EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près de 500 000 logements devraient être construits chaque année pour satisfaire les besoins des Français. En 2022, seulement 370 0001(*) ont été mis en chantier. Aujourd'hui, il manquerait près de 250 000 logements étudiants2(*).

Les jeunes sont les premiers touchés par la crise du logement. Alors que 20 %3(*) d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté en France, le logement représente leur premier poste de dépenses (60 % du budget) et le principal facteur de leur précarisation. Le taux d'effort net que les jeunes consacrent actuellement au logement est deux fois supérieur à celui de la population générale.

Cette situation est alimentée par deux effets. D'une part, des prix inabordables qui excluent une large partie des jeunes. Depuis les années 2000, ces prix ont augmenté quatre fois plus vite que les revenus des ménages. À Paris, l'augmentation atteint le niveau impressionnant de plus de 350 % en vingt années. D'autre part, une pénurie chronique d'offres dans les parcs privé et social. La forte croissance du nombre d'étudiants depuis vingt années, liée à la démocratisation de l'enseignement supérieur et à la hausse du nombre d'étudiants internationaux, n'est plus absorbée par l'offre locative. Cette situation impose 40 000 logements supplémentaires par année.

Par ailleurs, le vieillissement de la population multiplie les cas d'isolement relationnel et le besoin d'aide pour la vie quotidienne. La cohabitation intergénérationnelle solidaire apparaît comme une solution efficace et opérationnelle.

La loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement et du numérique définie la cohabitation intergénérationnelle solidaire comme « un contrat par lequel une personne de soixante ans et plus, propriétaire ou locataire, s'engage à louer ou sous-louer une partie de son logement à une personne de moins de trente ans moyennant une contrepartie financière modeste. »

Depuis 2004, la cohabitation intergénérationnelle solidaire a prouvé son utilité et ses bénéfices sociétaux et sociaux.

En effet, elle permettait aux jeunes de faire des économies substantielles4(*) : 1 815 € en moyenne par contrat de 7,5 mois5(*). Sur la même durée, pour la Caisse d'Allocations Familiales (CAF), l'économie moyenne sur l'allocation logement est quant à elle de 615 €. Elle contribue également au bien vieillir par un maintien du lien social chez les aînés et par une prévention accrue des risques de « glissements » lors du vieillissement.

Si la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 a posé un cadre juridique, le chantier de la cohabitation intergénérationnelle solidaire demeure inabouti.

Cette proposition de loi tend à corriger certains manques juridiques et financiers afin de permettre le développement de la cohabitation intergénérationnelle solidaire.

Le b du 1° de l'article 1 vise donc à encadrer le caractère modeste de la contrepartie financière par un plafonnement en lien avec les particularités des territoires afin de préserver l'esprit du dispositif de rendre accessibles aux jeunes des logements occupés par des aînés.

Le a du 1° et le 2° de l'article 1er visent à préciser la possibilité pour les jeunes et les seniors de faire reposer les échanges entre eux sur les menus services uniquement, sans qu'une contrepartie financière soit nécessaire. En effet, la gratuité peut être recherchée par des jeunes ayant de très faibles moyens financiers.

L'article 2 vise à inciter les seniors à s'engager dans le dispositif par une exonération fiscale sur l'impôt sur le revenu sous réserve du respect du caractère modeste de la contrepartie financière dans le cadre d'une location ou sous-location à destination des jeunes de moins de 30 ans.

Le premier alinéa du c de l'article 1er vise à s'assurer que les modalités de l'arrêté du 13 janvier 2020 relatif à la charte de la cohabitation intergénérationnelle solidaire sont respectées Il est essentiel de sécuriser la relation entre les jeunes et seniors cohabitants, mais aussi crucial que l'accompagnement des jeunes et des seniors soit assuré par des structures ancrées localement.

L'article 3 prévoit de solvabiliser des structures privées non lucratives par la création d'un fonds expérimental d'une durée de trois années, doté de 10 millions d'euros et s'inscrivant dans une approche régionale cohérente. L'accompagnement associatif de la cohabitation intergénérationnelle solidaire repose sur un modèle économique mixte privé - public. Aujourd'hui, les fonds publics sont insuffisants. Il est donc nécessaire qu'un fonds social conséquent dédié au logement des jeunes dans les logements sous-occupation et vacants soit créé.

Le deuxième alinéa du c de l'article 1er vise à lever les risques juridiques relatifs à l'obligation de surface minimum occupée attendu dans le cas de division des logements. Une dérogation avait été mise en place pour la colocation. Il s'agit de mettre en place une dérogation similaire pour la cohabitation intergénérationnelle solidaire.

Enfin l'article 4 vise à assurer le financement des dispositions contenues dans la présente proposition de loi.

* 1 Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Service des données et études statistiques (SDES), n°531 Construction de logements, Résultats à fin janvier 2023 (France entière), mars 2023

* 2 Laurent Lafon, Rapport d'information n° 742 (2020-2021), déposé le 6 juillet 2021, au Sénat, Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour L'État et les collectivités.

* 3 Ikpidi Badji, Jérémy Brémaud, Jérôme Hubert, Christine Le Clainche, Le potentiel économique de la cohabitation intergénérationnelle Solidaire, Caractéristiques des publics concernés et effets socio-économiques, Mai 2022. Étude réalisée pour la DHUP, l'AGIRC ARRCO et la Mutualité Fonction Publique

* 4 Ikpidi Badji, Jérémy Brémaud, Jérôme Hubert, Christine Le Clainche, Le potentiel économique de la cohabitation intergénérationnelle Solidaire, Caractéristiques des publics concernés et effets socio-économiques, Mai 2022. Etude réalisée pour la DHUP, l'AGIRC ARRCO et la Mutualité Fonction Publique

* 5 Durée moyenne d'une Cohabitation Intergénérationnelle Solidaire au sein du Réseau Cohabilis

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