EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Comme beaucoup de pays dans le monde, la France est confrontée à un problème de santé publique croissant : l'obésité. Ce fléau, aux répercussions multiples, tant physiques que psychologiques, touche déjà plus d'un milliard d'individus sur Terre selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), et il est devenu la 5ème cause de mortalité dans le monde. Au rythme de progression actuelle, une personne sur cinq sera obèse en 2030. En France, en 2023, 17 % des adultes étaient obèses, soit environ 8,5 millions de personnes. Ce taux a doublé entre 1997 et 2023.

Les causes du surpoids et de l'obésité sont multiples. Les principales sont la réduction importante de l'activité physique, l'évolution profonde des rythmes de vie et surtout la transformation des habitudes alimentaires. On parle d'environnement « obésogène », c'est-à-dire un environnement qui associe plusieurs facteurs incitant à la consommation d'aliments peu sains et à un mode de vie sédentaire.

Parmi ces facteurs figurent le développement de la restauration rapide, dont l'offre incite, dans une très grande majorité des cas, à la consommation de produits gras, sucrés et salés. Entre 2015 et 2023, ce secteur a connu une croissance annuelle moyenne d'environ 9,53 %. Le marché de la restauration rapide a ainsi presque doublé sur cette période. Plus de 55 % des repas consommés hors domicile relèvent désormais de la restauration rapide. Ce segment dépasse ainsi la restauration traditionnelle en volume et en fréquence d'achat, avec plus de 2,2 milliards de repas servis sur l'année.

Afin de lutter contre l'obésité, il est à la fois nécessaire d'adopter des mesures préventives (campagnes de publicité à la télévision, dans les écoles... en faveur d'une alimentation saine) mais aussi de développer un volet plus contraignant visant notamment à maîtriser le nombre et l'emplacement des enseignes des chaînes de restauration rapide. Tel est l'objet de cette proposition de loi, qui vise ainsi à concilier la protection de la santé publique avec la liberté d'entreprendre.

1. La protection de la santé publique peut justifier des restrictions à la liberté d'entreprendre

Les activités de restauration relèvent de la liberté d'entreprendre, principe à valeur constitutionnelle qui ne revêt toutefois pas un caractère absolu puisque le législateur peut y apporter des restrictions proportionnées, justifiées par un objectif d'intérêt général, tel que celui de la protection de la santé publique.

Tel est notamment le cas en matière de débits de boissons. Le livre III de la troisième partie de la partie législative du code de la santé publique, relatif à la lutte contre l'alcoolisme, fixe un régime de quotas, limitant le nombre de licences de débits de boissons pouvant être délivrées en fonction de la population communale.

En outre, en vertu de son pouvoir de police administrative générale, le maire peut réguler ou encadrer l'implantation de certaines activités en cas de trouble à l'ordre public, au travers de mesures proportionnées (les interdictions générales ou absolues étant en principe interdites).

Certains outils d'urbanisme (zonage dans le plan local d'urbanisme, préemption de fonds de commerce pour diversifier l'offre) peuvent également contribuer - de manière indirecte - à la régulation des différentes implantations. En particulier, l'article L. 151-16 du code de l'urbanisme prévoit que le règlement du plan local d'urbanisme (PLU) peut « identifier et délimiter les quartiers, îlots et voies dans lesquels est préservée ou développée la diversité commerciale, notamment à travers les commerces de détail et de proximité, et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer cet objectif. Il peut également délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels la préservation ou le développement d'infrastructures et d'équipements logistiques est nécessaire et définir, le cas échéant, la nature de ces équipements ainsi que les prescriptions permettant d'assurer cet objectif ».

Ainsi, le tribunal administratif de Versailles a pu juger légale l'interdiction pour des motifs d'urbanisme d'exercice de certaines activités économiques dans une zone sans porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, sous réserve que cette interdiction, selon la formule classique, ne soit ni générale, ni absolue (TA Versailles, 2008, Sté Immo-concept, n° 0707895).

En l'état actuel du droit, un maire ne peut toutefois pas légalement imposer de moratoire sur l'implantation d'établissements de restauration rapide dans sa commune sur des fondements tenant à la santé nutritionnelle ou à la protection des circuits courts. Aussi est-il nécessaire de faire évoluer la loi.

2. La nécessité de concilier protection de la santé publique et liberté d'entreprendre tout en respectant le principe constitutionnel d'égalité

Une évolution législative permettant de limiter l'implantation des établissements de restauration rapide devrait impérativement concilier l'objectif de protection de la santé publique avec la liberté d'entreprendre, tout en respectant le principe constitutionnel d'égalité, qui, selon la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982, « ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ».

La lutte contre l'obésité et la promotion d'une alimentation équilibrée relèvent du livre II bis de la troisième partie de la partie législative du code de la santé publique. Ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de la politique nationale de nutrition et de santé, qui vise à promouvoir l'équilibre alimentaire. La protection de la santé publique ainsi que la promotion des circuits courts sont des objectifs d'intérêt général pouvant justifier des restrictions proportionnées à la liberté du commerce.

Pour ne pas créer de rupture d'égalité devant la loi entre restauration traditionnelle et restauration rapide, il importe notamment de démontrer que les enseignes de restauration rapide contribuent plus fortement à l'obésité et nuisent davantage à la santé publique.

Or, plusieurs études récentes font état d'une corrélation étroite entre l'implantation d'un établissement de restauration rapide et l'incidence de l'obésité, en particulier chez les plus jeunes. Comme le soulignait le rapport « Surpoids et obésité, l'autre pandémie » publié par la commission des affaires sociales du Sénat, une étude de 2010 montre par exemple qu'en Californie, la proximité d'un fast-food à moins de 0,1 mile (161 mètres) d'une école augmente l'incidence de l'obésité chez les enfants de 14-15 ans de 5,2 % en comparaison de ceux dont l'école est située à 0,25 mile (402 mètres) d'un tel restaurant. Une autre étude menée à New York établit que la probabilité d'être obèse des élèves de tous âges diminue de près de 0,6 % à chaque dixième de mile supplémentaire séparant une résidence scolaire d'un restaurant fast-food.

En outre, pour ne pas créer d'interdiction générale et absolue, il importe de ne pas cibler les établissements de restauration rapide dans leur ensemble. En effet, plusieurs enseignes de fast-foods mettent désormais en vente des menus censés respecter les valeurs nutritionnelles recommandées, et issus de produits de circuits courts. Aussi la présente proposition de loi entend-elle cibler les établissements proposant une offre alimentaire nocive pour la santé et contribuant à l'obésité.

3. Le dispositif législatif proposé

La présente proposition de loi prévoit un mécanisme de limitation quantitative des établissements de restauration sur le modèle du régime de quotas applicable aux débits de boissons.

L'article unique a pour objet d'inscrire, au sein du livre II bis de la troisième partie de la partie législative du code de la santé publique, relatif à la lutte contre les troubles du comportement alimentaire, un nouvel article L. 3232-2-1 interdisant l'implantation d'une nouvelle enseigne de restauration de type rapide dont la majorité des menus ne respecterait pas les recommandations en matière nutritionnelle du programme national relatif à la nutrition et à la santé, défini à l'article L. 3231-1 du code de la santé publique.

Le ratio maximum d'un fast-food pour 450 habitants est ici proposé : il s'agit du même seuil que celui retenu pour les débits de boissons.

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