EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi organique modifie l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ainsi que la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.

En premier lieu, le recours, prévu à titre expérimental par la loi organique n° 2021-1728 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, aux avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles pour composer la formation de jugement des cours criminelles départementales a permis d'apporter une réponse supplémentaire au besoin d'assesseurs en matière criminelle.

Aussi, afin de remédier à l'engorgement des juridictions criminelles, il est fait le choix de généraliser cette possibilité afin de renforcer rapidement la capacité de jugement des cours criminelles départementales, tout en maintenant la qualité de la justice rendue.

La présence d'un avocat honoraire dans la composition de jugement vise également à restaurer la confiance de nos concitoyens dans la justice. Cette ouverture supplémentaire de la composition des formations de jugement des crimes conforte le sentiment que la justice mêle de nombreuses expériences professionnelles, spécialement celles garantissant une expertise particulière des droits de la défense.

En deuxième lieu, la présente proposition de loi organique permet la mise en conformité de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée avec la Constitution en introduisant la notification d'un droit de se taire au magistrat contre lequel une procédure disciplinaire est engagée et qui est amené à s'exprimer, à l'oral comme à l'écrit, sur les manquements reprochés devant la commission d'admission des requêtes, le rapporteur ou un magistrat désigné par lui et la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature.

En dernier lieu, la présente proposition de loi organique prolonge l'expérimentation du premier concours spécial, de façon harmonisée avec le dispositif d'expérimentation favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public.

L'article 1er inscrit de manière pérenne, dans l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, la compétence des avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles pour exercer les fonctions d'assesseur dans les cours criminelles départementales.

Dans son , cet article complète ainsi les dispositions de l'article 41-10 A pour prévoir que la cour criminelle départementale ne peut comprendre plus de deux assesseurs choisis parmi les magistrats exerçant à titre temporaire, les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui impose que les juges non professionnels soient minoritaires dans une formation collégiale.

Dans son , il insère après l'article 41-32, au sein de la section II du chapitre V bis, une sous-section consacrée au statut des avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles. Ceux-ci seront régis par les nouveaux articles 41-33 à 41-37 de l'ordonnance.

Ces dispositions prévoient que seuls les avocats honoraires peuvent être nommés pour exercer les fonctions d'assesseur dans les cours criminelles départementales, sous réserve notamment de ne pas avoir exercé la profession d'avocat depuis au moins cinq ans dans le ressort de la cour d'appel à laquelle ils sont affectés. Cette restriction permet, d'une part, de garantir un niveau de compétence certain, dès lors que pour pouvoir se prévaloir de l'honorariat les avocats doivent avoir exercé durant vingt années, et, d'autre part, de prévenir les conflits d'intérêts et de garantir l'indépendance et l'impartialité de cet assesseur.

Les avocats honoraires ainsi recrutés sont nommés pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, dans les formes prévues à l'article 28. Le renouvellement est accordé de droit dans les formes prévues au même article 28. Il est de droit dans le ressort de la même cour d'appel.

Ils suivent une formation préalable à leur prise de fonctions, organisée par l'École nationale de la magistrature. Un décret en Conseil d'État viendra déterminer les conditions de dépôt et d'instruction des dossiers de candidature, ainsi que les modalités d'organisation et d'indemnisation de la formation et sa durée.

Préalablement à leur entrée en fonctions, ils prêtent serment dans les conditions prévues à l'article 6 de l'ordonnance statutaire.

Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles sont soumis au statut des magistrats, conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, afin d'être astreints aux mêmes droits et obligations que les magistrats professionnels.

Le caractère temporaire et partiel des fonctions qu'ils exercent justifie cependant des adaptations. Les dispositions indiquent ainsi que ces juges non professionnels ne peuvent recevoir aucun avancement de grade ni être mutés sans leur consentement. Elles précisent également les activités incompatibles avec l'exercice des fonctions d'avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, les conditions de la remise de leur déclaration d'intérêts et les conditions d'une action disciplinaire à leur égard.

Un décret en Conseil d'État précisera les conditions de la rémunération des avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles.

Les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ne peuvent demeurer en fonctions au-delà de l'âge de soixante-quinze ans, à l'instar des autres juges non professionnels, et il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'à leur demande ou dans le cas où aurait été prononcée à leur encontre, à titre de sanction disciplinaire, la fin des fonctions.

Durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions judiciaires, ces avocats honoraires sont tenus de s'abstenir de toute prise de position publique en relation avec les fonctions judiciaires qu'ils ont exercées.

Dans son , l'article 1er tire les conséquences de la décision QPC n° 2024-1097 du Conseil constitutionnel en date du 26 juin 2024, qui a considéré que les articles 52 et 56 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature contrevenaient au principe issu de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire.

En effet, le droit de se taire s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Il implique que le professionnel faisant l'objet de poursuites disciplinaires ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire.

Ainsi, il est inséré un article 43-1 à l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précité qui prévoit la notification du droit de se taire préalablement à toute audition ou au recueil des observations orales ou écrites réalisés dans le cadre du chapitre consacré à la discipline des magistrats. Cet article permet d'envisager toutes les hypothèses dans lesquelles un magistrat mis en cause est susceptible de s'exprimer, y compris dans le cadre de la délivrance d'un avertissement ou devant la commission d'admission des requêtes du Conseil supérieur de la magistrature.

Enfin, dans son , l'article 1er complète l'article 56 de l'ordonnance précitée, laissé pendant depuis l'abrogation des dispositions querellées devant le Conseil constitutionnel.

Ces modifications ont vocation à mettre en conformité l'ordonnance précitée avec la Constitution et à garantir de manière efficiente les droits de la défense de tout magistrat susceptible de faire l'objet de poursuites disciplinaires.

L'article 2 prolonge jusqu'au 31 décembre 2028 l'expérimentation du premier concours spécial, à l'instar de la prorogation de l'expérimentation favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public. La prolongation de cette expérimentation permettra de disposer du recul nécessaire à l'évaluation et à la pertinence de ce dispositif.

Afin de favoriser la diversité des profils des lauréats du premier concours de recrutement des auditeurs de justice et d'ouvrir la magistrature à des profils différents, l'expérimentation du premier concours spécial pour le recrutement d'auditeurs de justice au profit des élèves des classes « Prépas Talents » sera prolongée.

L'École nationale de la magistrature s'alignera donc sur les autres grandes écoles de service public, avec lesquelles elle partage d'ores et déjà un tronc commun de formation et qui expérimentent une telle voie d'accès depuis 2021 jusqu'en décembre 2028.

L'article 3 détermine les conditions d'entrée en vigueur et les dispositions transitoires.

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