EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La République française doit aujourd'hui prendre en toute lucidité des mesures protégeant les fonctions électives contre toute tentative d'entrisme par des personnes inscrites sur le Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), qui présentent un risque avéré pour l'ordre public ou la sûreté de l'État.

Alors que les élections municipales de mars 2020 approchent, rien n'interdit en l'état actuel du droit que des candidats en tête de liste ou membres d'une liste puissent se présenter alors qu'ils sont inscrits sur le FSPRT par nos services de renseignements. Or, les autorités préfectorales nous alertent depuis des mois sur le fait que la situation n'est nullement théorique mais, au contraire, que le cas va se produire dans un certain nombre de villes. Il existe donc un risque réel de voir élues des personnes qui présentent un danger grave pour l'ordre public ou la sûreté de l'État.

Dans un rapport d'information du 17 octobre 2018, la Commission des lois de l'Assemblée nationale a rappelé que ce fichier a été créé en mars 2015, après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hypercasher, qu'il est géré par l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT, au sein de la DGPN) et qu'il a « pour finalité principale de recenser et de centraliser les informations relatives aux personnes qui, engagées dans un processus de radicalisation, sont susceptibles de vouloir se rendre à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes ou de vouloir prendre part à des activités à caractère terroriste, en vue de l'information des autorités compétentes et de leur exploitation par les services et du suivi des personnes concernées ». Et, surtout, le FSPRT recense plus de 20 000 individus signalés (dont 6 000 « en sommeil », c'est-à-dire moins prioritaires, ce qui ne signifie pas pour autant qu'ils ne sont plus observés).

Comment pourrait-on aujourd'hui laisser se présenter aux élections organisées par notre République des citoyens français qui se sont radicalisés et présentent un danger pour la sécurité du pays et la stabilité de nos institutions ?

Outre la menace d'attentat terroriste, il n'est pas envisageable de laisser de telles personnes être élues aux commandes d'une ville. Rappelons que le maire a une compétence générale dans la gestion de sa commune, qu'il détient, au nom de l'État, un pouvoir de police et qu'il a accès aux fichiers de l'état civil et des aides sociales de ses concitoyens. Par ailleurs, il participe à l'élection des sénateurs et donc, indirectement, à la souveraineté nationale.

Il faut également nous prémunir contre une situation d'entrisme dans laquelle des personnes, soupçonnées par les services antiterroristes, se mêleraient à une équipe municipale, y compris à l'insu de celle-ci. En effet, les élus d'un conseil municipal ont accès à des informations stratégiques sur la population, votent des subventions et peuvent utiliser leurs compétences dans l'intention de nuire aux valeurs de la République.

C'est pourquoi cette proposition de loi vise à instaurer un « criblage » des candidatures aux élections, quel que soit le type de scrutin : scrutin de liste, scrutin binominal ou scrutin uninominal. Il s'agirait de mettre en place une procédure analogue à celle qui est aujourd'hui pratiquée pour l'exercice de certaines fonctions publiques « sensibles ».

Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation pour le moins injustifiable où, en raison des inéligibilités déjà prévues par le code électoral, un policier (OPJ) n'est pas autorisé légalement à se présenter aux élections dans la commune dans laquelle il exerce ses fonctions, mais où une personne fichée par les services antiterroristes le peut.

La proposition qui est faite tend donc, lors des déclarations de candidature en préfecture, à permettre au préfet ou au représentant de l'État dans le département :

- de vérifier si les candidats sont inscrits sur le FSPRT ;

- et d'apporter la preuve objective d'un comportement contraire à l'ordre public ou à la sûreté de l'État pour en tirer les conséquences suivantes :

o en cas de scrutin de liste, informer la tête de liste afin qu'elle remplace sous 24 heures le candidat fiché ou refuser de délivrer le récépissé de dépôt lorsque la tête de liste est elle-même fichée ou refuse de remplacer un membre de sa liste fiché ;

o en cas de scrutin binominal ou uninominal, refuser de délivrer le récépissé de dépôt lorsqu'un candidat ou un remplaçant est fiché.

À cette fin, le FSPRT est consultable par le préfet de département ou une personne dûment habilitée par lui au moment du dépôt des candidatures, à l'instar de ce qui existe pour les rectorats qui ont accès à ce fichier en vue d'une exclusion définitive des personnes fichées pour radicalisation des rangs de l'Éducation nationale.

Cette analyse des listes de candidats apparaît d'autant plus fondée qu'une procédure analogue est aujourd'hui utilisée pour l'exercice de certaines fonctions publiques particulièrement à risque comme, par exemple, dans les services de transports publics, de sécurité ou de l'Éducation nationale. À l'issue de cette procédure de repérage conduite par le ministère de l'Intérieur, les personnes concernées sont écartées par leur employeur desdites fonctions. Il apparaît là encore difficilement justifiable que la loi refuse à une personne inscrite sur le FSPRT de conduire un bus mais l'autorise à être maire d'une commune, conseiller municipal, départemental ou régional, voire parlementaire.

Comme toute décision en matière de dépôt des candidatures, cette décision administrative de refus pourra être contestée dans les conditions déjà prévues par le code électoral par une saisine du tribunal administratif dans les 24 heures, suivie d'un jugement rendu sous trois jours ; en cas de contestation, si le tribunal administratif ne se prononce pas dans les 72 heures, le droit électoral s'appliquerait et la candidature serait validée.

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