Réuni le mercredi 16 février 2022, sous la présidence de M. André REICHARDT (Les Républicains-A – Bas-Rhin), président, le groupe d’amitié France – Afrique de l’Ouest s’est entretenu, par visioconférence, avec M. Michaël ROUX, Ambassadeur de France au Liberia.

Ont également participé à la réunion : MM. Bruno BELIN (Les Républicains-R – Vienne), président délégué pour le Burkina Faso, et Laurent BURGOA (Les Républicains – Gard), président délégué pour la Gambie, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM (Les Républicains – Français établis hors de France), présidente déléguée pour le Sénégal, MM. Joël BIGOT (Socialiste, Écologiste et Républicain – Maine-et-Loire), vice-président, Lucien STANZIONE (Socialiste, Écologiste et Républicain – Vaucluse), secrétaire, et Yves BOULOUX (Les Républicains – Vienne).

M. Michaël ROUX a fait observer que le Liberia était un pays présentant une originalité certaine en Afrique, l’Etat ayant été fondé sur un projet américain d’affranchissement des esclaves – l’année 2022 marque le bicentenaire de l’arrivée du premier bateau ayant amené d’anciens esclaves des États-Unis. Cette minorité venant d’Amérique a fondé la République du Libéria en 1847 et conservé le pouvoir très longtemps. George WEAH est le premier « natif »  démocratiquement élu à la Présidence de la République. Les dernières décennies avaient été très difficiles pour le Liberia, qui avait connu deux effroyables guerres civiles (de 1989 à 2003). Toutefois, l’élection d’Ellen JOHNSON SIRLEAF, en 2005, première femme chef de l’État en Afrique, a marqué un début de stabilisation du pays. L’élection de George WEAH, en 2017, véritable alternance démocratique, a confirmé cette évolution. Les élections intervenues depuis, renouvellement de la moitié des sénateurs (en décembre 2020) et législatives partielles (en novembre 2021), se sont déroulées dans de bonnes conditions, illustrant une maturité démocratique. 2023 sera une année d’importantes échéances électorales : l’élection présidentielle, les élections législatives et le renouvellement de la moitié du Sénat.

L’Ambassadeur a rappelé que le Liberia, avec 4,8 millions d’habitants et un produit intérieur brut (PIB) de 3,5 milliards de dollars, est un marché de petite taille. Avec son PIB de 527 dollars par habitant,  c’est un pays pauvre, particulièrement sous-doté en infrastructures (assainissement, eau, électricité, etc.), dont le développement repose très largement sur l’aide internationale, de l’ordre de 500 millions d’euros par an. Sur le plan conjoncturel, la croissance libérienne a été faible pendant le premier demi-mandat de George Weah : 1,2 % en 2018, puis une récession de -2.5% en 2019, accentuée par la pandémie de Covid-19 en 2020 (- 3 %). Mais en décembre 2019, le Liberia a conclu un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), dont les résultats sont plutôt bons : taux d’inflation en baisse, déficits contenus. Le pays renoue avec la croissance en 2021 (+3,6 %) et, avec le rebond de la sortie de la pandémie, les projections de croissance sont très élevées à compter de 2022

M. Michaël ROUX a noté l’influence toujours prépondérante des États-Unis au Liberia, dont la Constitution est très largement inspirée de la Constitution américaine. Par ailleurs, un million de Libériens, dont de nombreux étudiants, vivraient aux États-Unis. Pendant la Guerre froide, le Liberia a constitué un point d’appui américain en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui encore, entre 33 % et 40 % de l’aide internationale apportée au Liberia est américaine. Toutefois, les États-Unis ne sont pas un partenaire commercial important du pays (et se trouvent loin derrière l’Union européenne). L’Afrique est le premier fournisseur du pays, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) comptant pour 19 % des importations libériennes, soit plus que la Chine ou l’Inde. De grands groupes africains opèrent au Libéria, par exemple d’Afrique du Sud dans les télécommunications, ou du Nigeria dans le secteur bancaire. Le troisième grand partenaire est l’Europe. 77 % des exportations libériennes sont destinées au continent européen. L’Union européenne est aussi le second partenaire du développement, avec 22% de l’aide . Le Liberia est le théâtre d’une lutte d’influence moins intense que dans d’autres pays africains. La Chine est très présente au Libéria et détient 5.5% des créances, mais les relations diplomatiques sont fraîches actuellement. L’Inde dépassera bientôt la Chine comme fournisseur et vient d’ouvrir une ambassade. La Turquie est quasiment absente (sauf dans un projet de mine d’or) et la Russie est absente (après l’échec d’un investissement dans une mine de fer). Le pays est éloigné de la zone sahélienne touchée par le djihadisme islamique. La place de l’islam, généralement estimée à 11% de la population, serait montée à plus de 30 % selon certaines sources.

L’Ambassadeur a ensuite présenté les relations bilatérales. Les relations politiques sont excellentes. Le Président WEAH est francophone et très attaché à la France. Il entretient une relation personnelle avec le Président MACRON et a effectué son premier voyage officiel en France. M. Jean-Yves LE DRIAN, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, s’est rendu à Monrovia en juin 2021, ce qui a constitué la première visite d’un ministre français des affaires étrangères au Libéria. La coopération franco-libérienne se concrétise notamment par des formations dans les domaines de la sécurité (préparation du contingent libérien de la MINUSMA chaque année, entraînement des forces de police) et des cours de langues aux forces armées, aux services de l’immigration. Le pays présente d’importants besoins de développement, mais une croissance économique autonome proviendra avant tout du secteur privé. Le Liberia figure parmi les 19 pays prioritaires de l’aide au développement de la France et l’Agence française de développement (AFD) opère dans le pays. Le montant de ses engagements s’établit33 millions d’euros depuis 2018. L’action de l’AFD prend de l’ampleur. Le Liberia est un petit marché pour la France, et les investissements s’y heurtent à des problèmes de gouvernance. Le French Business Club de Monrovia compte une quinzaine d’entreprises. Le Liberia est un pays anglophone enclavé dans une zone francophone, ce qui tend à freiner les échanges avec ses voisins. Aussi la promotion de la Francophonie est-elle une priorité stratégique. Le pays compte une école, créée en 2013 et scolarisant 250 élèves, labélisée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). L’Alliance française au Liberia, qui bénéficie de subventions d’environ 30 000 € chaque année,  renaît sur un nouveau terrain dans Monrovia. Mais elle  présente encore d’importants besoins de construction et d’équipements. Enfin, le Président WEAH souhaite l’adhésion de son pays à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ; la candidature libérienne pourrait être examinée en 2024.

En réponse à une question de M. André REICHARDT, président, M. Michaël ROUX a indiqué que des entretiens entre des sénateurs français et des parlementaires libériens seraient naturellement très enrichissants.

Répondant à Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, présidente déléguée pour le Sénégal, qui l’interrogeait sur la corruption, l’Ambassadeur a noté que l’environnement des affaires au Liberia n’était pas attractif, tout comme le classement du pays dans l’indice de perception de la corruption, établi par Transparency International (137e sur 180 pays en 2021). La corruption est un frein au développement des affaires et à la croissance tirée par le secteur privé, d’autant plus que s’ajoutent à ce phénomène d’autres problèmes tels que le manque d’infrastructures, la rigidité du marché du travail, des lourdeurs administratives, le manque de personnels qualifiés (suite aux années de guerre). S’y ajoute encore une perception relativement négative des concessions et des grandes entreprises étrangères. Pour promouvoir l’investissement au Libéria, le ministre libérien des finances est venu en France à l’automne dernier, où il a rencontré des entreprises du MEDEF. Interrogé sur le rôle d’Ellen JOHNSON SIRLEAF, l’ambassadeur souligne que cette dernière a accompli un travail remarquable à la tête de l’État,  arrivant au pouvoir dans un pays dévasté. Son second mandat a toutefois été compliqué par l’épidémie d’Ebola et quelques scandales. Aujourd’hui, l’ex-présidente est encore présente et vaillante au Libéria, où elle conserve une magistrature d’influence.

En réponse à une question de M. André REICHARDT, président, M. Michaël ROUX a indiqué que les relations entre le Liberia et la Sierra Leone étaient relativement modestes, les deux pays n’étant pas l’un pour l’autre des partenaires économiques importants. Contrairement à la Sierra Leone, le Liberia n’a pas connu de grands procès pour les crimes commis pendant les guerres civiles – l’ancien président libérien Charles TAYLOR est certes emprisonné à Londres, mais pour des crimes commis en Sierra Leone et non pour les crimes commis dans son pays, pour lesquels il n’a jamais été jugé.

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