EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise aigüe du logement fragilise plus de 12 millions de personnes. Cette situation atteint son paroxysme en Île-de-France où 1,3 million de personnes sont mal logées.

Selon la Fondation pour le logement des défavorisés, l'Île-de-France concentre 33 % des habitants en bidonvilles, près de 34 % des demandes de logements sociaux, 41 % des expulsions locatives effectives, 64 % des recours DAHO et 59 % des recours DALO, 61 % des ménages Priorités Urgentes DALO restant à reloger, 63 % des situations de surpeuplement accentué...

C'est une crise multiple à laquelle la région capitale fait face : crise du logement, crise de l'immobilier, crise du foncier, crise de l'offre et crise de la demande.

Les autres régions ne sont pas épargnées, notamment dans les métropoles où le manque de moyens alloués par l'État aux bailleurs sociaux empêche les habitants d'être logés décemment à des prix accessibles. Ainsi, la demande de logement social a augmenté de 7,6 % entre 2022 et 2023 sur tout le territoire, avec par exemple une hausse de 9,7 % en Occitanie, de 13 % à la Réunion et même de 16,3 % en Guadeloupe en seulement un an. La hausse des prix du foncier rend les coûts de construction plus élevés et l'accession à la propriété plus lointaine, bloquant ainsi les parcours locatifs et résidentiels.

De plus, avec les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols, il y aura de moins en moins de foncier disponible, menant ainsi à une raréfaction de l'offre et à une hausse des prix dans tous les territoires qu'il faut dès à présent anticiper.

Sujet peu abordé dans le débat public, la question du coût du foncier apparaît donc comme l'un des principaux obstacles à la construction de logements adaptés et à la réponse aux besoins des demandeurs. Selon l'Observatoire régional du foncier en Île-de-France (ORF), la part du foncier dans le coût moyen hors taxes des opérations de logement social continue de progresser, représentant 41 % en 2023 (+10 points depuis 2020).

Les prix du foncier ont été multipliés par 4 depuis 2000 dans la région Île-de-France et influencent les prix de vente et de location. Sur les marchés fonciers, le nombre de ventes de terrains constructibles est en baisse de 27 %.

Au plan national, la part des terrains bâtis dans le patrimoine immobilier total des ménages est passée de 22 % à 48 % en 2022. Cette augmentation serait deux fois plus rapide que celle de la valeur immobilière.

Selon les comptes de patrimoine de l'INSEE, sur l'ensemble du territoire français, le total de la valeur des terrains bâtis est ainsi passé de 122 milliards d'euros en 1978 à 4 496 milliards d'euros en 2022, en euros courants, soit une augmentation de 3 500 %, c'est-à-dire une multiplication par 37.

Les prix moyens au mètre carré ont presque doublé à l'échelle nationale, passant de 55 €/m² en 2006 à 91 €/m² en 2022, avec des conséquences réelles sur l'accès à la propriété.

L'accès à la propriété est aujourd'hui bloqué et les ménages qui accèdent à la propriété en Île-de-France sont de moins en moins nombreux. Et pour cause, le revenu moyen des primo-accédants est d'environ 4 400 euros par mois, soit deux fois le revenu médian observé dans la région. Le droit au logement ne peut être seulement réservé aux plus riches ni même aux seuls héritiers. En octobre 2019, selon les chiffres du Commissariat général de l'environnement et du développement durable, en monnaie constante, le prix des logements est 72 % plus élevé qu'en 2000, alors que le revenu disponible par ménage n'a progressé que de 4 %.

Cette situation provoque une crise du marché privé et, par conséquent, déborde sur le parc public, en situation de tension permanente pour répondre aux demandes de logement : le nombre de ménages en demande de logement social a fait plus que doubler ces douze dernières années, passant de 406 000 à 837 000 en Île-de-France, et à 2,7 millions dans toute la France. Chaque année, seulement 1 demande sur 10 est satisfaite.

Malgré le dynamisme des politiques publiques locales et le volontarisme des bailleurs et des acteurs du logement social, la crise du foncier met en cause le nombre d'agréments de logements sociaux. Ceux-ci ont diminué de 5 % en 2022, puis de 20 % en 2023 pour se fixer à seulement 17 500. Il s'agit du plus faible volume observé en Île-de-France depuis 2006, obligeant la Chambre régionale des comptes à tirer la sonnette d'alarme dans son rapport du 7 mars 2025.

Des outils existent face à l'explosion des prix du foncier, comme les établissements publics fonciers, mais aussi des dispositifs volontaristes à l'initiative bien souvent d'acteurs locaux, comme les organismes de foncier solidaire ou le bail réel solidaire. Il apparaît cependant urgent d'apporter des solutions plus globales à cette crise du foncier qui participe de la crise du logement. En effet, le prix du foncier suit mécaniquement le prix des logements neufs à la vente, et correspond au prix que les promoteurs peuvent instaurer pour vendre leur opération au prix de marché, lui-même conditionné par le niveau des taux d'intérêt des emprunts bancaires, l'attractivité du territoire, les avantages fiscaux, le niveau des marges des professionnels du secteurs, les frais de gestion...

En Île-de-France, l'outil majeur, créé par la loi SRU, pour le portage du foncier, en liaison avec les territoires, est bien évidemment l'EPFIF. Son action contribue à alimenter les références en matière de prix du foncier et assure une cohérence à la construction du prix du foncier.

Les auteurs de cette proposition de loi préconisent d'aller bien plus loin avec une évolution des prérogatives de l'EPFIF. Il s'agirait de lui attribuer le rôle de régulateur des prix du foncier à l'échelle de l'Île-de-France.

Pour endiguer la hausse des prix du foncier dans les régions les plus touchées, les auteurs de la présente proposition de loi proposent de s'appuyer sur le modèle de l'encadrement des loyers pour procéder à l'encadrement des prix du foncier.

Ainsi, l'article 1er procède à la création d'un observatoire des prix du foncier dans chaque région. S'il existe déjà un observatoire régional des prix du foncier en Île-de-France (ORF), celui-ci est le fruit d'un travail partenarial, notamment entre l'État et la Région, sans toutefois être inscrit dans la loi. Sa composition sera établie par décret et pourrait s'appuyer sur le modèle de l'ORF, avec le Préfet, le Conseil régional, le CESER, des collectivités, des professionnels du secteur, et pourrait être complété de représentants syndicaux et associatifs.

Cet observatoire pourra ainsi établir un prix médian du foncier, déterminé à partir des prix de vente ajustés par zone géographique dans les métropoles. Ce prix médian pourra permettre au préfet de fixer un prix médian de référence, avec une valeur minorée et majorée. L'article 4 de la présente proposition de loi instaure un prix de référence majoré à 15 %, permettant ainsi d'empêcher les écarts de prix trop importants. Les communes pourront, par délibération du conseil municipal, déterminer un prix de vente maximal établi entre le prix de référence et le prix de référence majoré.

L'article 2 désigne l'EPFIF comme autorité régulatrice des prix du foncier, qui pourra s'exercer sous l'égide d'une gouvernance plurielle avec un fonctionnement démocratique associant tous les acteurs du logement (opérateurs, collectivités, associations de locataires et de copropriétaires, syndicats, etc.).

L'article 3 complète le droit de préemption des préfets en intégrant le motif de lutte contre la spéculation immobilière et foncière. Ce droit de préemption peut d'ores et déjà être délégué à d'autres entités publiques, tel que l'EPFIF.

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