2. Les Français expatriés

La communauté française du Cameroun regroupe environ 8 000 personnes, dont le plus grand nombre réside dans la capitale économique du pays, Douala.

C'est d'ailleurs dans cette ville qu'une réunion de travail organisée par notre Consul général a permis de recueillir les sentiments des principaux acteurs économiques français, mais aussi camerounais, sur leurs difficultés spécifiques.

M. NDONGO ESSOMBA et ses cinq collègues députés, qui avaient eu la prévenance d'accompagner les sénateurs français lors de leur passage, le mercredi 25 janvier, à Douala, assistaient également à cette réunion.

Des propos exprimés à cette occasion, comme ceux recueillis à Yaoundé auprès de nos compatriotes, il ressort les principaux points suivants :

- les effets de la dévaluation du franc CFA n'ont guère été compensés pour le secteur privé. Les principales mesures d'accompagnement ont porté sur la dette publique (annulation par la France de 50 % de la dette des États), mais le secteur privé n'a bénéficié que de simples facilités de caisse pour un montant de 300 millions de francs français ; encore n'ont-elles bénéficié qu'à moins de dix sociétés françaises de Douala, car la majorité des dossiers constitués ont été refusés.

Si la dette extérieure a fait l'objet de mesures d'allègement, motivées essentiellement par un souci de réalisme, car la capacité des États africains à la rembourser est hypothétique, la dette intérieure, elle aussi très élevée, n'a fait l'objet d'aucune décision de ce genre. Ceci freine d'autant les investisseurs à s'orienter vers l'Afrique. De surcroît, la dévaluation a pris en tenaille les entreprises, entre une croissance des coûts (le port de Douala est l'un des plus chers d'Afrique de l'Ouest), et une réduction du pouvoir d'achat du marché local.

- le montant des retraites des expatriés, libellées en CFA, a été réduit de moitié avec la dévaluation, qui n'a d'ailleurs fait que souligner l'extrême désorganisation des caisses de retraite africaines, qui sont quasiment en cessation de paiement.

- enfin, la vie quotidienne est sensiblement dégradée par l'essor de la criminalité, qui ne touche plus seulement les biens, mais également les personnes ; ainsi plusieurs femmes conduisant seule leur voiture ont été récemment attaquées, en pleine journée. Cette insécurité est étroitement liée à la dégradation des conditions de vie dans les villes, notamment du fait de la récession et de la chute des salaires qui l'accompagne. Ce contexte incertain conduit à une regrettable altération des relations entre communautés camerounaise et française, et met en cause le caractère durable de la présence de nombre de nos compatriotes.

Il faut rappeler, à cet égard, que le nombre des français établis au Cameroun n'a cessé de diminuer régulièrement depuis une dizaine d'années, et que la dévaluation du CFA a accéléré le mouvement, en contraignant à la fermeture de nombreuses entreprises, françaises comme étrangères. Nos compatriotes constituent encore, malgré cette érosion, la communauté étrangère la plus nombreuse au Cameroun, loin devant les États-Unis (1500 ressortissants), l'Italie (540), l'Allemagne (520) et la Grande-Bretagne (230).

En réponse, Mme BRISEPIERRE et M. CANTEGRIT, qui représentent tous deux les Français établis hors de France, ont fait valoir la continuité des efforts déployés par leurs collègues et eux-mêmes pour une meilleure prise en compte, par les autorités françaises, des effets spécifiques de la dévaluation sur les expatriés, que ce soit pour l'extension de la loi sur le surendettement - demandée dès le mois de mai 1994 -, les retraites, avec la suggestion d'un système de retraites propre aux français de l'étranger et rattaché à la Sécurité sociale de notre pays, à l'image de ce qui a été déjà obtenu pour l'assurance maladie, ou la couverture des accidents du travail.

Mais, outre des ressources financières spécifiques, cette innovation implique une révision des conventions liant la France aux divers pays africains intéressés.