EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'aménagement foncier agricole, forestier et environnemental (AFAFE) constitue un outil puissant au service des territoires ruraux, combinant des objectifs de restructuration du parcellaire agricole et de restauration écologique. Depuis l'ajout de la dimension environnementale par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, l'AFAFE offre la possibilité d'intervenir à grande échelle sur les milieux aquatiques, les continuités écologiques et les zones humides, en articulation avec les enjeux agricoles locaux.

Plusieurs départements ont engagé depuis 2017 des opérations d'AFAFE ciblant notamment la reconquête de la qualité de l'eau brute. Ces projets de plusieurs milliers d'hectares s'inscrivent dans une logique territoriale ambitieuse, soutenus par les agences de l'eau et complémentaires des interventions portées par les structures en charge de la compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations).

Loin de constituer une simple réforme du remembrement agricole, l'AFAFE réinvente l'aménagement foncier rural, en liant soutien à l'activité agricole, protection de l'environnement et cohérence territoriale. Cependant, cette évolution n'a pas été pleinement traduite dans le droit en vigueur.

En effet, depuis l'entrée en vigueur de la loi biodiversité, aucune modification du livre Ier du code rural et de la pêche maritime n'est intervenue pour permettre l'adaptation des outils juridiques à la nouvelle ambition environnementale portée par l'AFAFE. En particulier, les modalités de maîtrise d'ouvrage des travaux connexes restent inadaptées.

Aujourd'hui, en vertu de l'article L. 133-2 du code rural et de la pêche maritime, deux options sont possibles :

- soit la création d'une association regroupant tous les propriétaires concernés - une solution souvent impraticable au vu du nombre de parties prenantes et des risques de contentieux ;

- soit une maîtrise d'ouvrage assurée par la commune, ce qui suppose un autofinancement d'au moins 20 % en vertu de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales - une charge financière difficilement soutenable, les opérations d'AFAFE excédant souvent plusieurs millions d'euros.

Ce verrou juridique limite considérablement le déploiement des AFAFE, en plaçant une charge excessive sur les communes rurales, pourtant les premières concernées par les enjeux de transition écologique et de structuration de l'espace agricole.

C'est pourquoi la présente proposition de loi envisage dans son article 1er de modifier l'article L. 133-2 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) afin de permettre aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de se porter maîtres d'ouvrage des travaux connexes d'aménagement foncier.

La nouvelle rédaction proposée permettrait :

- d'élargir la liste des maîtres d'ouvrage possibles sans dessaisir les communes, dont l'adhésion reste un préalable au lancement des opérations ;

- de s'appuyer sur les compétences des départements, déjà responsables de l'aménagement foncier, et sur celles des EPCI investis dans la GEMAPI ;

- d'éviter que le défaut de financement ou de capacité administrative d'une commune n'empêche la réalisation d'un projet à fort enjeu territorial et environnemental.

L'article 2 du texte propose d'intégrer un ou plusieurs représentants des établissements publics de coopération intercommunale concernés, au sein des commissions communales ou intercommunales d'aménagement foncier (CCAF/CIAF).

Par ailleurs, alors que le code de l'environnement prévoit explicitement que les EPCI donnent leur avis sur tout projet soumis à enquête publique en application de ses articles L. 123-1 et suivants, le CRPM ne prévoit, à ce jour, que la consultation des conseils municipaux tout au long de la procédure d'AFAFE. Aussi, dans un souci de cohérence institutionnelle et d'efficacité territoriale, il apparaît pertinent d'associer plus étroitement les EPCI aux opérations d'aménagement foncier, en particulier lorsque celles-ci visent expressément à améliorer la qualité de l'eau brute et à restaurer les milieux aquatiques, objectifs qui relèvent directement de leurs compétences, notamment dans le cadre de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations.

Enfin, l'article 3 vise à modifier les articles L. 123-27 à L. 123-31 du code rural et de la pêche maritime, qui permettent d'attribuer à la commune certains terrains nécessaires à la réalisation ultérieure de projets d'intérêt communal ou intercommunal.

Toutefois, cette possibilité gagnerait à être clarifiée et élargie. Compte tenu du rôle croissant des établissements publics de coopération intercommunale, notamment dans le cadre de leur compétence GEMAPI, il serait pertinent de préciser explicitement que ces terrains peuvent être attribués, non seulement à la commune, mais également à l'EPCI compétent.

En cohérence avec l'esprit de ces textes, la présente proposition de loi participe d'un même objectif : offrir aux territoires ruraux les moyens juridiques et financiers de conduire des opérations d'envergure, articulant développement agricole, transition écologique et cohésion territoriale.

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