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Mais ce que le bon sens exige aussi, et au premier chef, c'est que la participation prenne place là où se déterminent les mesures qui concernent la vie des Français. Sur ce sujet capital, il est proposé, tout en gardant nos communes et nos départements, d'organiser notre pays en régions, qui seront, en général, nos anciennes provinces mises au plan moderne, ayant assez d'étendue, de ressources, de population, pour prendre leur part à elles dans l'ensemble de l'effort national; d'introduire, aux côtés des élus, dans le conseil où chacune traitera de ses propres problèmes, les représentants des catégories économiques et sociales ; d'en faire ainsi, localement, les centres nouveaux de l'initiative et de la coopération et les ressorts du développement. Il est proposé, en même temps, de rénover le Sénat, actuellement réduit à un rôle de plus en plus accessoire, afin qu'il devienne le cadre où travailleront en commun des sénateurs élus par les conseils locaux et d'autres qui seront délégués par les grandes branches d'intérêts et d'activités. A ce titre, il sera saisi publiquement, le premier, de tous les projets de loi pour formuler ses avis et proposer ses amendements.

Ce que l'adoption du projet apportera, en notre époque qui est essentiellement économique et sociale, c'est donc, à l'échelon de la région, une emprise plus directe des Français sur les affaires qui touchent leur existence; à l'échelon de la nation, l'intervention par priorité dans l'élaboration des lois d'un corps qualifié pour les considérer surtout au point de vue de la pratique; aux deux échelons, l'ouverture régulière des instances démocratiques aux organismes économiques et sociaux qui, au lieu d'être confinés chacun dans son champ de revendication particulière, pourront participer à toutes les mesures constructives intéressant tout le monde.

Il est clair que cette création des régions et cette transformation du Sénat forment un tout. Il est clair qu'il y aura là un changement très important dans l'organisation de nos pouvoirs publics. Il est clair que de ce fait, mais aussi parce que ce qui a trait au Sénat est d'ordre constitutionnel, c'est au peuple lui- même, autrement dit à vous, à vous, à vous, qu'il appartient d'en décider. Conformément à ma mission et à ma fonction et sur la proposition du Gouvernement, je compte vous le demander en faisant ainsi appel, directement et une fois de plus.. à la raison de notre pays par-dessus tous les fiefs, les calculs et les partis pris.

Françaises! Français! C'est donc une grande décision nationale que vous allez avoir à prendre. Par la force des choses et des actuels événements, le référendum sera, pour la nation, le choix entre le progrès et le bouleversement. Car c'est bien là l'alternative. Quant à moi, je ne saurais douter de la suite. Car, aujourd'hui comme depuis bien longtemps et à travers bien des épreuves ! je suis, avec vouls, grâce à vous, certain de l'avenir de la France.

Vive la République! Vive la France !

Allocution radiodiffusée et télévisée 
prononcée par le Général de Gaulle le 11 mars 1969
(extrait)