EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin II », a instauré un mécanisme judiciaire pour traiter plus efficacement et rapidement des procédures à l'encontre des personnes morales en concluant un accord avec les autorités de poursuite. Ce mécanisme, appelé convention judiciaire d'intérêt public, a pour objectif initial de désengorger la justice et de pallier la lenteur judiciaire.

D'abord prévu en matière de corruption puis de fraude fiscale, ce mécanisme de convention judiciaire d'intérêt public s'est étendu aux délits environnementaux par le biais de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

Un article 41-1-3 du code de procédure pénale a ainsi été ajouté par cette loi.

Celui-ci prévoit que les personnes morales soupçonnées d'avoir commis des délits prévus par le code de l'environnement et des infractions connexes peuvent se voir proposer par le procureur de la République la possibilité de négocier une amende, dans la limite de 30 % de leur chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements.

En échange, les poursuites sont abandonnées, le procès pénal évité, et le casier judiciaire de la personne morale mise en cause reste vierge, sans aucune reconnaissance des faits et des responsabilités.

La jurisprudence a montré néanmoins les limites d'un tel processus.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020, plus de vingt-cinq conventions judiciaires d'intérêt public ont été négociées et signées en matière environnementale.

Lors de la toute première convention judiciaire d'intérêt public environnementale initiée par le procureur de la République du Puy-en-Velay le 22 novembre 2021, la société SYMPAE1(*) ayant déversé du permanganate de potassium dans des eaux a réglé une amende de 5 000 euros alors que, pour les personnes morales, le délit de pollution des eaux est puni d'une amende pouvant aller jusqu'à 375 000 euros selon l'article L. 216-6 du code de l'environnement.

Il en est de même de la convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale avec la société LACTALIS pour des faits de pollution des eaux, qui s'est conclue le 1er juin 2023 par une amende de 100 000 euros.

Récemment, la convention judiciaire d'intérêt public environnementale proposée par le parquet d'Épinal à Nestlé Waters s'est conclue par une amende de seulement 2 millions d'euros, dérisoire par rapport au préjudice environnemental et par rapport au chiffre d'affaires de Nestlé qui dépasse 93 milliards d'euros en 2023.

Par ailleurs, si la convention judiciaire d'intérêt public environnementale est rendue publique, tel n'est pas le cas des négociations entre le Procureur de la République et les personnes morales mises en cause.

Comment sont négociées les amendes ? Cela reste une zone d'ombre.

Sur les vingt-cinq conventions judiciaires d'intérêt public négociées en matière environnementale, les montants des amendes négociées n'ont encore jamais atteint les 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel calculé sur les 3 dernières années pourtant prévus par la loi du 24 décembre 2020.

Le montant des amendes en matière environnementale est bien loin d'atteindre les millions d'euros d'amendes négociés dans les conventions judiciaires d'intérêt public anticorruption.

En l'état actuel, le quantum très limité des amendes d'intérêt public, le périmètre d'infractions connexes trop étendu et le manque de transparence dans les négociations vont à l'encontre même de l'objectif initial d'un tel mécanisme.

Les lacunes du processus de convention judiciaire d'intérêt public invitent nécessairement à réformer un tel procédé pour plus de transparence et de rigueur.

Certes, la rapidité d'un tel mécanisme présente un intérêt en matière d'efficacité transactionnelle. Elle constitue d'ailleurs une réponse rapide aux atteintes à l'environnement.

L'Union européenne a ainsi encouragé, dans sa directive 2024/1203 du 11 avril 2024 sur la protection de l'environnement par le droit pénal, le recours à des « mesures visant à améliorer la prévention des infractions pénales pouvant inclure la promotion à des mécanismes de conformité et de diligence raisonnable »2(*).

En quelques années, ce mécanisme a donc permis de faire entrer dans les caisses de l'État plus de 4 milliards d'euros.

Pour autant, ces conventions ne laissent aucune place au contradictoire, ni aucune place aux associations et collectivités territoriales. Les victimes du préjudice ne sont d'ailleurs pas informées des conventions judiciaires d'intérêt public en matière environnementale.

Il apparaît donc pertinent de solliciter la présence aux négociations de la convention de l'ensemble des parties civiles concernées.

En outre, en instaurant un cadre à la convention judiciaire d'intérêt public environnementale excluant les infractions connexes, l'objectif est de rappeler que la convention doit rester un mode alternatif de règlement des différends dérogatoire au droit commun.

L'article unique vise à modifier la rédaction de l'article 41-1-3 du code de procédure pénale qui prévoit la convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale. Il vise à renforcer les obligations et à inclure les collectivités et associations environnementales dans le processus de négociation, à exclure les infractions connexes et à prévoir des amendes dissuasives.

* 1 Syndicat Mixte de Production et d'Adduction des Eaux.

* 2 Directive (UE) 2024/1203 du parlement européen et du conseil du 11 avril 2024 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal et remplaçant les directives 2008/99/CE et 2009/123/CE.

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