1. Choix du programme décoratif général de la galerie du trône

Un décor pensé comme un ensemble

Alphonse de GISORS, à l’origine du réaménagement de la galerie du trône, en projette également le décor afin de créer l’écrin fastueux destiné aux réceptions impériales qui lui a été commandé.
Dans un document préparatoire à la présentation par l’architecte du programme décoratif au grand référendaire du Sénat, il propose l’installation de panneaux peints à l’iconographie prédéterminée dont un croquis, joint à ce texte, définit l’emplacement sur les murs nord et sud de la salle, entre les fenêtres et les portes17. Sur ce dessin qui concerne uniquement les peintures murales, Jean ALAUX n’est pas mentionné. L’architecte lui adressera ensuite une seconde lettre contenant la description de l’ensemble du programme iconographique de la galerie du trône18.
Le décor peint n’est pas seul à faire l’objet de réflexions : le programme décoratif de la galerie du trône est pensé comme un véritable ensemble comprenant des menuiseries, des stucs, des sculptures, des dorures et du mobilier. Une tenture de huit tapisseries sur le thème des Métamorphoses d’OVIDE19 réalisées par la manufacture des Gobelins remplacera, plus tard, les peintures des murs20.

Croquis de la galerie du trône réalisé par Alphonse Henri Guy de GISORS décrivant l’emplacement des différentes peintures murales (JPG - 25 Ko)

Croquis de la galerie du trône réalisé par Alphonse Henri Guy de GISORS décrivant l’emplacement des différentes peintures murales

Arch. du Sénat, CP 419, dossier palais du Luxembourg, chemise 50-502.

Le programme iconographique du décor peint

Le 23 janvier 1853, Alphonse de GISORS s’adresse au grand référendaire du Sénat pour lui faire part des sujets qui pourraient éventuellement illustrer les tableaux qui orneront les murs de la « galerie du trône et des fêtes du Sénat21 » et remplaceront ainsi les glaces installées provisoirement à l’occasion de la réception du 7 février22. Ce dernier statue en faveur d’une iconographie napoléonienne mettant en regard les grands moments des règnes de NAPOLÉON Ier et de NAPOLÉON III, et l’organisation du Sénat.

 Lettre de Alphonse Henri Guy de GISORS adressée au grand référendaire du Sénat, 20 janvier 1854 (JPG - 44 Ko)

Lettre de Alphonse Henri Guy de GISORS adressée au grand référendaire du Sénat, 20 janvier 1854

Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône.

Après concertation, les sujets suivants sont ainsi choisis pour les peintures : le Traité de paix de Campo-Formio, la Constitution de l’an VIII et l'organisation du Sénat, la signature du concordat, le Sénat demande l’établissement de l’Empire, la promulgation du code Napoléon et fondation de l’université, la distribution des grandes décorations de la légion d’honneur, la cérémonie du sacre de Napoléon Ier, la réception des drapeaux d’Ulm et d’Austerlitz, le baptême du roi de Rome, la prise de Rome, la distribution des aigles à l’armée au champ de Mars, le corps législatif se rendant à Saint-Cloud où se trouvent réunis le Sénat et le Conseil d’État pour annoncer à l’Empereur le vote qui lui donne huit millions de suffrages, l’entrée de Napoléon à Paris lorsqu’il se rend aux Tuileries et le mariage de l’Empereur23.

Le 20 janvier 1854, l’architecte statue officiellement sur les sujets proposés pour les peintures d’histoire ou allégoriques destinées à décorer la galerie. Un an plus tard, on constate que quelques modifications ont été effectuées puisque sont ajoutés : Bonaparte au siège de Toulon, la présentation de drapeaux au Directoire, Bonaparte institue et préside le divan au Caire, l’entrevue de Napoléon et du souverain Pontife dans la forêt de Fontainebleau et le champ de mai. A. de GISORS informe également le grand référendaire de l’iconographie des médaillons et des compartiments de la voûte en berceaux du plafond qui seront peints de « sujets allégoriques en rapport avec la destination de la galerie24 » et dont l’iconographie sera déterminée quand ils seront prêts à être peints ; de celle des sculptures mais aussi de celle de la grande coupole, au centre de la pièce, qui représentera L’Apothéose de Napoléon Ier25.

L’architecte envisage donc d’orner la galerie du trône de « douze tableaux d’histoire représentants [sic] les actes les plus remarquables de la vie de NAPOLÉON Ier et se rattachant le plus possible à leur composition et à la destination actuelle du Palais26», de médaillons et d’une voûte allégoriques afin de donner à la pièce « toute l’importance que mérite sa destination, […] pour la rendre en tout point digne du grand corps qui en a ordonné l’exécution.27»

Le dernier mot quant au choix du décor revient à l’Empereur, commanditaire de l’opération. Dans une lettre datée du 5 février 1854, le président du Sénat, Raymond-Théodore TROPLONG (1795-1869) communique les choix d’A. de GISORS et du grand référendaire au Ministre d’État, Achille FOULD (1800-1867) pour qu’il les soumette à son tour à l’Empereur28. Le 15 février suivant, TROPLONG signale dans une lettre adressée au grand référendaire l’accord formulé par l’Empereur NAPOLÉON III, qui souhaite cependant modifier l’iconographie de deux tableaux au profit d’un Empereur visitant les travaux du Louvre et d’une entrée de sa majesté à Rome29.

2.  Choix des artistes pour le décor peint

L’ensemble du programme décoratif peint de la galerie du trône ayant été déterminé et approuvé par NAPOLÉON III, reste à choisir les artistes qui vont l’exécuter.

Une note, de la main d’A. de GISORS, atteste le nom des artistes proposés pour l’exécution des peintures murales, des tableaux et des sculptures. Il y propose Jean ALAUX pour la réalisation de deux médaillons et d’un compartiment à l’ouest de la galerie du trône ; mais pense alors à Eugène DELACROIX (1798-1863) pour peindre la coupole, à l’instar de la bibliothèque du palais du Luxembourg30.

Là encore, il ne fait que formuler des propositions et n’est pas en mesure de statuer seul. Le 18 février 1854, alors que le programme décoratif vient d’être accepté par NAPOLÉON III, R.-T. TROPLONG demande au sénateur Honoré Charles BASTON LA RIBOISIÈRE (1788-1868) une entrevue afin de discuter de l’élaboration d’un comité qui choisira les artistes pour peindre le décor de la galerie31. La commission, dont les quatre membres sont des sénateurs nommés par le Président du Sénat TROPLONG, se compose du comte LA RIBOISIÈRE, d’Amédée Williams GOURCY THAYER (1799-1868), du marquis Adélaïde Édouard Lelièvre LAGRANGE (1796-1876) et du marquis Amédée David PASTORET (1791-1857)32. Leur mission est de « coordonner les peintures du plafond avec les douze tableaux entre les fenêtres33 », autrement dit, d’assurer l’homogénéité stylistique de l’ensemble du décor par un choix rigoureux d’artistes et de développer davantage les programmes iconographiques afin de s’assurer de leur cohérence.

La réunion s’est manifestement tenue avant le 17 avril suivant34. Sont désignés des artistes dont le nom suit pour les peintures du plafond35: pour les compartiments de la voûte36, Adolphe BRUNE (1802-1875), élève du baron GROS, avec L’âge de la victoire et La France guerrière ; pour les culs-de-four est et ouest, Henri LEHMANN (1814-1882), élève de Jean Auguste Dominique INGRES, avec La France sous le règne des Mérovingiens et des Carolingiens et L’épopée française de la première croisade de Louis XIV (ou La France sous les Capétiens, les Valois et les Bourbons combat pour sa religion et son unité)37 ; pour les motifs centraux sous la coupole, les frères BALZE38, et pour la coupole, Jean ALAUX, dit Le Romain (1786-1864), élève de François-André VINCENT, chargé de représenter « L’Apothéose de Napoléon Ier »39.

Jean ALAUX, dit Le Romain, L’Apothéose de Napoléon Ier, coupole centrale de la salle des conférences, ancienne galerie du trône, palais du Luxembourg, Sénat, 1854-1858. (JPG - 5.69 Mo)

Jean ALAUX, dit Le Romain, L’Apothéose de Napoléon Ier,
coupole centrale de la salle des conférences, ancienne galerie du trône,
palais du Luxembourg, Sénat, 1854-1858.
© Sénat

Notes:

  1. Arch. du Sénat, CP 419, dossier palais du Luxembourg, chemise 50-502, document non daté préparatoire rédigé par Alphonse Henri Guy de Gisors relatif au programme décoratif de la galerie du trône et à l’avancement des travaux.
  2. Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône, lettre de Alphonse Henri Guy de Gisors adressée au grand référendaire du Sénat, 20 janvier 1854.
  3. Arch. du Sénat, 178 S 27, dossier réalisé par le Mobilier national, notices relatives aux tapisseries de la salle des conférences du palais du Luxembourg.
  4. [Anon.], Le patrimoine du Sénat, op.cit., p. 151.
  5. Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône, tableau comparatif des tableaux proposés par Alphonse Henri Guy de Gisors et le grand référendaire du Sénat, 23 janvier 1853.
  6. Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône, lettre de Alphonse Henri Guy de Gisors adressée au grand référendaire du Sénat, 20 janvier 1854.
  7. Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône, tableau comparatif des tableaux proposés par Alphonse Henri Guy de Gisors et le grand référendaire du Sénat, 23 janvier 1853.
  8. Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône, tableau comparatif des tableaux proposés par Alphonse Henri Guy de Gisors et le grand référendaire du Sénat, 23 janvier 1853.
  9. Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône, lettre de Alphonse Henri Guy de Gisors adressée au grand référendaire du Sénat, 20 janvier 1854.
  10. Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône, lettre de Alphonse Henri Guy de Gisors adressée au grand référendaire du Sénat, 20 janvier 1854.
  11. Ibid.
  12. Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône, note préparatoire à une lettre rédigée par Raymond-Théodore Troplong et adressée à Achille Fould, 5 février 1854.
  13. Arch. du Sénat, 71S 348, dossier à propos des tableaux de la galerie du trône, lettre rédigée par Raymond-Théodore Troplong adressée au grand référendaire du Sénat, 15 février 1854.
  14. Arch. du Sénat, CP 419, note non datée rédigée par Alphonse Henri Guy de Gisors relative au choix des exécutants des peintures de la galerie du trône.
  15. Arch. du Sénat, 71S 348, lettre rédigée par Raymond-Théodore Troplong et adressée au Comte de Lariboisière à propos de la création d’une commission en vue du choix des artistes travaillant pour la galerie du trône, 18 février 1854.
  16. Arch. du Sénat, 71S 348, document non daté détaillant les peintures de la galerie du trône et le nom de leur exécutant après le passage par la commission.
  17. Ibid.
  18. Arch. du Sénat, 71S 348, lettre rédigée par le grand référendaire adressée au Président du Sénat Raymond-Théodore Troplong joignant la note contenant le nom des peintres désignés par la commission, 17 avril 1854.
  19. Le détail des artistes désignés pour réaliser les douze peintures murales n’est pas donné ici pour ne pas alourdir le propos.
  20. HUSTIN A., Le Palais du Luxembourg, ses transformations, son agrandissement, ses architectes, sa décoration, ses décorateurs, op.cit., p. 83.
  21. [Anon.], Le patrimoine du Sénat, op.cit., p. 152.
  22. HUSTIN A., Le Palais du Luxembourg, ses transformations, son agrandissement, ses architectes, sa décoration, ses décorateurs, op.cit., p. 83.
  23. [Anon.], Le patrimoine du Sénat, op.cit., p. 152.

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