Réuni le mercredi 21 mai 2025, sous la présidence de M. Daniel SALMON (Écologiste – Solidarité et territoires – Ille-et-Vilaine), président, le groupe d’amitié France – Népal s’est entretenu par visioconférence avec Mme Virginie CORTEVAL, Ambassadrice de France au Népal.
Mme Virginie CORTEVAL a indiqué que l’instabilité politique, inhérente au fonctionnement de la République népalaise depuis son instauration en 2008, s’était encore accrue au cours des dernières années – le pays a connu sept gouvernements en dix ans. Trois partis politiques, le Parti communiste du Népal, le Parti communiste unifié du Népal et le Parti du Congrès, dirigent sans discontinuer le pays, souvent au sein de coalitions fluctuantes, et laissent de facto peu de place à une offre politique alternative. Cette situation provoque lassitude et frustration au sein de la population népalaise, en particulier chez les jeunes qui aspirent à un renouveau politique. Le parti RSP de Rabi LAMICHHANE a certes récemment émergé, comme un espoir pour les jeunes, mais il est en difficulté, son dirigeant ayant été emprisonné pour corruption dans le scandale dit « des coopératives ». Le maire de Katmandou, Bidya Sundar SHAKYA, incarne lui aussi un espoir – il est très populaire au sein de la diaspora –, car il n’appartient à aucun parti politique historique et peut se prévaloir d’un vrai bilan, mais il ne semble pas avoir, pour l’instant en tout cas, d’ambitions nationales.
L’Ambassadrice a ensuite abordé les sujets économiques. Si le Népal a enregistré d’indéniables progrès, par exemple en matière de développement humain et de santé, son économie reste fragile et encore excessivement administrée, de lourdes procédures décourageant les investisseurs potentiels. La corruption se développe ; elle gangrène les transactions commerciales et les projets d’investissement : elle constitue le principal obstacle au développement du pays. Les financements accordés au titre de l’aide publique au développement sont longs à être décaissés, ce qui met les projets, y compris d’infrastructures, en péril. En outre, l’économie népalaise souffre de faibles créations d’emplois en raison d’un manque de stratégie industrielle. Quant au tourisme, il est érigé par les autorités népalaises comme le principal pilier de l’économie, mais souffre d’une absence de stratégie et d’un positionnement incertain. L’hydroélectricité représente un très grand potentiel de développement ; la signature en 2024 d’un accord avec l’Inde permet la vente de l’hydro-électricité népalaise à ce pays, ainsi que des potentialités avec le Bangladesh.
L’Ambassadrice a fait observer que, dans ce contexte économique insuffisamment dynamique, les migrations augmentaient régulièrement, vers le Golfe persique et plusieurs pays asiatiques tels que le Japon et la Corée, voire l’Australie. 2 000 Népalais, des hommes pour l’essentiel, quittent le pays chaque jour. Ce phénomène entraîne plusieurs conséquences dommageables, de nature économique et démographique. Si ces travailleurs expatriés font parvenir d’importantes devises à leur pays – environ 30 % du PIB –, ces ressources alimentent surtout la consommation, mais pas les investissements. Le taux de croissance économique en 2025 est prévu à 5 %, mais devrait être légèrement inférieur en raison des conséquences du changement climatique, de la multiplication de catastrophes naturelles et de la suppression de l’aide américaine. En tout état de cause, le Népal aurait besoin d’un taux de croissance à deux chiffres pour atteindre l’objectif fixé par les autorités de sortir de la catégorie des pays les moins avancés en 2026.
Mme Virginie CORTEVAL a noté que la situation sociale, marquée par de nombreuses manifestations (enseignants, infirmiers), demeurait fébrile. Ce contexte est propice à l’apparition d’un phénomène de nostalgie de la monarchie, ce qui est nouveau. Le parti monarchiste est dépourvu de réel ancrage social – il n’a que quelques élus –, mais tient un discours passéiste qui commence à rencontrer un écho dans l’opinion publique. D’importantes manifestations, qui ont provoqué la mort de deux personnes le 28 mars dernier, ont surpris le gouvernement. Même si la situation reste éloignée du scénario bangladais ou srilankais, l’opinion publique népalaise est excédée et attend des trois grands partis politiques au pouvoir qu’ils prennent des mesures fortes pour doter le pays d’infrastructures et lutter efficacement contre la corruption. Croissance, gouvernance et inclusion sont les plus fortes attentes des Népalais.
L’Ambassadrice a ensuite évoqué les relations bilatérales qui sont anciennes et amicales. La consultation politique organisée chaque année fonctionne très bien. Un approfondissement est toutefois attendu dans le domaine économique, même si les Européens présents au Népal rencontrent tous les mêmes difficultés. La France peut néanmoins se prévaloir de quelques beaux succès dans le pays : l’équipement de l’aviation civile en hélicoptères Airbus et de la principale compagnie aérienne intérieure en appareils ATR, l’implantation en 2024 du groupe Accor qui a ouvert un hôtel Mercure et l’arrivée de la société BWI qui travaille depuis cette année avec l’Agence nationale pour l’électricité sur deux projets (la cartographie des bassins et la mise en place de mécanismes de prévention permettant de faire face aux conséquences du changement climatique qui affecte fortement le Népal). Par ailleurs, il existe quelques pistes pour des projets de niche : le transport urbain (le fameux téléphérique de Katmandou, évoqué depuis des années) ; le tourisme durable qui souffre d’une absence de stratégie claire ; le respect des normes environnementales et sociales dans le domaine hydroélectrique ; la lutte contre le changement climatique, qui a donné lieu à une feuille de route entre les deux pays, très soutenue par le Premier ministre népalais ; la montagne, sujet commun très important pour le Népal – la célébration du 75e anniversaire de l’ascension de l’Annapurna par une équipe franco-népalaise en 1950 est prévue en juin ; la mobilité, environ 23 000 touristes français ayant visité le pays en 2024, même si quelques freins demeurent (tarifs aériens élevés, desserte aérienne limitée, catastrophes naturelles médiatisées). L’Alliance française de Katmandou est particulièrement dynamique. Elle permet notamment de dispenser des cours de français aux forces armées népalaises impliquées dans les forces de maintien de la paix de l’ONU, où les Népalais sont très nombreux. En revanche, l’Agence française de développement n’est pas présente au Népal, ce qui empêche la programmation à long terme d’une politique de développement, à l’inverse de ce que font les partenaires européens présents dans le pays.
En réponse à des questions de M. Daniel SALMON, président, l’Ambassadrice a indiqué qu’elle avait rencontré le maire de Patan, qui est un excellent partenaire de l’ambassade et de la relation bilatérale. Il coopère à l’organisation d’événements, par exemple à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Il voudrait également s’appuyer sur l’Alliance française pour développer l’apprentissage du français dans sa commune. Le parti RSP a émergé en se positionnant en opposition aux trois partis politiques historiques ; sa ligne est libérale, mais il se présente surtout en rupture avec les pratiques politiques traditionnelles dans le pays. La gestion des déchets constitue une opportunité pour les entreprises françaises, et l’ambassade a des contacts avec le MEDEF International dans cette perspective. Les autorités népalaises ne parviennent pas à faire revenir au pays les travailleurs expatriés. La démographie népalaise commence à faire apparaître un déficit d’hommes ; certains observateurs considèrent que « le Népal risque de devenir vieux avant de devenir riche » et qu’une politique publique est nécessaire en la matière. Il existe au Népal un cluster de jeunes diplômés ayant étudié en France et qui retournent dans leur pays pour y développer le numérique et l’intelligence artificielle, notamment dans le domaine de la santé. Ce secteur pourrait aussi intéresser des entreprises françaises – des Népalais avaient participé au sommet sur l’intelligence artificielle à Paris.
Enfin, M. Daniel SALMON, président, a évoqué un possible accueil d’une délégation parlementaire népalaise en France au premier trimestre 2026. L’Ambassadrice relaiera l’information.
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- M. Xavier DUPRIEZ
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