Le 14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris. Dès le lendemain, défilés et parades militaires se succèdent dans les grandes artères, les horloges sont avancées d'une heure : la capitale vit désormais à l'heure allemande. Les Allemands s'installent, réquisitionnant peu à peu hôtels, appartements, bâtiments administratifs. Des drapeaux rouges à croix gammée apparaissent sur les façades, ponctuant cette prise de possession.

L'évacuation du Palais du Luxembourg

Henri HAMELINLa première apparition des Allemands au Palais du Luxembourg date du 11 juillet 1940. Ils y effectuent une perquisition, s'intéressant surtout aux travaux des commissions des finances et de l'armée. Puis ils y reviennent début septembre, occupent le Petit Luxembourg et une partie du Palais. Les services expulsés, notamment la Questure et la Bibliothèque, trouvent un refuge provisoire au deuxième étage dans les locaux de la commission des affaires étrangères. Le 13 septembre, à la demande de son président, Maurice Mollard, la commission des travaux publics est convoquée : ce sera la dernière réunion au Palais du Luxembourg.

« Les autorités allemandes nous ont fait signifier ce matin que tout le palais devait être abandonné par nous dans le plus bref délai et qu'on n'y tolèrerait plus la présence d'aucun Français », écrit, le 15 septembre, le questeur Henri Hamelin à Jules Jeanneney, Président du Sénat. « Et ce matin, sans aucun avis préalable, nous avons trouvé nos locaux de repli envahis par une armée d'ouvriers qui plaçaient des fils électriques, arrachaient les papiers de tenture, démontaient les tables etc...» Nouveau déménagement en toute hâte, les services s'installent dans le pavillon Guynemer situé dans le jardin. Henri Hamelin intervient auprès du Général de La Laurencie, délégué général du gouvernement en zone occupée, afin que « le Sénat ne soit pas traité avec autant de désinvolture ».

Le 28 septembre, le commandant Eichholz, représentant les autorités d'occupation, donne l'ordre aux services du Sénat de quitter le pavillon. Il leur cède l'appartement réquisitionné qu'il occupait au numéro 2 de la rue Guynemer.

L'appartement de la rue Guynemer 

(JPG - 30 Ko)Un vaste appartement (JPG - 26 Ko), au quatrième étage, meublé de façon bourgeoise est le nouveau refuge du Sénat. Les fenêtres donnent sur le décor familier du jardin du Luxembourg. Les services se répartissent les dix pièces : le grand salon (JPG - 58 Ko) sert de bureau à Henri Hamelin et Auguste Mounié, les deux Questeurs ; le petit salon capitonné de taffetas rose est occupé par les services législatifs, la chambre à coucher avec ses murs tendus de soie verte par la comptabilité et la trésorerie et la cuisine par le service du timbrage. Dans la salle à manger transformée en bibliothèque et en salon de lecture, sont mis à la disposition des Sénateurs de passage à Paris, les livres paraissant en librairie, les journaux et les périodiques. Quant aux fonctionnaires du service, ils sont installés dans le cabinet de toilette transformé en bureau. Malgré ses dimensions, l'appartement se révèle bien vite exigu pour la vingtaine de fonctionnaires qui y travaille.

André MorizetCourant octobre 1940, les Questeurs décident d'organiser une réunion à laquelle participent une quarantaine de sénateurs : nomination d'un président de séance, discussions, vote de vœux. Cette initiative déplait-elle à Laval et conduit-elle à une interdiction ? André Morizet, sénateur de la Seine, l'affirme. Cette version des faits est difficilement vérifiable. 
Les sénateurs continueront de se retrouver le mercredi, mais de manière informelle, dans les locaux de la rue Guynemer : « on se réunit, témoigne André Morizet, dans le bureau des questeurs. Hamelin y est immuable, Manceau qui fait la navette apporte parfois des nouvelles de Vichy. Aujourd'hui [22 janvier 1941], il y avait des gens de tous les coins... Et cela donnait une unanimité touchante. » 

Le 1er décembre 1941, le Commandant du Gross-Paris  informe la propriétaire de l'appartement de la rue Guynemer de la levée de la réquisition (JPG - 49 Ko). La Questure du Sénat décide alors de reprendre les locaux en location. Elle y reste jusqu'au 10 janvier 1943, date de son déménagement au 64 boulevard Saint-Michel.

Le n° 64 du boulevard Saint-Michel

En 1943, cet immeuble qui appartient au Sénat est occupé en partie par des services administratifs, notamment celui du Jardin, et en partie par des logements de fonction. Plusieurs d'entre eux, devenus vacants à la suite de départs en retraite, permettent d'accueillir le service de la Questure.

En mars 1944, le colonel von Berg, commandant militaire du Palais occupé, informe le Secrétaire Général du Sénat de la réquisition éventuelle d'une partie des locaux du boulevard Saint-Michel provoquant une vive protestation du responsable de la conservation des jardins. La menace se précise début juillet : les autorités allemandes ordonnent l'évacuation des bureaux des services administratifs, soulignant que le Sénat n'a plus besoin de locaux puisqu'il n'existe plus.

La Libération a mis fin aux tractations et démarches en cours pour tenter de reloger les services du Sénat en cours d'expulsion dans des locaux réquisitionnés.