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N° 211

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 février 1996.

PROPOSITION DE LOI

tendant à renforcer les droits sociaux des jeunes gens accomplissant leur service national,

PRÉSENTÉE

Par M. Michel DREYFUS-SCHMIDT et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2) ,

Sénateurs.

Ce groupe est composé de : MM. Guy Allouche, François Autain, Germain Authié, Robert Badinter, Mmes Monique Ben Guiga, Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Jacques Bialski, Pierre Biarnès, Marcel Bony, Jean-Louis Carrère, Robert Castaing, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Marcel Charmant, Michel Charzat, William Chervy, Raymond Courrière, Roland Courteau, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Gérard Delfau, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Léon Fatous, Aubert Garcia, Gérard Gaud, Claude Haut, Roland Huguet, Philippe Labeyrie, Guy Lèguevaques, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Michel Manet, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Georges Mazars, Jean-Luc Mélenchon, Charles Metzinger, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Jean-Claude Peyronnet, Louis Philibert, Mme Danièle Pourtaud, MM. Claude Pradille, Roger Quilliot, Paul Raoult, René Régnault, Alain Richard, Roger Rinchet, Michel Rocard, Gérard Roujas, René Rouquet, André Rouvière, Claude Saunier, Michel Sergent, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Fernand Tardy, André Vézinhet, Marcel Vidal, Henri Weber.

Apparentés : MM. Rodolphe Désiré, Dominique Larifla, Claude Lise.

(Renvoyée à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Service national. - Contrat de travail - Assurance vieillesse - Code de la sécurité sociale - Code du travail.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'obligation d'accomplir le service national, qui s'impose à tous les jeunes Français, n'est que très imparfaitement prise en compte par notre législation sociale.

Il en est ainsi, tout d'abord, en matière de droit du travail.

L'appelé qui, ayant eu la chance de trouver - difficilement, le plus souvent - un emploi et qui quitte son entreprise pour remplir son devoir civique voit son contrat de travail résilié.

Certes, les articles L. 122-18 à L. 122-20 du code du travail lui donnent, en principe, un droit à réintégration pour peu qu'il en fasse la demande. Mais ce droit s'exerce « à moins que l'emploi occupé par lui ou un emploi ressortissant à la même catégorie professionnelle que le sien ait été supprimé ».

L'employeur peut donc justifier son refus de réembaucher en faisant valoir que le poste laissé vacant n'existe plus. Et dans cette hypothèse, le contrat de travail se trouvant rompu, il n'aura ni à respecter le préavis, ni à verser l'indemnité de licenciement.

Ce dispositif, issu d'une législation datant de plus de quarante ans (loi n° 49-1092 du 2 août 1949) paraît d'autant plus dépassé que le code du travail considère aujourd'hui bien d'autres absences du salarié comme des périodes de simple suspension du contrat de travail.

Il en est ainsi, en particulier, du congé de maternité, du congé parental d'éducation et même du congé sabbatique qui est pourtant un congé de pure convenance personnelle et dure de sept à onze mois.

Les partenaires sociaux ont d'ailleurs choisi, dans bien des secteurs d'activité, de combler ce retard de notre législation. Le ministère du travail, répondant il y a quelques années à une question écrite sur ce point, indiquait que, d'après une étude d'octobre 1988, soixante-quinze conventions collectives nationales sur cent trente-quatre comportaient des clauses selon lesquelles l'accomplissement du service national par un salarié valait seulement suspension du contrat de travail.

Il vous est proposé de généraliser et d'inscrire dans la loi cette évolution en supprimant les articles L. 122-18 à L. 122-20 du code du travail et en étendant à l'accomplissement du service national classique le régime déjà appliqué par l'article L. 122-21 aux périodes de service préparatoire, d'appel en temps de guerre ou de « rappel au service national à un titre quelconque » : celui de la simple suspension du contrat.

Il est en outre précisé, à l'article L. 122-23 - dont l'actuelle rédaction n'est plus à jour et soulève certains problèmes d'interprétation -, que la violation de ces dispositions ouvre droit aux indemnités pour licenciement abusif ou irrégulier prévues par les articles L. 122-14-4 et 5 du code du travail.

Une autre et importante lacune de la législation, s'agissant des droits des jeunes appelés au service national, concerne l'assurance vieillesse.

Actuellement, en vertu de l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale, les périodes de service national légal effectuées en temps de paix ne peuvent être prises en considération pour l'ouverture du droit et le calcul de la pension de vieillesse du régime général que si les intéressés avaient, antérieurement à leur appel sous les drapeaux, la qualité d'« assuré » de ce régime.

Une différence de traitement importante et difficilement justifiable est ainsi faite entre les jeunes appelés qui ont déjà travaillé et cotisé pour la retraite - fût-ce de façon minime - et bénéficient de la validation gratuite de leur période de service national, et ceux qui accomplissent leur service militaire avant tout commencement de vie active et n'ont pas droit à cette validation.

Cette différence de traitement, qui pénalise au premier chef les jeunes gens qui accomplissent le service national à l'âge minimum légal de dix-huit ans et n'ont pas encore eu, bien souvent, l'occasion de travailler, est d'autant plus mal ressentie par les intéressés qu'il faut maintenant quarante annuités de cotisation pour avoir droit à la retraite à taux plein du régime général.

Il vous est donc proposé de mettre fin à cette anomalie et de modifier l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale en prévoyant que tout « assuré », même s'il n'a acquis cette qualité que postérieurement à son incorporation, bénéficie de la validation gratuite de sa période de service national.

Tel est le double objet de la présente proposition de loi qu'il vous est demandé d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article premier.

I. - Les articles L. 122-18 à L. 122-20 du code du travail sont abrogés.

II. - L'article L. 122-21 du code du travail est rédigé comme suit :

« Art. L. 122-21. - Si un employeur, un salarié ou un apprenti se trouve astreint aux obligations imposées par le service préparatoire, ou s'il se trouve appelé, maintenu ou appelé au service national à un titre quelconque, le contrat de travail ou d'apprentissage ne peut être rompu de ce fait et il est seulement suspendu. »

III. - L'article L. 122-23 du code du travail est rédigé comme suit :

« Art. L. 122-23. - En cas de violation des dispositions de la présente section, la partie lésée a droit à des dommages-intérêts qui sont fixés par le juge, conformément aux indications des articles L. 122-14-4 et L. 122-14-5.»

Art. 2.

Le cinquième alinéa de l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale est rédigé comme suit :

« 4° Les périodes pendant lesquelles l'assuré, même s'il n'a acquis cette qualité que postérieurement, a effectué son service national légal ou a été présent sous les drapeaux par suite de mobilisation ou comme volontaire en temps de guerre. »

Art. 3.

Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application de la présente loi.

Art. 4.

Les charges entraînées par l'application de la présente loi sont couvertes par une augmentation à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 574 A du code général des impôts.

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