans sa lutte contre la corruption et ne plus vouloir « prendre de gants » avec les juges. En effet, si la police a prouvé son efficacité lors des précédentes élections locales et des échéances de l’automne dernier, le système judiciaire a été défaillant, peu de dossiers ayant abouti. La présidente SANDU a également annoncé un remaniement ministériel, certains ministres étant devenus impopulaires. 

À la question de la présidente Véronique GUILLOTIN sur la prochaine échéance électorale, l’ambassadrice a indiqué que les élections législatives devraient avoir lieu entre fin juillet et début octobre 2025. Maia SANDU bénéficie d’une popularité importante, un facteur qui l’a poussée à organiser le référendum en même temps que la présidentielle. Au premier tour, elle a ainsi remporté plus de suffrages qu’en 2020. Les élections législatives de 2025 seront cependant un nouveau défi pour le parti PAS, et une alternance n’est pas exclue. En cas d’alternance, il est à craindre d’avoir à faire à des responsables politiques moins investis voire moins sincères pour porter les réformes difficiles mais nécessaires dans le cadre de la procédure d’adhésion à l’UE. 

Relancée sur la question des conséquences de l’élection présidentielle américaine par la présidente Véronique GUILLOTIN, l’ambassadrice a indiqué que les États-Unis étaient très présents en Moldavie depuis l’indépendance, notamment en matière économique (par exemple, au soutien de la viticulture depuis 20 ans). Cette aide pourrait évoluer avec la nouvelle administration américaine. Les autorités moldaves ont toutefois déjà pris contact auprès des responsables politiques du parti Républicain. En tout état de cause, si une paix était négociée en Ukraine, la Moldavie en tirerait des bénéfices, notamment pour attirer plus d’investissements internationaux sur son territoire, à condition que cette paix soit durable.

Interrogée par M. Michel CANEVET sur l’aide française, Mme WAAG a signalé l’arrivée en août 2024 du chef de bureau de l’Agence française de développement (AFD) à Chisinau. L’appui de l’AFD était très attendu des autorités moldaves et de grands projets ont démarré notamment dans l’énergie. Sa filiale PROPARCO a également investi dans des petites entreprises.

Pour conclure, l’ambassadrice a souligné que la Moldavie menait des réformes sérieuses et difficiles et méritait d’être soutenue.


[1] Organisé le jour du premier tour de l’élection présidentielle, le 20 octobre 2024.

[2] Les deux tours ont eu lieu les 20 octobre et 3 novembre 2024.

[3] 50,4 % pour le « oui ».

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