EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la prise de Kaboul par les talibans en août 2021, un silence coupable accompagne en Afghanistan la mise en place du régime le plus brutal envers les femmes qu'ait connu le XXI? siècle.

Sous couvert d'ordre moral et religieux, les talibans ont instauré une persécution fondée sur un motif sexiste totale, fondée sur la négation du féminin et la disparition programmée des femmes de la vie publique.

Ne plus étudier. Ne plus travailler. Ne plus chanter. Ne plus marcher seules. Ne plus parler en public. Ne plus exister.

Les décrets s'enchaînent : interdiction de l'enseignement secondaire et universitaire pour les filles, interdiction de travailler dans la plupart des secteurs, obligation du mahram (accompagnateur masculin) pour tout déplacement, interdiction de fréquenter les parcs publics, les salles de sport, les hammams. En décembre 2022, l'interdiction de travailler est étendue aux ONG. En 2024, la voix des femmes est déclarée awra (partie intime devant être dissimulée). Les humiliations se banalisent, et la communauté internationale regarde ailleurs.

L'Afghanistan est devenu un tombeau pour les libertés, où la moitié de la population est privée de ses droits fondamentaux.

Cette tragédie n'est pas seulement le fruit du fanatisme. Elle est aussi celui de vingt ans d'engagement international interrompu brutalement. Deux mille milliards de dollars dépensés, des milliers de vies sacrifiées, pour aboutir à un pays plus opprimé qu'en 2001. Nous avons abandonné nos alliés, nos traductrices, nos professeures, nos amies afghanes. Nous leur avions promis la liberté : nous les avons laissées à la servitude.

La communauté internationale se réfugie désormais derrière des euphémismes. Les capitales occidentales "expriment leur préoccupation", mais certaines maintiennent des canaux diplomatiques. Plusieurs États reconnaissent déjà de facto le régime taliban. Cette normalisation rampante d'un système d'oppression systématique constitue une trahison morale et politique.

Il faut dire les choses : l'Afghanistan n'est pas gouverné par un pouvoir légitime, mais par un régime qui bafoue les droits humains les plus élémentaires. Les femmes y sont exclues, punies, effacées, réduites au silence par décret. C'est la définition même d'une persécution fondée sur un motif sexiste, appliquée systématiquement à un genre.

L'ONU, Amnesty International et Human Rights Watch ont documenté ce système de ségrégation totale. Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan a qualifié cette situation de persécution fondée sur un motif sexiste. Il est temps que la France prenne la tête du combat pour que cette persécution fondée sur un motif sexiste soit reconnue en droit international comme crime contre l'humanité.

L'Afghanistan d'aujourd'hui est le reflet d'un renoncement collectif. Chaque jour de silence de la communauté internationale laisse mourir dans l'indifférence les droits et les espoirs d'une génération entière de femmes afghanes.

Nous ne pouvons plus nous contenter d'exprimer notre consternation : il faut agir. Le droit international doit évoluer pour reconnaître et sanctionner cette forme contemporaine de persécution.

Le Sénat, par cette résolution, rompt le silence, nomme l'oppression systématique et place la France résolument du côté de celles qu'on veut faire disparaître. Il proclame que cette persécution fondée sur un motif sexiste doit être reconnue comme un crime contre l'humanité et qu'elle ne sera jamais tolérée ni oubliée.

La France doit être à la pointe de ce combat pour le droit, la dignité et la liberté.

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