EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'électricité est un bien de première nécessité, indispensable au minimum de bien-être des ménages. Or, les impayés ont fortement augmenté ces dernières années et aboutissent à des interruptions de fourniture d'énergie ou à des réductions de puissance en électricité. Face à cette dégradation des conditions de vie, nombre de ménages peuvent basculer dans la précarité énergétique.

Le médiateur national de l'énergie a publié, en mars 2025, le nombre d'interventions pour impayés en 2024, en hausse pour la quatrième année consécutive : plus de 1,2 million d'interventions pour impayés ont été mises en oeuvre à la demande des fournisseurs d'électricité et de gaz, en hausse de 24 % par rapport à 2023. Ce constat porte aussi bien sur les réductions de puissance (937 000, en hausse de 25 %) que sur les coupures d'électricité ou de gaz (309 000, en hausse de 16 %). Les interventions concernant l'électricité sont très majoritaires avec un total de 1 140 990 interventions en 2024.

Source : le médiateur national de l'énergie (mars 2025)

Dans le baromètre du médiateur national de l'énergie publié en novembre 2024, 85 % des foyers interrogés se déclaraient « préoccupés par le montant de leurs factures d'énergie », 75 % déclaraient « avoir restreint leur chauffage pour limiter leurs factures » et 30 % déclaraient « avoir souffert du froid dans leur logement ».

Selon les chiffres de l'Observatoire national de la rénovation énergétique, plus d'un ménage sur dix en France vit dans une « passoire thermique », soit plus de 5,8 millions de logements classés F ou G en performance énergétique.

Le poids de la facture énergétique dans le budget des ménages n'a cessé de s'accroître ces dernières années et a explosé avec la crise énergétique. Malgré le reflux de l'inflation, ces dépenses captives continuent de peser fortement sur le budget des ménages : 3,2 millions de ménages ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer les factures énergétiques et appartiennent aux 3 premiers quartiles de revenus (soit 10,8 % de Français)1(*).

Ces données sont d'autant plus préoccupantes que, depuis février 2025, les ménages ne bénéficient plus du bouclier tarifaire alors que les prix de l'électricité se maintiennent à un niveau élevé et que le mécanisme post-ARENH, à partir du 1er janvier 2026, dépendra fortement des prix de marché de gros, ne garantissant ni stabilité ni prix abordables (cf. étude UFC QUE Choisir2(*) de février 2025 sur la nouvelle régulation du marché de l'électricité et le risque d'une nouvelle flambée des prix).

Il est également rappelé l'augmentation de la taxation sur l'électricité appliquée début 2025 ainsi que la hausse de la TVA à 20 %, au 1er août 2025, sur les abonnements d'électricité et de gaz.

Du côté des mécanismes de solvabilisation des ménages les plus modestes, faute d'une revalorisation d'ampleur, le forfait « charges » des aides au logement reste insuffisant pour véritablement soutenir les ménages éligibles. Et, s'agissant du chèque énergie (5,5 millions de bénéficiaires en 2024), bien qu'intégrant une visée sociale, il ne permet pas d'offrir une véritable protection compte tenu de la faiblesse des montants versés : pour un ménage de 4 personnes disposant d'un revenu fiscal de référence de 16 800 €, le montant du chèque énergie s'élève à 63 € pour l'année.

L'Union européenne incite fortement les États membres à intervenir en soutien des ménages les plus précaires. La directive européenne 2024/17113(*) rappelle en effet aux États qu'« il est possible d'établir des prix réglementés, y compris inférieurs au prix de revient, pour les clients vulnérables et les clients en situation de précarité énergétique, y compris des prestations à prix inférieur au prix de revient, [...] qu'il y ait ou non une crise des prix de l'électricité ».

Elle indique également que « les clients vulnérables et les clients en situation de précarité énergétique devraient être correctement protégés contre les coupures électriques et ne devraient pas non plus être placés dans une position qui les oblige à se déconnecter. Les États membres devraient donc veiller à ce que les clients vulnérables et les clients en situation de précarité énergétique soient totalement protégés contre les interruptions de fourniture d'électricité, en prenant les mesures appropriées, y compris l'interdiction des interruptions ou d'autres mesures équivalentes ».

Il faut, bien sûr, accroître nos efforts pour éradiquer les passoires énergétiques comme la France s'y est engagée, d'ici 2030. Les travaux de rénovation d'ampleur (gain de 2 classes énergétiques minimum) réalisés dans le cadre d'un parcours accompagné sont à ce titre les plus efficaces. Les dispositifs d'aide des ménages modestes dans cette transition doivent être à la hauteur.

Mais, dans l'immédiat, il est devenu indispensable de contenir la facture énergétique et de mieux protéger les ménages les plus modestes du parc social comme du parc privé : 34 % des ménages du parc social ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté (+5 points en 6 ans) (chiffre INSEE avril 2025). Les ménages modestes sont surreprésentés dans les passoires thermiques du parc locatif privé.

L'article 1er de la proposition de loi vise ainsi à créer une tarification spéciale de l'électricité, applicable de droit, aux occupants d'un logement social ainsi qu'aux consommateurs vulnérables ou en situation de précarité énergétique. Cette tarification doit protéger les ménages modestes face aux coûts élevés de l'électricité dans le cadre autorisé par le droit européen. Elle est définie par arrêté après avis de la commission de régulation de l'énergie. Ce dispositif s'ajoute au chèque énergie, pour ceux qui y sont éligibles. Les charges imputables à l'application de cette tarification spéciale sont compensées par l'État.

L'article 2 prévoit d'interdire totalement les coupures d'électricité pour les ménages bénéficiaires de la tarification spéciale.

* 1 https://onpe.org/

* 2 https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-electricite-la-nouvelle-regulation-fera-flamber-la-facture-des-consommateurs-n149512/

* 3 Directive (UE) 2024/1711 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 modifiant les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944 en ce qui concerne l'amélioration de l'organisation du marché de l'électricité de l'Union.

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