Le mardi 18 février 2025, le groupe d’amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique, réuni sous la présidence de M. Christophe-André Frassa (Les Républicains – Français établis hors de France), président, a auditionné, en visioconférence, Mme Véronique Roger-Lacan, ambassadrice pour le Pacifique, représentante permanente auprès de la Communauté du Pacifique (CPS) et auprès du programme régional océanien pour l’environnement (PROE) et secrétaire permanente pour le Pacifique, accompagnée par MM. Guillaume Josso, représentant permanent adjoint, François Sow, conseiller diplomatique du Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, et François Goldblatt, conseiller diplomatique du Haut-Commissaire de la République en Polynésie française. 

Étaient également présents : Mme Martine Berthet (LR – Savoie), vice-présidente, MM. Jean-Jacques Lozach (Socialiste, écologiste et républicain – Creuse), vice-président, Teva Rohfritsch (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants – Polynésie française), président-délégué pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Pierre-Jean Rochette (Les Indépendants-République et Territoires – Loire), président-délégué pour Fidji, Mme Annick Jacquemet (Union centriste – Doubs) et M. Lucien Stanzione (SER – Vaucluse). 

M. Christophe-André Frassa, président, a remercié Mme Véronique Roger-Lacan d’avoir accepté de présenter devant le groupe d’amitié les priorités de son action à la tête de l’ambassade, qu’elle a rejointe en septembre 2023, étant précisé que celle-ci travaille étroitement avec les collectivités françaises du Pacifique – Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna – afin de favoriser leur intégration régionale. 

Mme Véronique Roger-Lacan, représentante permanente auprès de la CPS et auprès du PROE et secrétaire permanente pour le Pacifique, a indiqué que la décision d’installer à Nouméa le Secrétariat permanent pour le Pacifique, autrefois basé à Paris, a été prise à l’occasion du voyage effectué par le Président de la République dans la région à l’été 2023. Elle a été nommée lors du conseil des ministres du 17 juillet 2023 qui s’est tenu à Nouméa dans le cadre de cette visite. Le Secrétariat est soumis à la tutelle du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et du ministère de l’Intérieur en raison de sa double mission, axée sur la politique étrangère régionale et sur l’appui aux collectivités françaises. 

La création de cette structure a répondu à une volonté d’améliorer l’image de la France dans le Pacifique après la fin des essais nucléaires à Mururoa et après la crise du Rainbow Warrior. Ses effectifs devraient être renforcés prochainement, avec l’arrivée d’une secrétaire assistante de la cheffe de poste et d’un secrétaire permanent adjoint pour le Pacifique qui gèrera le Fonds de coopération économique, sociale et culturelle pour le Pacifique, dit « fonds Pacifique », doté de 1,8 million d’euros en 2025, contre 2,5 à 3 millions les années précédentes, destiné à financer des projets associant au moins une collectivité française et un État de la région. Ce renfort devrait permettre de mieux évaluer l’impact du fonds et de sélectionner des projets plus stratégiques pour marquer l’influence de la France dans le Pacifique. 

Mme Véronique Roger-Lacan a ensuite exposé les priorités de son action : promouvoir l’intégration des collectivités françaises dans leur environnement régional ; renforcer la présence de la France dans les organisations régionales, la CPS et le PROE mais aussi le Forum des îles du pacifique (FIP) et le groupe Fer de lance mélanésien ; entretenir des relations avec les grands partenaires que sont notamment les Etats-Unis, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Union européenne, qui dispose d’une délégation basée à Suva, aux Iles Fidji ; enfin, veiller à la coordination des actions régionales des postes diplomatiques français dans le Pacifique, dont le nombre est porté à sept depuis l’ouverture d’une nouvelle ambassade à Apia.

L’ingérence d’États comme l’Azerbaïdjan dans les collectivités du Pacifique a conduit à porter une plus grande attention aux liens entre la politique étrangère régionale et la vie politique locale. L’Ambassadrice a veillé à contrebalancer le discours favorable aux thèses indépendantistes dominant dans les médias australiens et néo-zélandais après l’insurrection du mois de mai 2024 en Nouvelle-Calédonie. Au sein du FIP, on assiste à une compétition géopolitique de plus en plus féroce, à coup de contributions financières, en provenance par exemple de l’Arabie Saoudite, de l’Azerbaïdjan ou de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande qui s’efforcent, étant souvent perçus comme des acteurs exogènes, de conforter ainsi leur identité océanienne. 

En outre, dans la perspective de l’organisation de la Conférences des Nations-Unies pour les Océans à Nice en juin 2025 (UNOC 2025), qui ambitionne de réunir une centaine de chefs d’État ou de gouvernement, le secrétariat permanent pour le Pacifique travaille avec les États de la région afin de les aider à affiner leurs demandes. 

M. François Goldblatt, conseiller diplomatique du Haut-Commissaire de la République en Polynésie française, a noté que le budget alloué au fonds Pacifique a connu une baisse sensible, puisqu’il s’élevait encore à 2,5 millions d’euros en 2024. En poste depuis cinq mois à Papeete, il a indiqué avoir assisté récemment à la dernière session du Comité des représentants des gouvernements et administrations (CRGA) de la Communauté du Pacifique, au cours de laquelle il a perçu un désamour de la présence française auquel il convient de répondre. La Chine apparaît de plus en plus assertive dans la région ; elle a récemment procédé à un tir de missiles près des eaux polynésiennes ; le premier ministre des Iles Cook s’est rendu en Chine pour discuter d’un projet d’accord sans le présenter auparavant à la Nouvelle-Zélande, avec laquelle les Iles Cook sont pourtant liées par un accord de libre association. En 2016, les collectivités françaises du Pacifique sont devenues membres à part entière d’organisations régionales dont la France n’est pas membre, ce qui complique la coordination avec les élus polynésiens à l’approche des réunions ministérielles du FIP par exemple. 

M. Christophe-André Frassa, président, a demandé si le secrétariat permanent pour le Pacifique contribuait à la mise en place de la nouvelle ambassade à Apia et quelle avait été l’importance des ingérences étrangères au cours de la crise calédonienne. 

Mme Véronique Roger-Lacan a répondu que c’est l’ambassade de France à Wellington, jusqu’ici compétente pour les Samoa, qui a mené les opérations nécessaires à l’accréditation du nouvel ambassadeur, M. Guillaume Lemoine, qui aborde sa mission avec enthousiasme. Lorsqu’il était ambassadeur au Vanuatu, M. Pierre Fournier avait rédigé un rapport qui déplorait la faiblesse du dispositif diplomatique français dans le Pacifique et qui recommandait l’ouverture d’une nouvelle ambassade, soit à Tonga, soit aux Samoa. L’ouverture de l’ambassade à Apia devrait renforcer l’influence française dans l’aire polynésienne, où la Nouvelle-Zélande est très présente, alors que l’Australie, aux termes d’une répartition implicite des compétences avec la Nouvelle-Zélande dans le Pacifique, gère plutôt l’arc mélanésien. 

Sur la question des ingérences, Viginum a publié, en décembre 2024, un rapport qui fait le point sur les activités du Groupe d’initiative de Bakou, organisme de propagande de l’Azerbaïdjan, dans les Outre-mer. Selon l’ambassadrice, l’influence de l’Azerbaïdjan est visible au sein du comité des Nations Unies sur la décolonisation, où le Groupe d’initiative de Bakou soutient activement et opérationnellement les indépendantistes calédoniens et polynésiens. Le MEAE y prête de plus en plus d’attention. 

Dans le Pacifique, l’influence chinoise notamment reste significative. L’ancien président du Congrès de Calédonie et leader indépendantiste, Roch Wamytan, se rend régulièrement à Pékin. L’Institut Confucius est très actif en Polynésie française, où des étudiants apprennent le chinois avant d’effectuer parfois une partie de leur cursus universitaire en Chine. Pour éviter que cette situation ne se reproduise en Nouvelle-Calédonie, le Haut-Commissariat s’est opposé à l’ouverture d’un Institut Confucius à l’Université de Nouvelle-Calédonie à Nouméa. 

À l’été 2024, l’ambassadrice a représenté la France avec le conseiller Asie-Pacifique du Président de la République, en marge d’une réunion à Tokyo entre le Japon et le Forum des îles du Pacifique, puis seule au sommet des îles du Pacifique aux Tongas. Dans ce contexte, elle a rencontré les États micronésiens, où les responsables politiques, bien qu’ils s’informent au travers d’une presse anglo-saxonne souvent favorable aux thèses du FLNKS, ont considéré la crise calédonienne comme une affaire intérieure française.

M. Jean-Jacques Lozach a souhaité obtenir des précisions sur la préparation de la Conférence sur les Océans et sur ses enjeux.

Mme Véronique Roger-Lacan a souligné l’importance des océans pour les îles du Pacifique, confrontées au recul du trait de côte, à des tsunamis et à d’autres menaces liées au changement climatique. Menacé de disparition, Tuvalu essaie de faire évoluer la définition de la souveraineté en droit international, afin qu’un État puisse encore être reconnu même s’il ne dispose plus d’un territoire terrestre mais seulement d’une zone économique exclusive (ZEE). Sur la question importante de l’exploitation des fonds sous-marins, les pays du Pacifique demeurent divisés. 

M. François Sow, conseiller diplomatique du Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, a représenté, au mois de février, le secrétariat permanent pour le Pacifique lors d’un séminaire organisé, avec des financements français, par le Commissaire du Forum des îles du Pacifique pour les Océans et par l’Université de Nouvelle-Galles du Sud, afin d’organiser le travail multilatéral en vue de la préparation de la conférence. Toute la difficulté est de préciser les contributions des États du Pacifique et de rassembler les moyens nécessaires. Le travail va se poursuivre avec la réunion ministérielle du FIP prévue en avril à Suva, à laquelle la co-présidence costaricienne et française de l’UNOC 2025 a été invitée. 

M. Teva Rohfritsch a estimé que tous les élus polynésiens reconnaissent l’intérêt de pouvoir s’appuyer sur un réseau diplomatique français dense dans la région. Cependant, il s’est interrogé sur la manière de mieux associer encore les collectivités du Pacifique pour faire vivre une véritable « équipe de France ». L’exploitation des fonds marins et le changement climatique sont des dossiers sur lesquels le travail commun doit être approfondi. 

Mme Martine Berthet a confirmé que la question des océans est également une préoccupation majeure pour les collectivités françaises du Pacifique. 

M. François Goldblatt a noté que la Polynésie française souhaitait participer activement à la conférence, éventuellement avec son propre pavillon ou en organisant un événement conjoint avec les autres collectivités si des considérations opérationnelles et budgétaires rendaient le projet de pavillon difficile à réaliser. 

Mme Véronique Roger-Lacan a cité une phrase du Président de la république lors de son intervention à Nouméa en juillet 2023 : il envisageait de faire des collectivités françaises dans le Pacifique « des puissances océaniennes et des éléments de rayonnement pour la France ». Cela suppose de la part de ces territoires un partenariat étroit avec le MEAE afin de mener des réflexions communes et de partager des informations, notamment dans le cadre de la mise à jour de la stratégie indopacifique de la France, qui devra ensuite être déclinée avec des plans d’actions propres à chaque territoire. 

Dans ce contexte, le secrétariat pour le Pacifique s’est efforcé de trouver des projets fédérateurs dans le domaine de l’éducation pour attirer des étudiants anglophones du Pacifique dans les universités de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française et favoriser la mobilité des étudiants francophones de ces deux universités, ou encore avec la création au sein de la Communauté du Pacifique d’un fonds de soutien à la création audiovisuelle océanienne, vecteur de promotion et de protection de la culture océanienne. L’ambassadrice a aussi évoqué la question de la connectivité numérique de l’Océan Pacifique par le biais de câbles sous-marins, à laquelle la France contribue via un câble sous-marin « intelligent » à tirer entre le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie pour faciliter les communications mais aussi l’observation de l’activité sismique et des tsunamis. La France encourage par ailleurs la désignation, en janvier 2026, d’un directeur général francophone à la tête de la CPS avec une candidature commune soutenue par les trois collectivités du Pacifique. 

M. Christophe-André Frassa, président, a chaleureusement remercié Mme Véronique Roger-Lacan, MM. Guillaume Josso, François Sow et François Goldblatt pour le temps qu’ils ont bien voulu consacrer à cette audition par le groupe d’amitié et pour toutes les informations transmises, avant d’aborder le deuxième point de l’ordre du jour. 

Il a indiqué avoir réfléchi, depuis sa prise de fonction en tant que président du groupe, à une évolution de sa dénomination. L’actuelle dénomination – France-Vanuatu-Iles du Pacifique – met en avant un pays en particulier, le Vanuatu, ce qui peut s’expliquer par des raisons historiques : jusqu’en 1980, la France et le Royaume-Uni ont exercé un condominium sur ce pays, qui s’appelait alors les Nouvelles-Hébrides. Cependant, le temps a passé et il pourrait être intéressant aujourd’hui d’adopter une dénomination plus neutre, afin que tous les États avec lesquels le groupe d’amitié entretient des relations se sentent placés sur un pied d’égalité. 

Pour engager la procédure, il convient que le groupe d'amitié formule une proposition, ce qui explique que cette question soit examinée lors de la présente réunion, a poursuivi le président du groupe d’amitié. Ce dernier pourrait s’appeler « groupe d’amitié France-États insulaires du Pacifique ». Cette dénomination serait cohérente avec l’expression de « Pacifique insulaire », qui est souvent employée par les géographes pour désigner ce vaste espace océanique.

La proposition formulée par le président a été approuvée à l’unanimité des présents.   

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  • M. Guillaume GABISON
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