Collocolombie2005 Sénat-UbiFrance



L'environnement des affaires

I. Le marché colombien : risques, opportunités et règles du jeu - Le point de vue du patronat colombien

Luis Carlos VILLEGAS

Président de l'ANDI (Association nationale des entrepreneurs colombiens)

Je vais m'efforcer de vous donner le point de vue du patronat colombien sur la conjoncture de notre pays. Pour nos entrepreneurs, le pays doit être examiné sous une nouvelle perspective en rupture avec les clichés traditionnels. Les choses ont beaucoup changé depuis huit ans. Nous sommes sortis de la crise économique et nous connaissons une période d'expansion. Le climat macroéconomique se caractérise par une grande stabilité, avec des progrès attendus sur le plan fiscal. Il y a huit ans les niveaux d'investissement étaient au plus bas. Aujourd'hui, nous enregistrons à nouveau de hauts niveaux d'investissement. Nous sommes en phase de croissance, une croissance permanente, qui s'appuie sur l'amélioration de la sécurité et la stabilité de notre pays.

Nous menons actuellement des négociations avec les Etats-Unis et nous espérons pouvoir parvenir prochainement à un traité avec l'Union européenne.

Il y a huit ans, nous étions isolés au niveau mondial. Aujourd'hui, nous sommes intégrés comme peu de pays développés le sont, grâce à la stabilité de nos institutions politique et à l'amélioration de notre situation sécuritaire. On parle chez nous de sécurité démocratique, mais le terme de « démocratie sécuritaire » pourrait utilement le remplacer. Nos forces armées sont aujourd'hui respectées et respectueuses du droit.

Notre PIB s'établira cette année à 120 milliards de dollars, ce qui fait de la Colombie la troisième économie d'Amérique latine. Le taux de croissance du secteur industriel est de 8 %. Nos exportations vont atteindre, en 2005, 21,5 milliards de dollars, dont 55 % d'exportations non traditionnelles (biens et services) et 45 % d'exportations traditionnelles (pétrole, gaz...). Cette répartition nous différencie de bien des pays d'Amérique latine.

En 1991, pour 100 dollars d'exportations non traditionnelles, 80 n'avaient pas de technologie incluse. Aujourd'hui, 41,5 dollars ont un contenu technologique élevé. La valeur ajoutée de nos exportations a donc fortement augmenté depuis plusieurs années.

Nous avons réussi à faire diminuer le chômage de 7 points en trois ans. Il est passé de 18,3 à 11,8 % de la population active. Nous prévoyons un taux de chômage à un seul chiffre d'ici décembre. C'est une performance difficile à atteindre que ce soit en Europe ou chez la plupart de nos voisins.

Le nombre de travailleurs affiliés aux caisses de compensation familiale a très fortement augmenté depuis dix ans, ce qui signifie que si le nombre d'emplois augmente, la qualité des emplois progresse également.

Toutes nos variables macroéconomiques tendent vers celles des grands pays développés. Nous avons encore un taux de change positif par rapport à 1994 mais nous restons compétitifs et, au 30 septembre, nos réserves internationales nettes atteignaient 16 milliards de dollars.

Des sujets de préoccupation sont ceux du déficit public et des taux d'imposition. Nos taux d'imposition sont les plus élevés d'Amérique latine. Il s'agit d'un enjeu majeur pour la future assemblée parlementaire qui sera élue en 2006 en Colombie.

Nous avons constaté en 2005 une croissance très forte des investissements, ce qui permet de garantir notre croissance pour les années futures. Si nous parvenons à faire croître encore ces investissements, nous pouvons même espérer dépasser 6 % de croissance. Nous pouvons être confiants, car les entreprises colombiennes ont des projets d'investissements multiples et de plus en plus nombreux.

Je suis très optimiste quant à l'issue des négociations avec les Etats-Unis sur le traité de libre-échange. Il devrait être ratifié en 2006 et pourrait entrer en vigueur en janvier 2007. Mais il faut également penser à la négociation avec l'Union européenne, qui doit nous accorder plus d'intérêt qu'au Mercosur ! Les pays du Mercosur souffrent de leur rivalité et de l'absence d'institutions communes. Les pays andins disposent de telles institutions et ont des interlocuteurs disposés à entrer en discussion avec les Européens.

En ce qui concerne la notion d'insécurité, un sondage montre qu'il ne s'agit plus d'une préoccupation pour les industriels colombiens.

Par ailleurs, l'arsenal législatif va prochainement être adapté de telle sorte qu'il favorisera plus encore les investissements.

Il ne faut pas négliger non plus l'action de nos entreprises en faveur de la responsabilité sociale, ce qui se traduit par de très nombreux programmes.

Nous allons prochainement atteindre les 5 milliards de dollars d'investissements étrangers en Colombie. Cela démontre la confiance des investisseurs dans notre économie. Les exportations s'améliorent, mais elles peuvent encore progresser. Il en est de même pour nos importations. Les secteurs à fort potentiel d'investissements sont notamment l'industrie manufacturière ou les télécommunications.

L'économie colombienne connaît une période d'expansion durable et soutenue. Notre environnement institutionnel est stable. En cas de réélection du Président Uribe, la tendance actuelle va se poursuivre. Si tel n'est pas le cas, nos institutions sont suffisamment solides pour assurer tout de même une réelle stabilité.

Notre société est en pleine construction. La France peut y occuper une place privilégiée, à condition de ne pas concentrer ses efforts sur un seul domaine. Au nom du secteur privé, je vous invite à participer au nouvel essor de la Colombie.

II. L'implication des collectivités locales dans la vie économique : l'exemple de Medellin et du département d'Antoquia

Paul DE VOS

Je tiens à insister sur la qualité des relations qu'entretiennent l'Ambassade de France et la ville de Medellin, dont le maire est l'un de nos interlocuteurs privilégiés.

Une présentation vidéo de la ville de Medellin est diffusée.

Sergio FAJARDO

Maire de Medellin

Je vous salue au nom de ma ville. La principale qualité de notre ville aux yeux des investisseurs étrangers est son climat général. Nous sommes passés par des épreuves difficiles. La violence que nous avons connue nous a évidemment fait du mal. Mais nous n'avons jamais succombé, grâce à la force de ce que nous avons construit tout au long de notre histoire. Medellin se caractérise en effet par son développement industriel et ses capacités manufacturières. La solidité de nos institutions nous a également permis de nous relever et d'occuper aujourd'hui une position de leader dans notre pays.

Carrefour, Renault, Sodexho ou Saint-Gobain sont au nombre des entreprises françaises qui ont choisi notre ville pour sa richesse. Nous avons en effet su développer de nombreux atouts. Nous sommes très développés dans le secteur du textile et occupons une place de leader dans le domaine de la confection. Antoquia dispose d'un pôle universitaire et technologique de pointe, notamment dans le domaine de la santé et de la recherche. A Medellin se trouve également l'Ecole des Mines. Nous avons par ailleurs les meilleures entreprises de service public d'Amérique latine. Je n'oublie pas le secteur énergétique qui représente pour notre pays un secteur à fort potentiel de croissance. Nous sommes en train de transformer nos entreprises publiques dans ce domaine comme dans le domaine des télécommunications. Nous souhaitons jouer un rôle de premier plan dans le secteur des télécommunications, particulièrement au niveau du packaging. Medellin encourage l'innovation dans tous ces secteurs.

Notre force réside dans la confiance que font les investisseurs à notre ville et à notre département, qui ne manquent pas de richesses et d'atouts.

Notre défi actuel est de transformer la violence en convivialité. L'administration municipale peut largement intervenir à ce niveau. En 1991, nous avons enregistré 6 500 homicides, ce qui faisait de notre ville la plus violente du monde, sans que nous ayons connu la moindre invasion. En 2005, nous ne dépasserons pas les 700 morts violentes. Cette année sera ainsi la plus tranquille des trois dernières décennies. Désormais, notre taux de criminalité est très inférieur à celui de Washington D.C. Nous travaillons avec la police pour asseoir la présence légitime de l'Etat dans la ville. Nous avons un programme de rétablissement de l'Etat de droit dans tous les quartiers. Nous menons également des projets municipaux de réinsertion et d'accompagnement des jeunes délinquants, en partenariat avec le secteur privé. Nous avons négocié avec pragmatisme avec les paramilitaires, qui détenaient de fait un pouvoir, même s'il était illégal. Notre doctrine est de pardonner sans jamais oublier. Ainsi, nous parvenons à reprendre possession de tous les territoires, ce qui est essentiel dans la phase de développement que connaît Medellin aujourd'hui.

Grâce à cette transition, Medellin va pouvoir saisir de nombreuses opportunités et je souhaite que les Français en prennent pleinement conscience.

III. Quelle place pour les PME dans le tissu industriel local ?

Nicanor RESTREPO

Administrateur de Renault Sofasa, ancien Président du Grupo empresarial Antoquenio

La législation colombienne distingue les micro entreprises, de moins de 10 salariés, qui sont au nombre de 700 000, et les PME proprement dites, avec moins de 200 collaborateurs, qui sont au nombre de 60 000. Environ 37 % du PIB est généré par les PME. Ce taux est légèrement inférieur à celui des autres pays d'Amérique latine.

Les PME et les micro-entreprises représentent de l'ordre de 63 % de l'emploi en Colombie. Les statistiques mondiales montrent que la participation des PME à l'économie est un gage de développement. Dans les pays de l'OCDE, les PME représentent 57 % de l'emploi contre 37 % en Colombie.

Les PME colombiennes interviennent dans tous les secteurs d'activité, qu'il s'agisse des services, du commerce, de l'automobile, de l'industrie ou de l'agriculture et de l'élevage. La croissance de l'activité des PME atteint le double de la croissance globale de l'économie colombienne. Il en va de même pour la contribution aux exportations. La dynamique de développement des PME est donc très forte et la tendance est largement positive. Nos entreprises jouent un rôle fondamental dans le développement du système éducatif et la réduction du chômage.

La fiscalité colombienne favorise la création d'entreprises grâce à des exonérations de charges pour les entreprises qui embauchent. L'accès au crédit est également facilité par un fonds de garantie qui réduit le risque bancaire. Le micro-crédit et le crédit aux PME sont des axes privilégiés au niveau national mais aussi par l'intermédiaire des institutions de financement internationales.

Diverses aides sont proposées aux PME pour qu'elles développent leurs compétences technologiques et leur recherche. Des prix sont notamment accordés aux entreprises les plus innovantes.

Le conseil national des PME coordonne avec l'Etat les politiques menées en faveur de ces entreprises. L'Etat conduit une politique volontariste d'aide aux PME pour favoriser leur développement, leur adaptation aux nouvelles technologies (coopération avec les instituts de recherche et les universités). A cela s'ajoutent les démarches menées pour faciliter l'accès aux marchés internationaux.

Le secteur des PME laisse une large place aux coopérations internationales entre les entreprises françaises et les entreprises colombiennes, l'objectif étant de permettre à vos entreprises de s'implanter facilement dans notre pays. Les possibilités de coopération sont, à mon sens, de plus en plus nombreuses. Nous devons profiter de nos affinités culturelles pour renforcer les relations entre nos deux Nations et faire en sorte que nos chemins se rapprochent jour après jour.

IV. Les aspects juridiques et fiscaux d'une implantation

Ernesto CAVELIER

Avocat au barreau de Bogota

Les investissements étrangers en Colombie peuvent être directs ou en portefeuille. Ils sont libres et n'ont besoin d'aucune permission préalable. Il existe toutefois quelques exceptions, comme les projets liés aux hydrocarbures, au secteur minier ou au secteur financier. Les investissements en rapport avec la défense et la sécurité nationale sont interdits, de même que les investissements liés à l'évacuation de déchets toxiques. Les investissements dans les opérateurs de télévision sont, pour leur part, limités.

L'enregistrement d'un investissement, obligatoire, donne un certain nombre de droits et de garanties en matière de répartition des bénéfices ou de virement des bénéfices vers l'étranger en devises.

L'imposition du bénéfice des sociétés est fixée à 38,5 %. Les bénéfices sur les biens immobiliers ou la liquidation des sociétés sont taxés à 35 %. Les virements le sont à hauteur de 1 à 7 %. L'impôt sur le patrimoine est de 3 %o. La TVA s'applique à la prestation de services, la vente, ou l'importation des biens. Le taux est généralement de 16 %. Les transactions financières sont, elles, taxées à hauteur de 4 %o.

Certaines industries situées dans des zones franches ou intervenant sur des secteurs d'activités particuliers bénéficient d'exonérations de taxes pour une durée limitée dans le temps mais pouvant atteindre 20 ans. Certaines dispositions fiscales permettent d'éviter la double imposition.

Un projet de loi qui vise à modifier le régime fiscal est en cours d'examen au Parlement. Ces changements concernent notamment la création d'une surtaxe sur les bénéfices de 25 %, l'élimination de la taxe sur les virements à l'étranger ou encore l'élimination de l'exonération de l'impôt sur les revenus pour les sociétés étrangères non domiciliées.

V. Le système bancaire, les moyens de paiement : principes, réformes, règles et usages

Sergio RODRIGUEZ

Avocat, universitaire, ancien Directeur général d'Asobancaria (Association des banques colombiennes)

Nous disposons en Colombie d'un système bancaire classique dirigé par la Banque centrale, institution indépendante vis-à-vis du gouvernement. La surveillance du système bancaire est assurée par une institution indépendante. Il existe par ailleurs un mécanisme de garantie des dépôts, même pour les montants réduits.

Les banques commerciales sont les plus représentatives de l'activité bancaire de notre pays. Mais notre système se caractérise également par l'existence de sociétés de fiducie, ce qui n'existe pas en France. Nous avons développé un système important de sociétés de fiducie qui gèrent des contrats bancaires et des biens pour des montants particulièrement conséquents. Les Américains eux-mêmes ont dû reconnaître, au cours des négociations que nous menons avec eux actuellement, la puissance de cette activité dans notre pays.

Les services bancaires colombiens s'appuient aujourd'hui sur les technologies de pointe. Nous comptons aujourd'hui 21 banques dans le pays. Celles-ci disposent d'environ 6 000 agences, dont 1 500 à Bogota. Notre réseau de distributeurs de billets est très développé. L'utilisation de la carte bancaire comme moyen de paiement est en très forte croissance. Les réseaux sont de plus en plus intégrés. La banque électronique se développe également.

Les taux d'intérêt actifs varient entre 10,8 et 27 % selon la durée du crédit. Un dépôt à terme de 90 jours peut obtenir un taux d'intérêt de 8 %. Il ne faut pas oublier que le taux d'inflation ne dépassera pas cette année 5 à 6 %.

La Colombie propose aux investisseurs étrangers tous les services bancaires dont ils ont besoin. Mais il n'est pas possible, sauf exception, d'ouvrir des comptes en devises en Colombie. Dans la pratique, il est, en revanche, possible d'ouvrir des comptes en devises à l'étranger, ce qui permet de résoudre la plupart des problèmes posés par le commerce extérieur.

VI. La Colombie : porte d'entrée sur la communauté andine - Les accords régionaux

Magdalena PARDO

Représentante de la Section Colombie des CCEF, Consultante internationale, ancienne Vice-ministre du Commerce

Si vous investissez en Colombie, vous vous intéressez à un marché de plus de 120 millions d'habitants représentant un produit intérieur brut de 244 milliards de dollars. Les pays andins ont fondé un espace de libre-échange total, la circulation des produits et services entre les cinq pays de la communauté est totalement libre. Nos lois permettent d'éviter la double imposition entre nos pays. Nous avons un régime permettant de garantir la propriété intellectuelle. L'espace légal formé par nos pays est tout à fait cohérent.

La Colombie est le second pourvoyeur du marché andin. La France aurait intérêt à développer ses échanges commerciaux avec la Communauté. De façon générale, elle ne s'intéresse pas assez à l'Amérique. Elle n'y destine que 9 % de ses exportations, qui sont d'ailleurs principalement orientées vers l'Alena. La part de marché de la France en Colombie n'est actuellement que de 2 %.

Le traité de libre-échange avec les Etats-Unis va permettre aux produits américains de rentrer sur nos marchés libres de taxes. Cette évolution risque d'éloigner encore davantage la France et l'Europe du marché andin. Le traité avec les Etats-Unis contient également un chapitre sur les investissements. Il est souhaitable qu'un tel accord soit aussi signé avec la France.

La Colombie est au coeur des pays andins. Il est possible de vendre des produits industriels en visant l'ensemble du marché de la Communauté, voire d'autres pays sud-américains. Mais la Colombie peut également permettre de produire et d'exporter vers d'autres marchés et notamment le marché des Etats-Unis. Je vous rappelle que la situation sécuritaire de la Colombie s'améliore de façon constante. Elle est aujourd'hui globalement stabilisée.

Le cas de l'Espagne prouve que la Colombie peut représenter une source d'internationalisation pour les entreprises européennes. On peut citer à ce titre l'expérience de Telefonica, d'Endesa ou de BBVA, qui tirent aujourd'hui profit de leurs investissements passés en Colombie. D'ailleurs, les entrepreneurs français qui ont investi en Colombie reconnaissent aujourd'hui les attraits de notre pays.

Mon message est le suivant : il faut investir beaucoup plus en Colombie, y produire davantage et l'utiliser comme plaque tournante pour viser les marchés sud et nord-américains.