EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Après avoir proféré dans des vidéos en ligne des appels à la violence visant un opposant algérien résidant en Algérie, l'influenceur « Doualemn » s'est vu notifier, le 7 janvier 2025, deux arrêtés du ministre de l'intérieur lui retirant son titre de séjour et ordonnant son expulsion vers l'Algérie.
Faute d'accord avec le Gouvernement algérien, il est sorti libre le 17 juin 2025, à l'issue de la durée légale maximum de 90 jours de rétention.
Pour mémoire, il avait été expulsé le 9 janvier en Algérie, mais les autorités algériennes l'avaient immédiatement renvoyé en France.
Dans les faits, le ministère de l'intérieur a fait application de la procédure prévue en cas d'urgence absolue et n'a donc pas consulté la commission mentionnée à l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Ledit influenceur a saisi le tribunal administratif de Paris, en référé, pour contester le recours à la procédure d'urgence ainsi que la décision d'expulsion elle-même, considérant que la condition de menace grave pour l'ordre public n'était pas satisfaite.
Aussi, rappelons-le, l'article L. 631-1 du CESEDA, indique que l'expulsion d'un étranger est possible « lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public ». Dans tous les cas de figure, l'expulsion obéit à une procédure administrative définie aux articles L. 632-1 à L. 632-7 du CESEDA.
L'article L. 632-1 prévoit en particulier que l'étranger est d'abord convoqué pour être entendu par une commission, composée de deux juges judiciaires et d'un juge administratif. Devant la commission, l'étranger peut faire valoir les arguments qui militent contre son expulsion. La commission dispose d'un délai d'un mois, renouvelable une fois, pour émettre un avis.
Le dernier alinéa de l'article L. 632-1 précise cependant qu'il est possible de se dispenser de l'avis de la commission « en cas d'urgence absolue ».
Pour autant, concernant l'affaire « Doualemn », dans son ordonnance en date du 29 janvier 2025, le juge des référés avait d'abord estimé que les faits reprochés à l'intéressé étaient susceptibles de représenter une menace grave à l'ordre public, justifiant une expulsion. Il a en conséquence refusé de suspendre le retrait du titre de séjour prononcé par le ministre de l'intérieur.
Sur le plan de la procédure, il a en revanche jugé que le ministre de l'intérieur ne pouvait pas procéder à l'expulsion dans le cadre d'une procédure pour « urgence absolue », le ministère n'ayant pas démontré que la présence de l'influenceur sur le territoire français faisait peser un « danger imminent pour l'ordre public » justifiant d'y recourir. Le juge des référés a donc ordonné la suspension de la mesure d'expulsion et enjoint au ministère de l'intérieur de réexaminer le dossier dans le cadre d'une procédure d'expulsion ordinaire, avec avis de la commission.
Le 5 mars 2025, la commission des expulsions du département de l'Hérault a ainsi entendu « Doualemn » avant de rendre, le 12 mars, un avis favorable à son expulsion.
En parallèle, des poursuites pénales ont été engagées à la suite du signalement effectué par le maire de Montpellier et par le préfet de l'Hérault. Elles ont abouti, le 24 février 2025, à une condamnation à une peine de cinq mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal de Montpellier pour provocation publique non suivie d'effet à commettre un crime ou un délit1(*).
Enfin, le Conseil d'État a estimé le 8 avril 2025 que l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de « Doualemn » n'était entaché « d'aucune irrégularité ni erreur de droit ». Dès lors, l'influenceur algérien est expulsable. « Les propos de l'influenceur dans sa vidéo du 9 janvier 2025, s'inscrivent dans le contexte d'une montée des menaces dont font l'objet les opposants aux autorités algériennes résidant en France, justifiant une vigilance particulière au regard des risques pour l'ordre public » a précisé le Conseil d'État.
Aussi, au-delà de la question de la délivrance du laissez-passer consulaire, nous voyons bien dans cette affaire qu'alors même que l'étranger représente une menace à l'ordre public, nous faisons face à des procédures trop longues. C'est pourquoi, nous devons faciliter cette procédure d'expulsion des étrangers qui constituent une menace grave pour l'ordre public en supprimant la procédure consultative devant la commission. Par conséquent, l'actuelle procédure « d'urgence absolue » deviendrait la règle et non plus l'exception.
Tel est le sens de cette proposition de loi.
* 1 La loi de la presse de 1881 punit le fait de provoquer à commettre des crimes ou délits. Lorsque la provocation n'a pas été suivie d'effet, l'auteur de la provocation encourt une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende s'il a incité à commettre une des infractions suivantes : atteinte à la vie, à l'intégrité de la personne, agression sexuelle, vol, extorsion.