EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Petit à petit la transparence s'est imposée dans le processus de fonctionnement des structures de l'État. Cependant, certaines règles restent fossilisées avec souvent la complicité tacite des décideurs politiques. Ainsi, lorsque le Gouvernement élabore un projet de loi, il est tenu de consulter pour avis le Conseil d'État. Le pli a certes été pris depuis la seconde moitié des années 2010 de rendre cet avis public, mais il ne s'agit pour l'heure aucunement d'une obligation juridique et les exceptions concernant malheureusement les projets les plus contestés. Cette pratique ne concerne d'ailleurs pas les avis du Conseil d'État sur les projets d'ordonnance qui tendent cependant à se multiplier au point d'être aujourd'hui plus nombreux que les projets de loi.

Au demeurant, la publicité donnée aux avis du Conseil d'État reste de loin une exception dans un contexte marqué par un domaine toujours plus large de consultations préalable au dépôt de projets de loi ou d'ordonnance.

Par exemple, lors du redécoupage des circonscriptions législatives en 2010, le Gouvernement devait consulter pour avis la commission ad hoc de contrôle puis le Conseil d'État. Or, aucun de ces deux avis n'a été communiqué au Parlement ni a fortiori rendu public. Lors du vote de la loi de ratification de l'ordonnance de découpage, les parlementaires en étaient donc réduits à se référer aux fuites partielles dans la presse.

De la plupart des autorités administratives indépendantes au Conseil national d'évaluation des normes, en passant par le Conseil supérieur des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques ou le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, les consultations préalables sur des projets de dispositions législatives ou règlementaires auxquelles le Gouvernement doit procéder, en vertu de la loi, ne manquent pas.

Il tombe sous le sens que l'esprit de ces consultations préalables, imposées par le législateur, est de porter à la connaissance de la représentation nationale, et au-delà d'elle des citoyens eux-mêmes, la position et, le cas échéant, les observations des acteurs concernés sur les projets de réforme.

Pourtant, cette évidence ne frappe pas le Gouvernement qui, la plupart du temps, « oublie » de relayer spontanément l'avis, voire même de simplement en donner le sens. Le projet de loi de lutte contre le dérèglement climatique, actuellement soumis aux assemblées, est à cet égard symptomatique : l'étude d'impact fait état de plusieurs dizaines de consultations obligatoires et, pour la quasi-totalité d'entre elles, se borne à indiquer que ces consultations ont bien été faites (ce qui est la moindre des choses) sans prendre la peine de mentionner (ce qui serait le minimum), si lesdits avis ont été favorables, défavorables ou neutres.

De tels manquements traduisent l'intérêt tout relatif que les Gouvernements successifs portent à la bonne information du Parlement et à la prise en considération des avis de structures officielles souvent au service du dialogue entre la société civile et les pouvoirs publics. Ce dilettantisme, pour ne pas dire ce mépris, est d'autant plus grave qu'il concerne également les projets d'ordonnance, à savoir une forme d'élaboration de la législation réduisant sensiblement l'intervention normative du Parlement, ce qui justifierait à l'évidence que, en contrepartie, soit assuré un contrôle parlementaire efficace et que, par conséquent, soit garantie la bonne information des assemblées.

Le Gouvernement n'a pas jugé utile de porter spontanément à la connaissance de la représentation nationale :

- l'avis du Conseil commun de la fonction publique sur l'ordonnance du 21 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public ;

- l'avis de la Commission nationale de la négociation collective sur l'ordonnance n° 2020-1255 du 14 octobre 2020 relative à l'adaptation de l'allocation et de l'indemnité d'activité partielle ;

- l'avis du Conseil national des conditions de travail sur l'ordonnance n° 2020-1162 du 23 septembre 2020 relative aux conditions de travail des jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans à bord des navires ;

- ni plusieurs autres avis préalables prévus par la loi.

Le Gouvernement n'étant pas obligé de se conformer à ces avis, si ceux-ci restent par ailleurs secrets, on peut se demander à quoi ils servent. La présente proposition tend donc à compléter l'article 20 de la Constitution en prévoyant que les avis que le Gouvernement est tenu de solliciter préalablement au dépôt d'un projet de loi, d'ordonnance ou de décret doivent être publiés dans des conditions fixées par une loi organique.

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