EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'ouverture en soirée des commerces alimentaires de proximité répond à un besoin croissant des consommateurs compte tenu de l'évolution des rythmes de vie et des modes de consommation, notamment dans les grandes villes et les agglomérations. Plusieurs millions de clients réalisent chaque année leurs achats en soirée dans les commerces alimentaires, particulièrement dans les métropoles.

Par ailleurs, une ouverture élargie des commerces alimentaires joue un rôle social évident par la création d'emplois, l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés et contribue au dynamisme des centres urbains. Actuellement, plus de 42 000 salariés travaillent en soirée au sein des commerces alimentaires. Ces ouvertures sont encadrées par des accords collectifs conclus avec les partenaires sociaux et prévoyant l'attribution de compensations financières au profit des salariés.

En outre, dans un contexte où les ventes en ligne des produits de grande consommation représentent déjà plus de 6,5 % du marché et ne cessent de progresser, l'ouverture en soirée des commerces alimentaires permet aux magasins physiques de faire face à la concurrence des acteurs du e-commerce .

Or, en l'état du droit, l'article L. 3122-2 du code du travail définit le travail de nuit comme tout travail effectué au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures, la période de travail de nuit commençant au plus tôt à 21 heures et s'achevant au plus tard à 7 heures.

L'article L. 3122-1 du même code dispose que le recours au travail de nuit est exceptionnel, qu'il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale.

Alors même que des accords en ce sens avaient été signés par plusieurs organisations syndicales, de récentes décisions 1 ( * ) de la Chambre criminelle de la Cour de cassation ont censuré le recours au travail en soirée dans le commerce alimentaire au motif que l'accueil du public après 21 heures ne relèverait ni d'un service d'utilité sociale ni de la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique de l'entreprise. Ces établissements ne pouvaient légalement fermer à 22 heures.

Il est par conséquent aujourd'hui plus facile d'employer des salariés en soirée ou la nuit dans des entrepôts de site de e-commerce pour préparer des commandes que de permettre aux salariés de travailler au sein de points de vente physiques. Le commerce physique crée pourtant trois fois plus d'emplois que le commerce en ligne , auxquels s'ajoute un véritable service de qualité pour la clientèle.

En Europe, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Italie ont adapté leur régime de travail de nuit pour répondre à l'évolution de la société. Ces pays ont choisi, conformément à la directive européenne 2003/88/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail , de commencer la période de nuit à 23 heures avec une durée de 7 heures. La France est allée au-delà en fixant la période de nuit à 21 heures ou 22 heures avec une durée de 9 heures. Cette différence ne repose sur aucun motif légitime.

Lors des discussions du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le Sénat a adopté un amendement, qui avait recueilli un avis favorable du Gouvernement et de la commission spéciale, qui proposait d'instaurer pour le commerce alimentaire une période de nuit de 7 heures comprenant obligatoirement l'intervalle entre minuit et 5 heures , conformément à la norme européenne. Une telle dérogation qui permettrait de débuter la période de nuit à 23 heures existe déjà pour les activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, de radio, de télévision, de production et d'exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque (article L. 3122-3 du code du travail).

Afin de protéger les salariés, cet amendement prévoyait également la conclusion d'un accord collectif entre 21 heures et le début de la période de nuit, pour garantir les modalités de compensation attribuées aux salariés volontaires pour travailler en soirée.

L'Assemblée nationale a complété ce dispositif afin d'inscrire dans l'ordre public l'obligation de négocier un accord collectif pour pouvoir bénéficier de cette dérogation d'ouverture en soirée dans les commerces alimentaires.

Cette disposition, qui permet de sécuriser l'ouverture en soirée de commerces alimentaires de détail, tout en affirmant la nécessité de mettre en place des contreparties au profit des salariés , a été adoptée en termes identiques par le Sénat et l'Assemblée nationale et figurait à l'article 19 du projet de loi relative à la croissance des entreprises définitivement adopté.

Dans sa décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019, le Conseil Constitutionnel a malheureusement déclaré cette disposition contraire à la Constitution au motif qu'elle ne présentait pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi initial.

Une évolution législative encadrant le recours au travail en soirée dans les commerces alimentaires demeure donc nécessaire pour garantir un cadre d'activité stable et sécurisé aux acteurs du secteur et des conditions favorables aux salariés volontaires.

Tel est le sens de la présente proposition de loi, que nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.


* 1 Décisions de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 septembre, n° 17-83679 et du 11 décembre 2018, n° 17-87432.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page