Mercredi 12 janvier 2022, Mme Marta de CIDRAC (Les Républicains – Yvelines), présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Balkans Occidentaux, et Mme Laure DARCOS (Les Républicains – Essonne), présidente déléguée pour le Kosovo, ont auditionné S.E. M. Mehdi HALIMI, ambassadeur du Kosovo en France.

De gauche à droite : Mme Laure DARCOS, S.E. M. Mehdi HALIMI
et Mme Marta de CIDRAC

Dans son propos introductif, l’ambassadeur s’est particulièrement réjoui des échanges initiés avec les autorités politiques françaises depuis sa prise de fonction et a souligné l’intérêt particulier que revêt la présidence française du Conseil de l’Union européenne débutée le 1er janvier 2022 (PFUE 2022), occasion pour le Kosovo d’opérer un rapprochement avec l’Union européenne. Il a, à cet égard, rappelé que cinq États membres de l’Union européenne (Espagne, Grèce, Roumanie, Slovaquie et Chypre) ne reconnaissent pas officiellement la République du Kosovo et a formulé le souhait que la France puisse, à l’occasion de cette présidence, aborder cette question avec ses partenaires.

Mme Vjosa OSMANI, Présidente de la République du Kosovo, devrait ainsi évoquer le sujet lors de sa venue prochaine à Paris[1]. D’autres visites d’autorités politiques kosovares sont également programmées au cours de la PFUE 2022 ; ainsi, Mme Donika GËRVALLA, deuxième vice-première ministre et ministre des affaires étrangères et de la diaspora, devrait solliciter un entretien au premier semestre 2022 avec son homologue français, M. Jean-Yves le Drian, pour évoquer la reconnaissance du Kosovo.

S.E M. Mehdi HALIMI, a ensuite indiqué, à propos de la situation sanitaire, que le taux d’incidence de la Covid-19 au Kosovo demeurait mesuré, malgré une forte circulation du virus probablement liée à la contagiosité du variant dit « Omicron ». Il a indiqué que cette situation relativement rassurante pouvait pour partie être due à une population jeune – l’âge moyen des kosovars est inférieur à 30 ans – davantage sujette à des formes asymptomatiques et effectuant en conséquence moins de tests, mais également à une couverture vaccinale relativement importante, le taux de vaccination des plus de 65 ans au Kosovo étant supérieur à 70 %. L’ambassadeur a d’ailleurs tenu à remercier la France d’avoir fait don à son pays de doses de vaccin, indiquant que la quasi-totalité des personnes vaccinées avait recours au vaccin Pfizer ou, dans une moindre mesure, à celui du laboratoire AstraZeneca. Il a souligné à quel point l’accès à la vaccination et le choix d’un fabricant de vaccin étaient devenu un enjeu diplomatique.

L’ambassadeur est ensuite revenu sur le parcours qui l’a conduit à ses nouvelles fonctions. Francophile et francophone, il a fait part du rôle essentiel de l’alliance Française au Kosovo et a plaidé pour la création d’un Institut français à Pristina.

Interrogé par Mme Laure DARCOS, présidente déléguée pour le Kosovo, sur la politique de l’administration Biden dans les Balkans occidentaux, S.E. M. Mehdi HALIMI a particulièrement insisté sur le tournant qu’avait constitué l’élection du nouveau président américain, lequel a montré son attachement à la région, entre autres par la désignation en Serbie, au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine de nouveaux ambassadeurs très expérimentés et connaissant bien les problématiques régionales.

Les relations avec la Serbie, abordées par la suite, ont constitué une part substantielle de l’entretien. Tout en soulignant le progrès qu’avaient représenté, à ce jour, la signature de 33 accords entre les deux pays, l’ambassadeur a d’abord rappelé qu’il n’existait pas de hiérarchie entre ces accords, lesquels ont donc tous vocation à être appliqués sans opérer subjectivement de priorisation. Il a ensuite particulièrement insisté sur la nécessaire réciprocité dans l’application des traités. Or, l'ambassadeur estime que la place des kosovars en Serbie est insatisfaisante en comparaison du traitement des serbes du Kosovo.

Interrogé plus largement sur les modalités de résolution des tensions avec la Serbie, l’ambassadeur a en outre indiqué que l’éventualité d’un échange de territoires, évoqué en 2018 par les deux chefs d’État, n’était plus d’actualité. Le fait de modifier le tracé des frontières du Sud de la Serbie pourrait en effet avoir des conséquences en cascade dans l’ensemble des Balkans occidentaux. L’enjeu dépasse donc largement le seul Kosovo.

À la suite d’une question de Mme Laure DARCOS, l’ambassadeur est revenu sur la question de la libéralisation des visas. Rappelant que le Kosovo est le seul des six pays des Balkans occidentaux à ne pas bénéficier de l’exemption de visas de court séjour dans l’espace Schengen, S.E. M. Mehdi HALIMI a jugé cette situation paradoxale – dans la mesure où les critères qui ont été imposés techniquement au Kosovo ont été respectés – tout en reconnaissant que des améliorations étaient nécessaires. L’ambassadeur a indiqué comprendre l’appréciation de la France, selon laquelle les 95 critères ne sont pas tous remplis faute de résultats suffisants du Kosovo dans la lutte contre la corruption et le crime organisé et que des travaux importants et porteurs d’espoir sont menés en ce sens entre les deux ministères de l’Intérieur, kosovar et français. Selon S.E. M. Mehdi HALIMI, qui s’est voulu rassurant sur ce point, l’aboutissement de cette perspective ne conduirait nullement à l’arrivée en France d’une vague importante de citoyens kosovars, mais seulement d’étudiants francophones pour une durée limitée ou de nationaux ayant déjà un projet professionnel abouti.

Mme Laure DARCOS a ensuite souhaité revenir sur la question religieuse au Kosovo. À ce sujet, l’ambassadeur a qualifié de globalement harmonieuse la cohabitation entre les différents cultes : les quelques tensions parfois relayées sont avant tout le fruit de comportements individuels qu’il convient de ne pas généraliser. Il a d’ailleurs formulé le souhait que le groupe d’amitié, lors d’une prochaine venue au Kosovo, puisse rencontrer des représentants des cultes et constater sur place la réalité de la situation. Il a également souligné que le socle culturel albanais étant bien davantage linguistique que religieux. Par ailleurs, il a mis en avant la pratique très modérée et tolérante des cultes par les croyants dans son pays, dont il a rappelé le caractère laïc, et ajouté que les phénomènes de radicalisation demeuraient marginaux au Kosovo. Enfin, a-t-il ajouté, le recul de la pratique religieuse, quel que soit le culte, constitue au Kosovo une réalité, en particulier chez les moins de 40 ans. S.E. M. Mehdi HALIMI a dit déduire de tous ces éléments que les rapports entre religions au Kosovo ne constituent pas aujourd’hui un enjeu majeur.

Revenant sur le rôle que pourrait être amené à jouer le groupe interparlementaire d’amitié France-Balkans occidentaux à l’avenir, l’ambassadeur a ouvert trois perspectives d’échanges. En premier lieu, il a souligné le rôle du réseau francophone, et indirectement de la diplomatie parlementaire, dans la reconnaissance internationale de son pays. Ainsi, à l’occasion de la dernière Conférence de Francophonie, qui s’est tenue en ligne, du fait de la pandémie de covid-19, l’Ambassadeur a engagé des échanges avec son homologue tunisien[2] à Paris en vue d’un rapprochement vers une reconnaissance à venir. En second lieu, il a formulé l’hypothèse que le groupe d’amitié pourrait faciliter la densification des échanges économiques entre les deux pays. À ce jour, la présence d’entreprises française au Kosovo demeure limitée : le réseau bancaire TEB (BNP Paribas) ou encore les supermarchés « Interex » sont certes implantés mais la France ne figure pas parmi les partenaires économiques importants. L’ambassadeur s’est cependant réjoui des projets d’investissements d’entreprises françaises dans les secteurs de l’énergie, de l’eau et du traitement des déchets notamment. Il a formulé le vœu que le colloque consacré aux Balkans occidentaux, qui pourrait être organisé en 2022 au Sénat en lien avec Business France, soit l’occasion de présenter ces perspectives économiques, voire d’appuyer l’installation dans son pays d’un représentant de l’Agence française de développement (AFD). Enfin, il a indiqué que la mise en place d’une ligne aérienne directe entre Paris et Pristina constituerait une étape de rapprochement supplémentaire.

Mme Marta de CIDRAC, présidente, a enfin souhaité questionner S.E. M. Mehdi HALIMI sur les rapports entre le Kosovo et l’Église orthodoxe serbe, s’interrogeant en particulier sur leur dimension politique. Sur ce point, l’ambassadeur a dit constater l’existence d’une forme d’action politique de l’Église orthodoxe serbe dans son pays et souhaiter que ne soient pas instrumentalisés les rares mauvais gestes contre des orthodoxes serbes au Kosovo, assurant les regretter profondément tout en les jugeant marginaux. Considérant que de tels actes isolés ne pouvaient être comparés à la situation des Kosovars vivant en Serbie, il a conclu l’entretien en insistant sur le fait que la Serbie et le Kosovo n’avaient d’autre perspective que d’améliorer leurs relations, en vue d’un avenir selon lui à la fois commun et européen.


[1] La conférence initialement prévue les 7 et 8 mars prochains a été reportée au mois de mai.

[2] La Tunisie assure actuellement la présidence de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, communément appelée « Sommet de la Francophonie ».

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