EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La gestion de la crise sanitaire a régulièrement fait émerger la problématique du poids de la bureaucratie et des normes dans les débats, en particulier après qu'un allemand a renommé la France « Absurdistan ». La simplification aurait dû constituer un thème majeur de la campagne présidentielle, or force est de constater que ce sujet fut à peine évoqué.

Plusieurs initiatives, y compris législatives, ont bien tenté de procéder à un allègement du « stock » normatif avec un succès mitigé. Chaque année, ce sont donc en moyenne près de 89 000 articles de loi et plus de 242 000 articles de règlements qui viennent grossir les rangs normatifs.

C'est dans ce contexte inflationniste que M. Bruno LASSERRE, vice-président du Conseil d'État a fait le constat d'une « crise de la norme », lors de son audition par la délégation aux collectivités territoriales. La multiplication des normes au sens large, par surcroît de plus en plus détaillées, conduit à une hypernormalisation de notre société qui ne parvient pas pour autant à résoudre les problèmes auxquels elle s'attaque. Pire, la norme est parfois une source de ralentissement de l'initiative économique ou de complication de la vie quotidienne de nos concitoyens.

C'est pourquoi, la présente proposition de résolution invite le Sénat à se saisir de ce défi majeur. Il s'agit, avec ce texte, d'affirmer sa volonté de développer une véritable culture de la simplification normative dans notre pays. Les auteurs plaident concrètement pour que le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) soit renforcé afin d'en faire un organe charnière inspiré du Nationaler Normenkontrollrat (NKR) allemand.

Instauré par la loi n° 2013-921 du 17 octobre 2013, le CNEN est le lieu de dialogue privilégié entre les collectivités et les administrations centrales. Il est en effet « chargé d'évaluer les normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics » selon l'article L. 1212-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Le législateur a souhaité que le CNEN s'attache à l'impératif de concertation et de co-élaboration des normes applicables aux collectivités. Compte tenu sa mission, son rattachement au ministère chargé des collectivités territoriales restreint toutefois considérablement tant le champ que la portée de son action.

Pour s'en convaincre, les missions et les moyens embryonnaires du CNEN peuvent être comparés avec celles et ceux du NKR allemand chargé de conseiller le Gouvernement fédéral dans son objectif de « mieux légiférer », selon ses propres termes, et de veiller à la qualité des études d'impact des projets de réglementation. À cette fin, le NKR bénéficie du soutien permanent de l'Office Fédéral de la Statistique dans ses missions de quantification des coûts de mise en conformitéì de la norme. Grâce à cette alliance fructueuse, dès l'année 2011, le NKR a permis une réduction de 25 % des coûts administratifs, représentant alors plus de 12 milliards d'euros d'économie.

Ce dernier bénéficie également d'un rôle de coordinateur des différents acteurs de la politique de simplification normative. Les ministères participent notamment aÌ l'effort de rationalisation de la norme en engageant des simplifications dans son propre ressort en supprimant les dispositions sans objet ou simplifiant les normes trop complexes.

Ainsi, le rôle central conféré au NKR contribue à faire de la politique de l'État fédéral Allemand une référence en matière d'étude des coûts de mise en conformité, incluant notamment les coûts bureaucratiques, ainsi que dans l'application de la règle du « one in, one out » - une norme supprimée pour une norme produite.

Eu égard à ces résultats positifs, la France gagnerait à s'inspirer de l'organisation allemande tout en confortant le processus d'évaluation de la norme qui doit être effectuée à l'aune de son utilité, de son efficacité et de sa proportionnalité.

Pour y parvenir, le renforcement du CNEN est la première étape.

Afin de garantir la transversalité de son action, il devra être rattaché aux services du Premier ministre, complété par la désignation dans chaque ministère d'un interlocuteur attaché à la politique de simplification.

En outre, la mise en place d'une collaboration étroite et permanente avec l'Institut national de la statistique et des études économiques assurera le pilotage statistique et économique de la politique d'évaluation. En effet, comme le souligne le rapport « Rationaliser et Évaluer les normes : Regards croisés franco-allemands (2021) » , les missions de collecte de production, d'analyse et de diffusion des informations économiques et sociétales, seraient utiles à l'évaluation des coûts de la règlementation, tant à l'échelle du flux qu'à celle du stock.

L'annexion systématique de l'avis du CNEN aux projets de lois apportera également un éclairage permettant au législateur de « mieux légiférer ».

Telles sont les préconisations de la présente proposition de résolution.

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