EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il existe en France un désordre de la propriété lié à l'absence de titres opposables, à l'existence de bien non délimités dont on ne connaît pas la contenance exacte des droits, qu'il s'agisse des droits de chacun des propriétaires présumés, ou encore de l'existence de comptes cadastraux appartenant à des personnes décédées. Cette situation est présente dans toute la France, mais elle touche particulièrement certaines régions, nécessitant ainsi des mesures législatives encourageant une normalisation de la situation.

En Corse, marquée par un droit spécifique de 1801 à 2012 qui a favorisé ce désordre, dans la plupart des départements et territoires ultramarins, en Ardèche, en Lozère, etc..,, ces phénomènes précités y sont prégnants et ont des conséquences négatives.

Cette situation de désordre juridique foncier résulte principalement de l'absence de titres de propriété réguliers, publiés à la conservation des hypothèques en application du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

Elle est génératrice d'insécurité juridique et provoque des effets économiques néfastes. L'absence de titres de propriété prive d'abord les citoyens de recourir aux dispositions de droit civil relatives à la propriété immobilière. Elle entrave également toute possibilité d'accès à l'emprunt. Il en est de même pour les biens non délimités puisque le propriétaire présumé d'un lot au sein d'un bien non délimité est dans l'incapacité de produire un titre opposable. La détention de biens par de multiples héritiers censés détenir des droits indivis concurrents dilue les responsabilités et rend plus difficile l'entretien des biens concernés. Autant d'éléments qui participent au délabrement du patrimoine immobilier et alimentent des contentieux abondants dans les familles.

Cette situation est également lourde de conséquences pour les autorités publiques, l'État ou les collectivités territoriales. Le recouvrement de l'impôt, foncier, d'habitation et surtout de transmission, relève du parcours du combattant. Les mairies se trouvent également en difficulté pour faire appliquer la réglementation environnementale, pour recourir à la législation des biens vacants et sans maître, ou encore celle des immeubles menaçant ruine. Les communes n'ont alors d'autre choix que de laisser le patrimoine immobilier se dégrader sans avoir la possibilité d'intervenir efficacement.

Face à l'impérieuse nécessité d'adapter la loi pour résorber ce désordre de la propriété, le législateur avait adopté la loi n°2017-285 du 6 mars 2017 comprenant des mesures spécifiques et transitoires pour tendre vers une normalisation foncière avec comme échéance le 31 décembre 2027.

Si le travail de reconstitution des titres a connu une progression fulgurante depuis la promulgation de cette loi, on est encore loin d'atteindre l'objectif de normalisation, justifiant de fait la prorogation des mesures dérogatoires d'une période décennale. Pourquoi dix années ? Parce que reconstituer un titre de propriété peut prendre jusqu'à plusieurs années et que les usagers ont besoin de visibilité avant d'engager la procédure pour s'assurer de pouvoir bénéficier des dispositions fiscales incitatives.

L'objet de cette proposition de loi est donc de proroger les mesures de ladite loi d'incitation à la normalisation foncière jusqu'au 31 décembre 2037 au lieu du 31 décembre 2027 actuellement.