EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les téléphones portables n'ont pas leur place dans le temps scolaire.

L'élève n'a pas besoin d'un « smartphone », ni en cours pour suivre un enseignement, ni pendant les pauses pour se reposer, se divertir ou socialiser. En cas d'urgence, les membres de l'équipe pédagogique ont les moyens de contacter eux-mêmes les parents.

Les téléphones portables représentent d'abord une source majeure de perturbations en classe et de distraction pour les élèves, les détournant de l'apprentissage, les isolant du groupe, nuisant à leur capacité de concentration. Dans une société où les écrans individuels sont omniprésents, les jeunes Français peuvent déjà passer jusqu'à six heures par jour devant un écran, et en moyenne presque deux heures quotidiennes sur le seul réseau social TikTok (rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la « Tactique TikTok » - 2023). Le temps scolaire doit être préservé de ces comportements addictifs, et consacré à d'autres sources de découverte du monde, au lien avec l'adulte enseignant, aux contenus plus longs, au travail collectif et aux interactions humaines.

Selon l'édition publiée en janvier 2024 du baromètre « Notre avenir à tous », conduit depuis trois ans par Ipsos en partenariat avec l'ESSEC auprès des jeunes Français de 11 à 15 ans, près d'un collégien sur cinq (19 %) déclare consulter son téléphone portable pendant les cours et 34 % d'entre eux le consultent entre les cours.

Par ailleurs, plusieurs réseaux sociaux sont devenus un élément consubstantiel au cyberharcèlement, à la cyberintimidation et plus largement à la violence à l'école. On peut ainsi noter le nombre croissant de jeunes qui filment des bagarres à l'école et postent les vidéos sur les réseaux sociaux, mais aussi l'émergence d'une pratique consistant à préparer des agressions destinées à être filmées et diffusées parfois en direct sur les réseaux sociaux pour humilier la victime, appelée « happy slapping ». Cette forme de violence, actuellement en pleine expansion, atteint des proportions de plus en plus alarmantes. Un rapport publié le 27 mars 2024 par l'Organisation mondiale de la santé OMS/Europe révèle qu'environ 16 % des enfants de 11 à 15 ans déclarent avoir été harcelés en ligne en 2022. Le cyberharcèlement est devenu un fléau majeur pour le bien-être des élèves comme pour la sérénité des enseignants.

Pour ces raisons, l'UNESCO elle-même recommande d'interdire les smartphones dans les écoles, soulignant qu'il est prouvé que l'utilisation excessive des téléphones portables est liée à une baisse des résultats scolaires et qu'un temps d'écran élevé a un effet négatif sur la stabilité émotionnelle des élèves.

Depuis la loi du 3 août 2018 « relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire », l'usage du téléphone portable est interdit « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges et pendant toute activité liée à l'enseignement qui se déroule à l'extérieur de leur enceinte ».

Pour autant, malgré cette interdiction, de nombreux collégiens continuent en pratique à utiliser leurs smartphones au sein de leur établissement, y compris sur leur temps d'étude.

À la suite de nouveaux faits de harcèlement scolaire aux dénouements dramatiques, la ministre de l'éducation nationale Nicole Belloubet a envisagé la possibilité d'« une pause numérique complète pendant le temps du collège ».

L'efficacité d'une interdiction véritablement suivie d'effets a déjà été étayée par l'exemple de l'Espagne, les deux régions de Galice et de Castille-et-León ayant interdit l'utilisation de téléphones portables dans les écoles à partir de 2015. Une étude espagnole a établi en 2022 des réductions notables de l'incidence de cyberharcèlement dans ces deux régions et l'Espagne est le pays présentant le plus bas niveau de cyberharcèlement par les garçons. En France aussi, les établissements dits d'excellence ou présentant les meilleurs taux de réussite au bac sont ceux qui surveillent avec la plus grande fermeté l'usage des smartphones, pouvant aller jusqu'à les confisquer.

La présente proposition de loi vise donc, en premier lieu, à rendre obligatoire le dépôt des téléphones portables à l'entrée des écoles et collèges - ces derniers établissements étant les principaux visés dans la mesure où les élèves sont encore peu équipés de mobiles au premier degré.

La liberté serait donnée aux établissements concernant la mise en oeuvre de la collecte, de la surveillance et du retour des téléphones portables.

La présente proposition de loi vise, en second lieu, à améliorer la prévention concernant les risques induits par la surexposition des enfants et des adolescents aux écrans et aux réseaux sociaux et à rappeler la nécessité d'un usage raisonnable et intelligent des écrans.

À cet égard, si un plan d'actions « Pour un usage raisonné des écrans par les jeunes et les enfants » a été lancé en février 2022, l'information et la sensibilisation des parents et des jeunes sur ces effets néfastes sont encore incomplètes.

Il serait opportun d'imposer un message à caractère sanitaire sur les risques des écrans et réseaux sociaux sur tous les supports publicitaires faisant la promotion de ces produits.

L'article 1er prévoit donc d'interdire le port du téléphone mobile et de tout équipement assimilé dans l'enceinte des écoles et des collèges, selon des modalités de contrôle du dépôt et du retrait des appareils librement déterminées par les établissements.

L'article 2 instaure l'obligation d'apposer, sur les publicités faisant la promotion des téléphones mobiles et des applications mobiles, un message de prévention précisant les effets néfastes de l'abus d'écrans et de réseaux sociaux chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes.

L'article 3 est le gage financier.

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