EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plus de vingt ans et la consécration de la Charte de l'environnement qui rassemble au niveau constitutionnel les droits reconnus à l'homme dans ses relations avec la nature, de nombreuses reconnaissances juridiques sont intervenues à travers le monde, afin de renforcer la protection d'écosystèmes menacés.

Parmi elles, de nombreuses déclarations visent à reconnaître la qualité de sujet de droit à la Nature et aux éléments qui la composent1(*), à l'image de la reconnaissance des droits de la Nature, la « Pachamama », par l'Équateur dans sa Constitution en 2008.

En Europe, l'Espagne a quant à elle reconnu des droits à un élément naturel, la lagune de la Mar Menor, en 20222(*).

En droit français, où la summa divisio entre les personnes et les choses domine encore, la reconnaissance des droits de la nature est très limitée et se concentre sur quelques prérogatives reconnues ponctuellement à quelques éléments naturels, tels que les parcs naturels.

À l'origine de ces consécrations nationales et internationales, ces initiatives naissent pour la plupart de mobilisations locales autour d'écosystèmes en danger, comme aujourd'hui la vallée du Ciron. D'autres mobilisations girondines visent par ailleurs à renforcer les droits de la nature, comme celle visant à protéger la Garonne. Partout sur le territoire français, ces mobilisations donnent lieu à d'intéressants débats autour de la personnalité juridique.

Cette proposition de loi vise à porter ces débats devant le Parlement, dans la perspective de se doter d'outils constitutionnels renforcés, en prenant acte des limites du cadre actuel.

L'échec du projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l'environnement3(*), présenté par le Président de la République à la suite de la recommandation de la Convention citoyenne pour le climat, n'a pas éteint le désir de voir les droits humains environnementaux et les droits de la nature mieux reconnus dans l'ordre juridique français et devant les tribunaux.

Malgré le retour en force des questions sociales et fiscales dans le débat public, le renforcement des moyens juridiques destinés à améliorer la protection et la restauration de l'environnement reste un sujet de préoccupation constant des Français, comme l'a montré l'inédite mobilisation contre la loi dite « Duplomb », à l'été 2025.

Une actualisation se justifie d'autant plus que, comme le soulignent les constitutionnalistes Marie-Anne Cohendet et Marine Fleury4(*), « vingt ans après son entrée en vigueur, au regard de son application, on peine toujours à identifier les obligations positives qui pèsent sur le législateur pour concrétiser les droits, principes et obligations énoncés souvent très explicitement par la Charte ».

Malgré quelques applications médiatisées, comme dans la décision du 7 août 2025 relative à la loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, dite « loi Duplomb5(*) », la mise en oeuvre de la Charte par le juge constitutionnel reste limitée.

L'article unique de la proposition de loi constitutionnelle vise donc à consacrer les droits de la nature, aux côtés des droits humains de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Il vise également à corriger les mentions, au sein de la Charte de l'environnement, qui l'empêchent d'avoir la portée attendue. Il supprime ainsi les mentions qui conditionnent la mise en oeuvre des dispositions prévues dans la Charte à l'existence de lois organisant les conditions de mise en oeuvre, ou prévoyant des limitations législatives, qui affaiblissent leur portée et les capacités interprétatives du Conseil constitutionnel6(*). Il prévoit enfin de supprimer de l'article 6 de la Charte la conciliation de la protection et la mise en valeur de l'environnement avec le développement économique et le progrès social. Il s'agit de souligner au contraire que la reconnaissance de droits de la nature participe au progrès social et au développement de nouvelles activités économiques : opposer ces objectifs à la protection de l'environnement, reconnue comme objectif de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel7(*) dans le corps même de la Charte, est dépourvu de sens.

* 1 Voir la synthèse des initiatives publiée par l'AFD : https://agirpourlevivant.fr/residences-de-travail-2024/droits-de-la-nature/

* 2 https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/21/maria-teresa-vincente-gimenez-la-loi-sur-la-mar-menor-montre-qu-accorder-une-personnalite-juridique-a-un-ecosysteme-en-europe-est-possible_6146748_3232.html

* 3  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3787_projet-loi#

* 4  https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/la-charte-a-20-ans-un-grand-potentiel-a-valoriser

* https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/2025891DC.htm

* 6  https://blog.bio-ressources.com/2023/12/19/faut-il-modifier-la-charte-de-lenvironnement/#:~:text=L'insuffisance%20des%20droits%20reconnus,équilibré%20à%20l'article%201er

* 7  https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2019823QPC.htm

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